Enquête sur les fistules gastro-thoraciques après chirurgie bariatrique

Selon l’OMS, 600 millions de personnes souffraient d’obésité dans le monde en 2014 et le pourcentage de français obèses est passé de 8 à 15% entre 1997 et 2015 d’après l’étude de santé publique ESTEBAN (2015). L’augmentation de la prévalence de l’obésité morbide entraîne une augmentation des pathologies chroniques associées comme : les affections cardiovasculaires, le diabète, les troubles musculo-squelettiques et certains cancers (endomètre, colon, sein) (1,2). L’efficacité d’une prise en charge chirurgicale est désormais démontrée dans des études de haut niveau de preuve comme étant supérieure à une prise en charge médicale (3) sur : la perte de poids (4,5) les complications de l’obésité (6,7) et sur la mortalité (8,9). En France en 2016, 58 1302 interventions de chirurgie bariatrique ont été réalisées. Cette chirurgie est en plein essor avec au premier plan la sleeve gastrectomie (SG) et le bypass gastrique avec Roux-en-Y (RYGB) (Chirurgie de l’obésité chez l’adulte : prise en charge préopératoire minimale-Rapport HAS 2017). La mortalité de ces deux interventions diminue, estimée à 0,08% pour la SG et 0,11% pour le RYGB (10) avec cependant, une morbidité majeure de 5 à 7%, notamment en lien avec la survenue d’une fistule gastrique post opératoire (FGPO) initiale. Cette complication reste la plus redoutée et est évaluée entre 1à 6% pour les RYGBP et 3 à 7% pour les SG selon les études (11,12). Elle est définie selon son délai de survenue, ses conséquences cliniques, sa présentation radiologique et sa localisation. (13) De manière préférentielle et notamment après SG, ces fistules se situent au 1/3 supérieur de l’agrafage près de la jonction œsogastrique (14,15). Cette localisation peut entraîner, lorsque la fistule devient chronique un abcès sous phrénique, une érosion diaphragmatique avec au maximum, une fistule gastro thoracique (FGT). Plusieurs types de FGT sont décrits : gastropleurale, gastro bronchique ou gastro-pulmonaire.

Les FGT sont des complications rares après chirurgie bariatrique, avec une incidence estimée à 0.2% selon les études ; cependant, celle-ci est probablement sous-estimée du fait du peu de données dans la littérature. En effet, la connaissance de leur incidence, de leur gravité et de leur prise en charge après chirurgie bariatrique s’appuie sur une majorité de cas cliniques et des séries de faible effectif (16,17), comportant au maximum 15 patients (tableau 1). L’atteinte pulmonaire causée par ces fistules constitue une gravité particulière avec le risque respiratoire se surajoutant au risque septique présent lors d’une fistule sans FGT et mettant en jeu le pronostic vital des patients. La localisation complexe des FGT en fait des fistules particulières qui mettent en communication deux cavités à pression différentes, pouvant avoir un effet sur leur cicatrisation.

En plus des nombreux intervenants habituellement concernés par les fistules après chirurgie bariatrique (chirurgiens digestifs, gastro-entérologues, radiologues…), les FGT ajoutent les chirurgiens thoraciques dans la boucle décisionnelle. Le choix du traitement (radiologique, endoscopique, chirurgical) mais également la séquence de prise en charge doit donc être discutée pour chaque cas de manière pluridisciplinaire en faisant participer l’ensemble de ces intervenants. Pourtant, à l’heure actuelle, le traitement de ces FGT n’est pas consensuel. L’endoscopie semble avoir une place de choix dans l’arsenal thérapeutique (18,19) en première intention chez les patients stables. En cas d’échec de l’endoscopie (dont les modalités peuvent être très variables) ou quand le sepsis n’est pas contrôlé, une prise en charge chirurgicale s’avère nécessaire, pouvant aller d’un simple traitement conservateur à des procédures beaucoup plus complexes (20,21). Ces procédures, réalisées chez des patients souvent en mauvais état nutritionnel, comportent des risques significatifs et nécessitent donc d’être réalisées au moment le plus adapté.

Matériels et méthodes 

Enquête et questionnaire 

Une enquête rétrospective multicentrique a été réalisée de mars 2018 à janvier 2019 auprès des chirurgiens viscéraux et thoraciques français. L’étude a été présentée et validée par la Société Française de Chirurgie Thoracique et Cardio-Vasculaire (SFCTCV) et la Société Française et Francophone de Chirurgie de l’Obésité et des Maladies Métaboliques (SOFFCO.MM). Un questionnaire a été diffusé par mail aux membres de ces deux sociétés. Des centres experts de chirurgie thoracique et de chirurgie viscérale pratiquant la chirurgie bariatrique ont également été contactés directement. Les centres intéressés pour participer à l’étude étaient invités à répondre au questionnaire disponible sur Google Forms® : https://docs.google.com/forms/d/e/1FAIpQLScrIdJ_V7GIGgc2JV6DXgl99vs_4uAlhB5FeXAiXsDpL CTe7w/viewform.  Cette enquête a reçu l’autorisation de la CNIL (commission nationale de l’informatique et des libertés). Le questionnaire comportait 55 questions réparties en 5 sous parties : caractéristiques des patients lors de la chirurgie bariatrique initiale, description de cette chirurgie, processus diagnostic de la FGT, prise en charge thérapeutique de la FGT et suivi des patients.

Critères d’inclusion 

Les patients pouvant être inclus dans l’étude devaient être majeurs et pris en charge entre 2007 et 2018 pour une fistule gastro-thoracique (FGT) à savoir gastro-pleurale, gastro-bronchique ou gastro-pulmonaire, survenue après chirurgie bariatrique et ce quelle que soit la chirurgie initiale (anneau gastrique, SG, RYGB, bypass gastrique en Omega…) et la prise en charge réalisée (médicale, endoscopique ou chirurgicale).

Stratégie initiale et stratégie de rattrapage
La stratégie initiale a été définie comme l’ensemble des procédures effectuées depuis le diagnostic de FGT (traitement médical, drainage radiologique, endoscopie, chirurgie…). L’échec de cette stratégie et la nécessité d’une stratégie de rattrapage était définie comme un échec d’une prise en charge initiale ayant comporté une chirurgie (abdominale, thoracique ou combinée).

Analyse statistique
Les données descriptives quantitatives étaient présentées sous la forme de moyennes ou médianes et d’écart-types. Leur comparaison s’est faite avec le test t de Student ou d’une analyse de variance (ANOVA). Les variables qualitatives présentées sous forme de proportion ont été comparées à l’aide du test de chi-2. Un résultat associé à un p<0,05 était considéré comme significatif. Toutes les analyses ont été réalisées à l’aide du logiciel SPSS pour Windows .

Résultats 

Caractéristiques des patients et de la chirurgie bariatrique initiale

Neuf services de chirurgie ont répondu au questionnaire (5 services de chirurgie viscérale, 4 services de chirurgie thoracique) et un service de gastro-entérologie avec une répartition des patients selon les villes : Lyon (n=6), Marseille (n=4), Bobigny (n=4), Amiens (n=3), Lille (n=3), Paris (n=2), Grenoble (n=1), La Réunion (n=1). Vingt-quatre patients (20 femmes, 4 hommes) ont été inclus. Le poids et l’IMC médians lors de la chirurgie bariatrique initiale étaient de 115 ± 31 kg et 42 ± 8 kg/m² répartis selon les stades d’obésité : grade 1 (n=1, 4%), grade 2 (n=6, 25%), grade 3 (n=17, 71%). Quatre des patients étaient des super-obèses (IMC >50 kg/m²). La SG était l’intervention la plus réalisée (n=21, 87,5%). Seulement 3 patients ont eu un RYGBP (12,5%) et aucun n’a eu d’anneau gastrique. Deux conversions en laparotomie ont été signalées lors de RYGB dont une liée à un défaut d’agrafage lors de la réalisation de l’anastomose gastro-jéjunale. Le taux de complications post opératoire de l’intervention initiale était de 79% (n=19) réparties en : 2 complications de stade Clavien II (une collection splénique et une du 1/3 supérieur de l’agrafage après SG, traitées médicalement), 16 complications de stade Clavien III (8 fistules, 4 abcès sous phréniques drainés, 2 saignements de la ligne d’agrafage, 1 sténose médio-gastrique et une pleurésie drainée) et une complication de stade Clavien IV (choc septique secondaire à une péritonite sur fistule post Sleeve).

Diagnostic de la FGT 

Délai d’apparition et de diagnostic de la FGT depuis la chirurgie bariatrique initiale 

Le délai médian d’apparition des FGT à partir de la chirurgie bariatrique initiale était de 124 jours (7-760) soit 4 mois environ. Sur les 24 FGT, 8 FGT (33%) étaient considérées comme des « FGT primaires » (sans FGPO initiale identifiée) et 16 (67 %) étaient secondaires à une FGPO initiale. Le délai médian de la FPO initiale par rapport à la chirurgie bariatrique était de 12 jours (1-120). La survenue secondaire de la FGT se faisait après un délai médian de 91 jours (4-236).

Le traitement de cette fistule gastrique initiale a consisté en : un traitement médical seul (antibiothérapie/jeûne/sonde naso-gastrique) pour 2 patients (12,5%) ; une reprise chirurgicale précoce pour 3 patients (19%) ; une prise en charge endoscopique seule pour 6 cas (37,5%). Une prise en charge combinée a été réalisée pour 5 (31%) d’entre eux à savoir : un drainage radiologique et une reprise chirurgicale précoce (n=1) ; un drainage radiologique associé à un geste endoscopique (n=1), une reprise chirurgicale précoce associée à un geste endoscopique (n=2). Un seul patient a nécessité les trois modalités (drainage radiologique + endoscopie + reprise chirurgicale précoce). Les « FGT secondaires » étaient de survenue et de diagnostic plus précoces par rapport aux « FGT primaires»: 137 ± 87 jours versus 299 jours ±284 respectivement, sans différence significative mise en évidence (p=0,155).

Signes cliniques
Trois admissions (1-7) aux urgences/hospitalisations étaient en moyenne nécessaires avant de pouvoir poser le diagnostic de certitude de FGT. Au diagnostic, la symptomatologie pulmonaire était la plus fréquente, présente chez 20 patients (83%) consistant en : une toux chronique (n=14), des épisodes de pneumopathies récidivantes (n=9), un tableau de SDRA (n=5), des douleurs thoraciques (n=5), une dyspnée (n=4) et des expectorations de résidus alimentaires (n=4). Les signes généraux tels qu’une fièvre persistante (n=19) et un syndrome inflammatoire biologique (n=8) étaient également présents chez 19 patients (79%). Les signes cliniques abdominaux étaient principalement caractérisés par des douleurs abdominales persistantes (n=5) et des nausées/vomissements (n=3) et présents chez 8 patients (33%).

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Table des matières

I. Résumé
II. Introduction
III. Matériels et méthodes
III.1. Enquête et questionnaire
III.2. Critères d’inclusion
III.3. Stratégie initiale et stratégie de rattrapage
III.4. Analyse statistique
IV. Résultats
IV.1. Caractéristiques des patients et de la chirurgie bariatrique initiale
IV.2. Diagnostic de la FGT
IV.2.1. Délai d’apparition et de diagnostic de la FGT depuis la chirurgie bariatrique initiale
IV.2.2. Signes cliniques
IV.2.3. Signes radiologiques
IV.2.4. Etat nutritionnel au diagnostic de la FGT
IV.3. Traitement des FGT
IV.3.1. Stratégie initiale de prise en charge des FGT
IV.3.2. Complications de la stratégie initiale
IV.3.3. Stratégie de rattrapage après échec de la prise en charge initiale
IV.4. Délais de guérison
IV.5. Impact de la chirurgie thoracique
V. Discussion
VI. Conclusion
VII. Références
Annexes

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