ENONCIATION ET DISCOURS LITTERAIRE

THEORIE DE BASE

   L’analyse du discours est une discipline qui s’inscrit dans les sciences du langage à partir des années 60-70. Elle compte différentes bases théoriques que sont entre autres : la théorie communicationnelle, la théorie conversationnelle, la théorie sociolinguistique, la théorie de l’école Française d’analyse du discours, la théorie sémiotique, la théorie pragmatique, la théorie énonciative. Toutes ces théories qu’on appelle les théories de base de l’analyse du discours nous servent d’outils d’étude très efficaces aux réflexions sur tout discours, politique ou littéraire. Pour le besoin de notre recherche, nous nous intéressons à la théorie de l’énonciation. Celle-ci s’intéresse à tout, c’est-à-dire à tous les phénomènes que caractérisent les conditions de production du discours. Elle nous permet ainsi de comprendre le fonctionnement de la langue.

Les indices temporels dans Une si longue lettre de Mariam Ba

   Ce sont les éléments du texte qui indiquent le lieu et le moment de la situation d’énonciation. C’est-à-dire le temps des verbes, les compléments de lieu et de temps, adverbes, groupes nominaux : ce soir-là, là-bas… Ils désignent la date ou le moment auquel est produit l’énoncé, autrement dit moment où l’émetteur parle ou écrit (aujourd’hui, maintenant…), moments situés après (demain, la semaine prochaine…), moments situés avant (hier, l’an dernier…). Il s’agit souvent d’adverbes et plus généralement de compléments circonstanciels de temps renvoyant au moment de l’énonciation (aujourd’hui, demain, hier…) ; parfois ce sont des adjectifs qualificatifs (la semaine passée, lundi prochain…). L’œuvre de Mariam Bâ, Une si longue lettre, se présente comme un bilan ; celui d’une vie incapable de s’adosser sur une sociabilité et se mène Ramatoulaye, la narratrice, à un repli de sur elle-même. Le temps de la narration permet de retracer les étapes par lesquelles Ramatoulaye passe d’un bonheur conjugal fruit d’une jeunesse empreinte de modernité et de liberté aux déboires d’une vie polygamique. La toute puissante du souvenir se traduit la résurgence des images : « si les rêves meurent en traversant les ans et les réalités, je garde intacts mes souvenirs, sel de ma mémoire. » (idem, p.5) C’est donc l’histoire de Ramatoulaye surtout, mais aussi celle de d’Aïssatou. La temporalité rétrospective, analeptique des mémoires de Ramatoulaye se traduit ainsi par un dédoublement du « je » en deux instances, l’histoire vécue et l’écriture de cette histoire. Pour cela, l’acte de mémoire par lequel la narratrice relate sa vie révèle un temps un de narration divisé qui peut être considéré en deux grandes périodes dont avant le décès de Modou : l’enfance et l’adolescence, la vie des jeunes couples, le divorce d’Aïssatou, la trahison de Modou et la mort de Modou et après sa mort : les rapports avec la famille de Binetou, les enfants et leurs problèmes et les prétendants. Ainsi, la narratrice a cinquante ans, quand s’est mariée à Modou elle en avait trente. Après vingt-cinq ans de mariage, son époux prend une deuxième femme ; c’est le jour du décès de son mari qu’elle a choisi pour raconter son histoire : « aujourd’hui, il vient de mourir d’une crise cardiaque foudroyante. » (p.6) Le texte a une temporalité propre à l’écriture de la lettre. La première personne ressurgitdans l’actualité de sa propre énonciation. Le passé rejoint le présent qui, à son tour, ouvre l’horizon d’un futur prometteur : « Je t’avertis déjà, je ne renonce pas à refaire ma vie. Malgré toutes les déceptions et humiliations – l’espérance m’habite. C’est de l’humus sale et nauséabond que jaillit la plante verte et je sens pointer en moi, des bourgeons neufs » (idem, p.84) La lettre se place, ici, dans le temps du présent fragile marqué du sceau de l’attente d’un avenir meilleur. Elle se situe entre le passé révolu et le futur attendu, entre la nostalgie du présent aboli et l’anticipation joyeuse d’une résurrection portée par l’image métaphorique de la germination. Par ce processus de création d’un avenir, l’écriture d’Une si longue lettre est une écriture de fiction. Le ressentiment que les échecs de l’existence sociale n’ont de cesse de nourrir est transformé dans la narration en une source de création littéraire, car Ramatoulaye est avant tout une écrivaine qui se penche sur son passé dans un élan de repli sur soi pour transformer les malheurs de sa vie en un chant exubérant. En outre, le geste épistolaire se pose comme une compensions aux ratages de l’existence. Au regard de l’échec de la vie polygamique, la forme épistolaire permet à Ramatoulaye de saluer, de loin, la disparition d’un monde pour en recréer un autre, tout pour tout regagner, en somme écrire d’outre-tombe pour renaitre de ses cendres.

La subjectivité lyrique dans Une si longue lettre

   Le lyrisme dans Une si longue lettre n’est plus à démontrer ; en effet dès l’incipit de sa relation épistolaire, Ramatoulaye dit : « (…) j’ouvre ce cahier point d’appui de mon désarroi : notre longue pratique m’a enseigné que la confidence noie la douleur » (idem, p.) Et au début des chapitres 14 et 17, elle répète respectivement : « Enfin seule, pour donner libre cours à ma surprise de jauger ma détresse. » (idem, p.59) « J’ai dit l’essentiel, car la douleur, même ancienne, fait les mêmes lacérations dans l’individu, quand on l’évoque. » (idem, p.81) Or le lyrisme, s’il n’est pas collectif est l’expression des sentiments profonds et personnels d’un auteur. C’est pourquoi, Ibiyemi MOJOLA, clarifie le concept en ces termes : « Le roman doit son succès non seulement aux préoccupations idéologiques de la romancière mais aussi à l’appel à la sensibilité du lecteur par son style et ses thèmes lyriques. Comme l’amour, l’amitié, la mort, la solitude, le désespoir, le destin (…). En effet, une si longue lettre est l’expression des sentiments profonds de Ramatoulaye, la narratrice (…) » C’est dire que tout le ton lyrique de confidentialité emprunté par la narratrice donne sans doute à la narration une dimension subjective, si tant est que l’objectivité d’un récit ne pourrait se concevoir que par rapport à la neutralité du narrateur. Or tout le monde le sait, la narratrice d’Une si longue lettre, nous le verrons par l’étude de la subjectivité par les désignations linguistiques, est loin d’être neutre. En outre, un récit objectif ne peut pas être lyrique dans la mesure où la fidélité du narrateur à l’histoire racontée doit être infaillible et dépourvue de sentiments émotionnels, alors que la narratrice d’Une si longue lettre se dit « excessivement sentimentale » (idem, p.21). Les limites de l’objectivité de la narratrice se perçoivent aisément de son jugement complaisant et même simpliste en faveur de sa fille tombée enceinte, elle pense : « On est mère pour comprendre l’inexplicable » dit-elle : (idem, p.120). Ce raisonnement subjectif ne peut se comprendre que par l’expression de l’amour maternel, autre forme de lyrisme. En réalité, même si la portée idéologique de l’œuvre semble retenir l’attention de la quasi-totalité des lecteurs et critiques littéraires, le récit d’Une si longue lettre, à travers un soubassement lyrique incontestable, a fini de convaincre plus d’un lecteur de l’empreinte subjective que la narratrice imprime de manière indélébile à son tente. Il faut dire que l’amour, thème lyrique par excellence, domine toute la relation épistolaire ; Or « le mot « aimer » avait une résonance particulière » (idem, p.28). Cette particularité du sentiment d’amour confère au texte un caractère éminemment subjectif. Relevons à titre d’illustration quelques exemples qui l’attestent : « Tu connais ma sensibilité, l’immense amour que je vouais à Modou » (idem, p.82) « La saveur de la vie c’est l’amour. Le sel de la vie, c’est l’amour encore » (idem, p.94) Dès lors, l’objectivité apparente qui semble se dégager de l’engagement sincère et idéologique de la narratrice se trouve limitée par l’inférence subjective de la narratrice dans le texte qu’on peut étudier à travers le langage qu’elle utilise.

L’énonciation du discours indirect libre

   Quand les paroles sont rapportées comme au discours indirect mais que le verbe principal introducteur et le mot subordonnant ont été supprimés, on parle alors de discours ou style indirect libre. C’est un système hybride Le discours indirect libre est particulièrement utilisé dans les récits littéraires. Plus léger que le discours indirect, le discours indirect libre de rester dans la continuité de la narration, tout en faisant entendre les propos de quelqu’un ou en rapportant ses pensées. Le discours indirect libre n’utilise pas de verbes interlocuteur de la parole comme « dire », « demander », « interroger », et donc pas de proposition subordonnée, simplement des indépendantes ; la distinction entre les paroles rapportées et la narration est gommée : il s’agit de la transcription des paroles prononcées, écrites ou pensées, souvent utilisée dans le monologue intérieur ; on utilise souvent aux temps du passé : imparfait, plus-que-parfait de l’indicatif, présent du conditionnel à valeur de futur dans le passé ; le locuteur n’est pas identifié de façon explicite ; le discours indirect libre est parfois difficile à repérer hors contexte. Exemple : « Les invités ont lu le Coran. Leurs voix ferventes sont montées vers le ciel. Il faut que Dieu t’accueille parmi ses élus, Modou Fall ! » (p.85) « Sacrée Farmata, comme tu étais loin de ma pensée ! l’agitation où je me débattais et que tu pressentais n’était point signe de tourments amoureux. » (p.96) Le discours indirect libre ressemble au discours direct car il n’est pas introduit par un subordonnant, il peut conserver les marques de l’oralité et les différents types de phrases. Il ressemble au discours indirect car il n’y a pas de ponctuation particulière. Il présente les modifications des pronoms personnels et possessifs, des temps, des indicateurs de temps et de lieu (spatio-temporels) et la disparition des marques de l’oralité est aussi possible, la concordance des temps doit être respectée. Le discours ou style indirect libre permet de ne pas couper brusquement la narration et garde une vivacité proche du discours direct. Il permet de retranscrire les pensées intimes d’un personnage. Le discours indirect libre est intermédiaire entre le discours direct et le discours indirect. Il emprunte certaines caractéristiques au discours direct comme les types de phrases, la marque de l’expressivité, et de la subjectivité. Au discours indirect, il emprunte les temps verbaux, les repères de temps et de lieu… particulièrement utilisé dans les récits littéraires, le discours indirect libre permet de rester dans le récit tout en faisant entendre les paroles d’un personnage. En somme, l’œuvre de Mariama Ba est parsemée de discours rapporté mais dominée par le style direct dans son énonciation permanente, où nous avons constaté qu’à chaque fois que l’énonciatrice d’Une si longue lettre rapporte les propos d’un personnage le fait d’une façon que les propos reste authentiques. Ce qui nous situe dans une énonciation du discours au style direct.

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Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE I : CADRE THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE
1.1. PROBLEMATIQUE
1.1.1. CONTEXTE ET JUSTIFICATION
1.1.2. QUESTIONS DE RECHERCHE
1.1.3. OBJECTIFS
1.1.4. HYPOTHESES
1.2. REVUE DE LITTERATURE
1.3. METHODOLOGIE
1.3.1. CORPUS
1.3.2. THEORIE DE BASE ET CONCEPTS CLES
CHAPITRE II : LA LINGUISTIQUE DE L’ENONCIATION
2.1. Définition
2.2. Historique
2.3. Objectif
2.4. La différence entre l’énoncé et l’énonciation
2.5. L’énonciation discursive et historique
2.5.1. Le discours
2.5.2. Le récit (ou l’histoire)
CHAPITRE III : LES INDICES DE L’ENONCIATION DANS UNE SI LONGUE LETTRE DE MARIAMA Bâ
3.1. Les indices personnels dans Une si longue lettre de Mariam Ba
3.2. Les indices temporels dans Une si longue lettre de Mariam Ba
3.3. Les indices spatiaux dans Une si longue lettre de Mariam Bâ
CHAPITRE IV : LA SUBJECTIVITE DANS UNE SI LONGUE LETTRE DE MARIAMA BA
4.1. La subjectivité lyrique dans Une si longue lettre
4.2. La subjectivité langagière
4.2.1. La subjectivité par la première personne singulière « je »
4.2.2. La subjectivité par la première personne plurielle « nous »
4.3. L’indétermination axiologique ou le paradoxe thématique
4.4. Les modalisateurs
CHAPITRE V : LE DISCOURS RAPPORTE DANS UNE SI LONGUE LETTRE DE MARIAMA Bâ
5.1. L’énonciation du discours direct
5.2. L’énonciation du discours indirect
5.3. L’énonciation du discours indirect libre
CHAPITRE VI : DU DIALOGISME A LA POLYPHONIE DANS UNE SI LONGUE LETTRE DE MARIAMA Bâ
6.1. Le dialogisme
6.2. La polyphonie
CONCLUSION

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