Ergothérapie et prévention primaire de la dépendance des personnes âgées

Issues de la problématique pratique

   Aucun résultat de l’enquête exploratoire ne mentionne le repérage clinique de la fragilité dans la pratique des ergothérapeutes. Cela ne veut pas dire qu’ils ne peuvent pas le faire ou qu’ils ne le font pas déjà. Toutefois, les résultats de l’enquête exploratoire relatent que les ergothérapeutes peuvent intervenir auprès des personnes âgées pour les « rendre actrices » dans la démarche de prévention de la dépendance. Cette action implique l’engagement de la personne âgée. Cet engagement est en partie lié à l’évaluation de l’ergothérapeute. Nous savons que certains ergothérapeutes pratiquent une évaluation écologique de la personne âgée lors de leurs interventions et qu’ils ont conscience du potentiel de l’engagement de la personne âgée. Dans ce cas, nous pouvons nous demander en quoi l’évaluation écologique de la personne âgée peut stimuler son engagement dans la démarche de prévention primaire de la dépendance ? Dans la suite de ce travail nous focaliserons notre attention sur les visites à domicile car les conférences et ateliers ne permettent pas d’évaluer la personne âgée dans son contexte de vie. Elles ne respectent donc pas une approche totalement écologique. Nous disposons de peu d’informations sur leurs modalités en prévention primaire de la dépendance. Au vu des résultats de la revue de littérature (expérience pilote, diagnostic Bien chez Moi), nous nous intéresserons à la pratique des ergothérapeutes lors de visites ponctuelles au domicile. Nous choisissons ce type de visites à domicile car aucun type de suivi n’a été mentionné dans les résultats de la revue de littérature et dans ceux de l’enquête exploratoire.

L’évaluation

   Nous définirons le concept d’évaluation grâce aux travaux de Vial. Ses écrits traitent de l’application des concepts de l’évaluation au champ des sciences humaines. D’après la compétence 1.2 du référentiel de compétence, les ergothérapeutes pratiquent l’évaluation dans le champ des sciences humaines(34). Cela nous permet de justifier pourquoi les travaux de Vial sont exploitables en ergothérapie. Selon Vial (2012), trouver « LA définition de l’évaluation est une entreprise vouée à l’échec » car les innombrables modèles de l’évaluation en donnent leur propre version. Il en reste donc au sens étymologique du terme pour la définir : « le rapport aux valeurs »(35). Cette définition rejoint celle du CNRTL8 : « action d’évaluer, d’apprécier la valeur (d’une chose); technique, méthode d’estimation »(36). « L’évaluation est là, en continu, au cœur de la relation dans les métiers de l’humain. Ce n’est pas un simple outil. » (35) A ce jour, le thème de l’évaluation comprend trois grands modèles actifs : la mesure, la gestion et la situation.
Evaluation par la mesure : L’évaluation par la mesure intervient sous trois conditions :
– La définition d’une variable*(37).
– La fréquence d’un objet, sa répétitivité(38).
– « Le passage par une codification pour obtenir des scores et faire des calculs (statistiques) »(39).
La précision/fiabilité d’une mesure exige l’objectivité de l’évaluateur. Ce dernier est « censé, au moment de porter un jugement, abandonner tout ce qui lui est propre (idées, croyances ou préférences personnelles) pour atteindre une espèce d’universalité »(38). Vial (2012) associe la mesure au paradigme mécaniciste en disant qu’elle survalorise la logique rationnelle et les rapports causaux issus du déterminisme*. Pour lui, « la mesure est l’évaluation des produits, des états : une évaluation bilan pour mesurer les effets, les impacts : une photographie. Pour évaluer une dynamique, la mesure ne peut que multiplier les bilans, et comme le cinéma, elle se donne l’illusion du mouvement. » Pour appuyer son raisonnement, Vial cite Cifali (2005) qui décrit l’être humain comme fluctuant : « On n’a pas à l’enfermer dans la qualification que nous lui prêtons. “Il est ainsi” dans telle circonstance, avec moi, mais cela ne signifie pas qu’il le soit de nature en tout lieu ou toute occasion ! »(40). L’enjeu d’évaluer par la mesure serait donc de situer sans émettre de jugement de valeur. De plus, l’évaluateur doit avoir conscience que « le résultat d’un bilan est relatif à la qualité des opérations conduites et non pas vrai »(38).
Evaluation comme gestion Vial (2012) définit l’évaluation comme gestion de la façon suivante : « Gérer, autrement dit gouverner au mieux, avec économie, diriger, contrôler le fonctionnel, maîtriser l’organisationnel, faire rendre le maximum, “optimaliser”, accroître le rendement, améliorer […] L’évaluation doit éviter le gaspillage, les dérives, la perte ; évaluer, c’est rationaliser… L’évaluation se doit d’apporter une “plus-value” dans la pratique sur laquelle elle se greffe. On évalue pour… maîtriser la pratique évaluée »(41). Ce modèle d’évaluation couvre plusieurs pratiques (plus ou moins récentes) qui s’influencent entre elles. Parmi celles-ci on compte l’évaluation par objectifs, l’évaluation structuraliste, l’évaluation formative, l’évaluation formatrice et l’évaluation/régulation des systèmes complexes. Selon Vial (2012), il faut entendre « gestion dans le sens qu’il a en anglais ou dans le vocabulaire de l’analyse systémique. » Dans son déroulement, l’évaluation comme gestion s’assure « du fonctionnement correct d’un système en prélevant sur lui un certain nombre d’informations considérées comme directement ou indirectement révélatrices de dysfonctionnements » puis elle fait « parler ces mesures en les rapportant à un référentiel »(42). Liée à l’évaluation par la mesure, l’évaluation comme gestion appartient aussi au paradigme mécaniciste. Les limites de la première sont donc transférées à la seconde puisque l’évaluation comme gestion prête attention à des états qui ne rendent pas compte de la dynamique de l’humain(43).
Evaluation située Selon Vial (2012), l’évaluation située dépasse « le constat pour s’intéresser au sens que les individus et les groupes concernés accordent aux faits mis en évidence et aux voies de leur changement. » « Evaluer en situation, c’est comprendre “l’ici et maintenant” » dans la complexité. La complexité « ne s’analyse pas, ne se résout pas, ne se gère pas, ne se “manage” pas ! Elle se travaille »(44). L’évaluateur en situation doit alors problématiser et non réduire cette complexité(45). Il procède à un recueil des principaux éléments contextuels de la situation pour les confronter à un « système de références » qu’il a acquis au cours de ses expériences professionnelles. De façon théorique, il fait « des associations compatibles entre savoirs et significations sociales », il problématise pour « chercher du sens dans la situation » et « en comprendre la logique, fût-elle irrationnelle ». Dans la complexité des éléments, l’évaluateur identifie deux contraires qui l’interrogent, qui attirent son attention (cela peut être un « paradoxe* »). Sans choisir l’un ou l’autre des contraires : il se situe entre les deux. Il problématise « dans “l’entre-deux” : de l’un compris à l’autre compris. Assumer le lien de contradiction, et non pas le dépasser. Explorer les possibles. » L’évaluateur se situe « plus vers A ou plus vers non-A dans le continuum », ce qui est en soi un moyen de donner du sens à la situation. Il ne s’appuie pas seulement sur les éléments contextuels pour se situer. Il observe également la personne en situation, il l’écoute et la questionne pour connaître les éléments qui lui sont signifiants. Par sa posture, l’évaluateur accompagne la personne, il l’invite à problématiser avec lui dans le but qu’elle se situe, qu’elle trouve un sens aux faits observés. Vial (2012) dit de l’évaluation située qu’elle « a pour vocation de développer l’art de faire avec l’autre en visant son autonomisation. » L’accompagnement du sujet est donc essentiel même si le contrôle est nécessaire. Jamais simultanément, ces deux logiques s’articulent « lorsque la situation le permet ». Le paradigme biologiste est privilégié sans que celui mécaniciste soit dénigré. Au cours de l’évaluation située, l’évaluateur est amené à « faire un travail sur lui-même ». L’accompagnement lui demande de « ne pas figer la relation à soi comme à l’autre ». La remise en question est permanente. Il va de même lorsqu’il fait appel à des références antérieures pour alimenter sa problématisation. « Il ne s’agit pas d’avoir la maîtrise des références mais bien davantage, […] d’installer le soupçon sur ses préférences qu’il risque, sinon, de confondre avec des références. »(46) L’évaluation située « est l’occasion d’un remaniement psychique, d’une accélération du changement qui permet d’apprendre de l’autre, d’accepter l’errance et la perte, d’accorder plus d’importance aux dynamiques qu’aux états, d’exercer sa réflexivité, d’entendre ce qui s’exprime, de se décaler, d’écouter et de s’écouter, de faire sa place à l’intuition, au ressenti, aux émotions, d’éviter le piège de la certitude, de la vérité, de relativiser »(44)

Les apports de la systémique

   Le modèle de la systémique est le troisième et dernier modèle de la systémie. « La systémique, c’est la même chose que le systémisme mais en plus compliqué : on passe du système au système de systèmes. Un système n’y est plus conçu en lui-même, il est toujours connecté avec d’autres systèmes avec lesquels il “fait système” ; on emploie alors l’expression de “système complexe”. »(45) Pour De Rosnay (1975), la systémique étudie ce système complexe et les interactions entre les éléments des systèmes qui le composent(49). « Les liens entre les éléments sont « évolutifs. Les différents systèmes se différencient par leur plus ou moins grande ouverture mais sont toujours au service d’une fonction puis de plusieurs fonctions à remplir. » La multifonctionnalité des systèmes et leur récursivité(50) rendent le système complexe incertain et imprévisible pour celui qui l’évalue. L’évaluateur, doit problématiser dans « l’entre-deux ». Il doit faire avec l’enchevêtrement des systèmes dans lequel le paradoxe demeure. En systémique, le système complexe fluctue dans « l’entredeux » de façon autonome. Il montre alors une capacité « d’auto-organisation » singulière. « Changement et résistance au changement vont de pair : la capacité d’un système à inventer les règles pour changer les règles en fonction des perturbations qu’il accepte traduit ainsi l’hyper complexité propre au vivant. » En sciences humaines, le « vivant » est le « sujet ». Celui-ci « est en réseau, il est en connexion, le nœud d’un réseau de relations dans des systèmes complexes, en grappe ». Le sujet « invente le système et se met à l’origine : il est et acteur et auteur, sans cesser d’y être agent. » A l’image d’un système complexe, il est le seul à détenir « le pouvoir sur ses décisions de changement »(45).

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Table des matières

1. INTRODUCTION 
1.1 DETERMINATION DU THEME GENERAL
1.2 PROBLEMATIQUE PRATIQUE
1.2.1 REVUE DE LITTERATURE
1.2.2 ANALYSE DE LA REVUE DE LITTERATURE
1.2.3 ENQUETE EXPLORATOIRE
1.2.4 ISSUES DE LA PROBLEMATIQUE PRATIQUE
1.3 PROBLEMATIQUE THEORIQUE 
1.3.1 L’EVALUATION
1.3.2 L’ECOLOGIE
1.3.3 L’ENGAGEMENT
1.3.4 ISSUE DE LA PROBLEMATIQUE THEORIQUE
2 MATERIEL ET METHODES
2.1 CHOIX DE LA METHODE 
2.2 CHOIX DE LA POPULATION
2.3 CHOIX ET CONSTRUCTION DE L’OUTIL D’ENQUETE 
2.3.1 CHOIX DE L’OUTIL
2.3.2 CONSTRUCTION DE L’ENTRETIEN
2.3.3 BIAIS DE L’ENTRETIEN
2.4 TEST DE FAISABILITE ET VALIDITE DU DISPOSITIF 
2.5 CHOIX DE L’OUTIL DE TRAITEMENT DE DONNEES 
3 RESULTATS 
3.1 PRESENTATION DES RESULTATS DES ENTRETIENS
3.2 ANALYSE DES RESULTATS
3.3 SYNTHESE DE L’ANALYSE DES RESULTATS
4 DISCUSSIONS DES DONNEES 
4.1 INTERPRETATION EN RAPPORT AVEC LES PROBLEMATIQUES THEORIQUE ET PRATIQUE
4.2 CRITIQUES DU DISPOSITIF DE RECHERCHE
4.3 PROPOSITION ET TRANSFERABILITE POUR LA PRATIQUE PROFESSIONNELLE 
4.4 PERSPECTIVES POUR LA PRATIQUE PROFESSIONNELLE
5 GLOSSAIRE

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