Effets des changements de végétation dans les tourbières à sphaignes sur le cycle du carbone

Les tourbières, un écosystème remarquable

Place des tourbières dans le monde

Les tourbières sont des zones humides accumulant une quantité importante de matière organique sous forme de tourbe sur une épaisseur d’au moins 30 cm à plusieurs mètres de profondeur (Gorham, 1991). La tourbe est constituée majoritairement de débris végétaux peu décomposés contenant au moins 30% de matière organique (MO; Joosten and Clarke, 2002). Cette accumulation de MO permet le stockage d’une grande quantité de carbone (C). En effet, les tourbières auraient stocké depuis le début de l’Holocène entre 270 et 547 Gt C représentant 15 à 30% du C des sols mondiaux alors que leur superficie ne représente que 3% des terres émergées (Turunen et al., 2002). Cette accumulation de C est possible grâce à un déséquilibre important entre la production primaire et la décomposition (e.g. Bragazza et al., 2009). Dans ces milieux, le C est davantage assimilé par la photosynthèse qu’émis lors de la décomposition et ce, malgré une faible production primaire. L’accumulation de la tourbe s’y opère grâce à la faible décomposition de la MO avec une activité réduite des décomposeurs de par (i) les conditions environnementales particulières du milieu et (ii) une végétation caractéristique.

Une des conditions environnementales majeures déterminant la création d’une tourbière est un bilan hydrique positif avec des apports d’eau supérieurs à leurs pertes. Ceci permet de créer et maintenir des conditions anoxiques qui, associées à d’autres facteurs (e.g. oligotrophie, acidité des eaux), limitent la décomposition de la MO. Les conditions climatiques favorisant cet excédent d’eau conditionnent la répartition mondiale des tourbières. Ainsi, on retrouve plus de 85% des tourbières dans l’hémisphère nord, notamment en haute latitude (Sibérie, pays scandinaves, nord du Canada et Alaska, Fig. I-1) où les conditions humides et froides limitent les pertes par évapotranspiration et la décomposition des débris végétaux. Les surfaces sous climat tropical sont également le lieu de formation de tourbières grâce aux fortes précipitations permettant un bilan hydrique positif et ce, malgré les températures élevées.

Basée sur une production primaire supérieure à la décomposition, la formation des tourbières se met en place par l’un des deux processus suivants:
– l’atterrissement, avec le remplissage progressif d’une cuvette d’eau (lacs, étangs ou mares) par des sédiments organiques remplacés au fur et à mesure par l’accumulation de débris organiques de végétaux autochtones
– la paludification, se met en place dans des zones à forte humidité permettant l’accumulation de matière organique et le passage progressif de prairies, plaines alluviales ou forêts en tourbières.

La nature des différents apports en eau par le ruissellement, les nappes ou les précipitations permet de différencier deux grands types de tourbières:
– Les tourbières ombrotrophes qui sont alimentées par les eaux de pluie, sont pauvres en éléments nutritifs avec un pH acide et une végétation composée majoritairement de sphaignes
– Les tourbières minérotrophes qui sont alimentées par les eaux de ruissellement sont plus riches en éléments nutritifs avec une végétation constituée davantage d’herbacées et d’arbres.

D’autres classes de tourbières peuvent ensuite être déterminées selon différentes caractéristiques du milieu tels le pH, la disponibilité en nutriments, la teneur en eau du sol ou encore les communautés végétales. Alors que le climat et l’hydrologie jouent un rôle important dans la naissance et le développement des tourbières, la végétation, facteur indissociable des deux premiers, joue un rôle essentiel dans le bilan entre production végétale et décomposition de la MO.

Une végétation caractéristique: les sphaignes

La végétation des tourbières est généralement répartie en 4 types de communautés végétales (Rydin et Jeglum, 2013):

– Les arbres, en faible densité dans les tourbières boréales et tempérées, sont représentés majoritairement par les pinacées (Pinus spp, Larix spp et Picea spp) et les bétulacées (Betula spp et Alnus spp)
– Les arbustes, présents dans de nombreuses tourbières, regroupent majoritairement des éricacées (e.g. Erica tetralix et Calluna vulgaris)
– Les graminoïdes, regroupant les poacées (telle que la molinie bleue) et des plantes à morphologie similaire tels que les familles des juncacées et des cypéracées (comprenant les laiches – Carex spp – et les linaigrettes – Eriophorum spp)
– Les bryophytes, dominantes dans de nombreuses tourbières boréales et tempérées, le genre Sphagnum est une mousse qui joue un rôle déterminant dans l’édification d’une tourbière.

En grande majorité, la tourbe des hautes latitudes est issue de la décomposition des bryophytes, essentiellement des sphaignes (Turetsky, 2003). De par leur morphologie, leur anatomie, leur physiologie et leur composition, les sphaignes promeuvent les conditions humides et contrôlent les caractéristiques physico-chimiques des eaux (acidité, anoxie, oligotrophie). Ces conditions sont justement celles qui favorisent la croissance des sphaignes. Ces mousses sont donc de véritables espèces ingénieurs des tourbières (van Breemen, 1995) capables de créer les conditions favorables à leurs propres croissances et par là même entrainer l’accumulation de la tourbe. A cela s’ajoute la capacité des sphaignes, et plus généralement des bryophytes, à réduire la disponibilité de l’azote pour les plantes vasculaires et les microbes, à avoir une matière organique récalcitrante et à produire des composés antimicrobiens (Jassey et al., 2013). Ces conditions réduisent l’activité microbienne (Turetsky, 2003, Fig. I-2), et permettent l’accumulation de C à l’échelle globale. Il en résulte que les sphaignes auraient permis l’établissement de la moitié des tourbières nordiques et le stockage de plus de 150 Gt de C (Rydin et al., 2013).

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Table des matières

INTRODUCTION
I. Contexte scientifique et objectifs de la thèse
I.1.1 Place des tourbières dans le monde
I.1.2 Une végétation caractéristique: les sphaignes
I.1.3 Les services écosystémiques
I.1.3.1 Une fonction biologique
I.1.3.2 Une fonction archéologique
I.1.3.3 Une fonction culturelle
I.1.3.4 Une valeur fonctionnelle
I.1.4 Les tourbières face aux changements globaux
I.1.4.1 Le drainage
I.1.4.2 L’élévation de la concentration en CO2
I.1.4.3 Augmentation de la température
I.1.4.4 Changements des précipitations et du niveau de la nappe d’eau
I.1.4.5 Augmentation des dépôts azotés
I.2.1 Les facteurs majeurs induisant un changement de végétation
I.2.2 Conséquences du changement de végétation sur le cycle du C
I.2.2.1 Effets du changement de végétation sur les sphaignes
I.2.2.2 Effets du changement de végétation sur les communautés microbiennes
I.2.2.3 Effets du changement de végétation sur les exports de C et le stockage de C
I.2.3 Démarche
References
II. Matériels et méthodes
II.1.1 Tourbière de La Guette
II.1.2 Les communautés végétales de la tourbière de La Guette
II.2.1 Approches expérimentales
II.2.2 Les mesures des flux de gaz à effet de serre (CO2, CH4 et N2O)
II.2.3 Prélèvement et analyse des échantillons d’eau
II.2.4 Analyse élémentaire et stock de C et N
References
III. Impact des végétaux vasculaires sur la croissance des sphaignes et la décomposition des litières
III.1.1 Expérimentation en laboratoire
III.1.1.1 Introduction
III.1.1.2 Materials and methods
III.1.1.3 Results
III.1.1.4 Discussion
References
III.1.2 Expérience en microcosmes : résultats préliminaires
Abstract
III.2.1 Introduction
III.2.2 Materials and methods
III.2.2.1 Study site and litter sampling
III.2.2.2 Laboratory experiment
III.2.2.3 Field experiment
III.2.2.4 Statistics
III.2.3 Results
III.2.3.1 Laboratory experiment
III.2.3.2 Field experiment
III.2.3.3 Catalysis of C dynamics models and β-glucosidase activities
III.2.4 Discussion
III.2.4.1 Occurrence of a synergistic effect
III.2.4.2 Role of β-glucosidase in early C dynamics the early decomposition stages
III.2.4.3 Sensitivity of the WEOC compartment
III.2.4.4 Implication in a scenario of vegetation dynamics
III.2.5 Conclusions
References
Supplementary data
CONCLUSION

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