Enseignement et recherche : des activités complémentaires

Veille stratégique

La veille telle que nous l’entendons aujourd’hui est une discipline récente, qui date à peine des années 1980. Selon l’Association française de normalisation (AFNOR), elle se développe dans un contexte en voie de mondialisation, où les entreprises sont « obligées d’anticiper, d’innover, de réagir et de prendre des décisions rapidement » (AFNOR 1998, p. 1), afin de s’adapter constamment à leur environnement. Cette condition est indispensable pour augmenter les performances et rester compétitives (Bernat 2008, p. 34). D’abord associée au contexte d’innovation scientifique, la veille se fait connaître en France dès 1988 par le terme de « veille technologique » (Deiss 2015, p. 14). Rapidement perçu comme trop restreint, ce terme est abandonné en faveur du plus large « veille informative » ou encore « veille stratégique » (Frochot 2006). La deuxième appellation finit par s’imposer, car elle est plus proche de la réalité et met l’accent sur « une des finalités de la veille, à savoir l’élaboration d’une stratégie » (Deiss 2015, p. 15). Selon Frochot (2006), ce terme serait mieux compris par les chefs d’entreprise et les décideurs. Qu’est-ce que la veille ? Pour l’AFNOR (1998, p. 6), la veille est une « activité continue et en grande partie itérative visant à une surveillance active de l’environnement technologique, commercial, etc. pour en anticiper les évolutions ».

Cette définition a l’avantage de mettre en exergue les notions de continuité. En effet, la veille est une activité qui a seulement du sens dans la durée, car l’environnement évolue constamment. Plus précisément, la veille est un « dispositif organisé, intégré et finalisé de collecte, traitement, diffusion et exploitation de l’information qui vise à rendre une entreprise, une organisation, quelle qu’elle soit, capable de réagir, à moyen et long termes, face à des évolutions ou des menaces de son environnement, que celles-ci soient technologiques, concurrentielles, sociales, etc. » (ADBS 2015). Il s’agit donc d’un processus informationnel qui permet à l’organisation d’agir et réagir à son environnement, en influençant sa prise de décision. La veille se base notamment sur des informations stratégiques, que l’AFNOR (1998, p. 5) définit comme une « information contenant des éléments susceptibles de contribuer à la définition, l’infléchissement ou la remise en cause de la stratégie de l’organisation ». De par sa valeur stratégique, la veille ne peut pas se faire de manière « générale ». Elle doit être ciblée et répondre à des besoins spécifiques de l’organisation. Ce n’est qu’en respectant cette condition que les informations pourront devenir « connaissance décisionnelle » (Bezençon et Roulet 2014, p. 2). Même si la veille surveille idéalement l’environnement dans sa globalité, elle peut être sectorielle selon l’enjeu stratégique. S’il est question d’étudier ses concurrents, la veille sera concurrentielle. S’il s’agit de surveiller sa réputation, il faudra parler de « veille image » et ainsi de suite6. En effet, en sortant du contexte strictement économique, il existe par exemple un type de veille qui s’éloigne de celui stratégique vu auparavant : la veille documentaire. D’après Bachr (2008), cette dernière « traque le repérage de ressources pertinentes et permet de maintenir un flux constant d’informations appropriées dans des champs d’intérêts précis ». Ce type de veille se distingue de la notion de veille tout court par sa valeur décisionnelle amoindrie et l’absence de recours, ou presque, à des sources informelles7 (Géroudet 2013, p. 19).

Un public négligé

Dans la littérature, les étudiants sont souvent la préoccupation principale des bibliothèques. Même lorsqu’il est question de services offerts spécifiquement aux membres du personnel académique, le but ultime reste d’atteindre les étudiants (Martin 2010, cité dans Muller 2014, p. 5). Ainsi l’offre des services cible en général peu les membres du personnel académique : ils ont accès à la plupart des services, mais rares sont ceux qui leur sont spécifiquement destinés (Muller 2014, p. 22). Pourtant, selon Munde et Marks (2009, p. 112), les membres du personnel académique sont « a primary, perhaps the most important, user group of academic libraries ». En effet, bien que les étudiants soient la raison d’être des universités, ils ne pourraient pas obtenir une éducation de qualité sans un corps enseignant compétent et informé. En ce qui concerne les bibliothèques, il est clair que les membres du personnel académique ont une grande influence sur les pratiques documentaires des étudiants. Cet aspect est important au point que les bibliothécaires devraient identifier et modifier l’opinion des membres du personnel académique sur l’importance du rôle de la bibliothèque dans l’éducation des étudiants. C’est du moins l’avis d’Hardesty (1991, p. 46), qui propose une typologie pour distinguer les membres du personnel académique qui ne comprennent pas pourquoi les étudiants devraient utiliser la bibliothèque (« library-resistant »), de ceux qui supportent l’implication active de la bibliothèque dans l’éducation académique des étudiants (« library-active »).

Pourtant, le corps enseignant est un public à part entière dont le rôle va bien au-delà de celui de prescripteur. Par exemple, il suffit de considérer son impact sur la politique documentaire : son enseignement et ses recherches déterminent directement et indirectement le développement des collections (Bezençon 2009, p. 11). Quel pourrait donc être l’intérêt de fournir des services ciblant exclusivement les membres du personnel académique ? Muller (2014) en résume les bénéfices de la façon suivante : « une reconnaissance, une crédibilité, un capital auprès de l’institution, le retour de l’usager satisfait […], mais encore la promotion de la bibliothèque auprès des étudiants et le soutien des académiques concernant les budgets » (p. 20). Sans oublier qu’avoir un impact favorable sur les membres du personnel académique revient à promouvoir la production et la diffusion des connaissances (Munde et Marks 2009, p. 111).

Pratiques informationnelles

Afin d’améliorer leur productivité, les membres du personnel académique souhaitent rechercher l’information de manière efficace (Auckland 2012, p. 18) et ils aimeraient disposer de services plus personnalisés (Auckland 2012, p. 14), faciles d’utilisation et s’intégrant aisément dans leurs pratiques habituelles. La contrainte temporelle est un facteur déterminant dont les conséquences pèsent sur l’ensemble de leurs pratiques, notamment l’utilisation de la bibliothèque. Ce n’est pas par hasard que les membres du personnel académique les plus productifs sont souvent ceux qui ont le moins de temps de se rendre physiquement à la bibliothèque (Munde et Marks 2009, p. 113). Par exemple, le corps enseignant consulte rarement des documents sur place. D’après les observations de Perdrizat (2015), les membres du personnel académique de la Haute école de gestion de Genève (HEG) verraient même cette activité comme « une sorte d’utopie, une activité à laquelle ils s’adonneraient volontiers s’ils en avaient le temps » (p. 32). Toujours selon les constats de Perdrizat (2015, p. 33), le service de la bibliothèque le plus utilisé par le corps enseignant de la HEG est l’accès aux ressources en ligne à distance, ce qui contribue à la baisse de fréquentation de la bibliothèque par ce public (Muller 2014, p. 18).

Ce phénomène a été observé aussi à l’Université Paris 8 (2015, p. 8), où les chercheurs disent ne pas fréquenter la bibliothèque, car ils se contentent des accès aux ressources en ligne à distance. Cette situation n’est pas dramatique en soi, mais elle entraîne une diminution des interactions physiques entre les membres du personnel académique et les bibliothécaires (Moniz, Henry et Eshleman 2014, p. 69). Or ce contact direct est une condition nécessaire pour connaître ce public et ses besoins. En outre, cette forte consultation en ligne met en exergue la problématique du support pour les périodiques. En effet, selon Mair et Shrauger (2014, p. 28), nous nous trouvons dans un contexte dans lequel les bibliothécaires doivent convaincre les usagers de la valeur des publications imprimées. Ces dernières n’existent pas toujours en version électronique et elles sont parfois essentielles pour établir l’état de l’art pour certains sujets (Mair et Shrauger 2014, p. 29). Pourtant, les ressources électroniques auraient contribué à augmenter la productivité des membres du personnel académique, grâce à leur disponibilité et à leur facilité et rapidité d’accès (Munde et Marks 2009, p. 114).

Le rôle des bibliothèques académiques

La bibliothèque universitaire a pour mission de soutenir les objectifs de son institution mère (Ijirigho 2010, p. 3) et de répondre aux besoins informationnels des membres de cette dernière (Feather 2013, p. 3). Sa raison d’être est de soutenir de façon proactive les activités d’enseignement, d’apprentissage et de recherche des étudiants et du corps enseignant (Ijirigho 2010, p. 3 ; Munde et Marks 2009, p. 111 ; Feather 2013, p. 3) via la mise en place de services et le développement des collections. Il est évident que les bibliothèques académiques contribuent de façon mesurable aux activités d’enseignement et de recherche des membres du personnel académique (Munde et Marks 2009, p. 112), mais les prestations offertes actuellement sont-elles suffisantes ? En effet, la littérature récente exprime clairement des inquiétudes à ce sujet, notamment concernant le rôle des bibliothèques académiques dans le soutien à la recherche académique (Brydges et Clarke 2015, cité dans Koltay 2016, p. 94). Les chercheurs associent essentiellement la bibliothèque à sa collection (Munde et Marks 2009, p. 114 ; Koltay 2016, p. 94). D’une part, cela paraît évident, car pour les chercheurs, il est fondamental d’avoir accès aux résultats des autres.

D’autre part, les bibliothèques ont peut-être investi trop d’efforts dans la collecte des produits de la recherche (les publications scientifiques) et ont négligé de s’impliquer davantage dans le processus central de la recherche (Koltay 2016, p. 94 ; Moniz, Henry et Eshleman 2014, p. 69). Néanmoins, les bibliothèques ne sont plus seulement des dépôts d’ouvrages (Moniz, Henry et Eshleman 2014, p. vii ; Ijirigho 2010, p. 3). Avec l’évolution du numérique et le phénomène d’infobésité qui en découle, il faut désormais réfléchir à la façon d’aider les membres du personnel académique à développer des compétences qui leur permettent de se repérer dans cet océan d’informations (Muller 2014, p. 17). Sans minimiser l’importance de répondre aux besoins informationnels du corps enseignant, il est cependant recommandé de ne pas tomber dans le piège de la « servitude », un concept présenté par Larson (1998, cité dans Jenkins 2005, p. 22). En effet, bien que les bibliothécaires doivent assister les membres du personnel académique dans leurs recherches d’informations générales et spécifiques touchant à leurs compétences, il ne s’agit pas de devenir des « serveurs de la recherche ». D’une part car il est indispensable de développer l’autonomie des usagers, d’autre part car il est important de maintenir une relation basée sur le respect réciproque. Les bibliothécaires doivent être vus comme des « professional colleagues who provide services appropriate to each part of the campus community, including teaching faculty » (Larson 1998, cité dans Jenkins 2005, p. 22).

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Table des matières

Déclaration
Remerciements
Résumé
Liste des tableaux
Liste des figures
Note
1. Introduction
1.1 Contexte
1.2 Mandat
1.3 Objectifs
1.4 Méthodologie générale
2. État de l’art
2.1 Revue de littérature
2.1.1 Méthodologie
2.1.2 Veille : concepts-clés
2.1.2.1 Veille stratégique
2.1.2.2 Intelligence économique
2.1.2.3 Cycle de veille
2.1.2.4 Recherche d’information : un concept complémentaire
2.1.3 Membres du personnel académique
2.1.3.1 Préambule
2.1.3.2 Un public négligé
2.1.3.3 Enseignement et recherche : des activités complémentaires
2.1.3.4 Pratiques informationnelles
2.1.3.5 Le rôle des bibliothèques académiques
2.1.3.6 De nouveaux services
2.1.4 Service de veille pour les membres du personnel académique
2.1.4.1 La veille : un besoin
2.1.4.2 CAS et DSI : un service de veille en bibliothèque ?
2.1.5 Veille dans les instituts de recherche
2.2 Pratiques courantes observées
2.2.1 Méthodologie
2.2.2 Entretien : Haute école de santé Vaud
2.2.2.1 Contexte
2.2.2.2 Description du service
2.2.2.3 Origine du service
2.2.2.4 Objectif et public
2.2.2.5 Démarche
2.2.2.5.1 Analyse des besoins
2.2.2.5.2 Processus
2.2.2.5.3 Promotion
2.2.2.6 Organisation et charge de travail
2.2.2.7 Évaluation
2.2.2.8 Perspectives
2.2.3 Entretien : Institut de géographie et durabilité
2.2.3.1 Contexte
2.2.3.2 Description du service
2.2.3.3 Origine du service
2.2.3.4 Objectif et public
2.2.3.5 Démarche
2.2.3.5.1 Analyse des besoins
2.2.3.5.2 Processus
2.2.3.5.3 Promotion
2.2.3.6 Organisation et charge de travail
2.2.3.7 Évaluation
2.2.4 Formation à la veille individuelle : un cas particulier
3. État des lieux
3.1 Méthodologie
3.2 Haute école de santé Genève
3.2.1 École
3.2.2 IR-HEdS
3.2.3 Corps enseignant
3.2.4 Centre de documentation
3.2.4.1 Mission et public cible
3.2.4.2 Services
3.2.4.2.1 Pour le corps enseignant
3.2.4.2.2 Veille individuelle
3.2.4.2.3 Newsletter périodiques
3.2.4.3 Périodiques
3.2.4.3.1 Périodiques en version imprimée
3.2.4.3.2 Périodiques en version électronique
3.2.4.4 Équipe
3.3 Pertinence d’un service de veille à la HEdS : bilan
4. Dispositif de veille à la HEdS
4.1 Choix des outils : préambule
4.2 Analyse des besoins : enquête
4.2.1 Objectifs de l’enquête
4.2.2 Hypothèses
4.2.3 Public cible
4.2.4 Approche
4.2.5 Outil et passation
4.2.6 Élaboration du questionnaire
4.2.6.1 Sujets et groupes de questions
4.2.6.2 Types de questions
4.2.7 Mise en forme
4.2.8 Prétest
4.2.9 Diffusion
4.2.10 Résultats
4.2.10.1 Avertissement
4.2.10.2 Taux de réponse et représentativité
4.2.10.3 Ancien service d’envoi de sommaires
4.2.10.4 Veille
4.2.10.5 Consultation de revues imprimées
4.2.10.6 Nouveau service de veille
4.2.10.7 Intérêt pour le projet et les résultats de l’enquête
4.2.11 Analyse des résultats
4.2.11.1 Hypothèses
4.2.11.2 Considérations
4.3 Cycle de veille
4.3.1 Ciblage
4.3.2 Sourcing
4.3.2.1 Périodiques imprimés
4.3.2.2 Périodiques électroniques
4.3.3 Collecte
4.3.3.1 Choix des outils de collecte
4.3.4 Analyse et traitement
4.3.4.1 Choix de l’outil de traitement
4.3.5 Diffusion
4.3.6 Validation et réajustement
4.4 Phase test de veille
4.4.1 Mise en place des alertes
4.4.2 Collecte
4.4.3 Analyse et traitement
4.4.4 Livrable
4.4.5 Évaluation des bulletins par les experts
4.4.5.1 Bulletin nutrition et diététique
4.4.5.2 Bulletin physiothérapie
4.4.5.3 Bulletin sage-femme
4.4.5.4 Bulletin soins infirmiers
4.4.5.5 Bulletin technique en radiologie médicale
4.4.5.6 Bulletin interdisciplinaire
4.4.5.7 Considérations
4.4.6 Remarques
4.5 Formation
5. Recommandations
5.1 Dispositif de veille
5.2 Organisation de la veille
5.3 Promotion du nouveau service de veille
5.4 Évolution du service
5.4.1 Élargir la veille
5.4.2 Formation à la veille individuelle
6. Conclusion

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