Elements extratextuels en guise de prélude pour un passage du roman beur à l’écriture de l’Histoire

La subversion

  Comme nous travaillons sur un thème dont l’objet d’étude est la subversion, il est impératif de commencer par la fixation du sens de ce concept. Son étymologie latine donne « Subvertiunem, Subversum, Supin de subvertere ». D’où les mots tels que : « vers » et « version » qui sonnent à l’oreille. Ces derniers sont des dérivés des mots suivants : « inversion, perversion, déversement, diversion ». Ces termes ont en commun le sens de bouleversement. En effet, le terme « Subversion » renvoie à un « Renversement; il n’est d’usage qu’au figuré. » . En ce sens, le mot subversion renvoie à une action de destruction et de renouvèlement. Dans une œuvre littéraire, le concept de subversion concerne le contenu et la forme de l’œuvre. Ainsi, en littérature, « Lorsque nous parlons de la subversion, nous sommes automatiquement dans le domaine de l’écriture. » . En effet, nous pouvons parler d’une subversion quand les normes traditionnelles romanesques de l’écriture sont renversées. Nous pouvons voir cela dans notre corpus, Le Village de l’Allemand, où Boualem Sansal retravaille les bases de l’écriture romanesque beure pour lui donner un nouveau souffle.

Le roman beur

  Il s’agit d’une désignation spécifique aux jeunes de la région parisienne. Le mot « beur » est largement diffusé dans les médias comme identification des jeunes maghrébins. L’accélération de la propagation du vocable est due certainement au lancement de radio-beur née en 1981 par un groupe de jeunes en majorité maghrébins. D’aucuns pensent qu’il aurait existé bien avant les années 1980 avec une valeur péjorative. Il faut attendre deux décennies pour qu’il renvoie aux jeunes maghrébins dits de « seconde génération ». D’après M. Laronde, « beur » tire son origine du verlan, « un argot codé dans lequel on inverse les syllabes des mots. Les jeunes des cités des banlieues parisiennes où le verlan a succédé au patois parisien ont formé de nombreux termes en verlan dont les plus courants apparaissent dans le roman beur. » Toujours en commentant l’origine du même vocable, l’auteur de Autour du roman beur précise qu’ « il est généralement admis que le terme « beur » provient du mot « arabe » inversé deux fois en verlan : arabe= rebeu= beur. » Le même auteur clarifie davantage le sens du vocable en citant la définition du Larousse de 1998 : « Déformation du verlan rebeu, arabe. Fam : Immigré maghrébin de la 2 ème génération (né en France). » Selon F. Gaspard : Cette notion de seconde génération d’immigrés n’est pas seulement une commodité du langage. Elle est chargée d’un contenu inadmissible au plan moral et politique. Elle nomme pour exclure, marginaliser. Elle nie une évidence : elle nomme immigrés pour la simple raison que la plupart d’entre eux n’ont pas émigré. (…) Comme si on voulait nier ce que la France a fait d’eux. Compte tenu des définitions ci-dessus, il convient de signaler que l’étiquette « beur » exclut, d’entrée de jeu, les écrivains non immigrés et ne relevant pas de la deuxième génération dans la mesure où leur discours littéraire se caractérise par la mise en scène des personnages, des décors ou des thématiques liés à l’immigration. D’après M. Laronde, les romans beurs « ont une caractéristique en commun : celle de la culture de jeunes issus de l’immigration maghrébine en France.»1 Ce propos élimine donc Boualem Sansal de la liste des écrivains beurs et son roman Le village de l’Allemand duchamp littéraire beur dans la mesure où l’auteur vit en Algérie. Toutefois, il est à signaler que certains critiques abolissent l’origine ethnique et sociale dans la paratopie beure. C’est dire qu’un roman beur n’est pas forcément écrit par un écrivain maghrébin issu de la deuxième génération d’immigration. En ce sens, ils insistent sur le contenu qui doit impérativement l’être. Du coup, l’étiquette beure peut s’étendre à « tous les romans dont un certain contenu (ingrédients géo-historiques, personnages, situations) donne au terme beur le sens d’un esprit particulier à un milieu et à une époque. » Au vu de ce qui précède, notre corpus qui n’est pas écrit par un écrivain beur peut accepter l’étiquette beur de par son contenu. C’est ce que nous allons essayer d’examiner en tentant, dans la mesure du possible, de fixer les caractéristiques thématiques et formelles inhérentes au genre romanesque en question et les vérifier dans le roman de notre étude pour pouvoir se prononcer sur une éventuelle insertion générique beure totale ou partielle.En apparence, écriture littéraire et écriture historique constituent deux pratiques discursives différentes. La première est de l’ordre de la fiction et concerne les spécialistes de la littérature, la seconde s’attache au réel et relève des historiens : deux disciplines académiques bien distinctes. En effet, la littérature est produite par des Hommes de lettres et concerne la fiction, l’imagination, l’art et l’esthétique. Or, l’Histoire, l’écriture historique, est le propre des historiens qui ont le souci de raconter fidèlement et d’enquêter sur des faits réels de l’Histoire ancienne ou contemporaine. Ainsi, l’écriture de l’Histoire semble avoir fleuri de la fusion de ces deux pratiques. « Pour écrire l’histoire, il faut citer l’histoire.»4 Son écriture est un récit littéraire qui consiste à actualiser dans le présent des évènements qui appartiennent au passé. En d’autres termes, l’auteur puise du passé des faits réels et les met en scène dans le présent sous forme d’un récit littéraire. En somme, cette écriture joint le réel à la fiction. A ce sujet, G. Gengembre, explique que « Le romancier est avant tout un narrateur qui entreprend de rendre intelligible une réalité disparue tout en conférant à son œuvre sa cohérence interne et en établissant le rapport avec le présent du lecteur. »

Caractéristiques et constantes du roman beur

  Pour fixer les constantes thématiques et formelles du roman beur, nous nous appuyons sur la thèse de kenneth Olsson qui a travaillé sur un corpus assez large.Issu de l’immigration, le roman beur fait de ce phénomène sa toile de fond dont il ne se départit pas et à laquelle s’ajoutent des thématiques transversales constantes et des attributs formels souvent communs aux écrivains maghrébins de la seconde génération d’immigration.Tous les critiques de la littérature beure s’accordent également à dire qu’il est question des banlieues dans les romans beurs : « Les romans beurs, explique Kenneth Olsson, sont tous liés à la thématique de la banlieue. » Et d’ajouter : « (…) les banlieues restent le lien, dans l’imaginaire collectif, de la misère humaine qui touchent actuellement tous les exclus sociaux et en particulier les beurs. » Cette citation met le roman beur en rapport direct avec la banlieue. Cet espace est un catalyseur d’ « un discours produit par l’immigration sur son implantation urbaine en banlieue parisienne. » Le discours en question charrie beaucoup de binarismes et de dichotomies qui vont opposer l’immigré au français de souche à commencer par un découpage administratif révélateur d’une grande parcellisation socio spatiale organisé par l’état. D’où les noms suivants : Z.A.D., Z.A.C., Z.U.P. Il s’en suit que l’immigré est déjà un sujet de rejet hors du système politique qui est synonyme d’une exclusion sociale et d’une marginalisation qui génère tout un discours identitaire mettant l’accent sur l’errance et la victimisation : « La figure beure, dit Kenneth Olsson, victimisée, est appuyée par les thématiques des injustices sociales dénoncées par un discours implicitement politique. »  Ces thématiques, à leur tour, révèlent un problème identitaire que marque l’hybridité culturelle dont la manifestation scripturale majeure est la variation des registres de langues. D’où le caractère oral et argotique du roman beur qui fait de lui un genre mineur. Afin de dénoncer ces aléas d’immigration, l’écrivain beur opère toujours un jeu avec le fictionnel et le factuel qui se veut transculturel. Un tel jeu permet d’exprimer une représentation spécifique du monde doublée d’un discours idéologique s’opposant aux pratiques institutionnelles. Globalement, les caractéristiques du roman beur peuvent être condensées comme suit :
1-Ancrage dans la banlieue
2-Problèmes identitaires
3-Errance des personnages
4-Discours de victimisation
5-Personnages politisés et marginaux
6-La surveillance policière
7- Langue orale et argotique
8-Le jeu avec le fictionnel et le factuel
Compte tenu de ces caractéristiques thématiques et formelles, nous allons tenter une étude narratologique de notre roman pour voir s’il est question d’une subversion de ces traits beurs au profit d’une autre visée scripturale de l’auteur.

Le contexte de la publication du roman

  Etudier le contexte d’une œuvre c’est tenter de comprendre la raison qui provoque son apparition. Un écrivain est toujours influencé par des évènements qui touchent son époque et sa société. Une œuvre littéraire représente donc son temps. De ce fait, elle est née pour une raison précise. Jean-Paul Sartre écrit dans son autobiographie, Les mots : Longtemps j’ai pris ma plume pour une épée : à présent je connais notre impuissance. N’importe : je fais, je ferai des livres; il en faut; cela sert tout de même. La culture ne sauve rien ni personne, elle ne justifie pas. Mais c’est un produit de l’homme : il s’y projette, s’y reconnaît; seul, ce miroir critique lui offre son image1 A l’instar de Jean-Paul Sartre, la littérature est pour un bon nombre d’écrivains un moyen pour défendre, pour dénoncer des injustices et exprimer la réalité du monde. C’est donc un procédé qui véhicule ses idéologies. La littérature algérienne d’expression française en est un bon exemple. Ses écrivains puisent dans le drame algérien pour transmettre une réalité amère. Récemment, nous avons vu naitre une nouvelle littérature qui, également, se sert de l’écriture comme une arme de proclamation et de lutte. Cette écriture a comme thèmes majeurs les différents soucis des jeunes beurs; autrement dit, les jeunes maghrébins nés de parents immigrés issus des banlieues françaises. Dans son roman intitulé Le village de l’Allemand ou le journal intime des frères Schiller, Boualem Sansal aborde la montée inquiétante et dangereuse du terrorisme au sein de la banlieue française. «La cité sera bientôt une république islamique parfaitement constituée » , prédit Malrich. Dans une interview, Boualem Sansal affirme que « certaines banlieues françaises sont de la même manière sous la coupe des gangs mafieux et islamistes, en connexion avec les gangs d’Algérie et les réseaux salafistes maghrébins en relatant l’histoire de deux jeunes beurs nés en Algérie et élevés dans une banlieue parisienne par un couple immigré. Ces deux frères sont le fruit d’un mariage mixte entre une Algérienne et un Allemand, ancien nazi devenu moudjahid en Algérie. Après l’assassinat de leurs parents par les terroristes, les deux frères plongent dans les racines du passé à la quête de l’origine du père. L’histoire de cette famille permet au romancier de remémorer trois faits historiques ; la guerre de libération, la décennie noire et l’un des drames les plus répugnants de l’Histoire humaine : la shoah, qui est l’extermination systématique des juifs commise par les nazis durant la seconde guerre mondiale. De 1992 jusqu’à 2007, l’Algérie vit l’horreur. Le pays fait une descente aux enfers : « massacres, attentats à la bombe, mais également exécutions sommaires collectives ».1L’un des massacres les plus atroces qu’a connu l’Algérie est celui de Bentalha dans la nuit du 22 au 23 septembre 1997. Ces dates nous rappellent effectivement la chronologie de notre corpus. Les deux journaux des frères Schiller débutent de 1994 jusqu’à 1997. Encore, faut-il préciser que le roman est publié en 2008. En clair, juste après les années noires. Ainsi, nous pouvons dire que ce roman est un devoir de mémoire contre l’oubli : « Mon cœur battait à tout rompre, il accompagnait à grands coups de tambour quelque mélopée venant de loin, du fond de la terre, ou les pulsations du soleil ou les appels au secours d’une mémoire emprisonnée dans la pierre. » , écrit Rachel dans son journal lors de sa visite à Aïn Deb. En Plus de se remémorer des évènements du passé, Le village de l’Allemand dénonce également le casactuel des banlieues françaises envahies par le fanatisme islamique. En effet, l’histoire se déroule au cœur d’une banlieue parisienne. En 2005, le président Abdelaziz Bouteflika annonce un nouveau projet, «la charte pour la réconciliation et la paix » qu’il met en œuvre en 2006.

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Table des matières

Introduction générale
Chapitre I : Concepts clés et repères
1. Résumé
2. Concepts clés
2.1 La subversion
2.2 Le roman beur
2.3 L’écriture de l’Histoire
2.4 La narratologie
2.5 Le tragique
3. Caractéristiques et constantes du roman beur
Chapitre II : Elements extratextuels en guise de prélude pour un passage du roman beur à l’écriture de l’Histoire
1. Le contexte de la publication du roman
2. L’horizon d’attente du public
3. La réception de l’oeuvre
Chapitre III : Etude paratextuelle : le paratexte comme trait d’union entre le roman beur et l’Histoire
1. Le titre
2. La première de couverture
3. La quatrième de couverture
4. La dédicace
Chapitre IV : Etude intratextuelle : Analyse narratologique du passage du roman beur à l’écriture de l’Histoire
1. Grille narratologique
2. Commentaire
2.1 Le plan formel
Chapitre V : L’écriture intime ou la jonction entre la « beurité » et l’écriture de l’Histoire
1. Le journal intime
2. L’épistolaire
3. Discours intime : rêves et souvenirs
Chapitre VI : Ecriture de l’Histoire
1. Grille évènementielle
2. L’Histoire entre récits analeptiques et proleptiques
3. Ecriture du tragique : récit de mort et malédiction
4. Ecriture de l’errance
Conclusion générale
Bibliographie

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