Erosion des galets des rivières de montagne au cours du transport fluvial

Les reliefs terrestres résultent de la compétition entre deux processus : la tectonique qui est à l’origine du soulèvement des massifs rocheux et l’érosion qui agit en sens inverse en retirant progressivement le matériel exhumé. En contexte orogénique, les taux de déplacement ascendant de matière sont gouvernés par les conditions aux limites (par exemple la vitesse des mouvements relatifs entre plaques dans le cas d’une collision), par la structure et la constitution internes de la chaîne de montagne et de sa racine (géométrie des contacts entre les différentes unités en présence, rhéologie des matériaux,…) et par la topographie de celle-ci qui conditionne l’énergie potentielle de gravité déjà emmagasinée. Les taux d’érosion sont quant à eux contrôlés par le relief, les facteurs climatiques (précipitations, température), le couvert végétal et par la résistance à l’érosion des matériaux.

A l’échelle d’une chaîne de montagne, les rivières constituent les agents du modelé des paysages les plus importants : en réponse au soulèvement des massifs rocheux, elles s’y incisent et engendrent ainsi l’abaissement progressif du niveau de base pour les processus d’érosion des pentes, notamment les glissements de terrain [Burbank et al., 1996 ; Whipple et al., 2001]. Elles assurent également l’évacuation des produits de l’érosion de la chaîne sous forme de charge dissoute, de charge en suspension ou de charge de fond. Cette dernière est mobilisée au moment des crues et constitue alors un outil d’érosion du lit rocheux efficace. Jusqu’à présent, nombre de modèles d’évolution des reliefs en contexte orogénique utilisent une loi en puissance pour estimer les taux d’incision fluviatile. Cette loi en puissance connue sous le nom de “ Stream Power Law ” (SPL) relie le taux d’incision à l’aire drainée et à la pente du bief en un point donné, ce qui implique que l’incision ne dépend que de variables hydrodynamiques [Howard et Kerby, 1983 ; Seidl et Dietrich, 1992 ; Lavé et Avouac, 2001]. Cependant, des études menées parallèlement montrent que cette simplification n’est pas satisfaisante et que les flux sédimentaires matérialisés par la charge de fond exercent un important contrôle sur les taux d’incision [Sklar and Dietrich, 1998]. En effet, la charge de fond constitue un outil d’incision du lit rocheux mais elle peut également en constituer la protection en en limitant l’exposition. Par ailleurs, les constituants de cette charge subissent une réduction de taille et des modifications de forme au cours du transport vers l’aval, ce qui modifie les caractéristiques du flux de sédiments dans le réseau fluvial : la capacité de transport des sédiments, le “ degré d’exposition ” du lit rocheux qui lui est directement lié et la puissance érosive de la charge de fond vont donc être directement affectés par cette évolution vers l’aval. Le perfectionnement des modèles d’évolution des paysages nécessite donc une meilleure compréhension et une quantification des processus d’érosion du lit rocheux et des éléments constituant la charge de fond pendant le transport fluvial.

De nombreuses études ont déjà été menées sur ce thème, sur le terrain ou expérimentalement. D’une manière générale, les taux d’abrasion des galets obtenus expérimentalement ne parviennent pas à expliquer l’évolution des caractéristiques des sédiments vers l’aval. Plusieurs explications ont été proposées, liées aux conditions expérimentales ou au contexte géodynamique du lieu d’étude choisi. En ce qui concerne les conditions expérimentales, les causes avancées sont les suivantes :
– le dispositif expérimental ne reproduit pas de manière réaliste les processus d’abrasion effectifs en rivière naturelle ; cette critique va notamment à l’encontre des expériences réalisées en tambour à axe horizontal [Kuenen, 1956 ; Mikos et Jaeggi, 1995],
– les conditions expérimentales ne sont pas assez vigoureuses [Kodama, 1994b],
– le matériel utilisé n’est pas caractéristique des sédiments transportés ; la sous estimation du taux d’altération des galets au cours de périodes de stockage temporaire peut par exemple entraîner des variations non-négligeables des taux d’abrasion [Bradley, 1970 ; Jones et Humphrey, 1997].

Le choix du site d’étude a également son importance. En effet, la majeure partie de ces études a été réalisée en contexte partiellement alluvial. Dans ce contexte, il est difficile d’isoler la contribution de l’érosion de celle du processus de transport sélectif dans la réduction de la taille des galets vers l’aval fréquemment constatée. Ainsi, ce processus de transport sélectif a souvent été invoqué par les auteurs pour expliquer la divergence observée lorsque l’on compare les taux d’abrasion expérimentaux et les taux de réduction de taille naturels [Brierley and Hickin, 1985; Paola et al., 1992; Brewer and Lewin, 1993; Surian, 2002]. Soulignons enfin que cette dernière comparaison n’a de sens que si la source de sédiments est unique et localisée à l’extrémité amont du système fluvial [Bradley, 1970]. Dans beaucoup d’environnements, les apports sédimentaires issus des versants ou des affluents ne se limitent pas à un point source. Ainsi, la manière dont les sources sont distribuées doit être prise en compte car elle peut influencer de manière notable l’évolution des caractéristiques des sédiments vers l’aval [Knighton, 1982 ; Heller et al., 2001].

Les apports des études expérimentales portant sur l’abrasion des galets au cours du transport fluvial

Les premiers travaux qui ont vraiment été réalisés dans le but de comprendre la formation des galets et leur évolution au cours du transport fluvial datent de plus d’un siècle [Gilbert, 1877]. De nombreuses études ont été réalisées par la suite, montrant que « ce problème apparemment simple est plein de complexités et reste mal compris » [Kuenen, 1956]. Ces phrases étaient d’actualité au moment de leur écriture en 1956, elles le restent en partie actuellement.

Les auteurs se sont au départ penchés sur le problème de la genèse des galets même. Les premières observations ont montré que les galets changent de forme et de taille au cours du transport fluvial. Au départ anguleux, les éléments qui arrivent dans la rivière sont très rapidement émoussés [Kuenen, 1956 ; Pearce, 1971]. Les changements de forme se manifestent par des variations de l’indice d’émoussé mais également par des variations des indices de sphéricité des galets (rapport entre les axes a, b et c des éléments). Ces variations ont été quantifiées pour les sédiments de nombreuses rivières et les auteurs ont cherché à interpréter les tendances observées en terme de processus d’érosion et de conditions de transport et de dépôt. En ce qui concerne la granulométrie des sédiments, des études réalisées sur un grand nombre de rivières dans des contextes variés ont permis de mettre en évidence une fréquente diminution de la taille moyenne des particules vers l’aval. Deux principaux processus ont alors été évoqués pour expliquer ce phénomène :

– l’abrasion des particules qui provoque logiquement une diminution de la taille vers l’aval,
– le transport sélectif : les éléments les plus gros ne peuvent être transportés vers l’aval et demeurent au niveau des zones sources ; lorsqu’ils sont transportés, la distance de transport est faible et ils se re-déposent très vite. Par opposition , les fines particules sont facilement transportées et peuvent parcourir facilement de longues distances. Ce processus n’est effectif qu’en contexte alluvial, c’est-à-dire s’il y a aggradation. Une grande partie des études ayant été réalisée sur des rivières alluviales, ce processus a pu être invoqué pour expliquer en partie la réduction de la taille des sédiments vers l’aval.

L’abrasion au cours du transport fluvial : description des mécanismes mis en jeu

Avant d’aller plus loin et de nous intéresser aux études réalisées et aux résultats qu’elles ont produit, il convient de faire l’inventaire des différents processus qui interviennent dans l’érosion des sédiments et du substrat rocheux des rivières en contexte fluvial.

Les processus d’altération

Avant d’être soumis à l’érosion, les galets comme le substrat rocheux peuvent être fragilisés par des processus d’altération d’origine physique ou chimique. Sous l’effet des agents atmosphériques, ces processus conduisent à des modifications relativement superficielles de la structure des roches pendant leur stockage, qu’ils se trouvent hors de l’eau (plaine d’inondation, lit de la rivière en période de basses eaux) ou immergés .

L’altération chimique consiste principalement en une modification de la composition chimique des matériaux. De nombreux processus existent (hydrolyse, oxydation,…), tous tributaires de la présence de fluides ; ils conduisent pratiquement tous à une fragilisation de la roche, la matière transformée présentant généralement une cohérence bien inférieure au matériau initial. L’ampleur de l’altération est fonction de la nature des minéraux qui y sont soumis et des conditions climatiques (température, précipitations, pH) sous lesquelles elle opère.

L’altération physique peut être d’origine thermique. En présence d’eau et pour des températures oscillant autour de 0°C, la gélifraction peut fragmenter les matériaux. Les variations de température peuvent également provoquer des dégâts à sec, en particulier pour les roches poly-minérales. Les minéraux se dilatent et se contractent sous l’effet de variations de températures, dans des proportions variables fonctions de leur structure cristalline et de leur composition chimique. Dans une roche poly minérale, les minéraux vont changer de volume de manière différentielle, ce qui va provoquer une fragilisation des liaisons entre minéraux.

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela rapport-gratuit.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE I : ETUDE EXPERIMENTALE
1. Historique, problématique actuelle
1.1. Les apports des études expérimentales portant sur l’abrasion des galets au cours du transport fluvial
1.1.1. Introduction
1.1.2. L’abrasion au cours du transport fluvial : description des mécanismes mis en jeu
1.1.2.1. Les processus d’altération
1.1.2.2. Description des mécanismes d’abrasion et d’érosion
1.1.2.2.1. Abrasion liée au frottement
1.1.2.2.2. Erosion par particules solides
1.1.2.2.3. Mécanique du contact et érosion
1.1.2.2.4. Erosion par cavitation
1.1.3. Les expériences en tambour à axe horizontal
1.1.3.1. Brève synthèse des résultats obtenus
1.1.3.2. Critique du dispositif
1.1.4. Les expériences en canal circulaire
1.1.4.1. L’abrasion des galets par les particules en suspension [Kuenen, 1955]
1.1.4.2. L’abrasion des galets au cours du transport fluvial : première étude systématique [Kuenen, 1956]
1.1.4.3. Le rôle de l’altération des galets [Bradley, 1970]
1.1.5. Bilan des études expérimentales : les conclusions et les questions en suspens
1.2. Incision fluviale et problématiques actuelles
1.2.1. Introduction
1.2.2. Caractérisation des interactions sédiments – substrat rocheux
1.2.2.1. Etudes de terrain
1.2.2.2. Etude expérimentale [Sklar et Dietrich, 2001]
1.2.3. Les objectifs de la présente étude
2. Définition de la géométrie et dimensionnement du dispositif
2.1. Choix de la géométrie du dispositif
2.2. Les expériences sur la maquette à l’échelle 1/5ème
2.2.1. Approche théorique du comportement des fluides dans le canal
2.2.2. Considérations hydrodynamiques, lois de similarité
2.2.3. Conception de la maquette
2.2.4. Les expériences réalisées
2.2.4.1. Caractérisation des écoulements fluides
2.2.4.2. Comportement des galets dans le canal
2.2.5. Bilan : choix de la géométrie définitive du dispositif expérimental
3. Réalisation du dispositif expérimental
3.1. Les principaux organes du dispositif
3.1.1. Le canal circulaire et sa charpente
3.1.2. Les hublots
3.1.3. Le bocal-relais
3.1.4. La cuve
3.1.5. Le débitmètre
3.1.6. La pompe et son variateur
3.1.6.1. Calcul des pertes de charge du circuit et dimensionnement de la pompe
3.1.6.1.1. Calcul des pertes de charge réparties
3.1.6.1.2. Calcul des pertes de charge singulières
3.1.6.1.3. Bilan : estimation de la perte de charge totale et choix de la pompe
3.1.6.2. Estimation des variations de perte de charge en fonction du débit, rôle du variateur
3.2. Montage du dispositif expérimental
3.2.1. Mise en place des plaques à la base des pieds de la charpente
3.2.2. Mise en place de la charpente
3.2.3. Mise en place de la capacité
3.2.4. Pose des hublots du canal circulaire
3.2.5. Mise en place du canal circulaire
3.2.6. Assemblage de la tuyauterie rigide
3.2.7. Mise en place de la pompe : surélévation, connexion avec la capacité
3.2.8. Réalisation des supports de la tuyauterie rigide
3.2.9. Mise en place de la tuyauterie rigide
3.2.10. Mise en place de la tuyauterie souple
3.2.11. Préparation au remplissage, premier remplissage
3.2.12. Préparation du canal : mise en place des parements latéraux
3.2.13. Mise en place du tamis
3.2.14. Préparation du canal : les derniers détails
3.2.15. Mise en route du dispositif, premiers essais
3.2.16. Réalisation et pose des parements basaux
4. Simulation de l’abrasion
4.1. Configuration du dispositif
4.2. Les variables et leur mesure
4.2.1. Les variables hydrodynamiques
4.2.1.1. Les mesures effectuées
4.2.1.1.1. Mesure des dimensions du vortex
4.2.1.1.2. Mesure du champ de vitesse des fluides dans le canal
4.2.1.2. Modèles d’écoulement des fluides dans le canal
4.2.1.2.1. Définition de la hauteur de la lame d’eau débordant au niveau de la bordure interne
4.2.1.2.2. Modèle de vitesse à l’intérieur du canal
4.2.1.2.3. Evaluation de la contrainte cisaillante basale
4.2.1.2.4. Capacité de transport et flux de sédiments
4.2.2. La vitesse et la trajectoire des particules
4.2.2.1. Comportement des galets dans le canal : observations qualitatives
4.2.2.2. Procédure expérimentale
4.2.2.3. Détermination de la distance parcourue par les galets en un tour de canal
4.2.2.4. Détermination de la vitesse des particules
4.2.2.4.1. Détermination de la vitesse moyenne des galets
4.2.2.4.2. Détermination de la vitesse instantanée des galets
4.2.3. La mesure de l’érosion
4.2.3.1. Pesée et incertitude
4.2.3.2. Présentation du matériel récupéré à la fin de l’expérience
4.3. Les expériences d’abrasion des galets
4.3.1. Choix du matériel utilisé
4.3.2. Description des expériences
4.3.3. Test de la non-abrasivité du canal
4.3.4. Les taux d’abrasion expérimentaux
4.3.4.1. Définition des produits de l’érosion
4.3.4.2. Les données brutes
4.3.4.3. Calcul des incertitudes sur les mesures
4.3.4.3.1. Incertitude sur les mesures absolues
4.3.4.3.2. Variabilité des taux d’abrasion au cours d’une expérience pour des galets considérés individuellement
4.3.4.3.3. Effet de l’utilisation répétée des mêmes sédiments d’une expérience à l’autre
4.3.4.4. Interprétation des résultats
4.3.4.4.1. Dépendance de l’abrasion vis-à-vis de la vitesse des particules
4.3.4.4.2. Dépendance de l’abrasion vis-à-vis de la quantité de sédiment
4.3.4.4.3. Influence de la taille des particules sur les taux d’abrasion
4.3.5. Les produits de l’abrasion des galets calcaires
4.3.6. Dépendance de l’abrasion vis-à-vis de la lithologie
4.3.6.1. Expériences d’abrasion avec les lithologies himalayennes
4.3.6.2. Effet de la présence de galets de lithologies résistantes sur les taux d’abrasion des galets de calcaire
4.3.7. Variations des taux d’abrasion en fonction de la taille relative des galets les uns par rapport aux autres
4.3.7.1. Observations
4.3.7.2. Explication préliminaire du phénomène
4.4. Synthèse sur l’étude expérimentale
4.4.1. Les principaux résultats
4.4.2. Perspectives à court et moyen terme
4.4.2.1. Perfectionnement du dispositif
4.4.2.1.1. Le choix du matériel
4.4.2.1.2. La procédure expérimentale
4.4.2.1.3. Les méthodes de mesure
4.4.2.2. Les expériences futures
CHAPITRE II : ETUDE DE TERRAIN
1. Introduction
2. General considerations on downstream pebble size evolution in a uniformely eroded landscape
3. Location and geodynamic setting
4. Field measurements in Marsyandi valley
4.1 Sampling sites and geomorphic objects
4.2 Counting and sampling procedures
4.3 Lithologic identification
4.4 Sources characteristics
4.5 Gravel bar material characteristics
4.5.1 Downstream evolution of lithologies
4.5.2 Downstream evolution in grain size
4.5.3 Terrace material and temporal variations in transported sediments
5. Comparison between experimental and natural abrasion
5.1 Experimental abrasion rates of Himalayan Lithologies
5.2 Integrated model for the Marsyandi watershed
5.3 Results of the different models
5.3.1 Lithologic proportions
5.3.2 Size distributions
5.3.3 Lithologic size distribution
6. Discussion
6.1 Why is gravel bar material coarser than hillslope material supplied to the fluvial network?
6.2 Pebble abrasion and sediment transport across active orogens
6.3 Pebble abrasion coefficients, bedrock erodability and mountain denudation
7. Conclusions
CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES
1. Bilan sur le dispositif expérimental
2. La réduction de la taille des galets
2.1. Les variables contrôlant l’abrasion
2.2. Transposition des taux d’abrasion expérimentaux aux rivières naturelles
3. L’incision fluviale et l’évolution du relief
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES

Rapport PFE, mémoire et thèse PDFTélécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *