Elements de presentation de la cooperative la LOUVE

Au cours de cette dernière décennie, des formes de travail du consommateur librement consenties ont émergé dans différents domaines (transport, hébergement, réparation, etc.). Dans ce travail de recherche, nous nous concentrons sur la forme du supermarché coopératif et participatif. En effet, en quatre ans, une vingtaine de supermarchés de ce genre ont été constitués par leurs membres un peu partout en France et en Europe ou sont en cours d’élaboration (cf. figure 1) . Cette année 2017 marque d’ailleurs une accélération avec l’ouverture du premier modèle de ce genre à Paris.

Ce nouveau type de coopérative que nous étudions ici s’inscrit dans le mouvement actuel de reprise en main par le consommateur de son pouvoir d’action sur le marché. La collaboration, fondée sur le travail des consommateurs est souvent le moyen adopté pour rétablir ce pouvoir. Les structures inscrites dans ce mouvement manifestent un postulat commun : une insatisfaction à l’égard du système marchand conventionnel, ainsi qu’un objectif commun : la recherche d’une alternative autogérée. Ce postulat est explicite dans le discours de présentation qui figure sur le site web de La Louve: « Nous n’étions pas satisfaits de l’offre alimentaire qui nous était proposée, alors nous avons décidé de créer notre propre supermarché » . Profitant d’un contexte favorable aux démarches participatives, ces supermarchés mettent leurs consommateurs au travail afin de créer, par eux-mêmes et pour eux mêmes, une alternative aux supermarchés conventionnels. Les membres, définis statutairement comme des coopérateursbénévoles-membres associatifs, s’engagent à offrir une certaine quantité de travail pour mettre en place le projet. Ce dernier étant participatif, fondé sur la coopération et la collaboration des membres autour d’un but commun, il pourrait potentiellement présenter toutes les caractéristiques d’un projet aspirant à un changement social ou à une émancipation vis-à-vis du système marchand dominant. Or, paradoxalement certains des choix opérationnels et éthiques sont semblables à ceux d’une entreprise classique. Le projet vise à créer une nouvelle structure de type commercial avec une politique générale et un système d’échange dépourvus d’objectifs critiques ou militants.

Eléments de présentation de la coopérative La Louve

L’ambition d’être un supermarché coopératif et participatif

La création de l’association de La Louve en 2011 est issue de l’initiative de deux américains vivant à Paris, attentifs au « bien manger » : « Le projet, initialement, il est porté par…deux personnes hein : Tom Booth et Brian Horihan qui sont des visionnaires en fait, ceux qui ont pensé leur projet possible. […] Ce sont des gens qui sont impliqués personnellement dans la recherche des bons produits. Tom est œnologue et Brian cultive une ferme bio en France. Donc ils ont cela au cœur vraiment de…de la recherche du bon produit. » (Manon) .

Les deux fondateurs sont parvenus à rassembler un premier groupe de personnes autour de l’imaginaire de leur projet. Au départ, La Louve est d’abord un groupement d’achat relié à l’association Les Amis de La Louve. C’était la première étape avant de s’agrandir pour se transformer en supermarché collaboratif, associatif, à but non lucratif sous la forme d’une coopérative. Cette dernière s’inspire d’un projet existant à New York mettant au cœur du modèle le travail des membres bénévoles. Des contacts sont alors pris avec des acteurs de l’économie sociale et solidaire et avec des personnalités à même de conseiller sur les produits (meilleurs ouvriers de France, potagers de renom, etc.) en parallèle à la présentation du projet aux pouvoirs publics (notamment les mairies des 18ème et 19ème arrondissements et la mairie de Paris ) ce qui permet au projet de se faire connaître et de profiter de différents appuis.

Progressivement, d’autres personnes se joignent au projet. Le groupement d’achat s’agrandit petit à petit et le projet du supermarché commence à se structurer. Le projet décolle réellement en 2013 lorsque des personnes qui deviendront structurantes pour le projet, de par leurs réseaux, leur compétences professionnelles et leur capacité de mobilisation le rejoignent. Coté financement, différentes levées de fonds sont lancées (fin 2013 auprès du grand public à travers une plateforme de crowdfunding, en 2014 auprès des personnes s’intéressant au projet) à côté de la demande de financement à des banques inscrites dans l’ESS ou des banques classiques. Les levées de fonds permettent de financer et accroître la notoriété du projet.

Une alternative pour démocratiser la qualité de l’offre alimentaire grâce au travail bénévole

« Nous n’étions pas satisfaits de l’offre alimentaire qui nous était proposée, alors nous avons décidé de créer notre propre supermarché. » Cette citation provient de la page d’accueil du site de La Louve. Le supermarché se positionne d’emblée comme une alternative à « l’offre alimentaire » proposée par d’autres circuits de distribution. Plus bas, sur la page d’accueil, est explicitée la différence entre le projet et le modèle décrié : « La Louve propose une alimentation de qualité, à prix réduit, en majorité bio, locale et artisanale. Tout le monde peut y faire ses courses, il suffit de devenir coopérateur et participer au fonctionnement du magasin. » .

Pour pouvoir profiter de cette alimentation « de qualité, à prix réduit, en majorité bio, locale et artisanale » , il faut participer au fonctionnement de l’organisation à raison de 3 heures par mois. L’organisation revendique donc d’être un supermarché coopératif et participatif. La coopération se manifeste tout d’abord par l’achat de parts sociales, avec un investissement minimal de 100 € (soit 10 parts de la coopérative) pour devenir membre, et un coût d’entrée réduit pour les bénéficiaires des minimas sociaux qui peuvent n’acheter qu’une part—soit un investissement de 10 €. La participation, quant à elle, consiste à consacrer 3 heures consécutives de travail toutes les quatre semaines à la coopérative. Les tâches à assurer sont multiples et visent à assurer en autogestion l’ensemble des activités nécessaires au fonctionnement de la coopérative : caisse, stock, nettoyage, administration, les tâches opérationnelles nécessaires à la tenue d’un supermarché. La promesse est que ce modèle d’autogestion permettra de réduire les coûts de fonctionnement et d’offrir des prix réduits. Par ailleurs, La Louve affiche une vocation pédagogique et souhaite être un lieu d’échange et de plaidoyer pour une consommation plus éthique. Des fiches produits ont été réalisées dans ce sens par le groupe « Approvisionnement » . Le but est, qu’à terme, il soit possible d’éditer des supports pédagogiques sur le supermarché et plus largement sur l’alimentation : « La logique c’est plutôt de développer l’information sur les produits, informer puis laisser le consommateur choisir » (Manon). A terme la finalité serait de pousser les membres à changer leur manière de consommer. Jusqu’au moment de la fin de notre terrain, l’organisation n’avait pas encore réussi à mettre en place un dispositif pédagogique à la mesure de son ambition de départ.

La Louve est ainsi porteuse d’une vision méritocratique de la consommation fondée sur le travail bénévole : pour mériter une vie saine et manger avec plaisir, il est nécessaire de fournir une participation concrète. Le thème du plaisir est dans ce sens au cœur de la vidéo présentant La Louve pendant la période d’observation . La quête de qualité et d’aliments sains s’inscrit dans le plaisir que procurent des aliments d’une bonne qualité. Le premier argument évoqué par La Louve pour enrôler de nouveaux adhérents et grossir le rang des coopérateurs est la «démocratisation de la qualité ». Celle-ci ne doit plus être accessible uniquement à une élite. Il s’agit d’offrir la possibilité à l’ensemble des coopérateurs d’acheter des aliments de qualité à moindre coût.

Passer de consommateur à coopérateur grâce au travail 

Les fondateurs de La Louve souhaitent ancrer l’esprit coopératif chez les membres. L’appropriation de la notion de coopérateur passe par le travail qu’un membre va fournir. Celuici va lui permettre de faire entendre ses besoins et d’agir pour les satisfaire. Le terme de consommateur ou de client est décrié . Il est aux antipodes de la conception de coopérateur : le consommateur est « passif » alors qu’il est attendu d’un coopérateur de La Louve d’être « actif ». « A l’ouverture de La Louve on veut « zéro client ». On ne veut pas des clients on veut des coopérateurs et c’est un esprit différent. Un coopérateur c’est une personne avec le vrai sens que le supermarché est le leur et ça change les choses. Par exemple ça change s’il y a un problème c’est au client de râler de dire « ah ça marche pas » et donner le pouvoir de régler le problème à un autre, alors que c’est nous, c’est toi même qui peut descendre voir si ce produit est là, et c’est totalement un esprit différent… on n’aime pas trop le mot consommateur. C’est un concept très passif. Dans un sens on a certains privilèges : on peut dire qu’on n’a pas le travail à faire, on peut dire « ça me plait pas donc je dépense mon argent ailleurs » mais en réalité, on perd aussi tout le coté décisionnel, si tu ne donnes aucune possibilité à ton supermarché classique de dire : « ah ce genre de produits ne me plait pas » ou « pourquoi on ne propose pas ce genre de produits dans notre supermarché» ou est-ce que, avec les bénéfices de notre supermarché, est ce qu’on a envie de faire quelque chose de bien pour le quartier. Ce n’est pas quelque chose qu’on peut faire avec un supermarché capitaliste alors qu’à La Louve c’est tout à fait ça qu’on peut faire. » (Brad) .

Selon la conception de ses fondateurs, c’est en fournissant du travail que le membre acquiert son statut de coopérateur. Et le travail est central, il y a une injonction statutaire – fournir 3 heures toute les 4 semaines. C’est aussi une norme portée par le groupe, où le travail est valorisé. Dans la phase d’observation du projet, nous avons relevé qu’une centaine de personnes accordaient plusieurs heures par semaine pour le montage et la construction de cette initiative en mettant à profit leurs compétences professionnelles. Une organisation par groupe de travail permet de structurer les apports individuels. Par exemple, le membre qui est informaticien va s’occuper de l’ERP  dans le groupe informatique, l’avocat rejoindra le groupe juridique, le comptable le groupe comptabilité, etc. Ainsi, la plupart des tâches nécessaires au montage du projet ont-elles été réalisées par les bénévoles : le montage du plan de financement, le recrutement de nouveaux membres, la gestion des compétences de chacun, la communication pour la levée de fonds, le travail sur les aspects juridiques et comptables, la négociation et la conception des futurs locaux, les réflexions sur l’organisation et les méthodes qui seront mises en place, les logiciels qui seront utilisés, le matériel à acquérir, les stocks à prévoir, et ainsi de suite.

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Table des matières

INTRODUCTION
1 CONTEXTE DE LA RECHERCHE
2 CHEMINEMENT THEORIQUE
CHAPITRE 1 INTRODUCTION AU TERRAIN DE RECHERCHE ET ELEMENTS DE METHODOLOGIE
1 ELEMENTS DE PRESENTATION DE LA COOPERATIVE LA LOUVE
1.1 L’AMBITION D’ETRE UN SUPERMARCHE COOPERATIF ET PARTICIPATIF
1.1.1 Une alternative pour démocratiser la qualité de l’offre alimentaire grâce au travail bénévole
1.1.2 Passer de consommateur à coopérateur grâce au travail
1.1.3 Des produits de qualité mais
1.1.4 La genèse du projet coopératif
1.2 LEGITIMITE ET CREDIBILITE DU PROJET
1.2.1 Le soutien institutionnel fondamental pour un projet de cet envergure
1.2.2 Le modèle de référence
2 LA DEMARCHE DE LA RECHERCHE
2.1 LES CHOIX METHODOLOGIQUES
2.1.1 Un positionnement interprétativiste pour comprendre en détails la construction et l’offre d’un supermarché collaboratif et participatif
2.1.2 Le design de recherche : une démarche ethnographique contribuant à la Consumer Culture Theory
2.2 PRESENTATION DU CORPUS DE DONNEES
2.2.1 Des observations participantes et non-participantes
2.2.2 Les entretiens
2.2.3 Données secondaires
2.2.4 Notes de terrain
2.2.5 Les prises de vue
2.3 METHODE D’ANALYSE : APPROPRIATION ET THEMATISATION
2.3.1 L’examen phénoménologique pour l’observation et les données secondaires
2.3.2 Analyse par la théorisation ancrée pour les entretiens
2.4 REFLEXIVITE ET ETHIQUE DU CHERCHEUR
2.4.1 Distance et familiarisation
2.4.2 Les règles d’information et de consentement
2.4.3 La confidentialité
2.5 IMMERSION AU SEIN DE LA LOUVE
2.5.1 Premiers contacts
2.5.2 Négociation de l’accès au terrain
2.5.3 L’expérience émotionnelle comme élément du processus de recherche
2.5.4 Conditions de validité d’une ethnographie
2.6 LES LIMITES METHODOLOGIQUES
2.6.1 Influence du chercheur sur son objet de recherche
2.6.2 Influence de l’objet de recherche sur le chercheur
CHAPITRE 2 LA LOUVE : ORGANISATION ET FINALITES D’UNE COOPERATIVE D’UN GENRE NOUVEAU
1 UNE ORGANISATION DU TRAVAIL ADAPTEE A L’ELABORATION D’UN SUPERMARCHE
1.1 DES PERSONNES STRUCTURANTES : DES VISIONNAIRES ET DES GESTIONNAIRES
1.2 DES GROUPES DE TRAVAIL STRUCTURANTS POUR LA COOPERATIVE
1.2.1 Les groupes GRALL et Approvisionnement – Le cœur de métier pour le supermarché en devenir
1.2.2 Des groupes dédiés au recrutement et à la mise au travail des membres
1.2.3 Au-delà du travail en commun : La difficile recherche de convivialité
1.2.4 La communication un axe important pour la notoriété et l’enrôlement
1.2.5 Le travail pour l’aménagement des locaux
1.2.6 Le groupe Financement pour répondre au gigantisme du projet
1.2.7 Les groupes supports
1.3 LES FIGURES DU TRAVAILLEUR A LA LOUVE
1.3.1 La figure du réserviste
1.3.2 Le membre actif
1.3.3 Le coordinateur
1.3.4 L’expert
1.4 LE TRAVAIL SALARIE : LA REFERENCE POUR LES MEMBRES
1.4.1 La prescription des tâches et hiérarchie
1.4.2 Cloisonnement des tâches
1.4.3 Le travail comme signe et récompense de l’engagement
1.4.4 Un travail bénévole porté par l’assignation d’efficacité
1.4.5 L’essoufflement et le désenchantement
1.4.6 Qualification du travail à La Louve d’un point de vue juridique
1.5 LE TRAVAIL REMUNERE
1.5.1 La nécessité d’avoir des salariés pour assurer une continuité et une coordination dans le travail
1.5.2 Des divergences sur le nombre de salariés
1.5.3 Les conditions de recrutement
1.5.4 Des salaires justes et une égalité stricte entre salariés
2 LE MODELE D’AFFAIRE POUR LA MISE EN PLACE DE L’ALTERNATIVE
2.1 LE MODELE ECONOMIQUE
2.1.1 Les achats des membres : une condition de pérennité
2.1.2 La répartition des bénéfices
2.1.3 La fixation des prix
2.1.4 Le choix des fournisseurs
2.1.5 La rémunération des fournisseurs
2.1.6 Le choix des produits
2.2 LA VOLONTE D’ETRE UN PROJET SOCIAL
2.2.1 La recherche de mixité sociale
2.2.2 La création de valeur dans le quartier
2.3 L’ETHIQUE ECOLOGIQUE
2.4 « L’ALTERNATIVE SEDUISANTE »
2.5 DES MOTIVATIONS DE MISE EN PLACE D’UNE ALTERNATIVE A LA GRANDE DISTRIBUTION
2.5.1 Sentiment de dépossession de l’alimentation
2.5.2 Les formes alternatives ne répondant pas aux attentes
2.5.3 Construction de ce qu’est une noble intermédiation
3 LA COOPERATION POUR FAIRE LE COLLECTIF
3.1 LA RICHE HISTOIRE DE LA COOPERATIVE DE CONSOMMATEURS
3.1.1 Coopérer pour réduire les prix
3.1.2 La coopérative de consommateurs, vecteur d’émancipation et d’instauration de la démocratie
3.1.3 La double qualité des coopérateurs
3.2 LE RENOUVELLEMENT DU MODELE COOPERATIF
3.2.1 Qualité au prix bas
3.2.2 Dénonciation du consumérisme versus société de consommation
3.2.3 La ristourne versus réinvestissement
3.2.4 Renouvellement du profil de coopérateur
3.2.5 De la double à la triple qualité
3.2.6 L’écrasement de la figure du coopérateur par le consommateur
3.2.7 L’écrasement de la figure du coopérateur par le consommateur puis par le travailleur
3.3 UNE GOUVERNANCE ENTRE PRAGMATISME ET IMPERATIF DE DEMOCRATIE
3.3.1 Le comité de coordination, l’organe de décision
3.3.2 Le Comité Ordre du Jour, le garant de la démocratie
3.3.3 L’Assemblée Générale, le lieu de restitution
3.3.4 Vers une démocratie « libérale »
4 EPILOGUE – L’OUVERTURE DU SUPERMARCHE
4.1 UNE SUCCESSION DE RETARDS
4.2 LA REUNION D’ACCUEIL POUR COMPRENDRE COMMENT TRAVAILLER A LA LOUVE
4.3 LE TRAVAIL DES BENEVOLES ORGANISE SUR LA BASE DE SHIFTS
4.4 L’OFFRE DE PRODUITS
4.5 UN PROJET PORTEUR D’UTOPIE
CONCLUSION

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