Emergence, développement et contradictions du monde de la participation des pauvres (1968-2012)

Hypothèses

A la question posée par le développement de la participation d’acteurs pauvres en France, nous émettons quelques grandes hypothèses correspondant à l’approche générale proposée par Alice Mazeaud. Cette chercheuse propose de rompre avec « l’approche séquentielle de la participation » qui consiste à envisager la participation comme un instrument rationnel de l’action publique construit face à un « problème public » donné (la crise de la représentation, les risques technologiques, la mixité sociale…). Cela suppose de considérer que « le travail de construction des objectifs des dispositifs participatifs est un travail distinct du processus de mise en œuvre des dispositifs. Il conviendrait donc de l’analyser en tant que tel. Du reste, les objectifs des acteurs sont toujours labiles et ambigus, et se découvrent ou se transforment dans l’action plus qu’ils ne la précèdent »[Mazeaud 2009]. Nous souhaitons adopter cette perspective générale afin de décrire comment, à partir des pratiques des acteurs, un monde social a émergé.
Nous allons essayer de montrer que :
1. La participation est un monde social en émergence,en voie de légitimation et en structuration entre le monde de l’action publique et le monde de l’action caritative. Ce monde des « instances de participation » n’est pas homogène et contient des régions dont celle qui concerne la « participation des pauvres ». L’émergence de ce monde recompose les relations avec les mondes de l’action publique et de l’action caritative. Il est porteur de nouveaux rapports de domination et de reconnaissance entre eux et en leur sein. Ce monde comprend déjà des élus, des professionnels, des chercheurs, des acteurs ordinaires, des consultants qui se connaissent, se reconnaissent et échangent des ressources et des pratiques sociales, des méthodes, un langage commun, des rendez-vous.
2. Au niveau historique , cette émergence est dû à la conjonction de plusieurs conditions qui, ensemble, ont enclenché le mouvement de création d’un nouveau monde social.
1. La création d’un énoncé collectif proposant de « démocratiser la démocratie » [Callon, Lascoumes & Barthe 2001]. Cet énoncé rassemble des acteurs de mondes sociaux dispersés pour des raisons très différentes. Il permet de répondre notamment aux critiques portant sur le (dys)fonctionnement du monde de l’action publique et de l’aide caritative.
2. La mise en cause de certaines formes de régulation traditionnelle des conflits entre l’Etat et la société civile (lobby, institutionnalisation) La montée en puissance de « mouvements sociaux » au sens large oblige les acteurs du monde de l’action publique et de l’action caritative à se repositionner par rapport au public dont ils pensent porter les intérêts.
3. La transformation du monde de l’action publique avec la mise en cause du système de régulation croisée entre élus locaux et responsables étatiques. La montée en puissance de l’Union Européenne et des collectivités locales transforme la régulation publique et crée de nouveaux espaces de légitimité.
Dans le même temps, l’intensification des procédures administratives crée de nouveaux espaces de contact avec les « usagers ».
3. Dans un temps court, la séquence historique courant de 2007 à 2012 a été un moment de cristallisation pour le monde de la participation des pauvres. Les modalités de relation entre un certains nombre d’associations (membre du monde de l’action caritative) avec l’Etat (institution centrale dans l’univers de l’action publique) et les Conseils Généraux se sont transformées dans le cadre de la réforme sectorielle du revenu minimum (RSA). Cette cristallisation vers des dispositifs de participation a permis à des acteurs individuels – portant la croyance de cette forme d’action comme d’un progrès social – de faire avancer leurs idées et des dispositifs au sein des mondes de l’action publique et de l’action caritative.
4. Ce monde est cependant limité dans son développement du fait de son positionnement intermédiaire et de sa faible structuration interne. Ses membres doivent faire face à un certain nombre de contradictions internes et externes. Comment travailler dans un monde dépendant d’autres mondes pour ses principales ressources ? Sur quels principes de régulation se fonder, s’affirmer ? Comment participer de manière ordinaire dans la durée sans se professionnaliser ? Telles sont quelques unes des questions que les acteurs affrontent et qui créent un certain va-et-vient des membres de ce monde social.
Comment avons-nous tenté de valider ou d’infirmer ces hypothèses ?

Méthode

Avant d’établir des hypothèses aussi fortes, nous avons longuement cheminé. Au commencement de ce travail de recherche, notre intention était de confronter les théories philosophiques de la démocratie délibérative à une étude de cas : le processus d’élaboration législatif de la loi sur le Revenu de Solidarité Active. Notre hypothèse était alors que le point de vue des personnes pauvres n’était pas réellement pris en compte par les élites politiques et administratives mais qu’il pouvait l’être si un certain nombre de conditions étaient remplies.
Avec du recul et dans le dialogue avec Denis Laforgue qui a accepté de diriger ce mémoire, nous avons réalisé que cette problématique se situait à l’intérieur d’un cadre normatif qui visait à juger de la réalité sociale plutôt que dans un cadre compréhensif et critique des logiques sous-jacentes du réel.
Nous nous sommes alors engagé dans une forme d’enquête exploratoire en multipliant les sources d’information de manière sans doute désordonnée : en réalisant des premiers entretiens avec une personne allocataire du RSA participant à une équipe pluridisciplinaire, avec des responsables associatifs nationaux (UNIOPSS, ANSA…) mais aussi en cumulant une documentation importante sur les dispositifs de participation, sur l’histoire du RSA et de la pauvreté ou bien en réunissant l’espace d’une journée quelques personnes afin de réfléchir collectivement aux questions du revenu minimum.
Nous avons alors reformulé une première fois les finalités de cette recherche afin de modifier notre perspective pour observer les conditions d’influence de la parole des « citoyens ordinaires » au chômage. Nous avons tenté de recenser les conditions d’un tableau idéal de prise de parole des personnes. A ce moment de la recherche, j’étais encore profondément influencé par l’ancrage professionnel et militant qui vise à articuler une recherche à des enjeux pratiques.
Plusieurs facteurs expliquent le changement de perspective adopté début mai 2012. En premier lieu, l’enquête engagée dès les premiers mois amenait un certain nombre d’éléments qui ne cadraient pas avec la problématique. En allant assister à la Conférence Nationale d’Evaluation du RSA à Paris, on assistait à un conflit entre les chômeurs organisés et les représentants des allocataires du RSA qui ne permettait pas de définir « un » cadre de la participation. Les premiers entretiens réalisés indiquaient à la fois des zones de concurrence entre acteurs institutionnels (dans le cadre de la représentation auprès des pouvoirs publics) mais aussi des formes de coopération entre des acteurs adoptant des méthodologies et des points de vue très différents. Comment expliquer cette invitation de personnes sans-abris d’un groupe de la Fondation Armée du Salut à l’Assemblée Générale d’un mouvement de chômeur (MNCP) ? Comment comprendre le positionnement de l’Agence Nouvelle des solidarités Actives qui adopte un statut associatif et un positionnement proche des dispositifs participatifs des pouvoirs publics ? Des questions demeuraient irrésolues. Peu à peu, on pouvait relever des « ressemblances de famille » pour reprendre l’expression de Wittgenstein.
Du reste, cette analogie sur les positionnements des uns et des autres autour de la « participation des pauvres » était-elle la notre ou bien une forme induite par les acteurs euxmêmes ? La lecture du texte « Une perspective en terme de monde social » d’Anselm Strauss [Anselm Strauss 1978] allait servir de principe organisateur à ces intuitions éparses. Il s’agissait de tenter de comprendre si nous avions à faire à l’émergence d’un monde social.
Quelles sont les « ressemblances de familles » qui permettent de distinguer ce monde d’autres mondes sociaux ? Quelle est dans le même temps sa pluralité interne qui le rend difficile à cerner, parfois contradictoire, parfois indéfini. La rédaction de la nouvelle problématique et des hypothèses en découle alors.
Ensuite, nous avons cherché à valider ou infirmer ces hypothèses en reprenant systématiquement la matière accumulée. Après les avoir retranscrit , nous avons analysé les entretiens afin de déterminer le positionnement des acteurs vis à vis de ce qu’ils nomment « la participation », de ses « frontières », de sa confrontation au monde de l’action publique ou de l’action caritative. Progressivement, nous avons constaté que si le RSA avait une certaine importance dans le développement de ce monde par la multiplication des « bricolages locaux » autour des équipes pluridisciplinaires, il n’était pas aussi central qu’imaginé au départ. D’autres dynamiques (le CCPA, la représentation au sein du CNLE …) qui, pour nous, constituaient des apartés lors de nos entretiens, mobilisaient les acteurs et constituaient d’autres dimensions d’un monde en émergence. A l’Assemblée Générale du MNCP, nous avons alors adopté un mode « d’observation flottante » afin de ne pas mobiliser notre attention sur un objet précis mais de nous laisser guider par les acteurs. C’est ainsi que certains ont pu évoquer les coulisses des espaces de participation du Grenelle de l’Insertion ou des controverses passées.
Pour retracer la dimension historique (hypothèse n°2), nous nous sommes principalement appuyés sur les ressources disponibles sur Internet tout en prenant garde de vérifier leur fiabilité. Prenons l’exemple de la place de l’Union Européenne. Au départ, son influence fut simplement évoquée d’une phrase lors de l’entretien réalisé avec Bruno Grouès (responsable du Pôle Exclusion à l’UNIOPSS). C’est en lisant les documents produits par l’association EAPN Europe et les documents mis en ligne par le CNLE que nous avons retracé l’existence de dispositifs précis comme les rencontres européennes de personnes en situation de pauvreté ou les Programmes nationaux d’Inclusion Sociale afin de pouvoir affirmer cette influence.
Nous avons constitué progressivement une documentation constituée de rapports, de notes, de comptes-rendus de réunions, d’études, d’évaluations, d’articles de presse… qui constituent autant d’indices au service de notre démonstration. Nous les avons distingués de la bibliographie scientifique et parfois philosophique mobilisée dans l’analyse et l’argumentation. Dans le corps de notre mémoire, les premiers sont indiqués par des {accolades} tandis que les seconds le sont par des [crochets]. Nous ne pouvons que constater les nombreuses limites de cette recherche. Les conclusions sont souvent tirées à partir d’un nombre limité d’observations et de données. Nous n’avons pu confirmer nos hypothèses ou les étoffer auprès d’un nombre suffisant d’acteurs impliqués dans cette histoire proche. Etant donné la reformulation tardive de notre problématique, nous avons manqué de temps pour participer de manière ethnographique à des espaces de participation comme les groupes ressources du RSA ou le CCPA. Le souci de se détacher du passé professionnel à la Fédération des centres sociaux a également certainement marginalisé cet acteur dans l’analyse. Plus généralement, nous n’avons pas inclus les dispositifs et les acteurs de la participation qui œuvre autour de la « politique de la ville » qui fait partie du monde de la participation et dont la place dans la région de la participation des pauvres peut se discuter.
Nous avons également délaissé les rapports avec le monde de l’éducation populaire et de la santé communautaire qui demanderaient à être étudiés.
Cette recherche fut donc l’apprentissage d’une méthode, la recherche d’un chemin qui m’a permis de me déprendre d’une logique d’engagement (qui met sur le même plan science, morale et politique) pour passer à une logique « d’attachement » et de « détachement » avec les acteurs d’autres mondes sociaux afin de produire avec eux « la théorie de leurs pratiques émergentes »[Callon 1999].

Déroulement

Dans une première partie, nous détaillons l’émergence du monde de la participation au croisement du monde de l’action publique et d’autres mondes sociaux. Nous présentons les facteurs qui ont contribué à l’émergence progressive de la région du monde de la participation des pauvres en suivant l’histoire des relations entre le monde de l’action caritative et le monde de l’action publique depuis le milieu du XXe siècle (I. « Généalogie ») Puis, dans une deuxième partie, nous décrivons ce monde en émergence à partir de ses membres institutionnels comme les administrations locales ou centrales, les associations, les chercheurs, les consultants et les acteurs ordinaires. Puis nous présentons ses règles du jeu : formes pratiques et situées, frontières, débats et controverses… (II. « Composantes »)
Dans une troisième partie, nous nous attachons à décrire l’évolution de ce monde au cours des dernières années à l’occasion de l’élaboration puis de la mise en œuvre du RSA. Nous observons comment ce monde a pu être à la fois subordonné mais aussi nourri et légitimé par cette politique publique. Notamment à travers sa mise en œuvre qui a créé de nouveaux espaces de participation interconnectées par des formes de bricolage ou d’ingénierie locale (III. « Développement »).
Dans une quatrième et dernière partie, nous analysons les contradictions de ce monde pour ses membres causés en partie par sa très faible autonomie de ressources. Les personnes pauvres aussi bien que les professionnels se trouvent pris dans des difficultés qui sont dues à la situation particulière de ce monde « intermédiaire ». Mais aussi à la discipline et au contrôle propre de ce monde qui recomposent les places et les rôles occupés par les uns et les autres. (IV. « Contradictions »).

Le Revenu Minimum d’Insertion

Pour pouvoir produire une parole destinée au monde de l’action publique, il faut que l’acteur ordinaire soit considéré comme étant doué de parole. Le RMI est une réforme politique importante dans cette perspective car elle a été élaboré sur la base d’un contrat qui permet au destinataire des politiques publiques de s’exprimer. Elle a donc constitué une étape dans la création d’instances de participations aux frontières du monde de l’action publique sociale.
D’où vient cette réforme ? L’idée est défendue dès 1987 dans un rapport au Conseil Economique et Social dont le rapporteur n’est autre que Joseph Wresinski{Wresinski 1987}. Il inscrit sa proposition d’une allocation différentielle versée sur la base d’un « contrat projet d’insertion » défini au niveau local. Le désir de mettre en avant les pauvres eux-mêmes (mandant présumés) est valorisé « Une des principales déficiences de l’organisation sociale de nos jours semble être l’absence de droit des pauvres à la parole ».
Des expérimentations locales sont organisées sur la base de la circulaire Zeller mais elles ne reprennent pas cette dimension. La contrepartie au revenu est réduite à un travail à mi-temps pour une collectivité ou une association. François Mitterrand porte le projet d’un revenu minimum lors de la campagne présidentielle de 1988 . Le projet de loi obtient un soutien unanime du Gouvernement et l’assentiment de l’opposition. Le revenu minimum d’insertion (RMI) est conçu comme un dispositif temporaire dans l’attente du retour au plein emploi [Godino 2002]. C’est un revenu différentiel fondé sur un contrat d’insertion.
Des débats parlementaires ont lieu sur la nécessité ou non d’une contrepartie. Jean-Claude Boulard, rapporteur du projet de loi à l’Assemblée Nationale, défend une forme plus large d’universalité « Il y a eut des sociétés dans l’histoire où le fait de travailler était dévalorisant, cela représentait une perte de statut. Nous avons fait le choix de construire une société où tout est organisé autour de la notion de travail. Si elle faillit à ses capacités de donner du travail à tous, alors n’a-t-elle pas l’obligation de fournir un revenu décent à ses membres ? » [Boulet 2007] Le point de vue de Rocard est tout autre et vise à répondre à la critique socialiste. « Pour endiguer l’enthousiasme de Boulard, je ne voulais à aucun prix d’un dispositif désincitatif à l’emploi, parce que ce genre de risque existe toujours, c’était mon plus gros souci » [Rocard 2008] Afin de se distinguer d’un revenu universel, une dimension « insertion » est donc ajoutée. Dans les esprits, il convient de marquer le principe du « retour au travail » conçu comme une reprise d’emploi . Mais dans la réalité du dispositif, il n’y a pas d’obligation à la recherche d’emploi. L’insertion est un concept large et flou qui fonctionne comme un objectif et non comme un préalable. Le contrat du RMI est pédagogique et non pas juridique [Lafore 1989]. Au final, le revenu minimum est voté à l’Assemblée Nationale à la quasi-unanimité le 1er décembre 1988.
Le contrat transforme un tant soit peu la considération des acteurs du monde de l’action publique pour ses destinataires. L’allocataire n’est plus considéré uniquement comme un ayant-droit mais comme un partenaire individuel qui est associé à la définition des mesures qui sont censées être mises en œuvre pour son insertion. [Lafore 1989 p581]. L’allocataire a un pouvoir théorique de définition sur sa situation et ses objectifs alors que dans nombre de dispositifs, il est défini pour lui. Cela va contribuer à créer un espace d’expérimentation d’actions collectives dans certaines Caisses d’Allocations Familiales et en partenariat avec des centres sociaux. Mais rapidement, le nombre d’allocataires dépasse les estimations et le contrat est noyé dans l’océan de demandes de soutien financier. Le monde de la participation ne grandit donc pas avec cette réforme potentielle.

Le Conseil de Vie Sociale

A partir de 1975, les établissements accueillant des personnes handicapées doivent associer les usagers et leurs familles à son fonctionnement. En réalité, cette mesure législative reste quasiment sans effet. La loi est modifiée dix ans plus tard afin de créer formellement un conseil d’établissement qui permette cette association qui restait encore de principe.
En 2002, ces instances sont transformées en Conseils de la Vie Sociale. Tous les établissements assurant un hébergement ou un accueil de jour continu sont concernés. Dans son premier article, la loi rappelle que l’action sociale tend à promouvoir notamment « l’exercice de la citoyenneté ». Elle « garantit » sept droits fondamentaux et spécifie sept outils.
Le Conseil de la Vie Sociale (CVS) est dédié à la participation des personnes concernées par les prestations de l’établissement. Il peut donner son avis sur l’organisation intérieure, les activités et l’animation, les travaux d’équipement, la nature et le prix des services, l’affectation des locaux collectifs et leur entretien… Il doit comprendre au moins deux personnes accueillies, un représentant du personnel et un représentant de l’établissement. Il doit en principe se réunir au moins trois fois par an. Dans des institutions gouvernées par une logique de plus en plus gestionnaire, cette loi a eut un certain effet. Elle a amené les acteurs du monde caritatif traditionnel à envisager les destinataires de l’action caritative comme des personnes avec des droits et une prise de parole possible dans des centaines d’établissements répartis sur le territoire. En Haute-Savoie, des rencontres entre membres de ces conseils ont été organisé pour croiser les expériences. Un usager parisien affirme « On a réussi, avec mon CVS, à changer le regard sociétal du voisinage : le centre organise le Noël des enfants du quartier, qui sont plusieurs centaines à venir dans nos locaux. Nous sommes entrés en relation avec les commerçants du coin. Il y a de l’entraide. Nous sommes présents dans le conseil de quartier…»{Aymeric Oger cité par Bernard Boutin 2009 p3}. Il parle de cette reconnaissance autonome apportée en étant un membre reconnu d’un dispositif de participation.
Même cantonnée au fonctionnement de l’institution caritative, la réforme a eut un certain nombre d’effets et a permis de répondre à la critique libérale (en affirmant la responsabilité individuelle dans les contrats) et à la critique libertaire (en garantissant des droits pour les personnes accueillies). C’est là le propre d’un énoncé collectif qui permet par son ampleur de répondre à des logiques différentes en mobilisant des acteurs dans plusieurs mondes.
Il y a donc des dispositifs qui ont permis des expériences de participation au sein des mondes caritatifs et de l’action publique. Cette émergence de dispositifs va se développer à travers la multiplication des confrontations avec le monde de l’action publique.

Normes

Les normes sont produites par les interactions des membres au sein d’un monde. « Une norme est une sorte de guide pour l’action soutenue par des sanctions sociales ; les sanctions négatives pénalisent l’infraction, les sanctions positives récompensent la conformité exemplaire »[Goffman 1973b, p.101]. Elles concernent les activités pratiquées par ces membres (« Activités »). Elles structurent des enjeux propres à ce monde producteurs de distinctions sociales (« Hiérarchies »). Elles alimentent des débats spécifiques (« Controverses »). Elles permettent de distinguer ce monde d’autres mondes sociaux (« Frontières »).

Activités

Dans le monde de la participation, l’activité primaire consiste à « produire de la parole ordinaire » à partir d’un savoir donné. Ce savoir se fonde sur le bon sens des citoyens ordinaires (comme dans les conférences de consensus), sur une expertise particulière (comme dans les personnes hébergées dans les conseils de vie sociale), sur une forme de concernement (le fait d’habiter dans tel quartier pour un conseil de quartier)… Avec toutes les précautions dues aux limites de cette recherche, l’activité primaire (mise en débat entre) des membres du monde de la participation des pauvres peut être définie comme la production de parole ordinaire de personnes qui vivent ou ont vécu une expérience de disqualification économique ou sociale. Dans cette région du monde de la participation, on mobilise d’abord un citoyen concerné, « expert de sa propre vie » à partir d’une expérience particulière qui est considérée comme relevant de la pauvreté ou de la précarité par des personnes qui lui sont extérieures. Il n’y a pas de définition objective de la « pauvreté vécue » mais une qualification sociale de cette pauvreté sur la base d’indices des privations vécues et/ou présentées par la personne.
Cette énonciation se déroule le plus souvent dans une salle de réunion composée de tables, de chaises. Une réunion de ce type a rarement lieu dehors. La rue n’est pas investie comme dans le mouvement social. L’espace public est situé à l’intérieur. Les tables et les chaises distinguent et assignent des places qui sont différentes du guichet de l’aide publique, du bureau de l’assistante sociale ou du centre de distribution de l’aide qui situent un « devant » et un « derrière ». Le devant est celui de la personne aidée, hébergée, demandeuse, allocataire.
Le derrière est celui du bénévole, de l’aidant, de l’assistant, du dirigeant. Ici, les chaises sont les mêmes. On se situe « ensemble » autour d’une table. De petits indices font pourtant la distinction entre professionnel et citoyens ordinaires : le professionnel devrait se situer près du tableau et de manière à ce que tout le monde le voit. Il a du matériel d’animation et maîtrise le déroulement de la réunion. Il annonce ou valide les horaires de fin. Si la salle est suffisamment grande, les chaises peuvent aussi être réaménagées rapidement pour composer des petits groupes. D’autres techniques d’animation sont alors mobilisées comme celles issus du théâtre de l’opprimé d’Augusto Boal {Boal 2007}, les méthodes du méta-plan et du brainstorming… Les agencements de dispositifs sociotechniques sont essentiels pour assurer la perpétuation et la légitimation de ce monde social comme de tout autre.
Le monde de la participation ne considère pas la prise de parole de citoyens ordinaires comme « naturelle ». Il faut la susciter, la développer, la mettre en forme. Il s’attache pour cela au développement de « technologies » (Anselm Strauss) – ou de « dispositif » au sens de Michel Foucault – ce que nous allons nous attacher à décrire ci-dessous.

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela rapport-gratuit.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières
Avant-Propos
Introduction 
Enigmes – Problématique – Détour – Hypothèses – Méthode – Déroulement
I. Généalogie 
Compromis – Complémentarités – Précurseur – Critiques – Confrontations – Europe
II. Composantes
1 – Membres
Caritatif – Pauvres – Chercheurs – Administration – Conseil
2 – Normes
Activités – Hiérarchies – Controverses – Frontières
III. Développement
1 – Apparences
Dispositifs – Récit
2 – Bricolages
Législation – Commissions – Ressource
IV. Contradictions
1 – Positionnements
Rivalités – Interlocuteurs – Dépendances
2 – Voix
Rare – Ordinaire – Contrôles – Motifs – Concurrences
Ouverture 
Annexes
A. {Documentation}
B. [Bibliographie]
C. Liste des entretiens
D. Présentation du RSA

Rapport PFE, mémoire et thèse PDFTélécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *