Epilepsie et diète cétogène

Épilepsie et diète cétogène

En médecine, les modifications du régime alimentaire et leurs bienfaits sur la santé sont connus depuis longtemps, qu’il s’agisse d’un apport ou d’une limitation de substance animale, végétale, minérale, voire même d’une restriction totale de nourriture. Elles furent employées depuis le Vème avant notre ère. En effet, il a été relaté dans le corpus Hippocratique, ouvrage réunissant une collection d’une soixantaine de traités de médecine, les propriétés thérapeutiques du jeûne qui étaient alors décrites comme la seule cure possible pour l’épilepsie (Wheless, 2008.). Dans la bible (d’après Matthieu 17 : 14-21), Jésus guérit un enfant épileptique grâce au jeûne et à la prière.

Il fallut attendre le début du XXème siècle pour voir apparaître les premières études scientifiques sur les vertus thérapeutiques du jeûne contre l’épilepsie. Deux médecins Français, Guelpa et Marie en 1911 montrèrent sur une cohorte composée de vingt enfants et adultes, que la privation de nourriture abaissait la sévérité des crises pendant cette période de restriction, leur travail « la lutte contre l’épilepsie par la désintoxication et par la rééducation alimentaire » fut publié dans la Revue de thérapie médicochirurgicale. (Guelpa et Marie, 1911). Une décennie plus tard, c’est un Américain Hugh Conklin, médecin ostéopathe dans le Michigan qui, étant persuadé que l’épilepsie serait due à une intoxication intestinale, préconisa la mise au repos digestif par le biais du jeûne où seule l’eau est admise, et cela pour une période aussi longue que le patient pouvait le supporter. Ce fut un succès (Conklin, 1922), surtout en regard des drogues qui étaient utilisées à ce moment-là, car l’emploi des bromures et du phénobarbital présentaient de nombreux effets secondaires. Devant de tels résultats, un autre Américain, le Dr Rawle Geyelin, endocrinologue au New York Presbyterian Hospital, reprit ce protocole en le limitant à une durée de 20 jours. La cohorte constituée par trente patients âgés de 3,5 à 35 ans répondit très bien à la cure, confirmant ainsi les précédents résultats de Conklin. Il fut le premier à reporter à la convention de l’American Medical Association le bénéfice de traiter l’épilepsie par le jeûne. (Geyelin, 1921). Toujours dans les années 1920, Drs Cobb et Lennox, deux médecins de l’école de médecine d’Havard, ont montré que le jeûne avait pour effet de diminuer les convulsions dès le 2ème ou 3ème jour de diète. Lennox rapporta également que la baisse du nombre de crises était due à un changement métabolique, et que l’absence de nourriture ou la diminution de glucides consommés conduisait le corps à utiliser des acides gras comme principale source énergétique. (Lennox et Lennox, 1960). C’est grâce aux travaux de Woodyatt sur le diabète en 1921, qu’a pu être mis en évidence l’apparition d’acétone et du β-hydroxybutyrate lors du jeûne ou de diète très faible en glucides et riche en graisses. Ces corps cétoniques sont en effet la résultante immédiate de la métabolisation des acides gras utilisés quand le glucose n’est plus disponible en tant que source énergétique (Woodyatt, 1921).

A la même époque, en vue de traiter les patients atteints d’épilepsie, le Dr Wilder de la Mayo Clinic mit en place un régime alimentaire comportant également une grande proportion de graisse et très peu de glucides, assurant ainsi une cétose plus facile à supporter sur des périodes plus longues que le jeûne. Il nomma ce régime, « ketogenic diet » ou diète cétogène (Wilder, 1921). Toujours à la Mayo Clinic, le Dr Peterman développa par la suite un régime engendrant moins de carences en permettant un apport suffisant de protéines essentielles pour le développement de l’enfant, avec un apport de 1 g de protéine par kilo de poids de corps et par jour, limitant la prise journalière de sucre à 10-15 g, le reste des calories nécessaires au besoin journalier étant fourni par les lipides (Peterman, 1925). De façon remarquable, ce protocole reste proche de ceux en vigueur de nos jours. La diète cétogène fut beaucoup appliquée jusqu’en 1938, date à laquelle la phénytoïne, un bloqueur des canaux sodiques fut découvert par Meritt et Putnam, ce qui eut pour conséquence d’engendrer un désintérêt croissant pour la diète par la communauté scientifique et médicale, se focalisant sur le développement et l’étude de ces nouvelles molécules. Ces approches pharmacologiques persistèrent avec l’apparition de nouvelles drogues telles que l’éthosuximide en 1958, le valproate et la carbamazépine dans les années 60 .

Métabolisme cérébral 

Substrats énergétiques et voies métaboliques cérébrales

Le cerveau adulte utilise le glucose comme substrat énergétique préférentiel. Cependant l’existence de voies alternatives et complémentaires permet d’assurer le bon fonctionnement cérébral en cas de déficience glucidique (Figure 2). Le cerveau peut en effet accéder, comme le reste du corps, à différents substrats énergétiques, ce qui lui permet de s’adapter en fonction de ses activités et de la disponibilité nutritionnelle. Les nutriments apportés par la prise alimentaire permettent à la fois une contribution énergétique immédiate, par le glucose, et à moyen/long terme par les acides aminés et lipides pour faire face aux périodes de restriction et/ou de forte activité que peut rencontrer l’organisme. En effet, en fonction de la prise de nourriture plusieurs états métaboliques ont été définis. La période postprandiale correspond aux premières heures suivant le repas, et peut durer jusqu’à 8 heures. Le jeûne quant à lui, se manifeste à partir de 16 heures sans apport alimentaire. La période post-absorptive représente une période d’environ 12 heures de jeûne; généralement ce terme est employé pour désigner l’état de jeûne au levé. Nécessairement, ces différents états métaboliques présentent des variations en regard de la grande variabilité qui existe entre les individus (métaboliseur lent, rapide), leurs activités (actif, sédentaire, sommeil), et leur état de santé général (pathologique ou non). Ces données également peuvent varier pour une même personne au cours du temps de façon imprédictible.

D’un point de vue énergétique les différents macronutriments ne possèdent pas tous les mêmes propriétés. Le pouvoir calorifique des glucides représente un apport de 4 Kcal.g-1 . Les lipides fournissent 9 Kcal.g-1et les protéines 4 Kcal. g-1 .

Les besoins en énergie du cerveau sont considérables. En effet, cet organe qui ne représente que 2 % du poids de corporel total utilise à lui seul ~20 % de l’énergie allouée à l’ensemble du corps chez les êtres humains (450 µ mol.min-1 ). Cependant, selon les espèces ces besoins varient, le cerveau des rongeurs peut consommer 2 % des ressources énergétiques (0.3-1.2 µmol.min-1 ), alors que le primate nonhumain va pouvoir mobiliser entre 9 % et 12 % de l’énergie totale (30-60 µmol.min-1) (Mink et al., 1981). Chez l’homme le néocortex, région cérébrale associée aux hautes fonctions cognitives, serait responsable de plus de 40 % de la consommation énergétique cérébrale, ceci afin de répondre aux demandes énergétiques de ces réseaux neuronaux complexes permettant les processus cognitifs supérieurs (Lennie, 2003). Les progrès techniques développés ces dernières années ont permis des études nous renseignant sur les mécanismes cellulaires et moléculaires du métabolisme cérébral. Leurs interactions dynamiques, notamment au niveau ducouplage entre astrocytes et neurones, ont permis de mettre en avant l’utilisation complémentaire de différents substrats, et d’apporter une plus grande précision dans la compréhension du rôle de ces derniers dans la physiologie du cerveau.

Il a été montré in vivo que le glucose est le substrat énergétique principal du cerveau. Cependant, dans certaines circonstances, d’autres voies métaboliques peuvent prendre le relais et garantir l’approvisionnement énergétique. En particulier, lors du jeûne l’utilisation du produit de dégradation des acides gras, les corps cétoniques, comme substrat énergétique permet notamment d’assurer un fonctionnement cérébral optimal (Pellerin et Magistretti, 2012). Ces différences métaboliques peuvent également se retrouver à l’échelle locale. En effet, l’existence de régulations énergétiques différentielles précise, selon les niveaux d’activité des différentes régions cérébrales sont connues depuis plus d’un siècle. Charles Sherrington (1857 – 1954) avait déjà postulé que le cerveau possède un mécanisme intrinsèque lui permettant de faire varier localement le flux sanguin cérébral en fonction des variations locales de l’activité neuronale. Depuis une décennie, le lactate, un composant longtemps sous-estimé du métabolisme cérébral fit l’objet de nouvelles découvertes. En effet, il a été montré qu’une voie métabolique classique du glucose, la glycolyse aérobie, passe par la formation de lactate (Vaishnavi et al., 2010). Cependant, l’utilisation de cette voie métabolique présente une grande hétérogénéité puisque dans certaines zones cérébrales telles que le cortex préfrontal elle concerne jusqu’à 25 % du glucose consommé, alors que dans d’autres régions comme le cervelet, elle serait quasiment inutilisée (Bauernfeind et al., 2014 ; Goyal et al., 2014). La glycolyse aérobie est principalement trouvée dans les astrocytes, tandis que les neurones présentent un profil plus oxydatif, avec oxydation totale du glucose, lactate ou pyruvate par le cycle de Krebs et la chaîne respiratoire de la mitochondrie. Le bilan énergétique de la glycolyse aérobie est la formation de deux molécules d’ATP pour une molécule de glucose. Puis, à partir du pyruvate formé et grâce à l’enzyme lactate déshydrogénase (LDH), le pyruvate sera catalysé en lactate avec la production en parallèle d’un cofacteur essentiel à la glycolyse, le NAD+ (Figure 3). Cette réaction catalytique, nommée « effet Warburg », peut se retrouver lorsque l’apport en dioxygène est faible ou en concentration physiologique, et dans certains profils cellulaire (notamment en pathologie, chez les cellules cancéreuses) (Warburg, 1956). Le cycle de Krebs, principale voie métabolique des neurones, permet quant à lui l’oxydation complète du glucose ou de ses métabolites via le processus de phosphorylation oxydative (on peut aussi parler de « respiration cellulaire ») dans la matrice mitochondriale et produit de 30 à 36 molécules d’ATP par molécule de glucose, du CO2 et de l’H2O (Figure 3) (Bélanger et al., 2011a ; Hyder et al., 2006 ; Zhang et al., 2014 ; Hamberger et Hyden, 1963 ; Hyden et Lange, 1962).

De façon intéressante, l’utilisation d’autres voies métaboliques semble aussi dépendre du type cellulaire. En effet, la catalyse du glucose en glucose-6-P par l’enzyme hexokinase (HK) donne accès à la glycolyse, ainsi que et deux autres voies: le stockage du glucose-6-P sous forme de glycogène, voie exclusivement astrocytaire, ou l’entrée du glucose-6-P dans le cycle des pentoses. Cette dernière, fortement utilisée par les neurones, est dédiée à la synthèse de nucléotides par la production de ribose-5-P, mais aussi à la création d’érythrose-4-P un précurseur des acides aminés aromatique, ainsi qu’à la production de NADPH, un cofacteur important pour protéger l’organisme du stress oxydatif par l’intermédiaire du glutathion (GSH) (Figure 3). Une telle différence de voies métaboliques entre astrocytes et neurones est réalisée par un contrôle spécifique des enzymes impliqués dans certaines étapes catalytiques clés pour chaque type cellulaire.

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Table des matières

1. Introduction
1.1. But de l’étude
1.2. Epilepsie et diète cétogène
1.3. Métabolisme cérébrale
1.3.1. Substrats énergétiques et voies métaboliques cérébrales
1.3.2. Besoins énergétiques du cerveau
1.3.3. Couplage métabolique entre neurone et astrocyte
1.3.4. Voies métaboliques utilisant d’autres substrats non glucidiques
1.3.4.1. La β-oxydation
1.3.4.2. Métabolismes des corps cétoniques
1.4. Rationnel de l’étude
2. Méthodes
2.1. Animaux
2.2. Diètes
2.3. Analyses biochimiques des marqueurs de la cétose et de la glycolyse
2.4. Electrophysiologie ex vivo
2.5. Enregistrements EEG et vidéo
2.6. Modèle murin de convulsions induites par pentylènetétrazole
2.7. Modèle kaïnate de l’épilepsie chronique
2.8. Western blot
2.9. Préparation des cerveaux pour marquage au DAPI
2.10. Statistiques
3. Résultats
3.1. Elaboration d’une diète combinant différentes stratégies nutritionnelles pour parvenir à un régime à faible ratio [graisses : protéines + glucides]
3.2. Effet des régimes alimentaires sur la neurotransmission excitatrice
3.3. Test de susceptibilité aux crises induites de manière aiguës
3.4. Test de protection contre les crises chroniques
4. Discussion
5. Références bibliographiques

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