Épidémiologie et facteurs de risque des chutes post-AVC

Les accidents vasculaires cérébraux (AVC) sont, à l’heure actuelle des pathologies cardio-vasculaires un problème de santé publique majeur. En France, on dénombre environ 150 000 AVC par an, soit un AVC toutes les 4 minutes. Leurs conséquences sont multiples, représentées à la fois par les complications à la phase aiguë, pouvant engager le pronostic vital, et les complications ou séquelles plus tardives en lien avec des déficiences motrices, sensitives, cognitives. Les AVC représentent la première cause de handicap moteur acquis de l’adulte. Indredavik et al.(1) rapportent la survenue d’au moins une complication à la phase aiguë chez 63.8% des patients, représentées par la douleur, la progression de l’AVC, les infections, infarctus du myocarde, et la survenue d’une chute (7.6% des patients). Pour Davenport et al.(2), la chute est même la complication la plus fréquente survenant chez 22% des patients. Ces données se confirment plus tardivement après la survenue d’un AVC, et notamment en rééducation. D’après McLean et al.(3), les complications principales en rééducation sont la dépression, les douleurs d’épaule, et les chutes avec une prévalence de 20%. D’après Roth et al.(4), elles représentent la 4e complication la plus fréquente en rééducation (10.5% des patients). A la phase plus tardive, au domicile, jusqu’à 73% des patients ont chuté durant la première année après un AVC (5). Ces chutes peuvent avoir des conséquences physiques, comme des lésions cutanées, fractures (6), traumatismes crâniens, avec un risque de saignement intracrânien chez des patients parfois sous anticoagulants ou anti agrégants plaquettaires. Elles peuvent aussi être responsables d’une appréhension à la reprise de la marche et avoir des conséquences fonctionnelles avec des limitations d’activités (7). Xu et al.(8) ont montré dans le cadre d’une méta-analyse, qu’il existait une association forte entre un antécédent de chute post-AVC en hospitalisation, et le risque de récidive au domicile. Les patients qui chutent à l’hôpital ont plus de risque de chuter au domicile, avec un risque majoré dans les 6 mois suivant la sortie au domicile (9). De plus, la survenue d’une ou plusieurs chutes en rééducation semble être associée à une augmentation de la durée du séjour (10). Il existe donc un enjeu majeur et plurifactoriel, médical et économique à prévenir la survenue de ces chutes accidentelles en rééducation, avant le retour au domicile. Cela passe par la connaissance de leurs facteurs de risque, afin de développer des programmes de prévention efficaces. Beaucoup d’études analysent ces facteurs de risque une fois le patient retourné au domicile, bien moins durant l’hospitalisation, alors qu’il s’agit d’un lieu privilégié de prévention et d’éducation du patient. Une seule revue de la littérature publiée en 2010 par Campbell et Matthews étudie les facteurs de risque de chute en rééducation. L’objectif de cette étude est donc d’étudier l’épidémiologie, les circonstances et conséquences des chutes survenant en hospitalisation après un AVC, et les facteurs de risque qui y sont associés, par la réalisation d’une revue de la littérature.

Méthodologie 

La revue bibliographique a été réalisée à l’aide de plusieurs moteurs de recherche comprenant Pubmed, EM premium et Web of Science. Des équations de recherche ont été utilisées pour chacun d’entre eux en utilisant les mots clefs “AVC” et “chute” ou “stroke” et “accidental falls”, en utilisant les termes MeSH. Les recherches ont été enregistrées et les articles publiés après la réalisation de la recherche ont été aussi analysés via un système d’alerte par e-mail. La recherche s’est concentrée sur les articles en anglais et en français, sans limite de date de publication. Tous les articles étudiant les chutes dans un contexte d’AVC, quel que soit le type d’AVC (ischémique ou hémorragique) ont été analysés par lecture des résumés. Une première sélection a été faite, retenant les articles étudiant les facteurs de risque de chute après un AVC. Les critères d’inclusions étaient des études observationnelles, transversales, de cohorte prospectives ou rétrospectives, étudiant des facteurs de risque de chute chez les patients hospitalisés, majeurs, après la survenue d’un AVC, quel que soit le type d’AVC. Nous avons retenu les études réalisées en service de neurologie et en service de rééducation. Les essais cliniques, et études de validation de tests ont été exclus, ainsi que les études centrées sur les patients au domicile. Pour chaque étude, nous avons relevé la taille de l’échantillon, ses spécificités démographiques, l’incidence des chutes ou la proportion de patients chuteurs, les caractéristiques et circonstances des chutes lorsque cela était détaillé, les différents facteurs de risque analysés, et les éventuelles limites de chaque étude.

Résultats 

Au total, après une première recherche via les 3 bases de données citées précédemment, nous avons obtenu un résultat de 3100 articles disponibles. 248 articles étaient éligibles après lecture du Titre, il y avait 83 doublons parmi ces articles, soit 165 éligibles. Après avoir éliminé les articles étudiant les chutes chez les patients au domicile, les essais cliniques, ceux qui étudiaient la “peur de la chute” et non la chute elle-même, les études de validité d’un score de risque, ceux ne comprenant pas d’analyse statistique, ou les articles non accessibles, 20 articles ont été retenus (cf Diagramme de flux).

Epidémiologie, circonstances, et conséquences des chutes 
3 études ont été réalisées en service de neurologie, soit à la phase “aigue”, ou pré rééducative : Schmidt et al.(11) retrouvent une prévalence des chutes de 5%, pour Sinanovic et al.(12), la proportion de patients chuteurs est de 3.3%, pour Tutuarima et al.(13), elle est de 14.4% avec une incidence de 8.9 chutes/1000 patients-jour. En service de rééducation fonctionnelle, la proportion de patients chuteurs varie entre 12.9% (Westerlind et al.) (14), et 49% (Takatori et al.) (15), l’incidence lorsqu’elle est mentionnée se trouve entre 3/1000 patients-jours (pour Goljar et al.) (16)et 13.8/1000 patients-jours (17).

Les données sur les circonstances des chutes, bien que non systématiques dans chaque étude, sont globalement concordantes : les chutes ont lieu principalement dans la chambre du patient, ou la salle de bain, lors des transferts, lorsque le patient n’est pas sous surveillance. Les chutes avec des conséquences graves restent exceptionnelles, et représentent pour la plupart moins de 5% des chutes, avec des lésions mineures comme des plaies non graves, érosions cutanées, ou contusions sans conséquence fonctionnelle. Pérennou et al.(18) rapportent une lésion grave pour 9.3% des chuteurs (fractures, un hématome compressif de cuisse chez un patient sous anti-coagulant). Un patient est décédé des conséquences d’une chute dans l’étude de Rabadi et al.(19) après une fracture du crâne avec hémorragie intracrânienne.

Plusieurs de ces études n’ont pas de données sur les circonstances et les conséquences des chutes (Westerlind et al.(14), Maeda et al.(20), Schmidt et al.(11), Takatori et al.(15), Chen et al.(21), Nyberg et Gustafson(22)).

Facteurs de risques des chutes

En service de neurologie

Les facteurs de risques étudiés sont variés. Il ressort que la sévérité du déficit neurologique, la présence d’une aphasie, et d’une désorientation spatiale sont des facteurs de risque de chute pour Sinanovic et al. (p < 0.001)(12). Pour Tutuarima et al.(13), il s’agit plutôt de la présence de troubles cognitifs, avec un risque relatif (RR) = 1.6 (Intervalle de confiance (IC) à 95% = 1 – 2.4), d’antécédent de maladie cardio vasculaire (RR = 1.6, IC 95% = 1-2.4). Pour Schmidt et al.(11), la sévérité de l’AVC (score NIHSS >/= 8) est un facteur prédictif de chute (OR = 3.63, IC 95% = 1.46-9), ainsi qu’un antécédent d’anxiété (OR = 4.90 ; IC95% = 1.70–13.90). Les patients les moins autonomes (perte d’indépendance fonctionnelle) à la sortie étaient ceux qui avaient le plus chuté (p < 0.001).

En service de rééducation

i. Facteurs de risque socio-démographiques : la plupart des auteurs analyse le lien entre l’âge, le sexe des patients et le risque de chute. 4 auteurs retrouvent un lien statistiquement significatif entre un âge plus élevé et un risque de chute accru (20,23–25). Un seul a mis en évidence une relation entre le sexe masculin et un risque de chute plus important, avec un Odds Ratio de 2.08 (IC = 1.16-3.73) (Nyberg et Gustafson)(22).
ii. Facteurs de risque diagnostiques : 2 auteurs sur 13 l’ayant étudié ont mis en évidence une relation entre le type d’AVC (hémorragique) et un risque de chute plus élevé (19,24). La présence de lésions cérébrales bilatérales est un facteur de risque de chute pour Nyberg et Gustafson (22), la localisation anatomique de l’AVC ne semble pas avoir d’incidence pour les autres auteurs (11,16,18,19,22,24,26,27). Le côté du déficit a une incidence sur le risque de chute pour Goljar et al.(16) et Czernuszensko et al.(25).
iii. Facteurs de risque liés au déficit neurologique global : La sévérité de l’AVC est étudiée par Rabadi et al. (19) par l’analyse du déficit global (moteur, sensitif, visuel, cognitif) et représente un facteur de risque de chute (p = 0.02). Pour Czsernuszensko et al.(25), c’est la « Scandinave Stroke Scale » qui est utilisée pour évaluer le déficit global et qui représente un facteur de risque de chute lorsqu’elle est inférieure à 46.
iv. Facteurs de risque locomoteurs : 11 auteurs ont utilisé différentes échelles ou scores pour analyser le lien avec la motricité ou les capacités globales de locomotion. Les troubles moteurs représentent un facteur de risque de chute indépendant pour Rabadi et al. (indice de motricité)(19), Teasell et al. (Chedock Mcmaster)(27), Nyberg et Gustafson (test de Brunnstrom Fugl Meyer)(22), Maeda et al. (« Brunnstrom recovery stage » au niveau des membres inférieurs)(20), Mansfield et al. (Score COVS)(26). Les 6 autres auteurs n’ont pas mis en évidence de relation statistiquement significative avec les chutes. La marche a été étudiée par Takatori et al.(15) à l’aide de l’échelle Functional Ambulation Category (FAC)(15), et par Pérennou et al.(18) (capacité de marche notée de 0 à 6.)(18), mais aucun n’a mis en évidence de lien statistiquement significatif. L’équilibre est étudié par 8 auteurs, avec différentes méthodes d’évaluation (Berg Balance Scale, échelle PASS, Fugl Meyer…), et la présence de troubles de l’équilibre représente un facteur de risque de chute pour 7 d’entre eux (Pérennou et al., p = 0.02 (18); Maeda et al. en 2009 et 2015,( p < 0.001)(20,23), Teasell et al. p < 0.0001 (27), Nyberg et Gustafson (22), Foucault et al.(28), Mansfield et al.(26)). La spasticité n’est étudiée que par Foucault et al.(28), et sa sévérité représente un facteur de risque de chute indépendant (p = 0.03).
v. Facteurs de risque sensitifs, sensoriels, phasiques : L’étude des troubles de la sensibilité, sensoriels ou les troubles du langage n’est pas systématique. La diminution de la sensibilité représente un facteur de risque de chute indépendant pour Rabadi et al.(19), Foucault et al.(28), et Takatori et al.(15). Le rôle des troubles sphinctériens est étudié par 5 auteurs et représente un facteur de risque de chute indépendant pour Tutuarima et al.(13) et Nyberg et Gustafson (22). La présence d’une hémianopsie représente un facteur de risque pour 1 auteur sur 4 (19). La négligence spatiale unilatérale est étudiée par 8 auteurs et représente un facteur de risque de chute indépendant pour 5 d’entre eux (19,21,22,25,28).
vi. Facteurs de risque cognitifs : Les troubles cognitifs sont pour la plupart évalués via le score Mini Mental State Examination (MMSE) et ils représentent un facteur de risque de chute pour Rabadi et al.(19), Teasell et al., Maeda et al. en 2009 et 2015(20,23), Nyberg et Gustafson(22). Les 4 autres auteurs n’ont pas montré d’association significative avec les chutes (16,28–30).
vii. Facteurs de risque médicamenteux et comorbidités : Quelques auteurs étudient le lien avec les éventuels antécédents médicaux des patients ayant fait un AVC, en particulier les maladies cardio-vasculaires, et le risque de chute, mais peu ont retrouvé un lien statistiquement significatif. Un syndrome dépressif est un facteur de risque de chute pour Takatori et al.(15). Les traitements médicamenteux, et notamment sédatifs sont un facteur de risque de chute dans l’étude de Foucault et al.(28).
viii. Mesures globales et dépendance fonctionnelle : 13 études sur les 20 incluses évaluent les scores de risques fonctionnels tels que la Mesure d’Indépendance Fonctionnelle cognitive et motrice (16,17,19,20,23,27,28,30), l’Indice de Barthel (15,25,29,30), l’Indice de Katz (22). Une altération du niveau de dépendance fonctionnelle est un facteur de risque de chute pour 9 d’entre eux (16,17,20,22,23,25,27–29).

La survenue d’une ou plusieurs chutes en rééducation est statistiquement associée à une augmentation de la durée de séjour, pour plusieurs auteurs (Mansfield et al.(26), Foucault et al.(28), Maeda et al.(23), Teasell et al.(27), Pérennou et al.(18), Goljar et al.(16), Sze et al.(29)).

DISCUSSION

L’incidence des chutes diffère entre les services de neurologie, et les services de rééducation, dans lesquels elle est plus importante. Ce résultat n’est pas surprenant, pour plusieurs raisons. D’une part, à la phase aiguë, les patients peuvent être alités plusieurs jours, le déficit neurologique survenu après l’AVC peut être plus important, entraînant plus de difficultés aux mobilisations des patients, qui à ce stade ne sont pas forcément indépendants pour la marche où les transferts. De plus, en service de rééducation, la durée de séjour est plus longue, les exercices et mobilisations avec travail de la marche sont plus intensifs, dans l’objectif d’une réadaptation à la marche et la récupération d’une autonomie, donc avec une prise de risque plus fréquente.

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Table des matières

I. Introduction
II. Méthodologie
III. Résultats
A. Epidémiologie, circonstances, et conséquences des chutes (Tableau 1)
Diagramme de Flux
B. Facteurs de risques des chutes (Tableau 2)
a) En service de neurologie
b) En service de rééducation
i. Facteurs de risque socio-démographiques
ii. Facteurs de risque diagnostiques
Tableau 1
iii. Facteurs de risque liés au déficit neurologique global
iv. Facteurs de risque locomoteurs
v. Facteurs de risque sensitifs, sensoriels, phasiques
vi. Facteurs de risque cognitifs
vii. Facteurs de risque médicamenteux et comorbidités
viii. Mesures globales et dépendance fonctionnelle
Tableau 2, 1ere partie 10
Tableau 2, 2e partie
IV. DISCUSSION
V. CONCLUSION
REFERENCES
MOTS CLEFS – ABREVIATIONS
ANNEXE

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