Enseigner les LCA au lycée Guillaume Budé

Enseigner les LCA au lycée Guillaume Budé

En tant que professeur de lettres classiques, j’ai la chance d’effectuer mon stage dans un lycée qui accorde une place importante aux langues anciennes : l’enseignement du grec et du latin est proposé de la Seconde à la Terminale, et les deux disciplines jouissent d’un volume horaire de 3 heures hebdomadaires. Bien que les élèves ne puissent suivre parallèlement ces deux enseignements optionnels, ils sont autorisés à débuter l’une ou l’autre langue ancienne sur les trois niveaux. Ce dispositif permet d’ouvrir l’accès aux langues et culture de l’Antiquité à un plus grand nombre d’élèves et assure des effectifs suffisamment nombreux pour tous les niveaux. Malgré l’érosion des langues anciennes dans l’enseignement secondaire , plus particulièrement au lycée, j’ai donc pu constater leur vivacité sur mon lieu de stage.

Ainsi, ma classe de latinistes regroupe douze élèves, étudiant le latin depuis la classe de cinquième, issus de filières différentes : dix élèves sont inscrits en Terminale scientifique contre deux élèves inscrites l’une en Terminale littéraire et l’autre en Terminale économique et sociale. Bien qu’issus de filières différentes, l’enjeu est le même pour toutes et tous: l’épreuve orale du baccalauréat qu’ils préparent cette année sera leur premier examen dans la discipline et viendra valider des compétences et des connaissances travaillées depuis le cycle 4. L’enjeu est donc de taille pour eux puisque le baccalauréat récompense la poursuite d’une discipline exigeante pendant plusieurs années. C’est la raison pour laquelle le coefficient de l’option s’élève à 3. Il s’agit également d’une des motivations principales des élèves : ils savent que leur investissement en latin peut leur rapporter des points.

L’enseignement dans la perspective du baccalauréat

Si l’épreuve de latin gratifie les élèves méritants, la finalité de l’enseignement reste de former les élèves à une culture humaniste dans le but d’en faire des citoyens éclairés et partageant une culture européenne commune. En outre, les programmes d’enseignement des langues et cultures de l’Antiquité mettent en avant la lecture des textes authentiques: « La lecture et la traduction d’extraits authentiques des œuvres majeures de la littérature latine et grecque contribuent à la constitution d’une culture commune. La lecture et l’étude de textes en traduction française visent à mettre en perspective des extraits étudiés dans une œuvre complète ou dans un groupement de textes. » Cette pratique des textes authentiques visent en particulier à faire des élèves des lecteurs compétents et aguerris et s’inscrit dans la continuité du collège : « Au lycée, la pratique de la traduction devient plus systématique pour tendre, en fin de formation, vers l’exercice traditionnel de la version écrite. Ces deux activités, lecture et traduction, sont fondées sur l’approche des genres, des problématiques et des textes porteurs de références, replacés dans l’histoire politique, institutionnelle et culturelle, romaine et grecque. Cette approche s’harmonise avec les objectifs du cours de français. » . On constate donc qu’en classe de terminale, l’accent est mis sur deux pratiques : la lecture et la traduction, orientée vers la pratique de la version.

Mettre en œuvre le programme : le problème de la lecture

Si mes élèves étaient motivés pour obtenir des points au bac, ils l’étaient beaucoup moins quand il s’agissait de pratiquer la traduction et l’analyse des textes. J’ai pu le constater dès l’étude du premier texte . Non seulement la traduction en a été longue et laborieuse, mais le commentaire également. C’est qu’en faisant traduire les élèves j’avais estimé que la traduction du texte leur permettrait d’en avoir une compréhension fine. Or, après la traduction et pendant le commentaire je remarquais que les élèves peinaient à saisir le(s) sens du texte mais également n’y voyaient aucun intérêt. Remarque cinglante d’une élève : « De toute façon, je n’ai rien compris ! » .

On pourrait mettre en cause l’idée de faire lire des textes authentiques jugés trop difficiles pour des élèves. Mais je me suis rendu compte que la difficulté ne venaient pas du texte en lui-même, ni des compétences linguistiques des élèves. Car j’ai eu l’occasion lors des séances de traduction de vérifier qu’ils avaient suffisamment d’acquis en morpho-syntaxe et en lexique pour traduire le texte. Il fallait donc revenir sur ce « Je n’ai rien compris ! ». Comprendre. Mettre en relation les éléments du texte qui lui donnent du sens, se questionner sur le texte. Le problème tenait donc au fait que les élèves avaient traduit le texte latin mais qu’ils ne l’avaient pas lu. En effet, la lecture ne peut se résumer à traduire. Et faute de réfléchir à un sens global du texte, d’en donner le goût aux élèves en amont, la traduction, comme le commentaire, devient plus un fardeau qu’un plaisir.

C’est donc la pratique de la lecture en tant que telle, pour elle-même, séparée de l’acte de traduction qu’il fallait ré-envisager et sur laquelle je me suis interrogé. Car alterner la traduction et le commentaire ne pouvaient satisfaire l’appétit des élèves pour la discipline ni pleinement leur curiosité. Encore moins leur donner tout simplement le plaisir de lire. Dès lors, comment faire de la lecture une activité pour apprendre la langue et la culture antique qui soit motivante et formatrice à la fois pour le baccalauréat et au-delà ? Et comment faire des élèves des sujets-lecteurs actifs des textes latins ?

C’est dans une perspective didactique et pédagogique que je me suis intéressé à ces questions. Elles ont fait l’objet d’une réflexion scientifique poussée depuis les années 1990 notamment dans la perspective de refonder un enseignement jugé soit inutile soit élitiste. Ainsi, la place consacrée à la lecture dans les ouvrages de didactique des langues anciennes révèle l’enjeu crucial qu’elle représente dans ces disciplines, et donne sens aux exercices demandés en fin de cycle terminale. On doit donc beaucoup aux ouvrages d’Anne Armand, de Dominique Augé et de Bertrand Daunay et Séverine Suffys. En s’appuyant sur les travaux de la recherche mais aussi sur les expériences menées en classe, on verra tout d’abord la nécessité d’élaborer des stratégies de compréhension globale du texte. L’acte de lire suppose une mise en sens du texte opérée par le lecteur, non par le texte lui-même. Il nécessite une mise en œuvre de plusieurs capacités. On verra également que la manière d’entrée dans le texte et de prendre en compte la dimension psycho-affective attachée à l’acte de lire est stimulant pour les élèves et permet la réalisation de l’exercice de traduction, ou de retraduction. On s’interrogera ensuite sur un aspect plus précis de la lecture, celui de la lecture analytique, dans la perspective du commentaire du texte latin pour le baccalauréat. On s’interrogera alors sur l’utilité et l’efficacité qu’il y a à faire de l’élève un sujet-lecteur actif.

Lire n’est pas traduire

Qu’est-ce qu’un lecteur ? Le lecteur est celui qui déchiffre un texte et le comprend. Il y va donc d’un processus complexe qui lie donc à la fois décodage et compréhension . Ce processus met en œuvre plusieurs compétences : encyclopédique (connaissances sur le contexte), linguistique (connaissances sur la langue), mais aussi une capacité à interagir (parler de sa lecture) et une capacité interprétative. Il s’agit donc d’une activité complexe dans laquelle s’élabore le sens. L’élève ne peut donc rester passif dans l’attente de sa révélation : c’est à lui d’être en quête du sens.

Soulignons ainsi que la lecture est une activité à part entière. Elle se distingue notamment de la traduction. Comme l’affirme catégoriquement l’inspectrice Marie Laure Lepetit « lire n’est pas traduire, traduire n’est pas comprendre » . En effet, elle explique que « l’opération de lecture se différencie de trois autres techniques complémentaires d’interprétation : l’analyse linguistique qui glose le texte par le truchement d’un métalangage grammatical, le commentaire, qui est une glose en langue maternelle, et la traduction, qui glose de langue à langue. » Au contraire, lire consistera à élaborer un sens dans la langue même du texte . D’ailleurs, les ouvrages de didactique des langues anciennes mettent en avant ce principe : lire et traduire sont deux activités distinctes visant à des compétences différentes, mais complémentaires. Il faut donc penser le cours de terminale autrement qu’un enchaînement de textes traduits puis commentés, ou encore qu’un enchaînement de textes étudiés uniquement en vue de l’acquisition de compétences linguistiques .Trop souvent en effet, le rythme suivi alternant traduction et commentaire ne consacre pas de temps à la compréhension globale. Comme le constate Dominique Augé : « il est pourtant à noter que le questionnement méthodique ou bien se fait surtout à partir de la traduction ou bien est indexé comme un prolongement de l’exercice de traduction au lieu d’être considéré comme le moyen d’entrer dans le texte pour en dégager le sens. »  La seule lecture envisagée est la lecture fine, et elle se trouve postposée dans le dispositif didactique. Il convient donc d’instaurer un véritable temps de lecture en amont, avant la traduction.

En effet, sans ce temps préalable, les élèves sont mis en situation d’échec face au texte. Le texte donné à traduire, segmenté, mutilé par la glose linguistique, haché par le rythme de la traduction demeure opaque : « Alors qu’en classe de français les élèves apprennent à reconnaître la typologie d’un texte ou à étudier un système d’énonciation au cours de procédures intellectuelles méthodiquement mises en place, en langues anciennes ils ne découvrent le texte étudié qu’à travers une lunette qui a le pouvoir de grossir les fonctions grammaticales en éloignant du sens!».

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Table des matières

Remerciements
Introduction
1. Enseigner les LCA au lycée Guillaume Budé
2. L’enseignement dans la perspective du baccalauréat
3. Mettre en œuvre le programme : le problème de la lecture
CHAPITRE I : Les compétences du lecteur actif
1. Lire n’est pas traduire
2. La lecture comme questionnement
3. Créer un environnement favorable à la lecture
CHAPITRE II : Entrer dans le texte
1. Entrer dans le texte par l’image
2. Entrer dans le texte par le lexique
3. Entrer dans le texte par les références culturelles
4. Le vrai-ou-faux
5. Articuler compréhension globale et traduction
CHAPITRE III : Élaborer la lecture analytique d’un texte latin : les compétences et les enjeux de la lecture analytique d’un texte latin
1. Les compétences mises en œuvre dans la lecture fine du texte
2. Élaborer une lecture analytique qui fasse de l’élève un sujet-lecteur actif et sensible
3. Diversifier les approches
4. Les difficultés liées à l’interprétation littéraire des faits de langue
Conclusion
ANNEXES

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