Élasticité non-linéaire des matériaux granulaires

Origine microscopique : le contact de Hertz

Nous pouvons définir un milieu granulaire comme un assemblage mécanique athermique, composé de grains en contact les uns avec les autres. Nous présentons dans le premier paragraphe de cette section l’expression de la force qu’il faut appliquer pour déformer deux sphères élastiques en contact. Ce problème a été résolu par Hertz (1882) [24]. Dans le second paragraphe, nous présenterons le modèle de Hertz-Mindlin, dans lequel la loi de contact prend en compte la friction entre les grains.

Interaction de contact de Hertz 

On considère deux grains sphériques de rayon R et maintenus en contact (cf. figure 1.1(a,b)), constitués d’un matériau dont l’élasticité est linéaire. Le module d’élasticité du matériau composant ces deux grains est noté Eg. Lorsqu’on les comprime l’un contre l’autre en exerçant une force F, les grains s’aplatissent dans le voisinage de la zone de contact qui prend la forme d’un disque de rayon a quand la distance entre leurs centres diminue de ξ. La déformation est le déplacement rapporté à la taille caractéristique de la zone déformée ξ/a. Ces notations sont introduites sur la figure 1.1(2), où la dimension de la zone de contact a été très largement exagérée par rapport à celle du grain. On se place dans la limite des faibles déformations pour lesquelle ξ ≪ a ≪ R.

Rappel élastique tangentiel

Mindlin [27] a étudié la relation entre force et déplacement tangentiels, pour deux grains soumis à une force oblique de confinement. Il a introduit dans son modèle le glissement associé à la force de frottement de Coulomb. Il s’avère que dans ce cas, du fait de la divergence possible de la contrainte tangentielle à proximité des bords du contact, on obtient inévitablement un glissement et une relaxation de la contrainte dans une région périphérique annulaire. Ceci rend la force de cisaillement intrinsèquement dissipative et dépendante de l’histoire du chargement. Dans les simulations numériques, il est souvent fait usage d’une relation plus simple pour laquelle le contact est considéré comme élastique et résiste sans glisser jusqu’au seuil de Coulomb. L’expression de la force normale reste celle de l’équation 1.2. Nous appelons la composante tangentielle de la force de rappel élastique FT . Tant que la condition de non glissement |FT | < µsFN , où µs est le coefficient de friction statique, est vérifiée, les deux grains subissent un petit déplacement tangentiel ∆s .

De l’échelle microscopique au milieu continu 

Modèles de champ moyen

Pour déduire les relations constitutives macroscopiques des matériaux granulaires, plusieurs travaux théoriques ont été proposés. Duffy et Mindlin [26] ont calculé la relation contrainte-déformation pour un empilement ordonné cubique faces centrées de billes. Ces résultats théoriques sont comparés à des résultats expérimentaux de propagation d’onde dans une barre constituée de billes d’acier. Digby [64] a calculé l’élasticité effective d’un matériau poreux constitué de sphères cohésives dont l’empilement est aléatoire et en a déduit la vitesse de propagation des ondes élastiques en fonction de la pression de confinement et du rayon d’adhésion des particules. Walton [29] est le premier à avoir déterminé les modules d’élasticité effectifs (dans cette publication, il s’agit des coefficients de Lamé) d’un empilement aléatoire de sphères identiques non-cohésives caractérisé par une fraction d’empilement Φ et une coordinence Z. La compacité Φ correspond au rapport du volume occupé par les grains sur le volume total. La coordinence Z est définie comme le nombre moyen de contacts par grain. Il considère deux cas limites : grains parfaitement lisses (contact non-frottant) et grains infiniment rugueux (pas de glissement). Pour les deux cas, les coefficients de Lamé effectifs obtenus suivent une loi d’échelle qui varie comme : λeff, µeff ∝ Φ 2/3Z 2/3P 1/3 , où P est la pression de confinement. A noter que dans cet article, seule la force normale du modèle de Hertz est prise en compte. Norris [30] a dérivé les formules de l’élasticité pour un empilement aléatoire de sphères identiques à partir des travaux des forces de contact. Il a examiné deux possibilités : dans le premier cas l’énergie est indépendante du chemin de chargement et dans l’autre elle en dépend. Différents modèles microscopiques de forces ont été considérés. Notons que l’énergie est bien définie pour toute valeur de la contrainte macroscopique lorsque le rappel tangentiel est indépendant de la force normale. Mais, dans le cas général avec glissement, elle dépend du chemin de chargement. Le point commun à ces différents modèles est que les déformations macroscopiques de l’ensemble de l’empilement sont identifiées aux déformations microscopiques s’appliquant sur chacun des grains. Le passage de l’échelle microscopique à macroscopique est effectué en considérant les grains comme identiques d’un point de vue statistique. Ce type d’approche néglige les fluctuations des forces, de la fraction volumique et du nombre de contacts. Plus récemment, Velický et Caroli [25] ont étudié le cas d’un réseau hexagonal de grains frottants de diamètre légèrement polydisperse. Le calcul auto-consistant de milieu effectif fait apparaître un écart à la loi de Hertz en P 1/3 dû aux hétérogénéités du champ de contraintes.

Les limites du modèle de champ moyen

Pour tester la validité du modèle de champ moyen, Makse et al. [66] ont réalisé des simulations de dynamique granulaire. À partir des celles-ci, ils ont mesuré les modules élastiques de sphères interagissant par contact de Hertz en prenant en compte la composante tangentielle. Cette dernière est ajustée de manière continue au moyen du coefficient α qui définit le couplage entre forces normale et tangentielle. Dans ces simulations, le module de cisaillement Gs (voir eq.1.4) entre 2 grains est multiplié par le coefficient de couplage α. Les valeurs de ce paramètre sont comprises entre 0 et 1, la situation où α = 0 correspond au cas de grain parfaitement lisses et α = 1 à des grains infiniment rugueux. Leurs résultats sont représentés sur la figure (1.2). Les symboles (,•) correspondent aux valeurs prédites respectivement pour le module de compression et le module de cisaillement pour la simulation de dynamique granulaire. Les droites en pointillés notées « K EMT »et « µ EMT »sur la figure1.2 sont les prédictions du modèle de champ moyen pour le module de compression et le module de cisaillement. Nous observons que pour le module de compression la valeur du champ moyen approche celle de la simulation avec une erreur d’environ 10%. Par contre pour le module de cisaillement, le modèle de champ moyen donne une valeur surestimée de plus de 30% qui ne reproduit pas le comportement observé pour la dynamique moléculaire. Effectivement, la simulation numérique montre un module de cisaillement qui s’annule dans la limite α → 0, alors que le modèle de champ moyen prédit une valeur finie. Pour mieux comprendre cette différence, Makse et al. ont réalisé une seconde série de simulations de dynamique granulaire, mais en bloquant les réarrangements entre grains de telle sorte que les déformations microscopiques soient proportionnelles à celles imposées à l’échelle macroscopiques (mouvements affines), symboles(,◦). Le module de compression obtenu de cette manière est identique à celui obtenu par la première méthode. Cependant, pour le module de cisaillement, les résultats de la dernière méthode sont très proches de ceux du modèle de champ moyen. Ainsi, Makse et al. ont bien mis en évidence le point faible du modèle de champ moyen.

Théorie de la rigidité, transition de blocage

Transition de blocage et limite de rigidité

Les échecs des théories de champ moyen pour décrire l’élasticité des assemblages de grains, en particulier le module de cisaillement, dans la limite où la pression entre grains tend vers zero, mettent l’accent sur le caractère ambigu du statut mécanique des empilements granulaires. En effet, même sous faible sollicitation, ceux-ci montrent des réorganisations notables qui leur confèrent, au moins transitoirement, un caractère plutôt « liquide »que « solide ». Néanmoins, pour des assemblages de particules indéformables et non-frottantes, la question de la rigidité, c’est à dire de la possibilité pour un empilement d’être en équilibre mécanique, s’exprime de manière rigoureuse dans le cadre de la théorie de la rigidité de Maxwell [72]. La fin du XIXe siècle est la période où l’on développe la construction d’édifices constitués d’assemblages de poutrelles métalliques. Un problème d’ingénierie est d’effectuer une construction la plus rigide et la plus légère possible. Partant de ce problème, Maxwell [72], a bâti une théorie de la rigidité basée sur un simple décompte des degrés de libertés de l’assemblage et du nombre de forces s’appliquant aux points de jonction entre chaque poutrelle. Cette théorie a été réactualisée dans le cadre d’étude des matériaux granulaires par le groupe de Chicago [16, 22, 73, 74] en partant de l’idée que la limite de rigidité des assemblages s’identifie avec le point de Jamming (le point J) obtenue dans la limite de pression de confinement nulle. On peut exprimer de manière générale, pour un système de N particules indéformables disposées dans un espace de dimension d, la limite dite d’isostaticité pour laquelle le nombre d’équations d’équilibre est strictement égal au nombre de variables définissant les forces de contact intergranulaires. En effet, on a dN équations d’équilibre et ZN/2 forces de contact. Cette condition est remplie pour le nombre de contact moyen par particule Z0 iso = 2d. Retirer un contact correspond à enlever une des relations entre variables. Le système est dit hypostatique : il est indéterminé et aucune solution d’équilibre n’est possible. En rajoutant un contact, ce système devient surdéterminé (hyperstatique) : il admet une infinité de solutions d’équilibre possibles.

Propriétés des modules d’élasticité au voisinage de la transition de blocage
O’Hern et al [22] ont fait remarquer que dans la limite isostatique, la condition d’indéformabilité des particules équivalait à une pression de confinement évanescente. Ils sont partis de ce point pour étudier de manière systématique, les propriétés élastiques des assemblages lorsque la pression de confinement croît à partir de de 0. Ils montrent que dans la limite isostatique, pour un système tridimensionnel, le nombre de contact est bien Zc = 6 et que la compacité correspondante est de Φc = 0.639 ± 0.001 pour un empilement de taille infinie.

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Table des matières

Introduction
1 Élasticité non-linéaire des matériaux granulaires
1 Origine microscopique : le contact de Hertz
1.1 Interaction de contact de Hertz
1.2 Rappel élastique tangentiel
2 De l’échelle microscopique au milieu continu
2.1 Modèles de champ moyen
2.2 Les limites du modèle de champ moyen
3 Modèle de Jiang et Liu
3.1 Conventions d’écritures
3.2 Exposition du modèle
3.3 Détermination des coefficients de compression et de cisaillement par le calcul de champ moyen
4 Propagation d’ondes sous compression isotrope
4.1 Vitesse de propagation des ondes longitudinales sous compression isotrope
4.2 Vitesse de propagation des ondes transverses sous compression isotrope
5 Théorie de la rigidité, transition de blocage
5.1 Transition de blocage et limite de rigidité
5.2 Propriétés des modules d’élasticité au voisinage de la transition de blocage
5.3 Théorie des modes mous
5.4 Assemblage de grains frottants
2 Ondes de surface dans un milieu granulaire
1 Equilibre du système sous gravité
2 Ondes sagittales
2.1 Influence d’une perturbation du champ de déplacement
2.2 Forme des modes et relation de dispersion des ondes sagittales
2.3 Résultats
3 Ondes transverses
3.1 Influence d’une perturbation transverse du champ de déplacement
3.2 Forme des modes
3.3 Résolution
4 Effets de taille finie
4.1 Effet de la profondeur finie sur la relation de dispersion : fréquences de coupure du guide d’onde
4.2 Fréquences de résonnances d’une couche de matériau granulaire d’épaisseur H
3 Caractérisation expérimentale des ondes de surface
1 Introduction
1.1 Un bref regard sur les expériences précédentes
1.2 Cahier des charges de l’expérience
2 Dispositif expérimental
2.1 Vue générale de l’expérience
2.2 Canal de mesure des ondes de surfaces
2.3 Conception des émetteurs d’ondes de surface
2.4 Choix des capteurs
2.5 Système d’acquisition de données
3 Méthode d’analyse du signal
3.1 Choix du signal émis
3.2 La transformée de Tabor
3.3 Détermination de la relation de dispersion
3.4 Programme d’analyse du signal
4 Expériences et résultats
4.1 Préparation de l’empilement granulaire
4.2 Des ondes localisées en surface
4.3 Des ondes qui se propagent
4.4 Mesure des relations de dispersion
4.5 Est-ce que la vitesse suit la loi d’échelle correspondant à la loi de Hertz ?
4.6 Mesure des modules d’élasticité
4.7 Conséquences
Conclusion

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