Éléments de définition la violence comme critère constituant de l’interrogatoire

Situations et écriture du conflit : l’émergence du personnage par la violence.

La violence verbale est une problématique chère aux écrivains du Nouveau Roman dans la mesure où c’est par l’intermédiaire du langage, au sein de la parole , que se manifestent les tensions sociales et relationnelles entre les in dividus. Les personnages querelleurs de S. Beckett, le grand frère du Barrage , mais aussi l’ensemble de l’œuvre de N. Sarraute, qui s’est appliquée à mettre en évidence la violence souterraine des échanges verbaux, en sont les principaux parangons. Pour l’auteur de Portrait d’un inconnu, la conversation n’est en réalité qu’une « sousconversation » qui atteint l’être au plus profond de son intimité en le malmenant sans cesse, d’où ce propos extrait de Tropismes qui illustre bien cette conception :
Mais il l’interrompait : « L’Angleterre… Ah ! oui, l’Angleterre… Shakespeare ? Hein ? Hein ? […] Vous connaissez Thackeray ? Th… Th…
C’est bien comme cela qu’ils prononcent ? Hein ? […] » Il l’avait agrippée et la tenait toute entière dans son poing. Il la rega rdait qui gigotait un peu, qui se débattait maladroitement […]
Les œuvres de notre corpus s’attachent également à faire jaillir la violence inhérente aux échanges entre les individus, qui se manifeste au travers de leur langage. Cette violence est d’autant plus palpable dans les textes en présence qu’ils mettent en scène des confrontations directes et forcées entre deux personnages dont les rôles respectifs sont a priori bien définis, l’un posant les questions, l’autre s’attelant à y répondre. Il s’agit, dans le premier temps de ce mémoire, d’étudier les modes de présence et de déclinaison de cette violence, que nous postulons comme constitutive du personnage. En effet, c’est par le conflit, qu’il soit avoué ou non, manifeste ou sous-jacent, que le personnage s’affirme et gagne en consistance.
Bien que Claire Lannes, le domestique et S. soient bousculés et attaqués parfois, ce dont nous verrons les modalités, ce chahut permet aux personnages de s’imposer aux yeux de leurs interlocuteurs mais aussi, dans la problématique qui est la notre, comme des entités émergentes dotées d’une véritable épaisseur.

Eléments de définition ; la violence comme critère constituant de l’interrogatoire.

Une première phase d’établissement de définitions permet non seulement de justifier l’emploi du terme « interrogatoire », mais également d’en attester la présence au sein des œuvres étudiées. Elle permet aussi de le qualifier de situation de violence, si bien que celle-ci apparaît comme le constituant nécessaire de l’interrogatoire. Il s’agit alors d’étudier les différences existant entre « interrogatoire », « interview » et « entretien », notions voisines mais non synonymes, mais aussi entre les verbes « interroger » et « questionner », entre « l’interrogation » et le « questionnement ». Comment se manifeste la violence , quelles sont ses spécificités dans ces face à face, et plus précisément au sein de notre corpus ? On verra dans quelles mesures on peut parler d’ interrogatoire. On posera également la question du « roman-interrogatoire » , en insistant sur sa violence suigeneris.

Entretiens, interviews, interrogatoires

Une mise au point sur les notions d’entretien, d’interview et d’interrogatoire est nécessaire afin de clarifier la terminologie employée et de définir le concept clé du sujet, celui d’interrogatoire. Un premier point attire notre attention : si l’entretien et l’interview, terme anglais signifiant entrevue, sont connotés positivement, il n’en va pas de même pour l’interrogatoire qui est taxé d’une connotation dépréciative. Un détour par le dictionnaire permet de faire la lumière sur cet aspect. L’entretien se définit comme l’action « d’échanger des paroles avec une ou plusieurs personnes », et compte pour synonymes la conversation, la discussion et le dialogue. La notion d’échange doté d’une certaine légèreté caractérise l’entretien, qui ne suppose pas de situation hiérarchique particulière entre les différents interlocuteurs.
L’interview se rapproche de l’entretien en ce qu’elle est également discussion autour d’un sujet, le plus souvent entre deux personnes, mais elle est sensiblement différente pour plusieurs raisons. En effet, elle implique un « journaliste [qui] interroge une personne sur sa vie, ses projets, ses opinions », ce qui implique un sujet mandaté pour mener la discussion, le journaliste, qui se trouve donc en position de supériorité dans une discussion se construisant sur le mode binaire des questions et des réponses. L’interviewer « interroge » son interlocuteur, dont les propos sont de fait orientés, la conversation ne se faisant pas à sa guise. Par rapport à l’entretien, l’interview implique un statut différent des participants et ne laisse pas la part belle à la spontanéité de la discussion. Comme l’explique le journaliste JL. Martin Lagardette , l’interviewer, pour le bon déroulement de l’entrevue et au nom de son professionnalisme, doit rester maître des propos échangés, et se veut de ramener l’interviewé dans le cadre implicite de la question posée lorsque la réponse s’en écarte. Notons également que dans la mesure où elle est destinée à être livrée au public, l’interview interroge le plus souvent une personnalité connue ou influente, ce qui la situe du côté de l’extraordinaire. Dans Le JP, c’est S., double de l’auteur C. Simon, qui est interrogé dans le cadre d’une entrevue à son domicile, que le lecteur aguerri reconnaît à de nombreux motifs repris de ses grands romans et inspirés de son histoire personnelle, comme ici La Route des Flandres :
Essayez seulement de vous imaginer cinq jours après le début de la bataille, monté sur le cheval d’un cavalier tué (et ça pour la deuxième fois) et en train de suivre au pas sur une route qui est quelque chose comme un abattoir les deux colonels de votre brigade, et qu’avec un autre cavalier, qui conduit encore en main le cheval d’un mort vous représentez tout ce que les deux colonels ramènent avec eux de leurs régiments […]
L’interrogatoire convoque également une dimension exceptionnelle, en tant que « mode d’instruction d’une affaire par voie de questions posées aux parties par un magistrat commis à cet effet » ; en effet, il se situe du côté de la transgression de la loi suite à un délit. Au sens strict, il s’applique dans un cadre juridique et seul un sujet mandaté pour le conduire est en droit d e le faire, qu’il s’agisse d’un homme de robe ou d’un commissaire de police. Contrairement à l’entretien, son but est annoncé et permet de le justifier, il s’agit de faire éclater la vérité sur une ou plusieurs zones d’ombre.
La convocation de ces définitions permet de clarifier partiellement ces notions avoisinantes, cependant, dans l’ouvrage qu’ils consacrent à l’interrogatoire , S. Clément et S. Portelli emploient le terme « entretien d’autorité » comme synonyme de celui-ci. Ce faisant, ils soulignent le caractère virulent de cet entretien, qui ne saurait être une discussion, et qui place l’interrogateur en nette position de supériorité. Si les notions s’entrecoupent, elles comportent donc également un certain nombre de nuances, qu’il est primordial de souligner pour pouvoir parler clairement d’interrogatoire par la suite.
Le titre du roman de R. Pinget se construit sur un néologisme d’auteur, dans la mesure où « inquisitoire » est un adjectif, qui est ici considéré comme un substantif en lieu et place du terme « Inquisition ». L’écrivain s’en explique : «L’Inquisition est le principe de l’interrogatoire cruel et systématique que j’ai adopté pour mon livre L’Inquisitoire. J’ai forgé le substantif d’après un adjectif juridique ancien, la procédure inquisitoire.»
Le domestique subit bel et bien un interrogatoire, mais systématisé et poussé au paroxysme du martèlement de la question qui harcèle l’interrogé, comme en témoignent ses « je l’ai dit » à répétition, qui soulignent sa lassitude et son épuisement.
Les verbes transitifs « interroger » et « questionner » sont extrêmement proches, et le dictionnaire les utilise indifféremment ; ainsi trouve-t-on pour questionner : « Interroger quelqu’un, lui faire des questions. » Cependant, une précision importante est apportée dans la définition d’interroger, à savoir la dimension contraignante : « Questionner quelqu’un sur une chose ou des choses précises qu’il doit connaître ou qu’il est présumé connaître et à propos desquelles il est obligé de répondre. » Cette notion de soumission du sujet à l’interlocuteur place donc la démarche interrogatrice, et par conséquent l’interrogatoire, du côté de la violence dans la mesure où elle suppose une obligation de réponse, ce qui n’est pa s le cas pour le questionnement que l’o n trouve le plus souvent en situation d’entretien ou d’entrevue.
A première vue, le corpus étudié se compose donc d’une interview (Le JP), d’un interrogatoire (L’I) et d’un « entretien », L’AA, que MH. Boblet qualifie ainsi en avançant le fait qu’il s’agit d’une discussion entre Claire Lannes et l’interrogateur. Il n’y aurait donc qu’un interrogatoire à proprement parler, bien que Claire Lannes soit interrogée pour répondre du crime qu’elle a commis, or ci cela était, le choix d’un tel corpus dans le cadre de ce travail relèverait d’une incohérence. Il convient donc à présent d’en démontrer l’unité thématique en voyant en quoi ces trois textes constituent bel et bien des interrogatoires.

De la présence de l’interrogatoire dans notre corpus

« Interroger, c’est exercer un pouvoir. Il y a dans tout interrogatoire une dose de contrainte et de violence. »
Les mots de S. Clément et S. Portelli soulignent la véhémence inhérente à tout interrogatoire, qui place l’interrogé en situation d’infériorité, d’une part à cause du statut professionnel de l’interrogateur, et d’autre part sur le plan psychologique. Le sujet qui subit les questions est souvent malmené afin de délivrer les éléments de réponses souhaités. Quelle que soit la stratégie interrogatrice déployée, plus ou moins souple, plus ou moins agressive, l’interrogé doit fournir des réponses aux questions posées. L’imaginaire collectif de l’interrogatoire sous la torture, tel qu’on le trouve par exemple dans la nouvelle de M. Duras Albert des Capitales n’est plus à construire, de telle sorte qu’il apparaît d’emblée comme une pratique sévère et brutale.
Si les œuvres étudiées ne présentent pas de violence en termes physiques, celle-ci se situe à un autre niveau. La très forte représentation du mode impératif dans L’I atteste d’une bousculade verbale : «Détaillez / Je n’en peux plus […] / Répondez / Epargnez moi à la fin […] / Expliquez-vous ». De plus, ces propos de la fin du roman mettent en évidence la consomption du domestique qui, en utilisant le verbe « épargner », se présente comme une victime à qui l’on est sur le point d’asséner le coup de grâce. Forcé à redire et à se répéter, il est poussé dans ses retranchements, on cherche à le faire accoucher d’une vérité, sans q ue l’on sache vraiment laquelle ; en ce sens, l’intensité de l’interrogatoire ne trouve pas de justification annoncée. En effet, s’il est question de la disparition de l’in tendant du château de Broy, on ne sait pas en quel titre, témoin ou suspect, est interrogé le vieil homme, pas plus que l’on sait qui est son interrogateur, dont on suppose qu’il est un enquêteur, puisque le roman débute in mediasres. Du reste, on ignore jusqu’à la fin la question initiale qui déclenche cet te inquisition au long cours. Cela étant, la structure et la conduite des échanges en font un véritable interrogatoire régi par une atmosphère solennelle voire austère, et dans l’entretien qu’il accorde à M. Renouard, R. Pinget s’exprime en ces termes à propos du titre de son roman : « Inquisitoire : Mis pour interrogatoire » , qualifiant ainsi explicitement l’échange verbal entre le domestique et son interrogateur.

Pour un roman-interrogatoire ?

Comme on l’a souligné, L’AA, L’I et Le JP présentent tous trois des scènes d’interrogatoire, mais est-il vraiment juste de pa rler de scène lorsque l’interrogatoire envahit la totalité de l’espace romanesque, ou, plus précisément, lorsque le roman est interrogatoire ? L’AA se compose de trois scènes d’interrogatoire, qui correspondent aux trois parties du roman, si bien que seule la pratique interrogatrice est donnée à lire, contrairement aux Viaducs de la Seine-etOise , ouvrage antérieur qui traite du même fait divers mais qui donne à voir le destin pré-interrogatoire de Claire Lannes. L’I est composé exclusivement de l’interrogatoire du domestique, dans un système régularisé de questions et de réponses. Le JP, roman de l’hybridité, propose une problématique différente dans la mesure où l’interview de S. est distillée au fil du texte, interrompue puis poursuivie, si bien qu’elle se présente comme un fil rouge dans le roman. De plus, il y a un narrateur dans Le JP, S., qui relate également son interrogatoire avec le journaliste : « J’ai dit que Ho c’était tout de même un peu exagéré, un peu réducteur, que j’avais tout de même écrit pas d’autres choses et que… Mais il m’a coupé, il a dit Tout de même admettez que […] »
Il est donc à la fois personnage et narrateur (tantôt à la première personne, tantôt à la troisième), et cette autorité narrative fait que l’interrogatoire n’est pas livré à lui-même, mais médiatisé par une instance, ce qui n’est pas le cas pour les deux autres romans. En effet, tout y est dialogue, paroles des personnages dans le jeu des questions et des réponses sans aucune intervention narrative. Les protagonistes évoluent en parfaite autonomie, si bien que seul existe l’interrogatoire dans sa forme brute, rendue possible au moyen de la structure dialogale :
Pourquoi n’avoir pas mentionné cette seconde cuisine / J’ai oublié on s’en servait rarement pour moi la cuisine c’est l’autre / Y a-t-il d’autres pièces au sous-sol / A côté de la seconde cuisine un autre office et une autre pièce et un petit water comme de notre côté / Qu’est-ce que c’est que cette autre pièce.
Cette brutalité du dialogue se présente d’emblée comme une violence faite au genre romanesque, qui est privé de l’une de ses entités fondamentales, le narrateur. L’absence de médiation et de régie des propos confère à la parole une forme de crudité élémentaire ; elle est ainsi percutante, portant en elle la fougue et la dureté du matériau brut.
Dans l’ouvrage qu’elle consacre au dialogue dans le roman, V. Mylne pose la question fondamentale de la différence, si différence il y a, entre le sujet du roman et le sujet du dialogue. Dans le cas de L’AA et de L’I, on observe une véritable superposition, de telle sorte que l’on peut parler de « romans-interrogatoires ».
Plus exactement, le contenu du discours poursuit celui du récit bref que fait l’interrogateur en citant « l’avis à la population de la Gendarmeri e de Viorne » afin de resituer le contexte des interrogatoires à venir : « Comme on l’a appris par la voie de la presse, des débris humains viennent d’être découverts un peu partout en France dans des wagons de marchandise […] »
Dans cette perspective, on ne peut qualifier Le JP de « roman-interrogatoire », puisqu’ il est d’une part délicat de dégager un sujet à ce roman composé selon une esthétique du fragment et de la continuité, mais également parce que d’autre part, le contenu de l’interview, sur la sensation de peur, n’est pas omniprésent dans le roman. Il en est sporadiquement question, mais cela ne constitue pas l’intégralité du texte, qui s’intéresse également à la biographie de Gastone Novelli ou qui s’emploie , entre autres, à faire l’ekphrasis de tableaux de Poussin.
Cependant, la convocation de l’analyse menée par D. et L. Ruffel sur le « livre impossible » permet d’aller plus loin quant à la notion de « romaninterrogatoire », qu’ils emploient pour qualifier un texte dont la totalité de la fi ction résulte d’un affrontement de paroles. Pour eux, les romans de la question, qu’ils soient « romans-interrogatoires » ou qu’ils présentent des scènes interrogatives, ont une portée éminemment réflexive et méta textuelle. Interroger l’autre, c’est interroger le monde, la littérature, ou encore son propre rapport à autrui. C’est, en quelque sorte, tout remettre en question, tout soumettre à la question. Pour qualifier le roman de R. Pinget, ils emploient d’ailleurs le terme de « romaninquisitoire », nomination qui nous semble doublement pertinente dans la mesure où le domestique subit un inquisitoire, c’est à dire un interrogatoire poussé à l’extrême de son harassement, mais également parce que dans les réponses qu’il fournit, celui-ci formule implicitement une multitude d’interrogations : pourquoi essayer de décrire exhaustivement, pourquoi vouloir faire dire ou encore comment taire, entre autres. L’I se présente donc comme un « roman-interrogatoire » sur les plans formel et réflexif.

Le dialogue en question, de l’échange au combat verbal

Ce temps de notre raisonnement est consacré à une étude au plus près des textes et de leur construction microstructurale, afin de relever les spécificités respectives des dialogues, qui sont à première vue omniprésents. Cependant, ce n’est pas parce que nous sommes en présence de romans dialogaux qu’ils se doublent nécessairement d’une véritable situation de dialogue entendu comme production de communication . De fait, on peut se demander si l’on est en présence de dialogues ou bien de confrontations de soliloques. On consacrera une étude formelle à la manière dont sont posées les questions, si elles prennent une orientation particulière, ou encore si elles appellent des réponses déterminées. A travers ces réflexions, il s’agit de mettre en évidence une situation de forte oppression entre les participants de l’interaction verbale. On s’intéressera notamment aux maximes conversationnelles, pour envisager le dialogue comme un combat langagier, et par conséquent psychologique. Les mots étant de véritables armes, ils ont le pouvoir de mettre l’autre à terre. L’écart par rapport aux règles supposées de l’interrogatoire, en tant que mode interrogatif très normé, fait également l’objet de notre attention pour en souligner les entorses.

Du dialogue au soliloque

La situation dialogale entre les participants de l’interrogatoire semble avoir la part belle, non seulement parce que ce dernier implique un échange verbal, mais également du point de vue de la structure des romans étudiés, qui laissent, pour L’AA et L’I, une omniprésence au dialogue. Dans le roman de M. Duras, il est porteur de ses marqueurs habituels, avec un tour de parole régulier entre les deux interlocuteurs et la présence de tirets au début de chaque réplique. La distinction entre les paroles prononcées par l’interrogateur et par les interrogés est d’autant plus marquée qu’il existe une alternance typographique, les caractères droits correspondant aux paroles de l’interrogé, et les italiques à celles de l’interrogateur.
Il n’y a donc aucun doute possible quant à l’attribution des propos, dans une situation dialogale extrêmement clarifiée. Le dialogue se présente dans sa forme paroxystique, en tant que principe régisseur du roman.
La situation de L’I présente des similitudes, le domestique et l’interrogateur prenant la parole tour à tour dans la plupart des cas, à la différence près que ce dialogue ne présente pas de marqueurs formels. Aucun tiret ni guillemets, pas même de point d’interrogation à la fin des questions posées. La forme dialogale est présente, mais ses normes ont été évincées, si bien que se dessine un entre -deux verbal, dialogue d’un autre type. Cette transgression formelle peut être lue comme la métaphore d’un dialogue qui n’en est pas un, comme un dialogue de sourds, pour faire écho à l’infirmité auditive du domestique, entre deux personnes qui parlent sans véritablement dialoguer. Pour reprendre les termes de J. Moechler, il s’agit d’un discours dialogal et monologique, en ce sens qu’il se présente comme un dialogue alors que les différents interlocuteurs ne se trouvent pas en situation de communication, parlant pour eux-mêmes dans un échange marqué du sceau du retranchement. MH. Boblet insiste sur le monologisme de tout dialogue, en précisant que « chacun parle chacun pour soi », en dépit de la structure a priori dialogale. Bien qu’il ne soit pas généralisé, ce phénomène est observable à de nombreuses reprises dans le roman de R. Pinget. L’interrogateur ne semble pas attentif aux réponses que fournit le domestique, et lui fait constamment répéter ce qu’il a déjà énoncé : « Où se trouve le casino / Je l’ai dit avenue des Africains […] »
Réciproquement, c’est parfois le domestique qui parle tout seul, au gré de ses divagations, perdant de vue la question posée, si bien que son interlocuteur doit le rappeler à l’ordre en l’interrompant.

 

 

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Table des matières

Introduction générale 
1. Situations et écriture du conflit : l’émergence du personnage par la violence
1.1 Eléments de définition ; la violence comme critère constituant de l’interrogatoire
1.1.1 Entretiens, interviews, interrogatoires
1.1.2 De la présence de l’interrogatoire dans notre corpus
1.1.3 Pour un « roman-interrogatoire » ?
1.2 Le dialogue en question, de l’échange au combat verbal
1.2.1 Du dialogue au soliloque
1.2.2 Transgressions des règles et des préceptes dialogiques
1.2.3 S’imposer au moyen d’une joute verbale
1.3 Le processus inquisitoire, une guerre de positions
1.3.1 Du statut des personnages, une inégalité première et fondamentale
1.3.2 Etude de la conduite de l’interrogatoire
1.3.3 Inversions des rôles et transferts d’autorité ; sortie d’un système a priori
Conclusion de la première partie
2. Il parle donc il existe : affirmation du personnage en être de parole
2.1 Le personnage au parloir ; vers une tentative d’épuisement de la parole
2.1.1 Des « romans-parloirs »
2.1.2 Plaisir et urgence de dire, l’interrogatoire comme répertoire
2.1.3 Interrogation des notions de langage et de communication
2.2 De la parole à la voix : faire entendre et résonner les mots
2.2.1 De l’oral au vocal, une recherche du son
2.2.2 Effets d’oralité
2.2.3 L’enregistrement, une matérialisation de la voix
2.3 L’éloquent éclatement du logos
2.3.1 Manifestations linguistiques de l’éclatement
2.3.2 Effets de simultanéisme et de présence du personnage
2.3.3 De l’unité fondamentale des logoï
3. Penser l’être pensant : pour une recréation du personnage
3.1 Une entreprise maïeutique au service du dévoilement de l’intériorité du personnage
3.1.1 Un interrogateur-Socrate, mutation de l’interrogatoire en espace révélateur
3.1.2 Autrui nécessaire, une co-construction du personnage
3.1.3 Avènement d’un être phénoménologique complexe
3.2 Le savoir plus que la vérité : pour un personnage sachant et percevant
3.2.1 Connaissance, savoir et vérité
3.2.2 Primat d’un sujet percevant, déplacement du principe inquisitoire
3.2.3 Figures du fou savant
3.3 La mémoire créatrice, s’inventer et se réinventer toujours
3.3.1 Problèmes mnésiques, mise en évidence de la partialité de la mémoire
3.3.2 Rêver les souvenirs, imaginer le passé
3.3.3 L’interrogatoire comme métaphore de la création littéraire
Conclusion générale
Bibliographie
Annexe

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