Electro-volatilisation du ruthénium en milieu nitrique

La production de l’énergie électrique des centrales nucléaires est le fruit de la fission de noyaux contenus dans un combustible constitué d’oxyde d’uranium (UOx) ou d’oxydes mixtes d’uranium et de plutonium (MOx). L’irradiation neutronique de ces éléments conduit à la formation, d’une part de produits de fission (PF) qui sont des atomes légers et d’autre part, par captures neutroniques, aux transuraniens. L’irradiation entraînant, dans le temps, une modification de la composition et de la structure du combustible et par conséquent une modification des rendements de la réaction en chaîne (certains PF étant des poisons neutroniques), il est nécessaire de remplacer le combustible avant la consommation totale des éléments fissiles. Les isotopes 235U, 239Pu et 241Pu et 238U sont valorisables et peuvent à nouveau entrer dans la composition de combustibles après avoir été préalablement séparés des produits de fissions et des transuraniens par un procédé chimique. En France, l’usine COGEMA de la Hague (Cotentin) permet ce recyclage du combustible dit « usé » ou« irradié ». D’autres pays, comme le Royaume-Uni et le Japon, ont également cette volonté de retraitement du combustible irradié.

Dans l’usine COGEMA de la Hague, le procédé de retraitement consiste tout d’abord en une dissolution du combustible irradié dans l’acide nitrique concentré ; cet acide permettant la dissolution de l’uranium et du plutonium. La solution est ensuite clarifiée afin de séparer les particules insolubles constituées très majoritairement de produits de fission. Toutefois, une quantité importante de ces produits de fission est dissoute par l’acide nitrique. La séparation de l’uranium et du plutonium des autres produits de fission est réalisée grâce au procédé PUREX (Plutonium Uranium Refining by Extraction). Dès lors, une extraction sélective de l’uranium et du plutonium est réalisée à l’aide d’une molécule extractante appelée TBP (Tri-Butyl Phosphate). A l’issue du retraitement, plus de 99% de l’uranium et du plutonium sont récupérés. Les matières fertiles et fissiles sont, quant à elles, réutilisées dans la fabrication de nouveaux combustibles. Les solutions de produits de fission, après séparation de l’uranium et du plutonium, sont calcinées à haute température et les calcinats ainsi obtenus sont inclus dans une matrice de verre qui assure le confinement des radioéléments. Pour chacun des flux : solutions d’U et de Pu d’une part et solutions de PF d’autre part, de très hauts niveaux de pureté sont recherchés. Ils peuvent être atteints en opérant des cycles d’extraction/désextraction par le TBP dans des conditions optimisées.

Le ruthénium, qui est un produit de fission, fait partie des éléments qu’il convient de séparer efficacement. Dans le combustible irradié, il est décrit principalement sous une forme d’îlots constitués d’alliages inter-métalliques avec d’autres produits de fission tels que le molybdène et le palladium. Au cours du retraitement du combustible et de part sa chimie complexe en milieu aqueux, le ruthénium intervient à de nombreuses étapes du procédé de retraitement et sous différentes formes chimiques :
• de façon prépondérante : en solution nitrique à la dissolution puis dans les solutions de PF sous forme de complexes octaédriques nitrosylés (RuNO3+) portant des ligands nitrato ou nitro ainsi que dans les résidus insolubles de dissolution sous forme d’alliages polymétalliques (Ru-Mo-Pd-Rh-Tc) ;
• de façon résiduelle : dans le solvant TBP sous forme RuNO(NO3)x(NO2)y(TBP)2 et sous forme gazeuse volatile RuO4.

Le Commissariat à l’Energie Atomique (CEA) travaille sur l’élaboration d’un procédé d’élimination du ruthénium en amont du procédé PUREX qui présenterait l’avantage d’alléger les opérations de purification, de limiter sa présence résiduelle dans les flux secondaires et qui permettrait également une gestion séparée de cet élément. Le principe de ce procédé baptisé « électro-volatilisation » est l’enchaînement d’une électro-oxydation et d’une volatilisation. Dans un premier temps, dans un compartiment anodique, l’électrolyse des formes dissoutes du ruthénium Ru(II) en solution nitrique conduit à la formation de Ru(VIII) sous forme du tétraoxyde RuO4. Dans un second temps, la volatilité de RuO4 permet sa désorption par balayage gazeux. Ce procédé novateur possèderait l’avantage de ne pas avoir recours à l’ajout d’une solution d’oxydant chimique et par conséquent de ne pas modifier la nature des effluents ni accroître leur volume.

LE RUTHENIUM : GENERALITES 

Le ruthénium a été nommé ainsi en 1827, en l’honneur de la Russie (Ruthénia en latin), lorsque Gottfried Osann et Jöns Jacob Berzelius examinèrent des résidus insolubles provenant de dissolutions par l’eau régale (mélange d’acides nitrique et chlorhydrique) de minerais de platine provenant des monts de l’Oural: ils identifièrent alors l’oxyde de ruthénium. Mais dès 1807, le chimiste polonais Jerdzj Sniadecki avait rapporté la possible existence de ce métal qu’il avait alors appelé vestium. En 1844, le professeur russe Karl Karlovich Klaus obtint un échantillon pur d’oxyde et le ruthénium devint le dernier métal de la famille des platinoïdes à être isolé. Les monts de l’Oural sont toujours une source de ruthénium et il en a également été découvert en Amérique du nord et du sud ainsi qu’en Afrique du sud. Dès 1859, le tétraoxyde de ruthénium, volatil, fut découvert et permis à Klaus d’isoler le métal pur.

Le ruthénium dans le combustible irradié : état physico-chimique

Structure du combustible irradié

Le combustible UO2 irradié forme un système multi-phases et multi-composants qui contient plus de 40 éléments [5]. L’état chimique et la quantité de chaque élément sont sensiblement modifiés avec la température, la pression, le potentiel d’oxygène et la constitution élémentaire du système. Un élément n’est pas toujours dans un état chimique unique mais peut être distribué entre plusieurs phases. De même, les diverses phases sont, en général, composées de plusieurs éléments. Ainsi, l’état chimique des produits de fission n’est pas déterminé par une réaction particulière mais par compétition de nombreuses réactions interférentes.

Les principales phases qui apparaissent dans la pastille de combustible irradié UO2 sont les suivantes d’après Kleykamp [6] :
1. une phase gazeuse ;
2. les solutions solides d’oxyde combustible-PF ;
3. les phases grises ;
4. les inclusions blanches contenant Ru ;
5. les phases contenant Pd et Te ;
6. les composés actinides métalliques-métal noble.

Le ruthénium dans le procédé de retraitement du combustible irradié 

Le ruthénium est présent à chaque étape du retraitement du combustible irradié dans le procédé PUREX. Ses trois formes physiques (liquide, gaz et solide) sont rencontrées au cours de ces opérations. A la dissolution, la répartition suivante est estimée [17].

• environ 2/3 du ruthénium se dissolvent dans l’acide nitrique concentré et se trouvent essentiellement au degré d’oxydation +II en ruthénium nitrosyle [Ru-NO]3+ dont les degrés de nitratation et de nitration dépendent des concentrations respectives d’acide nitrique et d’acide nitreux ;
• 1/3 reste dans les résidus de dissolution à l’état de colloïdes, de boues ou d’alliages métalliques détaillés en B.I.2 ;
• enfin 0,02 % se volatilise en tétraoxyde de ruthénium : RuO4.

Plus en aval dans le procédé, lors des opérations de purification par extraction liquide-liquide, le comportement du ruthénium se complexifie [18] :

• au niveau du premier cycle d’extraction, il est important de séparer correctement les produits de fission du flux U/Pu et en particulier de séparer le ruthénium. A ce stade, la teneur élevée en 106Ru/106Rh à forte activité spécifique provoque une dégradation du solvant TBP du fait de sa présence dans la phase organique (complexes du ruthénium partiellement extractibles par le solvant tributyle phosphate noté TBP) ou à l’interface solution/solvant sous formes de fines particules appelées « crasses d’interfaces » très riches en ruthénium ;
• l’accumulation des produits de dégradation radiolytique ainsi formés a un effet synergique sur l’extraction du ruthénium et du zirconium. Les performances de séparation des produits de fission peuvent alors être amoindries si le solvant n’est pas correctement régénéré.

Enfin, à l’issue du cycle de retraitement, le ruthénium est incorporé dans le verre qui est utilisé comme matrice de stockage à long terme des produits de fission. Tout comme les autres platinoïdes (Rh, Pd), il a tendance à peu se solubiliser dans la matrice vitreuse (cristallisation de RuO2) ceci entraînant, d’une part un accroissement de la viscosité diminuant la vitesse de coulée des verres et d’autre part une dégradation possible de la qualité de confinement du verre pour des teneurs élevées en ruthénium.

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Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE I : ETAT DE L’ART : LA CHIMIE DU RUTHENIUM DANS LES SOLUTIONS AQUEUSES D’ACIDES
A. Le ruthénium : généralités
B. Le ruthénium dans le retraitement du combustible irradié : contexte industriel de l’étude
B.I. Le ruthénium dans le combustible irradié : état physico-chimique
B.I.1. Structure du combustible irradié
B.I.2. Les produits de fission dans le combustible
B.I.3. Le ruthénium dans le combustible
B.II. Le ruthénium dans le procédé de retraitement du combustible irradié
C. Les espèces du ruthénium recensées en milieu nitrique
C.I. Espèces solubles
C.I.1. Différents complexes ruthénium-nitrosyle (RuNO3+)
C.I.1.1. Structure générique des complexes
C.I.1.2. Spécificités des complexes nitratés
C.I.1.3. Spécificités des complexes nitrés
C.I.1.4. Complexes mixtes nitrés-nitratés
C.I.2. Les oxydes solubles
C.I.2.1. Le tétraoxyde de ruthénium (RuO4)
C.I.2.2. Espèces bimétalliques à pont oxo
C.I.3. Le ruthénium (IV)
C.I.4. Bilan des études de spéciation du ruthénium soluble : orientation des travaux
C.II. Espèces insolubles
C.II.1. Le ruthénium métal Ru(0)
C.II.2. Le dioxyde de ruthénium (RuO2)
C.II.3. Les nodules polymétalliques
C.II.4. Les alliages ruthénium/uranium/plutonium
D. Propriétés spectroscopiques des formes dissoutes du ruthénium dans le domaine de l’UV-visible
E. Electro-oxydation des composés RuNO3+ : études mécanistiques
E.I. Introduction
E.II. Bilan des études électro-analytiques : proposition d’un mécanisme
E.III. Enseignements détaillés propres aux différentes techniques électro-analytiques
E.III.1. Voltammétrie cyclique des complexes ruthénium-nitrosyle
E.III.2. Etudes spectro-électrochimiques
E.III.2.1. Bilan de l’étude infrarouge
E.III.2.2. Bilan de l’étude UV-visible
F. Génération et volatilisation de RuO4 en mode potentio-statique de solutions de RuNO3+ et Ru(IV) – études orientées procédé
F.I. Données cinétiques
F.II. Electrolyse directe
F.II.1. Comportement de deux formes du ruthénium en électrolyse
F.II.2. Bilan qualitatif de l’étude de l’électrolyse directe
F.III. Oxydation des complexes RuNO3+-nitratés électro-assistée par l’Ag(II)
G. Conclusion
CHAPITRE II : METHODES ANALYTIQUES ET DISPOSITIFS EXPERIMENTAUX
A. Introduction
B. Les méthodes et techniques analytiques développées
B.I. La spectroscopie UV-visible
B.II. La spectroscopie d’émission atomique par plasma induit (ICP-AES)
B.III. L’électrochimie analytique
B.III.1. Présentation générale
B.III.2. Appareillage
C. Techniques Spectroélectrochimiques
C.I. Généralités
C.II. Spectroscopie de réflexion in situ : principe général
C.II.1. Définition
C.II.2. Théorie de la réflexion
C.II.3. Réflexion d’une électrode métallique
C.II.4. Réflexion dans le domaine de l’infrarouge
C.II.5. Réflexion dans le domaine de l’UV-visible
C.III. Description des techniques spectroélectrochimiques
C.III.1. Domaine de l’infrarouge (SPAIRS ; SNIFTIRS)
C.III.2. Domaine de l’UV-visible (SUVER)
D. Dispositifs expérimentaux de dissolution et d’électro-volatilisation
D.I. Les montages de dissolution
D.I.1. Montage de dissolution classique
D.I.2. Montage de dissolution avec génération d’acide nitreux in situ
D.II. Le montage d’électro-volatilisation
D.II.1. L’électrolyseur
D.II.2. Montage général d’électro-volatilisation
CHAPITRE III : ETUDE DE LA NATURE DES FORMES CHIMIQUES DU RUTHENIUM DISSOUS EN MILIEU ACIDE – INFLUENCE SUR LEURS COMPORTEMENTS ELECTROCHIMIQUES
A. Introduction
B. Cas simple : comportement redox du composé RuNO3+ dissous dans les acides nitrique et perchlorique
B.I. Etudes voltammétriques des composés RuNO3+
B.I.1.Voltammétrie cyclique sur électrode de platine
B.I.2. Voltammétrie cyclique sur électrode d’or
B.I.3. Influence de l’acidité sur les systèmes électrochimiques de RuNO3+
B.I.4. Etude du comportement particulier du pic O3 lié au Ru(IV) sur électrode d’or
B.I.5. Conclusion partielle
B.II. Etudes spectro-électrochimiques des composés RuNO3+
B.II.1. Domaine de l’infrarouge (SPAIRS et SNIFTIRS)
B.II.1.1. Propriétés spectroscopiques
B.II.1.2. Mesures de réflectivité SPAIRS obtenues en présence de RuNO3+ dans l’acide perchlorique
B.II.1.3. Mesures de réflectivité SNIFTIRS obtenues en présence de RuNO3+ dans l’acide perchlorique
B.II.2. Domaine de l’UV-Visible (SUVER)
B.II.2.1. Généralités
B.II.2.2. Mesures de réflectivité SUVER obtenues en présence de RuNO3+ dans l’acide perchlorique
B.III. Bilan de l’étude électrochimique des complexes RuNO3+ en milieu acide
C. Synthèses de nouvelles solutions modèles simples : étude de la dissolution de diverses espèces du ruthénium en milieu nitrique
C.I. Introduction
C.II. Dissolutions – Etudes cinétiques
C.II.1. Dissolution de Ru(0) et des formes polymétalliques du ruthénium
C.II.2. Dissolution de l’espèce RuO2,xH2O
C.II.2.1. Effet de l’acidité – ordre de réaction par rapport à l’acide nitrique
C.II.2.2. Effet de la température- Energie d’activation
C.II.3. Préfiguration de l’influence de l’acide nitreux
C.III. Dissolutions – Etudes de spéciation
C.III.1. Introduction
C.III.2. Suivi par spectro-photométrie UV-Visible et ICP-AES
C.III.3. Etude voltammétrique
C.III.4. Etude spectro-électrochimique dans l’infrarouge (SPAIRS)
C.III.5. Etude spectro-électrochimique dans l’UV-Visible (SUVER)
C.III.6. Bilan de l’étude de spéciation des espèces dissoutes dans l’acide nitrique
D. Etude de l’électro-volatilisation des nouvelles solutions modèles simples de dissolution de l’espèce RuO2,xH2O
D.I. Introduction
D.II. L’électro-volatilisation : généralités, définitions
D.III. Essais d’électro-volatilisation du ruthénium des solutions commerciales de RuNO3+ -Etudes de l’électrolyse et de la volatilisation
D.III.1. Electrolyse directe des solutions commerciales de RuNO3+
D.III.1.1. Détermination de la constante cinétique globale d’électrovolatilisation
D.III.1.2. L’électrolyse
D.III.1.3. La volatilisation
D.III.2. Electrolyse indirecte des solutions commerciales de RuNO3+
D.III.2.1. Détermination de la constante cinétique globale d’électrovolatilisation
D.III.2.2. Performances de l’électrolyse indirecte sur une solution commerciale de RuNO3+
D.III.2.3. Etude de la volatilisation
D.III.3. Bilan des essais d’électro-volatilisation des solutions commerciales
D.IV. Essais d’électro-volatilisation du ruthénium des solutions de dissolution de RuO2,xH2O – Etudes de l’électrolyse et de la volatilisation
D.IV.1. Electrolyses directe et indirecte des nouvelles solutions modèles simples de dissolution de RuO2,xH2O
D.IV.1.1. Calcul des constantes cinétiques globales d’électro-volatilisation
D.IV.1.2. Etude de l’électrolyse des solutions simples de dissolution
D.IV.1.3. Etude de la volatilisation
E. Bilan des études électro-analytiques et d’électro-volatilisation – Discussion
CONCLUSION

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