Enjeux soulevés par l’intervention à domicile

La logique médicale (modèle du cure)

La logique médicale (ou modèlebiomédical), comme mentionnée précédemment, est celle qui prédomine actuellement dans le système. Elle se base essentiellement sur une approche épidémiologique. C’est-àdire de retracer la ou les différentes causes du problème et ensuite de mettre en place des actions efficaces pour le régler. Cette approche s’inscrit dans une culture scientifique où les facteurs de risque, mais surtout génétiques, sont pris en considération (Fréchette, 2014). De plus, il y a uniformité et standardisation des manières de faire, comme elles sont bien établies pour être efficaces. L’objectifprernier est de combattre la maladie. On est en plein coeur de la philosophie du curatif: agir rapidement sur les symptômes présents et tenter de guérir à tout prix en suivant des protocoles.
Si cette logique s’avère très utile et pratique dans l’univers de la santé physique, elle présente plusieurs limites quant à la santé mentale et les problèmes sociaux. On peut comprendre que dans cet univers où soulager la douleur et guérir sont primordial que la technique et le savoir-faire prennent le dessus sur le relationnel. En effet, l’individu est considéré symboliquement davantage comme un corps objet, plutôt qu’une personne.
Bien entendu, l’aspect relationnel est présent et s’avère utile tout de même dans ce modèle. Toutefois, il semble être perçu et utilisé en complémentarité de la technique et donc placé en périphérie.

La logique clinique (modèle du care)

Tout d’abord, Tronto (2009) souligne l’importance de considérer l’interdépendance humaine et inscrit donc le care dans les responsabilités morales et politiques qu’une société porte face aux problèmes qu’elle rencontre, notamment ceux en santé. C’est d’ailleurs ce que l’État québécois s’est tenu de faire durant plusieurs années, mais qui semble s’effriter par l’apparition de la logique administrative et par la forte propension de la logique médicale.
La logique clinique (ou le care) est associée au terme de sollicitude ou du prendre soin en français, ce qui fait référence à une préoccupation, à un souci de quelque chose de différent de soi et à se mobiliser dans l’action pour cette préoccupation. Vivre le care c’est être présent à ceux qui souffrent, et rester présent même quand on ne peut rien faire pour changer leur situation (Nouwen, 2012). C’est d’être investi dans une relation unique et singulière et de chercher à favoriser le mieux-être de la personne accompagnée. L’objectif ici n’est donc pas le résultat, mais bien le processus par lequel la personne cheminera vers son mieux -être. Cette logique clinique étant au coeur de ce qui donne la richesse à l’intervention à domicile sera abordée plus en profondeur lors du prochain chapitre. Le Tableau 1 qui suit dresse une synthèse des éléments clés de chaque logique décrite.
Bien que cette réalité difficile au sein du réseau ne soit pas le sujet principal de cet essai, elle reste pertinente à prendre en considération dans la compréhension des impacts sur les pratiques professionnelles et sur les difficultés rencontrées sur le terrain.
Notamment, sur les difficultés à intervenir à domicile. La prochaine section se penchera d’ailleurs sur les impacts de ce système sur l’intervention psychosociale en général.

Impacts et difficultés sur l’intervention psychosociale

Si la logique médicale et la logique administrative partagent plusieurs aspects en commun, il en est tout autre avec la logique clinique. Par conséquent, il est plus difficile pour les intervenants en soutien psychosocial de rencontrer les exigences imposées par le système actuel. En effet, plusieurs intervenants dénoncent un recul de la dimension sociale, communautaire et préventive, au profit de la dimension médicale, juridique et curative, ainsi que de la pratique sociale au profit du pouvoir administratif (Breviglieri, 2005; Mayer, 2002).
Cette margina1isation des services sociaux au sein du système amène plusieurs conséquences alarmantes. Les intervenants sentent leur autonomie professionnelle et l’organisation de leur travail menacées et contrôlées par la lourdeur administrative et la reddition de compte serrée. Même la proximité relationnelle souvent à l’avant-plan dans l’intervention psychosociale devient de second ordre dans ce contexte organisationnel (Bourque et al., 2011; Larivière, 2007). Cette omnipotence de la logique administrative semble laisser peu de place à l’émergence et aux développements de certaines manières de faire, notamment en ce qui a trait à l’intervention à domicile. En effet, les exigences d’efficacité que demande cette logique réduisent le temps passé auprès des clients. Or, la relation qui se développe à domicile est à la base de la qualité des soins d’une telle approche et demande un investissement de la part des intervenants.
Une chose est certaine, l’existence de ces réalités exerce des pressions sur l’offre de services et amène des transformations dans les modèles de pratiques professionnelles.
Toutefois, le contexte n’est pas la seule donnée à prendre en considération dans les difficultés du système. Par moment il est possible que les intervenants influencent d’euxmêmes les manières de faire en développant notamment des pratiques réflexives et interactives (Bourque & Lachapelle, 2010). Il devient donc intéressant de s’approcher de l’intime de l’intervention. En effet, pendant que se trament ses enjeux sociaux et politiques, qu’est-ce qui se passe concrètement sur le terrain?
En partant de l’intérieur de la méga structure qu’est le système de santé et des services sociaux, il devient possible d’identifier les éléments qui peuvent être favorisés, valorisés ou encore améliorés dans ce système en constante évolution. L’intervention à domicile enest un bel exemple. Elle est régulièrement envisagée dans un souci d’efficacité et d’efficience et rarement abordée sous l’angle relationnel. Quels sont les avantages, les défis et les réalités qui se vivent dans l’intervention à domicile? C’est sur quoi le chapitre 2 se concentrera en abordant les enjeux soulevés par ce type d’intervention, notamment ceux auxquels font face les psychologues, considérant leur faible représentation dans ce type d’intervention.

Notion de proximité

Selon Breviglieri, Pattaroni et Stavo-Debauge (2003), la notion de proximité incarne un rapprochement entre les intervenants et les personnes aidées en accordant une attention particulière à leurs besoins spécifiques. Elle s’inscrirait donc dans une visée de personnaliser les liens en contexte de relation d’aide, en favorisant la rencontre et le dialogue. En effet, bien qu’il soit difficile de définir précisément ce concept, la plupart des auteurs s’entendent pour dire qu’il y a un souci de reconnaitre l’expérience de l’autre et de son entourage (Joublin, 2005; Saillant, Châteauneuf, Cognet, & Charland, 2009). Par cette reconnaissance du vécu singulier et unique de l’autre et en légitimant la différence, les intervenants en soins de proximité cherchent à favoriser le lien social et le «mieuxvivre » ensemble (Clément et al., 2009). Cette vision intéressante peut s’offrir en réponse au contexte actuel, où plusieurs décrient un système de santé déshumanisant et difficile (Clément et al., 2009; Paquet, 2014; Vadeboncoeur, 2012).

Figures dominantes de la proximité

Pour atteindre les différentes visées de la proximité, il s’agirait d’être au plus près des personnes selon WeIler (2002), mais qu’est-ce que signifie ce plus près? Clément et al.
(2009) proposent une classification intéressante qui répond en partie à cette question. Dans leur ouvrage, ils décrivent 5 principaux types de proximité: la proximité intersubjective, la proximité expérientielle, la proximité spatiale, la proximité écosystémique et la proximité décisionnelle 1. Cette classification est basée sur les différentes perspectives qu’utilisent les cliniciens et les chercheurs sondés dans le cadre de leur ouvrage sur la proximité. Elle n’est donc pas exhaustive, mais se veut un aperçu des différents ancrages possibles sur le terrain. En effet, chaque figure dominante illustre des angles de pratiques de proximité différentes. Examinons brièvement chacune d’elle pour avoir une meilleure vision d’ensemble de comment il est possible d’être «plus proche» en intervention de proximité.

Proximité intersubjective

La proximité intersubjective mise principalement sur la qualité de la relation en privilégiant l’unicité et les caractéristiques personnelles de l’individu. Ces éléments essentiels sont les fondements à toute intervention dans la proximité intersubjective. Le rapprochement se fait donc en adoptant une approche personnalisée et ajustée à la personne, en axant et considérant davantage ses spécificités plutôt que ses problématiques. Pour y arriver, le dialogue et la qualité de présence à l’autre sont grandement nécessaires et encouragés chez les intervenants. Ce sont les liens de confiance et d’intimité qui prévalent pour assurer la réussite de la rencontre.

Proximité expérientielle

Dans la proximité expérientielle, c’est le vécu subjectif de la personne qui prévaut. On accorde une importance à l’expérience de la personne et on reconnait même une expertise à cette dernière. La connaissance de soi est vue comme une force à exploiter, tout comme les ressources personnelles de la personne qui représente un potentiel de changement. Le rapprochement dans cette vision de la proximité renvoie ici au travail sur soi que l’intervenant amène en privilégiant le récit de l’expérience des personnes. Notamment, la connaissance intime de son vécu, de sa fragilité ou encore de sa dynamique psychique.

Proximité spatiale

La proximité spatiale caractérise grandement l’intervention à domicile, par le fait que l’intervention se déroule dans un espace d’intimité et le plus près possible de ceux en demande: leur milieu de vie très souvent. Cette proximité apporte un souci d’aller vers l’autre, où il se trouve, pour prodiguer le soin ou fournir l’accompagnement nécessaire. Le réseau social de l’individu qui reçoit l’accompagnement est également pris en considération, de manière à avoir une vision d’ensemble du milieu de vie et des acteurs en présence. Dans cette vision, l’espace devient important qu’il soit réel ou imaginé, près ou loin de l’individu.

Proximité écosystémique

La proximité écosystémique se veut intégrative de l’environnement de la personne en rapprochant l’ensemble des composantes présentes ensemble. Pour ce faire, l’intervenant pourra tenir compte des aspects biopsychosociaux, intégrer l’entourage du client, reconnaitre la présence de plusieurs problématiques présentes en simultané, etc. L’idée ici est de renvoyer une compréhension intégrée, globalisante de la réalité de l’autre. Pour y arriver, l’estompement des frontières disciplinaires est nécessaire pour favoriser l’intégration de différents savoirs: scientifiques, professionnels, pratiques et expérientiels

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Table des matières

Sommaire
Liste des tableaux
Remerciements
Introduction
Chapitre 1. Démarche méthodologique
1.1 Présentation de la problématique
1.1.1 Quelques déflnitions et précisions
1.1.1.1 Enjeu
1.1.1.2 Soins de proximité
1.1.1.3 Personne accompagnée ou aidée
1.1.2 Historique et évolution des soins de proximité
1.1.3 Enjeux sociaux et politiques
1.1.3.1 La logique administrative
1.1.3.2 La logique médicale (modèle du cure)
1.1.3.3 La logique clinique (modèle du care)
1.1. 3.4 Impacts et diffIcultés sur l’intervention psychosociale
Chapitre 2. Enjeux soulevés par l’intervention à domicile
2.1 Notion de proximité
2.1.1 Figures dominantes de la proximité
2.1.1.1 Proximité intersubjective
2.1.1.2 Proximité expérientielle
2.1.1.3 Proximité spatiale
2.1.1.4 Proximité écosystémique
2.1.1.5 Proximité décisionnelle
2.1.2 Voies et visées de la proximité
2.2 Aspects globaux et fonctionnels de l’intervention à domicile
2.2.1 Le domicile: l’expérience d’être chez soi
2.2.2 Relations de proximité
2.2.3 Savoir-faire, savoir-être et valeurs humanistes
2.2.4 Bénéfices et défis
2.2.4.1 Favoriser la création d’un lien de confiance
2.2.4.2 Faciliter l’évaluation psychosociale
2.2.4.3 Atténuer la relation de pouvoir
2.2.4.4 Faciliter l’accessibilité aux soins
2.2.5 Accessibilité aux proches
Chapitre 3. Quelques défis soulevés par l’intervention du psychologue à domicile
3.1 Changement de paradigme d’intervention
3.1.1 Rôle du psychologue
3.2 ‘Enjeux éthiques
3.2.1 Cadre d’intervention
Discussion
4.1 Comment porter son identité professionnelle de psychologue dans un contexte non balisé à l’avance et non familier?
4.2 Les compétences requises pour l’intervention à domicile: quels sont les implications pour la formation en psychologie?
4.3 Comment s’assurer d’affronter l’incertitude et d’éviter les dérives?
Conclusion 
Références

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