Esprit d’entreprise et croyances chrétiennes des afro-descendants en Haïti

Dans les sociétés pauvres comme dans les sociétés riches, le développement socioéconomique parait résulter d’un ensemble de facteurs. Il s’avère alors important de comprendre à la fois l’évolution sociale et la capacité individuelle de création d’entreprise. C’est pourquoi la considération de l’entrepreneur a été intégrée de manière centrale dans l’analyse. Cela rejoint l’idée que la création d’entreprise est perçue comme une voie prioritaire pour comprendre le rôle que doit jouer l’homme capitaliste afrodescendant dans la société haïtienne.

Depuis longtemps, nous observons dans la société haïtienne une énorme difficulté à sortir du phénomène du sous-développement. C’est donc à partir de ces réalités observables qu’est né le désir d’une contribution scientifique par le biais de la compréhension de l’évolution de l’entrepreneuriat. C’est une problématique centrale dans laquelle peut s’inscrire l’intérêt de chacun, de l’individu aux institutions religieuses, scolaires et étatiques. Ce qui a été étudié prioritairement renvoie aux conséquences que les facteurs de la croyance religieuse et de l’instruction éducative ont sur les pratiques économiques. Il convient donc de montrer ces liens qui unissent les composantes de la société sur la base du développement entrepreneurial.

La principale explication du changement semble porter sur le rôle que joue la croyance religieuse. Elle s’avère être le facteur le plus puissant, dont est tributaire la capacité individuelle de création de richesses. D’une part, il y a instrumentalisation probable du religieux par des leaders et des institutions. Car le religieux a ici la force que l’on accorde à la transmission des valeurs au nom de Dieu. D’autre part, on constate la perpétuation d’une représentation mentale négative de ce qui est intramondain par la plupart des croyants en Haïti, dès qu’il est question de création d’entreprise ou d’accès au bien matériel. De ce double effet, il est possible de comprendre le lien qui a été tissé entre développement économique et transmission des connaissances et des croyances.

DE LA THÉORIE WEBERIENNE A L’ENQUÊTE SOCIOLOGIQUE EN HAÏTI

Un cadre théorique weberien

Fondement scientifique de la recherche : 

Selon Weber, si le capitalisme n’a pas apporté le bonheur à l’homme, il a néanmoins contribué à créer l’homme capitaliste moderne. Cela est perceptible dans tout ce qu’il a de particulier et de différent par rapport aux autres morphologies socioéconomiques antérieures. De ce fait, la singularité de l’esprit capitaliste, au sens weberien, et de son impact sur l’homme noir, est ce qui est primordial dans ce travail. On pourrait se limiter à étudier le lien entre la représentation mentale de l’accès à la possession individuelle des biens matériels et la fonction de la religion en ce qui a trait à la création du dynamisme entrepreneurial. Cependant, la sphère d’influence de sources diversifiées tant sur le plan social qu’en matière de subjectivité étant dotée d’une importance capitale pour le cadre analytique, on ne peut se limiter qu’ à ce seul facteur. L’action humaine est, dans ce cas de figure, ce qui est déterminant dans l’action de création d’entreprise, de la gestation idéelle à la concrétisation du rêve. Il faudra donc comprendre que la singularité des comportements du croyant afrodescendant francophone n’est pas sans rapport avec le passé historique de déshumanisation dû à l’esclavage, auquel ont contribué les religions. Ainsi, on soutiendra que toutes les attitudes de blocage, de handicap en ce qui a trait à l’action économique de l’afrodescendant, particulièrement dans ses rapports au monde en tant qu’acteur, sont en fait le résultat à la fois de l’esclavage et de la transmission des valeurs éducatives. D’autre part, toute action positive posée est sujette au fondement de sa croyance et de sa capacité à penser le monde. C’est pourquoi on en vient à la question suivante : est-ce donc une forme de croyance religieuse ou celle d’une autre nature qui détermine la véritable attitude entrepreneuriale ? C’est, en effet, ce que la suite de l’analyse explique très largement.

Il ne s’agit pas de voir la religion comme un instrument de destruction de l’homme ni comme un instrument de construction particulière. Il parait qu’elle est les deux à la fois. C’est pourquoi il semble y avoir en théorie l’existence d’une double influence du protestantisme. D’abord l’une qui serait positive, en ce qu’elle permet le sursaut vers le succès du capitaliste chrétien. L’autre serait limitative du fait qu’elle cantonne l’afrodescendant dans une attitude d’attente indéterminée des choses de l’au-delà. Alors même que dans la théologie calviniste aussi bien que dans celle de Luther l’oisiveté est condamnée au profit de l’action sociale par le travail assidu et des efforts constants. C’est à partir de cette dimension éthique que le questionnement du comportement socioéconomique de l’afrodescendant prend tout son sens. Qu’arrive-t-il à l’entrepreneur afrodescendant qui travaille assidument, mais qui ne prospère pas autant qu’il s’est consacré au travail ? En ce sens, un élément de réponse peut apparaitre dans l’explication de la rationalité comportementale.

En m’appuyant sur la théorie weberienne, c’est la notion de discipline, en tant facteur de rationalisation des comportements, et celle de la différence culturelle en matière d’influence sociale des pratiques disciplinaires, qui orientent le cadre théorique la recherche. D’autres interrogations s’imposent également. Comment donc le protestantisme,qui est porteur de valeurs dynamisantes a-t-il été transmis aux noirs ? Quelle est donc la fonction de la discipline religieuse dans le devenir de l’homme noir dans sa quête entrepreneuriale ? Ces interrogations impliquent donc une certaine prudence. Car, dans la démonstration des effets de la puissance religieuse sur l’entrepreneur afrodescendant, il faut faire l’économie d’un jugement de valeur, en raison de l’objectif de compréhension que je me suis fixé. Il consiste à expliquer le parallélisme entre ce qui pourrait être une éducation religieuse ambivalente transmise aux noirs et les raisons de son retard et de son attitude vis-à-vis du reste du monde. De ce fait, l’analyse a dû tenir compte des aléas tels que la nature de la morphologie éducationnelle donnée à l’afrodescendant et de la représentation mentale qu’il a de lui-même et de Dieu pour comprendre son comportement. Il s’agit, en effet, de la recontextualisation de l’action sociale de l’entrepreneuriat, dont l’afrodescendant semble être l’un des types particuliers.

L’analyse tient également compte du rôle de leader et du contexte socioéconomique dans lequel la religion serait un recours qui apporterait une réponse aux besoins de nature économique et sociale. En ce sens, la perspective scientifique n’est autre que la volonté de reconstituer des conséquences telles que la dépendance socioéconomique et financière. À ce niveau, on peut prendre l’exemple des indicateurs de l’investissement, de la pauvreté, de l’indice de la résignation, du repli sur soi ou du facteur de la peur, du cantonnement dans une attitude attentiste d’une vie meilleure. Et à cela s’ajoutent, entre autres, la pérennisation de la communauté de destin partagé, l’émergence probante d’une communauté de souffrance etc. Ainsi, le point focal s’est donc orienté sur l’ensemble de ces éléments et de bien d’autres.

La perspective weberienne : 

Le cadre théorique, dans lequel s’inscrivent la problématique et les hypothèses de départ, est élaboré autour de deux disciplines : la sociologie de la religion et la sociologie de l’économie entrepreneuriale. Il s’agit, entre autres, de voir du théologique dans le sociologique. En d’autres termes, il est question de comprendre comment l’expérience individuelle de la foi s’inscrit dans l’attitude sociale de l’individu en matière de création d’entreprise.

J’aborde cette problématique dans une perspective historico-inductive. Dans le sens où, d’une part, le choix du groupe des chrétiens afrodescendants explique cette particularité. D’autres parts, du fait que l’histoire des sociétés afrodescendantes des Caraïbes et des Amériques offre à la méthode sociologique un champ immense en matière de production et de complémentarité scientifiques. En ce sens, la perspective sociologique ne peut être ici envisageable en dehors d’une science de l’action, de la créativité, de l’activité économique, du développement de la capacité entrepreneuriale de l’individu et de son rapport d’influence avec le milieu social. À ces facteurs, s’ajoute la notion de l’impact de la religion sur les différents modes de comportements. De ce fait, cette variable prend la signification d’un outil explicatif déterminant dans les rapports du croyant avec l’esprit d’entreprise économique.

Éthos religieux en milieux afrodescendants : 

L’individu que j’appelle dans l’analyse « croyant afrodescendant » est considéré, dans un premier temps, dans sa capacité à manifester de manière subjective l’appropriation de l’éthique religieuse. Selon qu’il se représente mentalement comme « prédestiné à agir dans le monde », en tant qu’élu et copropriétaire des biens de Dieu d’ici-bas. Cette dimension subjective traite de l’influence de la spiritualité sur les comportements spécifiques du croyant afro descendant sur le plan économique. Ainsi donc, elle requiert une analyse en profondeur du fait que c’est à partir du facteur subjectif, selon Weber, que l’action humaine prend sa source et sa principale signification sociale. C’est pourquoi le modèle théorique se construit de préférence sur la compréhension du monde dans le milieu social des entrepreneurs afrodescendants. Il s’agit de situer la cause qui est à l’origine, semble-t-il, du comportement humain. Il s’agit de se focaliser sur la dimension subjective, celle de la raison, que la science se donne pour mission de décrire ou d’analyser. Ainsi au regard de ce qui constitue le moteur de la recherche, à savoir les capacités d’entreprise individuelle, la véritable logique de la démarche sied dans la réalité observée. En effet, on a pu établir ce rapport de complémentarité à travers la thèse de l’éthique protestante. Car celle-ci montre bien que l’homme agit à dessein en ayant un but précis que l’autre ne perçoit pas forcément. Cependant, au cœur de cette analyse se retrouve le facteur religieux dans le sens où il aurait constitué la dimension subjective qui influe de manière décisive sur les attitudes du croyant.

Deux tendances protestantes : 

L’échantillon est représentatif du protestantisme en Haïti du fait qu’il offre deux caractéristiques particulières. La première renvoie à l’identification d’une catégorie d’afrodescendants dans laquelle on peut observer de réelles influences positives en ce qui a trait aux affaires. Et dans l’autre catégorie, on peut voir un vrai rapport aux choses et aux valeurs dites spirituelles. En ce sens, il semble qu’il y ait pour certains individus un détachement des choses intramondaines, telles que l’acquisition des biens matériels, l’augmentation de la richesse par l’investissement pour s’attacher à d’autres valeurs. C’est pourquoi l’outil de la catégorisation s’est imposé dans l’analyse, en ce qui concerne le choix de certains facteurs identiques à toutes ces entités religieuses. Il s’agit, entre autres, du type d’organisation communautaire, des pratiques rationnelles de la discipline, du devoir d’éducation des fidèles, de la prégnance de la figure emblématique du leader religieux. Mais ce qui importe serait l’objet de la liberté d’action individuelle soumise au contrôle des leaders, du devoir systématique de l’adoration, de la profession de foi, d’un attachement à l’église comme espace de socialisation selon la norme socioreligieuse. Toutes ces variables, indispensables à l’objet d’analyse, ont permis d’apporter des éléments d’explication compréhensive sur ce qui façonne la vie quotidienne du croyant.

La problématisation suppose de porter un regard sociologique sur les facteurs sociaux qui contribuent au destin terrestre du croyant. On a, par exemple, le type d’organisation de la communauté, la forme du discours de l’autorité religieuse et les contextes sociohistoriques qui les déterminent. Ainsi donc, l’attitude entrepreneuriale du croyant afrodescendant en tant qu’objet est construite autour du fondement théorique où l’on considère que l’individu social est intriqué dans un réseau social communautaire avec laquelle il interagit. À ce niveau, la croyance sert de leitmotiv aux principes fondamentaux de la communauté. Car les règlements internes ont vocation de définir les comportements sociaux que le croyant doit adopter dans ses relations avec le reste de la communauté. En ce sens, c’est à travers ces règlements qu’on détermine les limites de l’agir individuel en fonction des devoirs qu’il doit accomplir à l’égard de Dieu et des hommes. Ainsi, l’action sociale d’entrepreneuriat apparait plutôt comme une conséquence immédiate de la cause religieuse. Mis à part le pragmatisme protestant d’influence positive, on peut également observer l’effet inverse au sein de certains groupes religieux d’origine africaine. En d’autres termes, on ne retrouve pas nécessairement l’effet escompté, au sens du développement économique individuel et collectif dans tous les contextes. C’est pourquoi j’ai évoqué d’abord l’aspect positif de la religion protestante du fait qu’elle apporte un dynamisme et crée un schème de représentation propice au développement individuel et collectif. Mais on ne pourra pas faire l’économie de l’impact négatif qu’elle peut avoir également sur la mentalité.

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Table des matières

INTRODUCTION GÉNÉRALE
PREMIÈRE PARTIE : DE LA THÉORIE WEBERIENNE A L’ENQUÊTE SOCIOLOGIQUE EN HAÏTI
CHAPITRE 1 : UN CADRE THÉORIQUE WEBERIEN
CHAPITRE 2 : UNE MÉTHODOLOGIE ANCRÉE SUR DES RÉCITS D’ACTEURS ENTREPRENEURS ET RELIGIEUX
CHAPITRE 3 : ÉCHANTILLON D’ENTREPRENEURS ET PRÉSENTATION DES INTERVIEWS
DEUXIÈME PARTIE : CRÉATION ET ESPRIT D’ENTREPRISES EN HAÏTI
CHAPITRE 4 : L’ENTREPRENEUR ET SES RAISONS : DÉLIMITATION DE L’ÉCONOMIE ENTREPRENEURIALE
CHAPITRE 5 : TÉMOIGNAGES SUR LA DIVERSITÉ DES RAISONS DANS LA DÉCISION ENTREPRENEURIALE
CHAPITRE 6 : L’ENTREPRENEURIAT ET LE TRAVAIL DANS L’ESPACE ET LE TEMPS
CHAPITRE 7 : LE DÉVELOPPEMENT DE L’ÉCONOMIE ENTREPRENEURIALE ET LA QUESTION EXISTENTIELLE DES ÉLITES
TROISIÈME PARTIE : LES CROYANCES HAÏTIENNES
CHAPITRE 8 : LE RELIGIEUX EN HAÏTI
CHAPITRE 9 : FOI ET ACTIONS ENTREPRENEURIALES
CHAPITRE 10 : LE RELIGIEUX, ENTRE CRISE ET PROSPÉRITÉ
QUATRIÈME PARTIE : ÉTAT, ÉDUCATION, DÉVELOPPEMENT
CHAPITRE 11 : ÉDUCATION ET TRANSFORMATION SOCIALE DE L’INDIVIDU
CHAPITRE 12 : RÔLE DE L’ÉTAT ET DÉVELOPPEMENT GLOBAL
CONCLUSION GÉNÉRALE
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
TABLES DES MATIÈRES

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