Empreinte élémentaire à l’éclosion des prolarves 

MÉTHODES

Aire d’étude

L’aire d’étude s’étend sur une distance de près de 300 km, entre les villes de Montréal et de Québec, couvrant une partie du tronçon fluvial, le lac Saint-Pierre et l’estuaire fluvial (figure 1). La grille d’échantillonnage comporte 58 stations qui ont été positionnées de façon à couvrir la rive nord (stations riveraines), le chenal de navigation (stations profondes) et la rive sud (stations riveraines) du fleuve.

Échantillonnage

Les larves de poisson ont été capturées lors de 5 campagnes d’échantillonnage qui ont été réalisées de la mi-avril à la fin juin 2011. L’ichtyoplancton a été récolté en tirant un filet conique de un mètre de diamètre et de mailles de 500 μm derrière un bateau. Un débitmètre a été installé au centre du filet afin d’estimer le volume d’eau filtrée. Un trait de filet a été réalisé en surface à chacune des stations riveraines (profondeur de < 2m) et sur l’ensemble de la colonne d’eau en double oblique pour les stations profondes du chenal de navigation pendant environ 10 minutes. Les échantillons ont été conservés dans l’éthanol 95%. Les variables physico-chimiques (conductivité (μS•cm-1), turbidité (NTU), oxygène dissous (mg•l-1), température (°C), pH et profondeur (m)) ont également été recueillies à toutes les stations à l’aide d’une sonde multi-paramètres de type CTD (Sea-Bird Electronics®).

Traitement des échantillons

En laboratoire, les larves ont été triées et identifiées (Norden 1961; Mansueti 1964; Lippson & Moran 1974; Auer 1982). Pour les larves de perchaude, la longueur totale, la longueur standard, la hauteur à l’anus ainsi que la longueur et la hauteur du sac vitellin ont été mesurées au millimètre près avec un stéréomicroscope. Le stade de développement des larves de perchaude a également été déterminé pour chaque individu (tableau 1; figure A1). Selon la nomenclature définie par Hubbs (1943), les larves des stades A-C ont été désignées sous le terme prolarves et celles réunissant les stades D-H ont été nommées postlarves (tableau 1). Les prolarves, âgées d’au plus 10 jours (déterminé d’après le nombre d’accroissement journalier des otolithes), ont été utilisées pour constituer l’empreinte élémentaire des sites à l’éclosion afin de minimiser l’erreur due à la dispersion ou au déplacement actif. L’empreinte élémentaire à l’éclosion des postlarves, qui a été obtenue en analysant le coeur de l’otolithe, a été utilisée pour estimer leur dispersion ou leur rétention.
Afin d’éviter la contamination des otolithes sagittaux, ceux-ci ont été extraits à l’aide d’une pince fine recouverte de téflon. Tout le matériel en verre qui est entré en contact avec les otolithes a été préalablement immergé dans l’acide nitrique 10% durant 24h suivi d’un bain d’eau ultrapure pendant 24h. Puisque l’acide endommage l’enduit de téflon des pinces, elles n’ont pas été lavées à l’acide, mais à l’aide du détergent Liqui-Nox® concentré à 1%, puis elles ont été rincées 3 fois à l’eau ultrapure (Girard 2012). Les otolithes ont également été rincés à l’eau ultrapure pendant 30 secondes avant leur transfert sur les lames pétrographiques (26 x 46 mm).
Le montage des otolithes et la quantification de l’empreinte élémentaire sont basés sur la méthode décrite dans Lazartigues et al. (2014). Pour déterminer l’empreinte élémentaire à l’éclosion, les sagittae des prolarves ayant un diamètre moyen de 21,3 ± 7,8 μm (écart type) ont été fixés sur les lames pétrographiques en utilisant du ruban adhésif double face Scotch®. Chaque lame était munie de deux bandes de ruban adhésif sur lesquelles deux grilles de 1 cm2 pouvant accueillir 25 otolithes par grille ont été tracés au marqueur pour un total de 100 otolithes par lame. Un maximum de cinq prolarves par stations ont aléatoirement été sélectionnées. Au total, les otolithes de 142 prolarves en provenance de 39 stations ont permis de déterminer l’empreinte élémentaire à l’éclosion. Les otolithes ont été disposés aléatoirement à l’intérieur des grilles tracées au marqueur.
Les otolithes des postlarves ont été extraits et montés suivant les mêmes précautions afin d’éliminer toute source de contamination. Les sagittae de plus grandes tailles (diamètre jusqu’à 1000 μm) ont d’abord été fixés à l’aide de la colle thermoplastique (CrystalBound 509; Aremco products) sur une lame à microscopie (25 x 75 mm) afin d’être poncés. Un ponçage a été réalisé avec du papier en oxyde d’aluminium de 5 μm (3MTM) afin de découvrir le noyau. Une série de polissage a par la suite été réalisée avec du papier en oxyde d’aluminium de 1 μm afin d’exposer le noyau de l’otolithe à la surface et d’obtenir une surface lisse. Les otolithes ont été collés à nouveau au nombre de 20 par lame pétrographique (répartition aléatoire). Comme pour les prolarves, un maximum de cinq postlarves par stations ont aléatoirement été sélectionnées, totalisant 61 individus. Les lames contenant les otolithes ont été traitées pendant deux minutes dans un bain d’ultrasons dans l’eau ultrapure, suivie d’un rinçage triple à l’eau ultrapure, puis séchées sous une hotte à flux laminaire pendant 24 heures.

Empreinte élémentaire

La concentration de 23Na, 24Mg, 25Mg, 29Si, 43Ca, 44Ca, 48Ti, 55Mn, 56Fe, 57Fe, 64Zn, 66Zn, 69Ga, 86Sr, 87Sr, 88Sr, 136Ba, 137Ba, 138Ba du noyau des sagittae a été quantifiée par spectrométrie de masse à plasma inductif (ICP-MS, Agilent 7700X) couplée à un laser d’ablation (LA, Resonetics Résolution M-50 Excimer 193 nm ArF). Le matériel extrait a été transporté au spectromètre via un mélange gazeux constitué d’hélium (650 ml•min-1), d’azote (N2, 1-2 ml•min-1) et d’argon (0,9-1,1 ml•min-1).
Conformément à la méthode décrite dans Lazartigues et al. (2014), l’ablation laser des otolithes des prolarves a été conduite suivant une grille vectorielle ajustée à la taille de l’otolithe afin d’assurer une couverture complète du noyau. Le faisceau laser avait un diamètre de 7 μm et les lignes successives étaient en contact mais ne se chevauchaient pas. Les conditions du laser ont été réglées de façon à atteindre le noyau sans rejoindre la lame (énergie : 5 mJ, fréquence : 20 Hz, vitesse : 3,5 μm•s-1).
Pour les postlarves, l’ablation laser a été réalisée en utilisant un trait rectiligne débutant à la marge supérieure, traversant le noyau et se terminant à la marge inférieure pour un otolithe dont le rostre était situé à droite. L’emplacement du trait a été choisi afin d’exclure les accroissements accessoires des analyses. Le diamètre du faisceau laser a été réglé à 20 μm avec les mêmes paramètres d’énergie, de fréquence et de vitesse que pour les prolarves.
Pour les deux méthodes, la calibration du spectromètre de masse a été effectuée avec le verre de référence NIST SRM 610 et les matériaux de référence MACS-3 et GP-4 ont été utilisés pour la correction de la dérive de l’appareil. Un trait de 60 secondes a été réalisé sur chacun de ces matériaux au début, à chaque
heure et à la fin de chaque session d’analyse. L’analyse de chaque échantillon a débuté avec un blanc de gaz de 30 secondes et s’est terminée par un second blanc de gaz de 10 secondes.

Traitement des données

La calibration des données brutes avec les matériaux de référence, la sélection de l’intervalle correspondant au noyau et les calculs des limites de détection et des erreurs types ont été obtenus avec l’application libre d’accès Iolite 2.5 (Paton et al. 2011), qui est supportée par le logiciel Igor Pro© 6.3.4.1 (WaveMetrics, Inc). La conversion du nombre de collisions (count) en ppm a été effectuée avec le schéma de réduction de données Trace_Elements_IS (Woodhead et al. 2007) et les mesures deux fois plus élevées que l’écart type de la moyenne de l’intervalle ont été rejetées. Le Ca a été utilisé pour la calibration interne en assumant sa concentration à 40% de la masse de l’otolithe (Lazartigues et al. 2014). La limite de détection (LD) et la limite de quantification (LQ) ont été calculées pour chaque échantillon et correspondent respectivement à trois et dix fois l’écart type du bruit de fond (Longerich et al. 1996). Les éléments ont été sélectionnés pour les analyses en fonction de la précision de la quantification optimale (tableau 2; tableau A1). Les isotopes les plus abondants naturellement et/ou ceux qui présentent le moins d’interactions possibles au sein du plasma ont été préférés. Parmi les éléments analysés, ceux retenus sont 24Mg, 55Mn, 57Fe, 88Sr et 138Ba. À l’exception du 55Mn, la proportion des échantillons se situant au- dessus de la LD et de la LQ était de 100% (tableau A1). Pour le 55Mn, 94,9% et 89,9% des échantillons se situaient au-dessus de la LD et de la LQ respectivement. La concentration élémentaire des échantillons inférieure à la limite de détection a été remplacée par zéro.

Analyses statistiques

Les conditions physico-chimiques mesurées à toutes les stations ont été utilisées pour découper l’aire d’étude en différents secteurs. Les stations ont été regroupées avec des analyses de regroupements non-hiéarchiques avec l’algorithme des k-moyennes (k-means) en utilisant les variables de conductivité, de turbidité, d’oxygène dissous, de température et de pH. Cette méthode multivariée consiste à définir a priori un nombre de k groupes uniques qui ne se chevauchent pas. L’algorithme des k-moyennes vise à répartir chaque observation (station) à l’intérieur des k groupes afin de minimiser la somme des carrés intra- groupe (Hartigan & Wong 1979; Jackson et al. 2010). Ces analyses ont été effectuées pour chaque campagne d’échantillonnage afin d’éliminer la variabilité associée à l’évolution temporelle des variables physico-chimiques durant la période printanière. Les données ont été standardisées et le critère de regroupement cubique (Cubic Clustering Criterion) fourni dans les logiciels © SAS Institute inc. a été utilisé pour déterminer le nombre optimal de regroupements à effectuer (SAS Institute Inc 1983; Milligan & Cooper 1985).
Les analyses statistiques subséquentes réalisées sur l’empreinte élémentaire des prolarves ont été conduites suivant le protocole établi par Kerr & Campana (2014). Les concentrations des cinq éléments utilisés ont subi une transformation logarithmique (Ln), car les données n’étaient pas normalement distribuées. Les données clairement aberrantes (>5 écarts types) ont été exclues. Premièrement, des analyses de variance (ANOVA) à un facteur ont été utilisées afin de vérifier si la concentration de chaque élément était différente entre les secteurs, tels que définis au paragraphe précédent. Par la suite, l’empreinte élémentaire a été comparée entre les secteurs à l’aide d’une analyse de variance multivariée par permutation (PERMANOVA; Anderson et al. 2008). Contrairement aux analyses de variance traditionnelles (ANOVA), la PERMANOVA est libre des conditions d’application se rapportant à l’indépendance des observations, la normalité de la distribution des données et l’homogénéité des variances. Elle est néanmoins sensible à la dispersion des observations entre les groupes. Son utilisation est donc appropriée pour les modèles complexes et non balancés (Anderson et al. 2008). L’homogénéité de la dispersion inter- et intra-groupes des empreintes élémentaires a été examinée avec un test PERMDISP. L’analyse discriminante quadratique (ADQ) a été utilisée afin de quantifier le succès de reclassification des individus à leur site d’origine connue. La méthode discriminante quadratique a été utilisée, car les matrices de variance-covariance intra-groupe se sont révélées hétérogènes (Quinn & Keough 2002). Le seuil de signification utilisé était de α = 0,05. Les analyses de regroupement, les ANOVA et l’ADQ ont été effectuées avec JMP 10 (© SAS Institute inc.). La PERMANOVA et la PERMDISP ont été réalisées avec PRIMER 6 et PERMANOVA+ (PRIMER-E Ltd.).
Finalement, les sites d’éclosion inconnus des postlarves ont été estimés à l’aide de HISEA, une analyse bayésienne de réassignation développée par Millar (1987, 1990). En mode simulation, l’empreinte élémentaire des prolarves dont l’origine est connue forme une base de données de référence pour chaque secteur. Par la suite, les larves d’origine inconnue ont été réassignées aux différents secteurs du fleuve à partir de la base de données de référence avec la méthode de ré-échantillonnage par bootstrap. L’estimateur de classification du maximum de vraisemblance Θ4 a été retenu pour la réassignation, car il est robuste aux anomalies de normalité multivariée et de covariance entre les groupes ainsi qu’aux modèles non balancés (Millar 1987; Millar 1990). Autant en mode simulation que bootstrap, l’estimation de la composition de la population ainsi que les écarts-types ont été obtenus en effectuant 1000 simulations avec ré-échantillonnage sur un échantillon aléatoire de 1000 individus à partir des données transformées en Ln. Plusieurs études portant sur l’empreinte élémentaire de l’otolithe ont utilisé avec succès cette méthode de reclassification, basée sur le maximum de vraisemblance, notamment afin de connaître la composition des stocks (Campana et al. 2000), d’identifier les sources de recrutement (Crook & Gillanders 2006) ou de mesurer la connectivité (Gillanders 2002).

RÉSULTATS

Définition des masses d’eau et abondance larvaire

Les analyses de regroupement effectuées à partir des variables physico-chimiques de chaque station ont permis de diviser l’aire d’étude en six secteurs ayant des conditions environnementales différentes (tableau 3; figure 1). Sur le plan longitudinal, les divisions correspondent au tronçon fluvial entre Montréal et Sorel (amont), au lac Saint-Pierre (LSP) et à l’estuaire fluvial de l’exutoire du LSP jusqu’à la ville de Québec (aval; figure 1). Ces secteurs se divisent également sur le plan transversal, soit le nord du chenal et le sud du chenal. Les stations situées dans le chenal de navigation ont été assignées à la fois aux secteurs nord ou aux secteurs sud dépendamment de leurs conditions physico-chimiques. La conductivité spécifique et la turbidité sont les variables qui comportent les plus grands écarts entre les secteurs.
Bien que variable entre les secteurs, l’abondance des prolarves semble suivre un gradient croissant de l’amont vers l’aval et les secteurs du sud apparaissent les plus abondants (tableau 3). L’abondance des postlarves s’est révélée faible dans tous les secteurs hormis dans le LSP-sud où elle est demeurée élevée. Comme le suggère les écarts types élevés des mesures d’abondance, la répartition du nombre de prolarves et de postlarves capturées entre les stations est hétérogène. À cet effet, 89% des postlarves capturées dans le LSP-sud l’ont été à une seule station. Chez les prolarves, la longueur standard (LS) et la longueur du sac vitellin (SV) sont différentes entre les secteurs (ANOVA; F5,136 = 7,54; p < 0,0001; F4,76 = 2,68; p < 0,0379), ce qui signifie que les stades de développement ne sont pas uniformément distribués à l’intérieur de l’aire d’étude. Les prolarves capturées dans le secteur aval-sud ont une LS plus élevée que celles de l’aval-nord et du LSP-sud pour l’ensemble de la période d’échantillonnage. La LS des prolarves issues des secteurs amont et du LSP-nord est similaire entre les secteurs. Il n’existe pas de relation entre la longueur et la hauteur du SV et la LS. Aucune différence de taille (LS, HA) entre les secteurs n’a été détectée chez les postlarves.

Empreinte élémentaire à l’éclosion des prolarves

Les analyses de variance (ANOVA) réalisées sur chacun des éléments démontrent que la concentration moyenne de chaque élément est différente pour au moins un des six secteurs (figure 2). Les tests de comparaisons multiples appliqués aux ANOVA révèlent que la majorité des secteurs sont différents entre eux selon au moins un élément.
L’empreinte élémentaire constituée des 5 éléments est différente pour au moins un des six secteurs (PERMANOVA; F5,136 = 10,1; p = 0,001). Les comparaisons par paires de la PERMANOVA indiquent que 10 comparaisons sur 15 sont significativement différentes (tableau 4). L’empreinte élémentaire de l’amont-sud est la plus distinctive tandis que celle du LSP-nord se distingue peu de celle des autres secteurs. C’est d’ailleurs dans le LSP que l’empreinte est la moins discriminante tandis que l’amont et l’aval sont les secteurs les plus contrastés. La dispersion multivariée des empreintes élémentaires entre les secteurs est globalement constante (PERMDISP; F5,136 = 1,63; p = 0,171).
L’efficacité de l’empreinte élémentaire de l’otolithe à représenter les conditions environnementales de chacun des secteurs a été évaluée en réassignant l’empreinte des larves d’origine connue aux sites d’éclosion à l’aide d’une ADQ. Le succès de reclassification global des larves est de 73,9 % et varie de 52,2% à 100%, dépendamment des secteurs (figure 3; tableau 5). Les trois axes canoniques de l’ADQ expliquaient respectivement 56,2, 27,7 et 13,0% de la variance. La représentation graphique selon les deux premiers axes canoniques et les intervalles de confiance sur les moyennes révèlent que les empreintes élémentaires se chevauchent entre les secteurs (figure 3). Graphiquement, on remarque que les empreintes du LSP et de l’aval-nord sont celles présentant le plus grand chevauchement. Les larves capturées au LSP-sud comportent le plus faible succès de reclassification, en se confondant le plus souvent avec le secteur aval-sud, alors que les larves issues des secteurs amont-nord et LSP-nord ont parfaitement été réassignées à leur zone d’éclosion réelle (tableau 5).

Zones d’éclosion des postlarves

La réassignation par bootstrap des postlarves à leur lieu d’origine a permis d’identifier les principales sources de production et d’estimer la dispersion de la perchaude au stade larvaire (tableau 6). À l’échelle de l’aire d’étude, l’origine des postlarves estimée par HISEA désigne la contribution des grandes zones d’éclosion qui sont, par ordre décroissant d’importance: le LSP-sud, l’amont-sud, l’aval-sud et l’amont-nord (tableau 6). Lorsque les secteurs sont analysés individuellement, l’origine HISEA représente une estimation de la dispersion ou de la rétention. Le faible nombre (n = 6) de postlarves capturées en amont n’a pas permis d’estimer leur origine avec HISEA, car l’erreur associée à l’estimation d’un échantillon de faible taille est élevée (Millar 1990). Pour cette même raison, les secteurs du LSP et de l’aval ont été réunis afin de permettre l’estimation de l’origine des postlarves capturées dans le LSP-nord (n = 3) et dans l’aval-nord (n = 6). La résolution de l’origine HISEA en 6 secteurs n’a pas pour autant diminuée, car la base de données de référence (sites d’éclosion) a uniquement été constituée à partir des prolarves. Les postlarves capturées au LSP proviennent majoritairement, et en proportion similaire, des secteurs LSP-sud et amont-sud (tableau 6). Les principales sources de production des postlarves capturées en aval sont les secteurs aval-sud (35 ± 17%), LSP-sud (25 ± 19%) et amont-nord (20 ± 17%). La proportion totale des individus en dispersion est de 40,3% tandis que celle des individus en rétention est de 36,2%, ce qui indique que les deux mécanismes sont importants pour la perchaude du Saint-Laurent. Il y a beaucoup de connectivité entre l’amont, le LSP-sud et l’aval-sud. L’importance du LSP-sud comme source de production est d’ailleurs supportée par le nombre élevé de larves capturées dans ce secteur (tableau 2). Aucune contribution du LSP-nord, ni de l’aval-nord n’a été détectée.

DISCUSSION

Les résultats indiquent que les propriétés physico-chimiques des eaux du fleuve Saint-Laurent entre Montréal et Québec sont suffisamment hétérogènes pour générer des empreintes élémentaires de l’otolithe spécifiques à chaque secteur couvert. Cela a permis de localiser d’importantes sources de production et de quantifier la contribution des mécanismes de dispersion et de rétention pour la régulation de la distribution des jeunes perchaudes. L’empreinte élémentaire des postlarves indique que le secteur LSP-sud apparaît à la fois comme la principale source, mais aussi comme une zone de rétention importante. À l’inverse, le LSP-nord et le secteur aval-nord n’ont pas semblé soutenir la population du Saint-Laurent en 2011 puisqu’aucune contribution n’y a été détectée. Le secteur aval-sud s’avère aussi une zone de production, car une importante proportion (35%) des postlarves capturées dans l’aval aurait été produite dans ce secteur. La population du LSP et de l’aval serait également soutenue par de la dispersion d’individus provenant de l’amont. À l’échelle de l’aire d’étude, la structure de la population de perchaude au stade larvaire serait caractérisée par de la rétention à proximité des zones d’éclosion, mais aussi par de la dispersion d’individus selon une trajectoire amont-aval.

Zones d’éclosion

Le LSP-sud est la zone d’éclosion pour 34% des postlarves dans l’aire d’étude, ce qui en fait la plus importante source. Toutes les postlarves capturées ont été analysées, sauf dans le secteur LSP-sud où 89% des postlarves capturées étaient agglomérées dans une seule station. À cet effet, même si le nombre de postlarves analysées parait a priori faible en comparaison au nombre de larves capturées, la répartition globale des postlarves analysées permet d’obtenir une couverture spatiale suffisante pour représenter adéquatement le secteur LSP-sud. Les secteurs amont-sud et aval-sud sont les deux autres zones d’éclosion les plus importantes, étant respectivement les secteurs d’origine de 25 et 21 % des postlarves. Les secteurs de la rive sud représentent la source de 80% des postlarves échantillonnées dans l’aire étudiée. Les secteurs LSP-sud et aval-sud s’avèrent aussi être des zones de rétention, car une grande proportion des postlarves ont été réassignées au secteur dans lequel elles ont été capturées.
L’importance des secteurs LSP-sud et aval-sud comme source de production est appuyée par les fortes abondances de jeunes larves. Autant chez les prolarves que chez les postlarves, ces secteurs sont ceux qui affichent les plus fortes densités larvaires alors que les plus faibles contributeurs sont généralement les secteurs caractérisés par des faibles densités. Cela n’est probablement pas le résultat d’un biais, car l’estimateur du maximum de vraisemblance tend plutôt à surestimer les faibles contributeurs (Millar 1987). Le LSP, avec sa vaste plaine inondable et ses nombreux herbiers, a continuellement été décrit comme un habitat essentiel permettant à l’espèce de compléter son cycle de vie (Guénette et al. 1994; Mingelbier et al. 2005; Brodeur et al. 2006; Bertolo et al. 2012; de la Chenelière et al. 2014). Pour le secteur aval-sud, qui est aussi une zone d’éclosion importante pour la perchaude, peu d’études ont évalué le potentiel de l’estuaire fluvial pour la reproduction et l’alevinage de l’espèce, l’attention ayant plutôt été portée sur le LSP. Les rives de l’amont de l’estuaire fluvial (entre l’exutoire du LSP et Grondines) sont constituées de nombreux herbiers aquatiques et de marais, dont les plus grandes superficies qui apparaissent comme des sites de fraie potentiels, sont situées sur la rive sud. Dans la portion plus en aval, ces herbiers et marais disparaissent et cèdent graduellement la place aux marais à scirpe d’Amérique (CSL 1996; Létourneau & Jean 1996; Jean & Létourneau 2011). Plusieurs études ont mentionné la présence de l’espèce en plus ou moins forte abondance (La Violette et al. 2003; Magnan et al. sous presse), mais cette étude s’avère être la première à décrire l’importance du secteur aval comme zone de production larvaire pour l’espèce.
Même si l’abondance des prolarves dans les secteurs amont est faible, les résultats indiquent que ces secteurs, principalement le sud, apportent une contribution significative à la production des postlarves dans l’aire d’étude. L’importance de l’amont se manifeste seulement dans le LSP-sud et l’aval, suggérant que ces secteurs sont connectés par de la dispersion. Les faibles abondances retrouvées dans le tronçon fluvial entre Montréal et l’embouchure du lac Saint-Pierre concordent avec l’étude de Brodeur et al. (2006) constatant que ce secteur possède un faible potentiel pour la reproduction de la perchaude, car les milieux humides sont confinés à une mince bande riveraine. De plus, les inventaires du ministère responsable de la faune indiquent aussi que l’espèce est peu abondante dans ce secteur, préférant les habitats où les courants sont plus faibles (Mingelbier et al. 2008). L’archipel du LSP, qui a été inclus dans les secteurs amont pour les analyses, est toutefois reconnu pour être un secteur productif, caractérisé par une grande diversité d’habitats et soutenant une importante densité et diversité de poissons (La Violette et al. 2003). Il constitue un secteur favorable à la reproduction de la perchaude, et ce, particulièrement lorsque le débit de l’eau est élevé (Brodeur et al. 2006), comme ce fut le cas en 2011 lors de l’échantillonnage. Puisque les secteurs couvrent de grandes superficies, l’échelle spatiale de l’étude ne permet pas de déterminer précisément l’origine des postlarves. Il est donc possible que les individus produits dans les secteurs amont proviennent de l’archipel. Cette affirmation est d’ailleurs appuyée par le fait que cinq des six postlarves du secteur amont ont été capturées dans le sud de l’archipel et qu’elles ont majoritairement été assignées dans le LSP-sud, un secteur adjacent à l’archipel. De plus, les travaux de Lazartigues et al. (en prép.) ont démontré que des individus produits dans l’archipel étaient transportés dans le LSP sur la rive nord-ouest.

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Table des matières

RÉSUMÉ 
REMERCIEMENTS 
TABLE DES MATIÈRES 
LISTE DES TABLEAUX 
LISTE DES FIGURES 
CHAPITRE 1. INTRODUCTION
1.1 Crise des pêcheries
1.2 Dispersion, rétention et connectivité chez les larves de poisson
1.3 Chimie des otolithes
1.4 La perchaude du fleuve Saint-Laurent
1.5 Objectifs de l’étude
CHAPITRE 2. MÉTHODES
2.1 Aire d’étude
2.2 Échantillonnage
2.3 Traitement des échantillons
2.4 Empreinte élémentaire
2.5 Traitement des données
2.6 Analyses statistiques
CHAPITRE 3. RÉSULATS
3.1 Définition des masses d’eau et abondance larvaire
3.2 Empreinte élémentaire à l’éclosion des prolarves
3.3 Zones d’éclosion des postlarves
CHAPITRE 4. DISCUSSION 
4.1 Zones d’éclosion
4.2 La rétention, un mécanisme structurant
4.3 La dispersion, un mécanisme de soutien
4.4 Variabilité des estimations
4.5 Perspectives de gestion
RÉFÉRENCES 
ANNEXE

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