Enjeux et modalités de gestion du binôme tourisme-risque

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Une enquête par photo-questionnaire pour appréhender les représentations urbaines et paysagères des destinataires

De façon complémentaire, cette recherche a permis de produire une analyse des représentations des paysages transformés – et en transformation –, tels qu’ils sont appréhendés par les habitants et les voyageurs (les « destinataires »). L’émergence de revendications sur l’environnement et le cadre de vie de la population locale et touristique est un phénomène marquant de ces dernières années. La prise en compte nouvelle, mais indispensable, des acteurs que sont les « destinataires » des lieux urbains est devenue un enjeu indéniable de la durabilité des politiques et des pratiques d’aménagement, en ville comme en station. L’enjeu pour les décideurs consiste alors à inventer les moyens de prendre en considération les aspirations profondes de ces destinataires. Il s’agit ainsi de mettre en place des processus interactifs avec les différents acteurs durant l’élaboration du projet, mais également dans le cadre d’approches exploratoires au cœur de cette recherche. L’objectif est d’engager un travail d’écoute auprès des destinataires par un recueil de données structurées des attentes et des points de vue sur le territoire analysé.

Quels procédés d’investigation des représentations urbaines des destinataires ?

Les apports de Kevin LYNCH sont particulièrement riches dans le champ des procédés d’investigations mis en œuvre pour analyser ces images de la ville : interviews individuelles et collectives, dessins de l’espace réalisés par les habitants, « tests photographiques » et observations in situ (réalisation de parcours avec des enquêtés), etc. Ces méthodes d’observation et d’analyse ont nourri les recherches urbaines ces dernières années. Depuis la fin des années 1960, les sociétés sont en effet marquées par un « retour radical au « terrain » » (THIBAUD, 2002, p.21).
Ces approches de terrain font l’objet d’un regain d’intérêt depuis les années 1980-1990 dans les recherches menées sur l’espace urbain au sens large (GROSJEAN et THIBAUD, 2001) et sur l’espace public en particulier (TOMAS, 2002 ; ZEPF, 2004). On considère l’ensemble de ces approches comme des analyses des représentations « microterritoriales », entendues comme l’échelle d’appréhension socio-spatiale du sens commun. S’il n’est pas toujours explicitement fait référence au concept de représentation, celui-ci apparaît en filigrane dans ces démarches qui postulent l’existence d’un « rapport de conaturalité » entre les formes construites et les formes sociales, un effet de « configuration réciproque » de l’espace et des pratiques (GROSJEAN et THIBAUD, 2001, p.6). Les habitants sont considérés comme co-producteurs de l’espace et sont pris en compte dans l’analyse, en tant que « récitants » du territoire7 (AMPHOUX, in GROSJEAN et THIBAUD, 2001). Conjointement à l’aspect visible et objectivable de l’espace public, on s’attache aux représentations subjectives et sensibles dont il fait l’objet. Nombre de chercheurs s’appuient sur des analyses in situ qui accordent une large place aux ambiances plurisensorielles, appréhendées par des dispositifs de « contextualisation perceptive » (THIBAUD, 2002) : « méthode des itinéraires » de Jean-Yves PETITEAU et Elisabeth PASQUIER, « parcours commentés » développés par Jean-Paul THIBAUD, « comptes-rendus de perception en mouvement » de Jean-François AUGOYARD, « l’observation récurrente » de Pascal AMPHOUX, etc. Ici, les politiques urbaines se conçoivent et s’inventent « entre l’imaginaire de ceux qui les formulent et le réel de ceux qui habitent les villes » (LAMIZET, 2002, p.209). On s’intéresse conjointement aux représentations que la station se donne d’elle-même (espace de « re-présentation » entendu comme lieu de vie, de rencontre et de sociabilité) et aux représentations que les destinataires se font de la station qu’ils voient et qu’ils vivent.
L’approche des représentations microterritoriales développée dans ce programme de recherche s’inspire d’un travail de doctorat effectué en 2011 sur les représentations des espaces publics (Hatt, 2011) et s’inscrit comme démarche à visée descriptive et non comparative (MOLINER, RATEAU et COHEN-SCALI, 2002, p.30). On cherche à approcher les « principes organisateurs » ou « points de référence partagés » communs aux différents groupes (Ibid., 2002, p.20). Pour reprendre les termes de Jean-Claude ABRIC (1989 et 1994), la priorité est mise sur l’appréhension du « noyau central » des représentations, entendu comme les significations, fortement consensuelles, que les individus assignent collectivement à l’objet de la représentation8. Dans cette lignée, cette recherche a pour objet l’identification de ce noyau central des représentations microterritoriales des stations touristiques, en partant du principe que l’espace touristique est d’abord « un espace « rêvé » et « vécu », avant d’être un territoire travaillé par une logique économique ou par une pratique de distinction sociale » (AMIROU, 1995, p.83). Les recherches sur les représentations des stations touristiques ont jusqu’alors plutôt porté sur la dimension « imaginaire » de ces espaces. C’est l’approche symbolique, mythifiée et reconstruite par le discours et les représentations qui est étudiée (Frochot et Kreziak, 2007 et 2008 ; Simon, 2007). L’analyse s’ancre sur les images médiatiques et publicitaires ainsi que sur les documents relatifs aux politiques de promotion touristique (engagées par la population locale et les acteurs locaux du tourisme). Pour notre part, dans une approche complémentaire, on s’intéresse à la seconde facette de cet espace, celle de l’« espace réel » constitué par l’« espace objectif » de l’habitant permanent et du visiteur (Cazes, 1992, p.82). Au-delà de l’image publicitaire (des représentations fournies par les opérateurs touristiques à partir d’un processus de sélection, de mythification et parfois de mystification), l’intérêt se porte sur les représentations et le vécu de l’espace par les visiteurs. On cherche à approcher ces représentations à la source, par des enquêtes auprès des destinataires. Il s’agit de proposer des outils méthodologiques permettant d’analyser les représentations éprouvées par les destinataires de l’espace urbain, principalement des excursionnistes et des touristes (plus rarement écoutés), afin de mieux comprendre ce qui fonde localement l’adhésion ou le rejet (Hatt, 2011). La recherche scientifique est convoquée comme un outil d’analyse des espaces publics par une approche des représentations des destinataires qui les parcourent et les font vivre. Cette recherche propose d’aborder l’appréhension de l’image « collective » qui sous-tend le territoire, ce référentiel commun et partagé sur lequel pourront se fonder durablement les projets à venir. « La problématique des représentations s’attache à mettre en évidence les désirs et les regards qui donnent un nouveau sens à l’espace » (CAZES, 1992, p.78). Les représentations désignent le sens et les valeurs attribués par des individus ou par des groupes sociaux aux environnements auxquels ils font référence (MACIEL, in BERDOULAY et al., 2004, p.219).
L’approche des représentations urbaines et paysagères développée dans cette recherche s’inspire d’un travail de doctorat effectué en 2011 sur les représentations des espaces publics (Hatt, 2011) et s’inscrit comme démarche à visée descriptive et non comparative (MOLINER, RATEAU et COHEN-SCALI, 2002, p.30). On cherche à approcher les « principes organisateurs » ou « points de référence partagés » communs aux différents groupes (Ibid., 2002, p.20). Il s’agit d’identifier le noyau central des représentations urbaines et paysagères des stations touristiques.

Le recours à des enquêtes par photo-questionnaire

Le dispositif méthodologique retenu est une adaptation de l’enquête par double classement libre de photographies (Hatt, 2011 ; Hatt, Vlès, Clarimont, 2011), afin de pouvoir la mettre en œuvre et exploiter ses résultats sur un temps court (projet de recherche initialement prévu sur deux ans). Les objectifs restent similaires à l’enquête par double classement libre de photographies, mais le dispositif est simplifié pour renforcer son opérationnalité (en limitant les biais liés à la présence de deux enquêteurs différents et en facilitant a posteriori le recodage et le traitement des données). L’objectif du dispositif méthodologique est double :
– permettre dans un premier temps l’objectivation des représentations urbaines et paysagères des stations littorales,
– Favoriser dans un second temps l’ancrage de ces représentations sur la station balnéaire étudiée.
Pour ce faire, l’enquête s’appuie sur un double corpus photographique : l’un constitué de clichés d’espaces publics de stations balnéaires variées, l’autre centré sur la station d’études (Biarritz, Lacanau ou Martigues). Différentes déclinaisons urbaines et paysagères des stations littorales sont testées. Les 10 thématiques abordées sont : les aménagements relatifs à la mer ou à l’océan (ports, plans d’eau protégés, digue, etc.) / les paysages « naturels » (mer/plage, forêt, lac, dune, etc.) / la protection de l’environnement, les risques et leur gestion / les déplacements (voies et stationnements) / les cheminements (sentiers aménagés, promenades, etc.) / l’habitat / le mobilier urbain et les équipements publics / les pratiques du littoral / les activités de commerces / l’urbanisation dure (la ville en bord de mer) et les « inurbanités » (vides urbains, rapport à la mer non traité, etc.).

Principes d’analyse des enquêtes par photo-questionnaire

Le traitement des enquêtes photographiques a été réalisé par Set-Transfert à partir des directives définies par l’équipe scientifique. Ce travail a notamment permis de mettre en exergue quatre éléments d’analyse :
– les photos identifiées comme les plus attractives/répulsives et, de façon plus précise, le classement de chacune des photos sur un axe attractif/répulsif (fig. 24 et 25),
– les représentations et les commentaires effectués sur l’ensemble des photographies, avec un travail approfondi d’analyse des commentaires pour certaines photographies identifiées par l’équipe scientifique (fig. 26 et 27),
– la variabilité des représentations selon les types de stations (Biarritz, Lacanau, Martigues) ou d’interlocuteurs (statut de l’enquêté, âge, connaissance antérieure de la station…) (fig. 28),
– les représentations liées à l’existence de risques littoraux (à partir du traitement des questions posées sur ce sujet) (fig. 29).

Diffusion et échanges autour des résultats : un complément du dispositif méthodologique

La diffusion et le transfert des apports de cette recherche constituent une part de la recherche. L’objectif de cette activité consistait à favoriser les échanges d’expériences au sein de l’équipe de recherche, mais également avec les gestionnaires des stations, en particulier avec les décideurs locaux et les professionnels du tourisme. Pour ce faire, nous avons organisé :
– 6 séminaires de travail réunissant les différents chercheurs du programme afin de définir collectivement les grandes orientations de la recherche lors de différentes étapes clefs (définition de la méthodologie, analyse des résultats, valorisation)
– un séminaire intermédiaire de travail sur chacun des trois territoires d’étude associant les acteurs locaux impliqués dans le projet, afin d’échanger avec eux sur les premiers résultats du programme et de prendre en considération leurs retours ;
– une présentation finale de l’ensemble des résultats de ce projet de recherche effectuée à Lacanau.
– Un travail expérimental d’atelier de diagnostic et de projet effectué en 2016-2017 sur le territoire de Martigues avec les étudiants de Master 2 de l’IUAR (spécialité urbanisme durable, projet et action opérationnelle), en collaboration avec la direction urbanisme de la commune de Martigues. Ce travail a donné lieu à une présentation de restitution des résultats ouverte aux acteurs locaux.

La préservation des espaces naturels : une dimension incontournable des documents de planification des territoires littoraux

L’un des premiers constats concerne l’enjeu, identifié dans les discours, que constitue la préservation de l’environnement pour le développement touristique dont elle est le support. L’environnement est en ce sens appréhendé par les gestionnaires comme une ressource territoriale à préserver et à valoriser. Si les discours sont unanimes, en pratique cette tension entre développement touristique et préservation de l’environnement n’est pas aisément résolue. Les outils existent, mais leur mise en œuvre peut être plus ou moins difficile localement et l’ambition plus ou moins grande quant à leur portée.

La préservation de l’environnement et du cadre de vie comme enjeux d’attractivité touristique dans les discours

L’analyse des valeurs assignées à l’action publique montre que la préservation des espaces naturels est appréhendée comme un support d’attractivité touristique.

La préservation des espaces naturels comme enjeu pour les habitants et support de valorisation touristique à Martigues

À Martigues, l’ouverture progressive (bien que relative) de cette commune communiste au développement touristique s’inscrit dans la continuité de la valorisation du cadre de vie pour les habitants initiée dans les années 1980 (Hatt, 2016 et 2018). Comme le souligne le responsable de la Direction urbanisme, « une évolution s’est produite avec l’arrivée de la notion de patrimoine à l’époque des RHI [dispositif de résorption de l’habitat insalubre initié dans les année 1985-1990]. Il y a eu un basculement dans la tête des élus, la ville n’était plus seulement la ville du pétrole, on se posait également la question de son patrimoine. […] un tournant s’est opéré dans les années 1990 qui s’est traduit par une période de requalification »16. Ainsi, la ville prend, peu à peu, conscience de ses atouts et de la qualité de ses paysages qui lui valent d’ailleurs le surnom de « Venise provençale ». Le dispositif Martigues en couleur initié à la fin des années 1980 constitue l’une des démarches de valorisation urbaine initialement mise en œuvre pour améliorer le cadre de vie des habitants17.
Cette vision d’un aménagement prioritairement conduit pour les habitants et susceptible de profiter indirectement aux visiteurs est une dimension forte de la politique d’aménagement martégale. Le Plan local d’urbanisme, réalisé en régie par la direction urbanisme, prend acte de cette dimension en précisant que « c’est avant tout la satisfaction de la population martégale que la municipalité vise au premier chef, sans pour cela ignorer l’attrait que suscitent ces richesses pour les visiteurs » (EIE-PLU, 2015, p.135). Finalement, comme le souligne l’architecte en chef de la ville18, à Martigues, « on a porté conjointement le projet de ville et le projet touristique. Il s’est agi de faire un projet pour les habitants et les nouveaux habitants, ce qui est également favorable aux habitants temporaires que sont les touristes ».
La demande de classement de la commune en station touristique a finalement été rendue possible par l’évolution des mentalités portées sur ce territoire industriel. Selon le directeur de la Société publique locale du tourisme et de l’évènementiel (SPLTE)19, « ça aurait pu paraître un peu présomptueux à un moment donné de se revendiquer comme ville touristique, peut-être même saugrenu ou contre la réalité. Mais ça aussi c’est un discours volontaire, volontariste qui rentre là aussi dans une stratégie qui était je pense de développer d’autres activités ». Ainsi, dans les années 1990, il s’agissait de diversifier les activités économiques du territoire, en proposant, si ce n’est une alternative, tout du moins un complément, à l’historique développement industriel par le biais du développement touristique. On est bien là sur une évolution du système de représentation initié par les acteurs locaux. Comme le souligne Nicole Girard20 « il y a un potentiel qui a été revendiqué. C’est-à-dire qu’il y a une image de soi, une image de la ville d’autoreprésentation qui s’est construite, au fur et à mesure, ça, ça n’existait pas dans les années 1960-1970 ». Alors que la crise industrielle se traduit par des délocalisations d’entreprises, le développement touristique, par la valorisation de ressources territoriales non délocalisables, semble constituer un atout susceptible d’assurer des emplois locaux, ce qui tend à faire évoluer les mentalités à ce sujet.
Au-delà du patrimoine urbain, le patrimoine naturel est une ressource fortement mobilisée par la collectivité. Parallèlement au développement industriel qui s’intensifie après les années 1960, une politique volontariste d’acquisition foncière a permis de limiter l’urbanisation du linéaire côtier au profit d’une urbanisation dans des secteurs limités et en profondeur. Le développement touristique s’est ainsi réalisé autour de trois sites urbains, des coupures naturelles étant préservées entre chacun d’eux. Paradoxe s’il en est, c’est le développement industriel qui a favorisé en parallèle la protection de la nature et le développement des pratiques de loisirs de proximité puis de tourisme. La présence de ces espaces naturels préservés est identifiée désormais par la collectivité comme un support à l’attractivité touristique du territoire. Le Plan d’aménagement et de développement durable précise ainsi que « le diagnostic […] a montré la nécessité pour maintenir et développer localement l’emploi, de dynamiser et de diversifier une économie essentiellement dépendante des grandes installations industrialo-portuaires décidées il y a plus d’un demi-siècle et aujourd’hui orientées vers la pétrochimie […] Martigues […] est aujourd’hui légitimement fondée à s’engager dans une politique de développement touristique maîtrisé, et à tirer parti de la proximité des grands espaces de nature qu’elle a su garder vierge de toute urbanisation » (PADD-PLU, 2015, p.1).
En ce sens, ce qui pouvait auparavant être appréhendé comme une contrainte environnementale est désormais abordé en termes d’atout territorial. La plupart des acteurs rencontrés mettent ainsi en perspective le littoral martégal avec celui des autres communes de la Côte Bleue afin de montrer la spécificité de ce territoire qui a su préserver son littoral méditerranéen. Comme le souligne la directrice de l’aménagement à la CAPM (communauté d’agglo Pays de Martigues), « le premier atout c’est le site géographique particulier. Aussi de manière prosaïque c’est le front de mer qui a été préservé. On voit par exemple très bien la frontière entre Martigues et Sausset, elle est vraiment visible quand on regarde par exemple les vues du ciel. À Sausset il y a beaucoup de lotissements alors qu’à Martigues ce qui s’est fait s’est fait très progressivement, il y a encore des massifs boisés, des espaces préservés. Au final il n’y a pas forcément les aménagements nécessaires pour l’accueil touristique (comme des espaces publics plus qualifiés), mais en même temps c’est authentique et c’est ça qui plaît aussi. »21. Cette préservation des espaces naturels fait aujourd’hui la singularité de Martigues et constitue une plus-value essentielle, une véritable ressource territoriale que la commune peut valoriser. L’architecte en chef de la ville constate ainsi que : « notre force c’est ce qu’on n’a pas fait. On a su préserver des territoires même si on ne l’a pas développé en termes de destination touristique de nature » 22.
Si la commune de Martigues n’a pas (et ne vise pas) la réputation d’autres territoires littoraux de la région, les acteurs s’accordent pour considérer la protection (ou plutôt la « préservation » selon le directeur du service urbanisme qui préfère ce terme) de ses espaces naturels comme une réelle chance qui a permis de répondre aux attentes des visiteurs à la recherche de ce type d’espaces préservés. « Il y a eu une approche de ce littoral d’abord par des gens qui recherchaient une fréquentation nature on va dire du littoral. C’est-à-dire, justement, sans aménagement, que ce soit pour la baignade, pour la voile, après le surf »23. La protection des espaces naturels constitue ainsi aujourd’hui une véritable ressource territoriale pour le développement d’un tourisme vert. Selon le responsable de la direction urbanisme, « l’environnement il est valorisé parce qu’on invite à le fréquenter, on a fait des parcours […] il n’y a pas de privatisation de la zone touristique et du coup c’est en libre d’accès. Voilà un élément pour les gens qui viennent faire du tourisme ici qui est primordial, ils peuvent se promener où ils veulent sans faire je ne sais quelle escalade, il y a des chemins, sentiers… […] Il y a une culture environnementale qui est la chose que cherchent les gens en tourisme »24.

Environnement et qualité du cadre de vie comme enjeu d’attractivité pour les visiteurs et les habitants : le cas de Lacanau

Le même constat a été fait dans le cas des investigations conduites à Lacanau (Piriou, 2016). Les gestionnaires considèrent ainsi que le changement de comportement et la sensibilité environnementale affectent la perception de la station « l’attractivité de cette station peut être remise en cause par ces changements de mentalité, certains trouvent que la station doit s’adapter à la sociologie des touristes, car avec la concurrence des destinations « low-cost » il faut changer globalement, même à l’échelle régionale »28. De ce fait le positionnement des stations comme « respectueuses de l’environnement » s’avère payant puisque, selon les institutions de promotion touristique, c’est l’image qu’ont les touristes de la côte Aquitaine, « les visiteurs étrangers recherchent des grands espaces naturels, l’océan, la forêt, c’est ce qui fait toute la différence avec des régions plus urbanisées. Il y a certes eu des initiatives d’aménagement, mais aujourd’hui cette urbanisation ne répond plus aux attentes des touristes »29.
Par ailleurs, au-delà de l’attractivité touristique, les acteurs locaux mettent en avant l’enjeu que constitue l’attractivité de résidents permanents et donc l’intérêt de la préservation de l’environnement pour cette catégorie d’usagers attendus. « Lacanau a un fort potentiel d’attractivité pour le cadre de vie. Ce qui sert aujourd’hui pour l’offre touristique (golf, tennis), cela est un cadre de vie pour les locaux, quand on voit des activités, on n’est plus obligés de faire 11h 18h de bureau que l’on peut avoir des activités chez soi, le cadre de vie derrière peut jouer pour attirer des populations. »30. La tendance d’évolution de la station de Lacanau-Océan s’inscrit dans une démarche que l’on retrouve dans différentes stations de la côte Aquitaine marquées par la volonté de s’inscrire dans une tendance plus qualitative. « Les élus sont fiers d’être dans une station balnéaire, mais ils ne veulent pas des inconvénients, il faut qu’il y ait une péréquation sur les coûts de fonctionnement… donc on ne va pas aller naturellement vers une augmentation de l’accueil touristique si cela n’est pas bénéfique pour la commune. Il y a une tendance à freiner plus qu’augmenter, on veut aller vers du qualitatif »31. Les associations d’habitants se mobilisent dans ce cadre pour veiller à la protection du patrimoine naturel dans lequel elles s’inscrivent : « on nous a dit concernant le littoral, que l’on n’allait pas construire des cabanes sur la plage… on voudrait veiller à que ce soit bien clair »32. Cet axe de réflexion et de développement identifiant les espaces naturels comme les supports de l’attractivité touristique et résidentielle du territoire sont par ailleurs affirmés dans les documents de planification.
Dans le diagnostic du SCOT des Lacs médocains (rapport de présentation – synthèse et enjeux), les besoins répertoriés en matière de protection de l’environnement font ainsi l’objet de prises de position très fermes qui concernent au premier point le tourisme, nommé et traité comme facteur de risques autant que comme vecteur économique à préserver, sans toutefois le développer à outrance (Vlès, 2016). Il est ainsi précisé que : « la préservation de ces espaces naturels, tant quantitative que qualitative, constitue donc un besoin essentiel à l’échelle du SCoT afin de pérenniser la vocation touristique et résidentielle du territoire communautaire. À une échelle plus large, leur préservation participe au maintien de la biodiversité. Cette thématique environnementale apparaît particulièrement transversale au regard de la spécificité du territoire. En effet, elle interpelle la sphère économique dans la mesure où les espaces naturels sont à la base de l’attractivité touristique, mais elle interpelle aussi l’expression des besoins en matière d’un cadre de vie de qualité qui constitue un argument décisif pour l’attractivité résidentielle. Les mesures de protection des espaces naturels relèvent donc d’une nécessité absolue qui cristallise l’expression des besoins à la fois locaux et extracommunautaires ». De même, les fondements du PADD du SCOT s’appuient sur trois idées force qui marquent bien la prise en compte du tourisme dans l’évaluation et l’évolution du potentiel territorial (Vlès, 2016). Il est en ce sens précisé que :
– l’environnement n’est pas une simple composante du cadre de vie et du développement urbain, il fonde l’attractivité territoriale et de ce point de vue, le processus d’évolution du territoire des Lacs Médocains doit passer un pacte de partenariat avec la nature pour s’assurer d’un développement maîtrisé. Il s’agit de protéger et mettre en valeur sans sanctuariser, assurer un développement dans certains sites en travaillant de façon spécifique sur les formes urbaines pour que la qualité des espaces publics permette à ces lieux de devenir de véritables lieux d’urbanité ;
– le développement de l’urbanisation doit se réaliser dans les zones aujourd’hui prévues à l’urbanisation et dans les entités urbaines existantes, c’est la fin de l’habitat diffus et de l’étalement non maîtrisé ;
– Il n’y aura pas d’explosion démographique non maîtrisée sur ce territoire et, à ce titre, les élus souhaitent donner à leur projet territorial une dimension humaine, par une occupation urbaine cadrée et de qualité, c’est-à-dire sensible au seuil de réceptivité du territoire (impact humain raisonné sur l’environnement). Il est précisé qu’il s’agit d’un territoire à deux composantes, partagé entre habitants permanents et touristes ; l’ambition du projet de territoire à l’échelle du Scot est bien de trouver les bases d’un « fonctionnement adapté aux réalités humaines, urbaines et naturelles ».
Une large palette d’outils de protection foncière, contractuelle, d’inventaire et réglementaires, dont la désormais célèbre « Loi littoral », qui protège et régule l’urbanisation de la bande littorale depuis 1986, permet en théorie de préserver la nature et la biodiversité remarquable des littoraux. Néanmoins, environ un tiers des surfaces des rivages français ne sont ni artificialisées ni protégés tandis qu’un autre tiers ne bénéficient que d’une faible protection contractuelle ou d’inventaire. Seul un sixième des rivages littoraux serait ainsi effectivement concerné par une protection élevée, ce qui pose inévitablement la question de l’appropriation par les communes et intercommunalités concernées de ces outils face aux pressions urbaines, économiques, touristiques.

Une analyse des dispositifs de protection environnementale des espaces naturels

La thématique des outils de protection des espaces naturels est largement évoquée dans les 7 SCoT étudiés où la nature est à la fois décrite comme une ressource économique (et a fortiori touristique), écologique et paysagère. Les espaces naturels sont ainsi avancés comme des arguments pour la promotion du territoire.

Approche comparée des dispositifs de protection des espaces naturels dans 7 SCOT : une vaste palette, mais des objectifs politiques contrastés selon les territoires

La protection des espaces naturels s’appuie sur une large palette d’outils : protection de type inventaire ou contractuelle (ZNIEFF, Réseau Natura 2000 par exemple), foncière (ENS, acquisitions du Conservatoire du Littoral), réglementaire (loi Littoral) ou encore stratégique (documents de planification, SMVM). Leur degré de protection et leur mobilisation dans la planification intercommunale est assez variable. Quelques tendances émergent cependant à l’analyse des SCoT :
– une forte mobilisation des outils d’inventaire ou contractuels généralement moins protecteurs,
– une protection foncière des espaces très orientée sur le maintien des surfaces agricoles,
– des interrogations quant à la protection de la nature dite « ordinaire ».

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Table des matières

Partie 1. Une approche des politiques publiques d’aménagement du littoral : quelle méthodologie de recherche ?
1.1. Approcher les politiques publiques d’aménagement du littoral : de la gouvernance environnementaleaux représentations des destinataires
1.2. Un dispositif méthodologique hybride pour appréhender conjointement les politiques publiques urbaines et les représentations paysagères
Partie 2. Quels outils pour concilier développement touristique et préservation de l’environnement ? L’exemple des documents de planification
2.1. La préservation des espaces naturels : une dimension incontournable des documents de planification des territoires littoraux
2.2. Quelle approche du tourisme et de la gestion de ses impacts dans les SCOT des territoires littoraux ?
2.3. La conception de projets de territoire littoral comme approche transversale des enjeux de préservation et de développement touristique ?
Partie 3. Une approche exploratoire de la gestion des risques : cristalliseur de tension ou levier de conciliation des enjeux environnementaux et touristiques ? 
3.1. Enjeux et modalités de gestion du binôme tourisme-risque
3.2. Quelle approche de la gestion des risques littoraux dans les SCOT ?
3.3. Déclinaison régionale et locale des stratégies de gestion du recul du trait de côte : l’exemple de la côte aquitaine et de Lacanau
Partie 4. L’analyse des représentations urbaines et paysagères des usagers comme support à la construction d’un diagnostic partagé
4.1. La préservation des espaces naturels comme enjeu d’attractivité
4.2. L’aménagement des espaces publics comme enjeu d’attractivité
4.3. Les représentations des risques par les usagers des espaces balnéaires
Conclusion : des territoires touristiques littoraux en transition, aux abords du point de bascule ? (par V. Vlès)
Bibliographie indicative

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