Enquête policière et techniques d’écriture dans l’œuvre romanesque d’Abasse Ndione

Genèse et Evolution

   Le genre policier a marqué une grande évolution depuis sa naissance, en effet, aujourd’hui le genre, qui à ces débuts, était considéré comme un genre mineur, draine des millions et des millions de lecteurs à travers le monde. Les premiers romans policiers ont vu le jour bien avant que le genre ne s’officialise et ne reçoive cette appellation de roman policier. À cet effet, nous pouvons prendre l’exemple de la nouvelle de P oe intitulé Double Assassinat dans la rue Morgue qui, publiée en 1841 ne sera déclarée pourtant roman policier qu’en 1904. D’ailleurs, Thomas Narcejac concède à Edgar Poe le statut de père fondateur du genre policier. « Puisque le roman policier existait, les critiques ont admis qu’ils devaient exister ; puisqu’il se donnait pour un récit conduit selon toutes les règles du raisonnement scientifique, ils ont cherché a prouver que le développement des méthodes expérimentales devaient conduire un jour quelque penseur génial à concevoir le roman policier. Ce penseur fut Edgar Poe. » Le roman policier apparaît dans un contexte particulier où la civilisation industrielle et l’émergence de la science caractérisent la société occidentale. De ce fait, il est orienté le plus souvent vers la résolution d’une énigme. En effet, le roman policier prend naissance à un moment où le monde se trouve en pleine mutation, et l’homme, faisant face à de nouvelles difficultés sociales, apprend à s’adapter. Cette naissance coïncide avec une époque où les grandes villes par leur expansion considérable devenaient de plus en plus dangereuses où la bêtise était érigée en valeur sociale, où la police prenait un immense élan de développement en Europe comme en témoigne la création du Détective Département de Scotland Yard. Et c’est ainsi qu’en France le chef de la sûreté nationale de Paris, François Eugène Vidocq, est considéré comme le précurseur du genre avec ses Mémoires parus en 1828. Et les thèmes policiers voient le jour sous la plume des romanciers comme Hoffmann Feuerbach. Cependant, c’est Edgar Poe qui donne vie au premier détective de fiction, Auguste Dupin, dans une nouvelle intitulée Double assassinat dans la rue Morgue, publiée par Graham Magazine. Dans cette nouvelle considérée aujourd’hui comme œuvre classique , Edgar Poe, à travers l a figure du détective Dupin qui raisonne intelligemment avec ses méthodes de déduction, présente un modèle de personnage qui sera repris plus tard par la plupart des auteurs de romans policiers. Et c’est sans doute pour cette raison que Jean-Claude Vareille souligne tout le mérite fondateur d’Edgar Allan Poe : « Le coup de génie de Poe, qui fonde le genre, est d’avoir senti que le raisonnement en tant que tel, c’est-à-dire la succession des déductions et des inductions, possédait à lui seul un intérêt dramatique, qu’il pouvait devenir à lui seul l’essentiel de l’histoire. (…) l’énigme et sa solution, juxtaposées, c’est du feuilleton, la lente transformation de l’énigme en sa solution et donc sa dissolution progressive, c’est du roman. » Le roman policier, s’inscrivant au service de l’intelligence, ne devint véritablement populaire qu’avec la parution d’Une étude en rouge par le Breton’s Christmas annual. Dans cette œuvre publiée en 1887, Arthur Conan Doyle présentera le plus célèbre détective dans l’histoire du roman policier, en l’occurrence Sherlock Holmes. Ainsi, du fait de l’influence de Poe sur Doyle, on verra certains traits intellectuels du détective d’Edgar Poe, Dupin, transparaître dans les habitudes de Holmes. Et l’œuvre de Conan Doyle va enregistrer un brillant succès. Ce qui sans nul doute va influencer les aspirations littéraires et les démarches romanesques des auteurs de romans policiers. Et plus tard, au cours des années vingt, ces derniers se perfectionneront davantage dans l’art d’élaboration du roman policier avec le plus souvent des énigmes devenant de plus en plus déconcertantes. En effet, dans ces œuvres la complexité de l’intrigue cachait le meurtrier qui devenait ainsi le moins suspect de tous les personnages de l’intrigue. Agatha Christie excella particulièrement dans ce procédé et l’exemple le plus remarquable fut Le meurtre de Roger Ackroyd publié en 1926, dans lequel la reine du roman policier opère une inversion des rôles par rapport aux habitudes du genre policier. Dans ce roman c’est le narrateur, exempt de tout soupçon aux yeux du lecteur qui sera, à la fin du récit, le véritable coupable du meurtre de Roger Ackroyd. En France, le personnage de Rouletabille va voir le jour dans Le mystère de la chambre jaune sous la plume de Gaston Leroux. Cependant, en 1931, le romancier Georges Simenon met en scène le plus célèbre personnage policier français, le commissaire Maigret. Par ailleurs, le succès du genre en France est attesté par la création de collections entièrement consacrées à la littérature policière notamment Le masque, l’empreinte entre autres. La littérature policière américaine ne sera pas en reste, à l’aube de l’âge d’or du roman policier. En effet, vers les années vingt, naissaient des magazines comme Le Black Mask, entièrement consacrés à la littérature policière. Cette démarche va motiver l’évolution du roman policier et occasionner aux Etatsunis la naissance de héros enquêteurs, devenus détectives privés. Et nous pouvons prendre l’exemple des séries du détective Ellery Queen, les aventures du détective Philovance dans La Mystérieuse affaire Benson (1926) de Van Dine, le fameux détective chinois Charlie Chan de Earl Biggers etc. la littérature américaine des années 30 enregistre ainsi une floraison de romans policiers avec comme auteurs principaux Stanley Gardner créateur de Perry Mason , Rex Stout et son détective gourmet Nero Wolf, Reymond Chandler, dont le détective Philip Marlowe est devenu un personnage classique. Ces récits mettaient l’accent sur l’action du roman plutôt que sur l’énigme avec des histoires arrimées le plus souvent à la violence et à la sexualité. L’évolution du roman policier sera fortement retardée par la deuxième Guerre mondiale. En effet, durant cette période on va noter une très f aible publication de romans policiers quand bien même la veine policière classique ne va pas se laisser briser par la convulsion historique que constitue la guerre. Agatha Christie, Marguery Allingham, Michael Innés, Nicolas Blake, et Nago Mars poursuivirent tous après la guerre, la publication de r omans policiers Plus tard, dans les années 1950, le policier et le détective vont céder la place aux enquêteurs amateurs, et on parlera de roman de procédure. Ce dernier, toujours animé par les lois du roman policier, porte son choix sur les personnages ordinaires faillibles et tourne le dos aux génies de la déduction. En outre, sur le plan de la caractérisation des personnages, une évolution va s’opérer dans le r oman policier. En effet, le détective, qui au début était toujours présenté comme quelqu’un d’honnête et d’intelligent, sera remplacé par des personnages de moi ns en moins recommandables, notamment les voleurs, cambrioleurs, assassins, etc. Ces personnages de personnalité sombre viennent assaillir la scène de l’intrigue policière. Et toujours dans le cadre de la caractérisation des personnages. Il faut également souligner que l’enquêteur qui, au début du genre policier, était un professionnel devient par contre dans le roman policier contemporain un personnage ordinaire plus proche du lecteur, c’est-à-dire de la réalité. Il n’est plus policier ni détective, mais un civil qui, pour « sauver sa peau » se doit de men er une enquête dont le ressort principal constitue un crime commis par un inconnu. Et pour citer certains représentants de ce courant, nous pouvons convoquer des noms de romanciers comme John Creasey sous le pseudonyme de J .J Maric avec ses histoires de guidon de Scotland Yard, Salvatore Lambino connu sous les pseudonymes de Ed Mc Bain et Evan Hunter avec sa série 87éme District et Dorothy Uhnak avec sa brillante héroïne Christie Opara.

L’enquêteur

   Le roman policier peut être compris comme un type de récit directement issu du rationalisme dans lequel l’auteur s’attache au pas de l’enquêteur qu’il soit policier ou simple amateur. Le policier, le détective ou celui qui en fait fonction recrée la scène absente, le texte absent de l’énigme. Il en est le traducteur, l’interprète. Et Alain Michel Boyer, dans son ouvrage intitulé le portrait de l’artiste en policier, considérait l’enquêteur c omme : « Non seulement un traducteur qui parvient à rendre accessible ce qui ne l’est pas immédiatement, mais aussi un interprète qui découvre les rapports secrets qui unissent le sens manifeste et le sens dissimulé (…) le détective imite et affecte une interprétation, il en offre le spectacle et le faux semblant. » En effet, dans tout roman policier, il faut par définition la figure de l’enquêteur. Celui-ci participe activement au déroulement de l’intrigue du roman policier. À l’aube du genre, l’enquêteur était forcement un policier ou un détective privé. Ce dernier était souvent un personnage égocentrique, socialement isolé, il est, la plupart du temps, secondé par un ami ou par un adjoint qui lui sert de confident. Et c’est cet échange entre ces deux hommes qui permet au lecteur de suivre le fil des pensées du détective. La tâche de l’enquêteur consiste, en effet, à réunir tous les indices qui mènent à l’individu qui a commis le crime. Le souci du détective est de découvrir la manière dont est commis le meurtre et d’amasser toutes les informations qui conduisent jusqu’au meurtrier. Et comme l’affirme Alain Michel Boyer dans « Portrait de l’artiste en policier » : « Le policier ne cesse de corriger, de vérifier les détails, d’ajouter des développements, de choisir une voix plutôt qu’une autre, de reprendre comme un auteur, le schéma narratif qu’il dessine. » En réalité, c’est une somme de pet ites informations qui, par leur convergence, finissent par être révélatrices et conduisent le détective voire l’enquêteur jusqu’au coupable. En fait, l’enquêteur, après avoir élaboré plusieurs hypothèses juste après le crime, il procède, au fil des pages, à une suppression de certaines hypothèses moins évidentes jusqu’à l’unique solution. Et cette méthodologie obéit à une logique rigoureuse voire un rationalisme. En effet, Jaques Dubois déclarait dans Le roman policier ou la modernité que : « Le détective est celui (…) qui pour savoir et pour comprendre, n’a pas d’autres recours, si ce n’est de pauvres indices, que de s’identifier à l’autre- victime, suspect ou coupable. Changer de peau, en esprit, pour reconstituer un itinéraire, une biographie. Voué à un rôle récurrent de substitution. » Ainsi, convaincu que le mystère qui gravite autour du crime finit toujours par se révéler, et la vérité dévoilée ; l’enquêteur incarne la patience mais aussi et surtout la ténacité. L’enquêteur est présenté comme un grand passionné du métier, et accepte ainsi d’atteindre son objectif, c’est-à-dire de dénicher le criminel même si c’est à coup de risques gigantesques. L’identification du coupable donne une assurance à l’enquêteur qui selon J. Dubois, est : « Celui qui a la faculté d’entrer dans la peau de l’autre, de s’identifier à lui » Cependant, au fil des années, la figure de l’enquêteur va évoluer. Ce dernier qui, à la naissance du genre, était fréquemment un policier ou un détective, va devenir un homme ordinaire qui, quelque fois même, possède un caractère assez éloigné de la doxa sociale. Et à cela, s’ajoute le fait que l’enquêteur n’est plus un professionnel mais plutôt un amateur, le plus souvent obligé de mener une enquête pour « sauver sa peau ». Il garde Tout de même son sens très poussé de l’observation et du raisonnement. Par ailleurs, il faut souligner le parallélisme souvent établi entre l’enquêteur et le lecteur. Et l’identification du lecteur au personnage de l’enquêteur est plus pertinente lorsque ce dernier se confond avec le narrateur lui-même. Autrement dit, le lecteur au même titre que l’enquêteur se fixe pour objectif final d’élucider le crime, de révéler le mystère et le mobile du crime. C’est pour cela que le personnage de l ’enquêteur reflète généralement les aspirations du lecteur. Ainsi, tous les indices qui mènent au coupable se présentent au même moment aux deux partenaires, notamment au lecteur et à l‘enquêteur. C’est pour cela sans doute que S.S. VanDine proposait dans la revue, « Mystère magazine » parue en 1951, que « Le lecteur et le détective doivent avoir les chances égales pour résoudre le problème. » Ainsi, le lecteur n’est plus un simple admirateur du personnage de l’enquêteur mais il a l e sentiment de participer à l a narration voire à la résolution de l’énigme. L’enquêteur fait d’énormes sacrifices, prend des risques dangereux pour arriver à ses fins, c’est-à-dire dévoiler le mystère qui tourne autour du crime. Quant au lecteur, il est tenu en haleine et il se trouve obligé de terminer la lecture du roman pour accéder en même temps que l’enquêteur à l ’ultime vérité. Et c’est pour préserver ce parallélisme entre le lecteur et l’enquêteur que le nœud de l’intrigue ne doit se défaire qu’au bout du récit.

Emergence et évolution

   Le roman policier, Après une large conquête en Europe et en Amérique, va prendre pied en Afrique, avec à ses débuts une très faible production. En effet, l’ère du roman policier africain sera inaugurée au début des années 1980 avec l’apparition des romans tels que, le D.A.S.S monte à l’attaque d’Evina Abessolo ; La vie en spirale d’Abasse Ndione ; No woman no cry d’Asse Guèye, publié aux éditions l’Harmattan « polars noirs ». Et plus tard le genre policier va connaître un vrai succès vers la fin des années 1990 avec la réédition aux éditions Gallimard des deux tomes de La vie en spirale d’Abasse Ndione, publiées quelques années plutôt aux Nouvelles Editions Africaines. Ainsi, la première publication du romancier sénégalais va provoquer une floraison d’œuvres policières avec de nouveaux auteurs, en l’occurrence Achille Ngoye qui publie L’agence black Bafoussa, Sorcellerie à bout portant, à la « Série noir »; le roman du Congolais Bolya Baenga intitulé La Polyandre figure parmi les trois premières publications de la collection ‘‘Serpent noir’’; Moussa Konaté publie L’honneur des Keita, L’empreinte du Renard (Fayard). Et aujourd’hui, le genre du roman policier a effectué de g rands progrès et la quasi totalité des auteurs africains, tombés sous le charme du roman policier, ont publié chacun plus d’une œuvre dans ce genre. De nos jours, le Sénégal et la République Démocratique du Congo constituent les pays où le genre policier séduit le plus d’écrivains, comme en témoigne le festival « Polar à Dakar » organisé en février 2000. Sur le plan commercial, c’est l’Algérien Yasmina Khadra qui enregistre le plus de succès dans le monde du polar francophone avec son œuvre intitulée Morituri, parue en 1997. Alors, longtemps considéré comme genre mineur, la littérature policière a fini par enregistrer un succès éclatant jusqu’à toucher la gent féminine, en la personne d’Aïda Mady Diallo qui est la première écrivaine africaine à déposer ses empreintes sur le genre policier en intégrant la série noire. En effet, considérée comme « la reine du crime » du roman policier africain, elle publie Kouty, mémoire de sang, véritable chef-d’œuvre dans l’univers du roman policier africain. Sokhna Benga publie elle aussi trois romans policiers en 2007 (Le médecin perd la boule, La caisse était sans proprio, Les souris jouent au chat) parus aux éditions Oxyzone. Cependant, il ne faudrait pas perdre de vue la différence qui s’est établie dès la naissance du genre en Afrique entre le nord et le sud du continent africain. Au nord de l’Afrique, le roman policier sera en plein essor avec une large avance sur la partie sud du Sahara. Yasmina Khadra va largement visiter le genre policier en publiant les nombreuses aventures du commissaire Llob. Et plus tard, Driss Chraïbi va lui emboîter le pas avec les publications de l’inspecteur Ali (L’inspecteur Ali au Trinity Collège, L’inspecteur Ali et la CIA, L’inspecteur Ali au village), parues aux éditions Denoël. L’Afrique du nord découvrira elle aussi « sa reine du crime » en la personne d’Eliette Abecassis avec son roman intitulé Clandestin, publié aux éditions Albin Michel. Le genre policier africain va connaître un progrès considérable et va gagner ses lettres de noblesse en intégrant la célèbre collection « Série noire » des éditions Gallimard. Ainsi, le continent noir n’est plus à la traîne avec les multiples publications de romans policiers africains.

Le roman policier d’Abasse Ndione

   Les deux romans d’Abasse Ndione, notamment La vie en spirale, Ramata, ont séduit le lectorat universel du fait de la clarté de l’auteur dans sa présentation des thèmes qui, pour la majeure partie, étaient considérés comme sujets tabous. Abasse Ndione, dans son œuvre, décrit des personnages ancrés dans une quête frénétique du plaisir trivial. En effet, l’intempérance règne dans les deux œuvres d’Abasse Ndione. Le ‘‘yamba’’, le sexe, la fortune résident au cœur de l’activité quotidienne des personnages de cet auteur de polars. Ce sont souvent des personnages qui fréquentent des milieux incompatibles aux mœurs de la société. Ainsi, la prison, les bars, les unités de d rogués entre autres, parsèment l’espace romanesque de l’œuvre d’Abasse Ndione. Ce dernier décrit en outre l’injustice qui caractérise les relations sociales. La particularité de celui-ci réside en outre dans la description de la sombre personnalité de ses personnages. En effet, pour dénoncer la déviance de ces personnages, il ne parle pas à mots couverts. Lorsque par exemple il décrit des scènes de pratique sexuelle, l’écrivain sénégalais se défait de sa pudeur. La sexualité est une parcelle de la complexion humaine qui a toujours été passée sous silence et ensevelie de discrétion en Afrique. Ainsi, on la pratique mais on ne l’aborde jamais publiquement. Outre la sexualité, Abasse Ndione des thèmes rarement débattus dans la littérature sénégalaise. L’usage du ‘‘yamba’’ par exemple n’apparaît que parcimonieusement dans l’écriture africaine, et Abasse Ndione en parle ouvertement en sortant du discours habituel. Abasse Ndione dénonce ces nouveaux attributs de l’homme moderne. Dans ces deux romans, l’écrivain sénégalais s’attache au parcours tortueux des assassins qui envahissent le devant de la scène du roman policier avant de trouver la mort. Ainsi, Jacques Goimard note avec raison dans Critiques des genres : « Si nos assassins en peaufinant les scénarios de leurs méfaits, c’est que leurs créateurs se délectent en racontant leurs mésaventures. (…) mais leur histoire montre bien que l’on en a jamais fini avec les morts, qui survivent dans leurs œuvres et jusque dans l’esprit de leurs assassins. »

L’enquête dans Ramata

  Dans le roman à énigme, l’auteur met toujours l’accent sur l’enquête qui occupe une place nodale dans l’intrigue policière. En effet, elle donne un sens à la première partie du récit qui présente la victime d’un meurtre le plus souvent entouré de mystère. Ainsi, la narration de l’enquête présente à la fois ce que perçoit l’enquêteur dans une grande fidélité mais il crée en même temps des entorses à la narration pour susciter la surprise chez le lecteur. L’enquête constitue alors une somme de traces qui concourent à l’élucidation d’un meurtre commis dont on ignore le mobile. C’est ce qui justifie certainement l’assertion d’André. Peyronie selon laquelle : « L’enquête du détective est le nom que prend dans le roman la distribution de l’information. » C’est ce qui donne certainement au personnage de l’enquêteur toute son importance. Seulement, contrairement à u ne opinion admise il peut y avoir des romans policiers sans un personnage enquêteur qui participe à l’action du récit ou qui, pour reconstituer le fil des événements, suit les pas de l’enquêteur. Abasse Ndione va faire preuve de créativité en apportant une innovation de taille dans la technique narrative de son œuvre policière. En effet, on constate dans l’œuvre du romancier sénégalais intitulée Ramata, une technique narrative qui attire forcément l’attention du lecteur de cet ouvrage. Dans l’organisation de la fiction, il e st manifeste que le narrateur, en aucun moment de la narration, ne se trouve impliqué dans le récit des événements qu’il présente. Il ne suit pas non plus les pas d’un quelconque personnage dans le récit. En effet, la question que le narrateur se pose à la fin du récit de Gobi en atteste largement : « Une unique question trottait dans mon esprit : de qui Gobi tenait-il cette histoire ? Pas de Diodio ou de Golda Meir, certainement, car, selon toute apparence, il connaissait la vie de l’infortunée Ramata Kaba mieux qu’elles. De Moro encore moins. » (RA, 530) Le narrateur qui apparaît d’abord à t ravers un style de n arration directe va disparaître plus tard en convoquant la narration historique qui efface toutes les marques de l a présence du narrateur dans le texte. Abasse Ndione procède à une technique narrative qu’on peut assimiler à une délégation de narration. Dans Ramata, le narrateur nous raconte une histoire qu’il tient d’une autre personne, et c’est cette histoire qui constitue intégralement l e récit de l’enquête dans l’intrigue policière de Ramata. Dans cette œuvre, le texte semble donner corps à une enquête menée par le narrateur inconnu. Ainsi, le succès de cette œuvre d’Abasse Ndione réside dans la technique narrative marquée par le sceau de l’oralité.

Ramata Kaba

   L’enquête dans le roman policier porte sur un crime ou tout simplement sur un délit dont on ignore le vrai mobile. Et généralement la victime et l’enquêteur constituent des personnages différents. Cependant, dans le récit d’Abasse Ndione, cette structure est rompue dans l’enquête de Ramata Kaba qui, non seulement est la victime mais entreprend une investigation pour retrouver son agresseur qui venait d’abusait d’elle. Elle sollicite par la même occasion les services de la gendarmerie de Rufisque. L’enquête de Ramata donne lieu à une investigation de la gendarmerie, singulièrement de l’adjudant-chef Ibnou Faye. En réalité, Ramata, en un moment, va se rabattre sur ce dernier pour localiser son agresseur. Ainsi, l’enquête de l’épouse du ministre de l a justice engendre une autre petite enquête qui, sans doute, lui sert de tremplin. En effet, cette investigation mobilise à la fois Ramata Kaba et l’adjudant-chef Ibnou Faye. Les traces, laissées involontairement par Ngor Ndong sur le lieu du viol, vont permettre à Ramata d’identifier ce dernier et se mettre à sa poursuite. L’enquêteuse, pour arriver à bout de son projet, s’appuie sur le service de la sécurité publique, notamment la brigade de la gendarmerie de Rufisque. Et signalons en outre que l’investigation de Ramata va, en un moment, susciter le doute chez son collaborateur. En effet, au bout d’une première partie de recherches sans grand succès, l’adjudant-chef fit subir à l’épouse du ministre un bref interrogatoire. « Je me demandait simplement si nous parlions du même Ngor Ndong.
– Ah oui, pourquoi ?
– Mais comment vous savez que l’homme venu à votre secours était Ngor Ndong ? Comment pouviez-vous connaître son nom et savoir qu’il habitait à Sangalcam ?
(…)
– Ma parole ! Vous me faites subir un interrogatoire, monsieur le gendarme, plaisantant-elle en prenant son sac à main sur ses genoux.
(…)
– Monsieur le ministre d’État, votre mari, disait que Ngor Ndong était chauffeur de taxi… » (RA, 199 ,200)
Ibnou Faye interroge Ramata Kaba qui, pour dénicher Ngor Ndong se prête à des mensonges. Mais néanmoins, elle va sortir glorieuse de l’interrogatoire auquel le soumet l’adjudant-chef. Ainsi, ce dernier continua ses recherches jusqu’au Copacabana où il va enfin trouver Ngor Ndong. Il faut reconnaître en outre qu’à travers cet entretien entre Ramata et l’adjudant-chef, apparaît les vraies marques de l’enquête policière. En effet, si Ramata au lendemain de s on agression tombe hasardeusement sur les traces de son agresseur, Ibnou Faye, quant à lui, va recourir à une série de questions pour percer le mystère qui plane au dessus de cette affaire. Par ailleurs, l’enquête de Ramata va subir un important rebondissement suite à ses retrouvailles avec Ngor Ndong. En effet, ce dernier, à peine retrouvé, va échapper une nouvelle fois à la vigilance de Ramata Kaba, et s’éclipser pour de bon.

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Table des matières

INTRODUCTION
I – PRESENTATION DU GENRE POLICIER
I – 1 Définition
I -2 Genèse et Evolution
I – 3 Caracteristiques
3.1 L’intrigue
3.2 L’enqueteur
I – 4 Le Roman policier africain
4.1 Emergence et Evolution
4.2 Spécificités
I – 5 Le Roman policier d’Abasse Ndione
5.1 La vie en spirale
5.2 Ramata
II – LES STRUCTURES DE L’ENQUETE ET L’ECRITURE COMPOSITE
II- 1 Les structures de l’enquête
1.1 L’enquête dans Ramata
1.1.1 Le narrateur
1.1.2 Ramata Kaba
1.2 L’enquête dans La vie en spirale
1.2.1 La police de Rio
1.2.2 Amuyakaar
II-2 Une écriture composite
2 .1 L’interference de la langue wolof
2 .2 L’historicité
2 .3 Le syncrétisme litteraire
I I I – PARCOURS THEMATIQUE
I I I -1 Subversions des valeurs sociales et Satire de l’appareil judiciaire
1.1 L’usage de la drogue et de l’alcool
1.2 L’intemperance
1.3 La chronique judiciaire
I I I -2 La peinture des valeurs culturelles africaines
2.1 Le savoir occulte
2.2 Panorama de la tradition
I I I -3 La distorsion sociale
3.1 Les conflits intergénérationnels
3.2 L’opulence et la misére
3.3 La violence sociale
CONCLUSION
Bibliographie

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