Effets collectifs en cavité : vers un dipôle modulable électriquement

Depuis la démonstration du contrôle de l’émission spontanée par Purcell [1946], les interfaces entre photons et atomes n’ont cessé de progresser jusqu’à obtenir de nos jours des architectures proches de l’idéal [Somaschi et al., 2016] qui, pour certaines, permettent d’ores et déjà la réalisation de sources d’états quantiques commerciales [Giesz, 2017]. Ces systèmes sont dans la grande majorité des cas basés sur un émetteur unique, que ce soit un atome froid [Guendelman et al., 2014; Reiserer et Rempe, 2015; Tiecke et al., 2014], un qubit supraconducteur [Astafiev et al., 2010; Hoi et al., 2011], un centre coloré [Sipahigil et al., 2016] ou une boîte quantique [Giesz et al., 2016; Bennett et al., 2016; Wang et al., 2017], à chaque fois placés à l’intérieur d’une cavité . L’étude des effets collectifs entre un nombre réduit, et donc contrôlé, d’émetteurs s’est déroulé en parallèle à celui de l’électrodynamique quantique en cavité [Devoe et Brewer, 1996; Eschner et al., 2001; Ficek et Tanaś, 2002; Unold et al., 2005; Abdussalam et Machnikowski, 2014; Angerer et al., 2018]. L’expérience consiste à placer les émetteurs dans un volume sub-λ [Dicke, 1954], ce qui conduit à l’apparition de modes collectifs [Schilder et al., 2016] par couplage à travers les modes du vide en champ proche. A la différence des expériences utilisant une grande assemblée d’émetteurs, le fait d’avoir un nombre mésoscopique d’atomes permet d’étudier en détail les interactions entre eux. C’est d’autant plus intéressant en cavité, où l’on peut par exemple mettre en évidence des effets qui ont lieu en parallèle et en compétition comme le couplage avec la cavité et le couplage direct entre émetteurs. L’objet de ce chapitre est l’étude des effets collectifs en cavité avec un petit nombre d’émetteurs. Les difficultés expérimentales, n’ont permis d’étudier les effets collectifs en cavité, avec un nombre contrôlé d’atomes, que récemment [Fink et al., 2009; Van Loo et al., 2013; Casabone et al., 2015; Reimann et al., 2015; Neuzner et al., 2016; Kim et al., 2018; Evans et al., 2018]. En effet, dans le domaine des atomes et ions naturels, les effets collectifs et la cavité sont difficiles à combiner dû à l’encombrement des miroirs de la cavité empêchant la manipulation des pièges atomiques. A l’état solide, la fabrication d’émetteurs identiques et leur positionnement contrôlé commence à voir le jour, notamment dans le domaine micro onde [Van Loo et al., 2013], et plus récemment avec les centres colorés grâce à l’implantation par faisceau atomique [Evans et al., 2018]. Quant aux boîtes quantiques épitaxiées (BQ), les techniques de croissance permettent de contrôler leur position à l’échelle du nanomètre [Masumoto et Takagahara, 2002]. Les grandes différences de fréquence des BQs dues aux imprécisions de fabrication peuvent être compensées par l’application de contraintes extérieures : par exemple avec des déformations mécaniques [Kuklewicz et al., 2012; Elshaari et al., 2018], thermiques [Laucht et al., 2010], ou par application d’un champ électrique ou magnétique [Kim et al., 2011]. Ces degrés de liberté externes, plus difficiles à implémenter pour les atomes et ions en cavité [De Léséleuc et al., 2017], rendraient possible l’exploration des effets collectifs de type Dicke [1954] en cavité. C’est-à-dire un couplage des émetteurs par interaction en champ proche, avec en simultané un couplage à un mode de cavité.

BQs résonantes et sans couplage direct : ∆12 = 0 et Ω12 = 0 

On commence par étudier le système avec des BQs identiques et sans couplage direct, c’est-à-dire éloignées, couplées chacune au même mode de cavité. C’est le cas d’école qui est étudié surtout théoriquement en régime de couplage fort [Tavis et Cummings, 1968; Armen et Mabuchi, 2006; Fink et al., 2009; Neuzner et al., 2016], avec quelques exemples expérimentaux en régime Purcell [Reimann et al., 2015; Casabone et al., 2015; Kim et al., 2018; Evans et al., 2018]. Comme on peut le voir dans le Hamiltonien effectif (2.16), les états |+⟩ et |−⟩ sont dégénérés et ont la même émission spontanée dans le vide γ (car γ12 = 0). De plus l’état antisymétrique |−⟩ est état propre du système, il ne se couple pas à la cavité, on parle d’état sombre. L’état symétrique |+⟩ est couplé uniquement à la cavité avec un taux exalté √ 2g par rapport à une BQ unique :

g|−⟩ = 0 , g|+⟩ = √2g . (2.18)

BQs identiques couplées par dipôle-dipôle : ∆12 = 0 et Ω12 ̸= 0 

L’introduction du couplage direct a deux conséquences, toutes deux sur les éléments diagonaux de la matrice effective collective. Tout d’abord il y a un décalage en fréquence égal à ±Ω12 pour les états |+⟩ et |−⟩ respectivement comme on peut le voir sur le diagramme 2.2(b). Ensuite les taux d’émission spontanée dans le vide de ces deux états est modifié de ±γ12. Ce sont les états sous-radiant, |−⟩, et superradiant, |+⟩ de type Dicke. Par contre étant donné que le couplage avec le mode de cavité n’a pas changé, l’état |−⟩ reste un état sombre (non couplé à la cavité) alors que l’état |+⟩ garde son couplage accru √ 2g. On a donc les même relations de force de couplage au mode que celles de l’ équation (2.18).

BQs non résonantes, sans couplage direct : ∆12 ̸= 0 et Ω12 = 0 

On étudie maintenant uniquement l’effet d’un (léger) décalage en fréquence entre les deux BQs. Pour cela on fixe à nouveau le couplage direct à 0. Les deux effets combinés seront étudiés au paragraphe suivant. Lorsque ∆12 ̸= 0, les états |+⟩ et |−⟩ ne sont plus états propres du sous-système atomique ; ils sont couplés effectivement par ce décalage en fréquence ∆12 comme indiqué sur le Hamiltonien (2.15). Le décalage en fréquence produit un battement entre les deux BQs qui ne peuvent plus être décrites comme étant symétriques ou antisymétriques dans la durée. Ainsi un état initial symétrique deviendra antisymétrique au bout d’un temps de l’ordre de 1 ∆12. Ce cas a été étudié dans le régime de couplage fort [Averkiev, Glazov, et Poddubnyi, 2009; Laucht et al., 2010; Albert et al., 2013; Radulaski et al., 2017; Evans et al., 2018], mais jamais en régime Purcell. Dans ce cas, g ≪ κ, les nouveaux états propres peuvent se décomposer sur la base collective :

|−′⟩ ≃ A |+⟩ + B |−⟩ , |+′⟩ ≃ B |+⟩ − A |−⟩, (2.19)

avec A et B des coefficients complexes qui dépendent de ∆12. 2 Les valeurs absolues des coefficients A et B en fonction du décalage en fréquence sont tracées sur la figure 2.3(a). Lorsque ∆12 = 0, A = 0 et on récupère bien le cas du paragraphe précédent, à savoir des états propres complètement antisymétrique ou symétrique. Par contre pour tout ∆12 > 0, on a |A|,|B| > 0. Ainsi les deux nouveaux états propres ont chacun une composante symétrique (et antisymétrique). Ce qui veut dire que les deux états peuvent à présent se coupler à la cavité : l’état sombre |−⟩ n’est plus tout à fait sombre. En regardant plus en détail on peut voir que deux régimes distincts apparaissent selon la valeur du décalage en fréquence.

BQs non résonantes avec couplage dipôle-dipôle : ∆12 ̸= 0 et Ω12 ̸= 0 

Comme on l’a vu, et comme indiqué sur l’Hamiltonien effectif (2.15), l’interaction dipôle-dipôle lève la dégénérescence des deux états collectifs superradiant |+⟩ et sous-radiant |−⟩ et conduit à un écart en fréquence entre eux. On peut donc a priori fixer la fréquence du laser pour venir exciter uniquement l’un des deux états collectifs. Cependant, pour deux BQs résonantes ∆12 = 0, seul l’état superradiant se couple à la cavité (et donc à un éventuel laser). Comme on l’a vu, pour faire apparaître l’état sous-radiant il faut introduire aussi un désaccord fréquentiel. Ainsi tout comme au paragraphe 2.2, lorsque ∆12 = 0 ̸ , les nouveaux états propres sont modifiés et peuvent être décomposés dans la base collective :

|−′′⟩ ≃ µ |+⟩ + ν |−⟩ , |+′′⟩ ≃ ν |+⟩ − µ |−⟩, (2.21)

avec µ et ν les nouveaux coefficients. Cette décomposition néglige encore une fois la composante du mode de cavité, approximation valable pour g ≪ κ. Les valeurs absolues des coefficients sont tracées sur la figure 2.3(b) en fonction du désaccord ∆12 entre les deux BQs. Comme on peut le voir, l’introduction d’un désaccord entre les deux BQs permet aux deux états d’avoir une partie symétrique et antisymétrique. Mais contrairement au paragraphe précédent, |ν| reste plus important que |µ| pour une plage de désaccord beaucoup plus grande. Ainsi, les états |−′′⟩ et |+′′⟩ seront donc décrits principalement par leur composante antisymétrique et symétrique respectivement sur une gamme de désaccord entre les deux BQs plus grande. Il est maintenant possible d’interagir séparément avec les deux états collectifs tout en gardant leurs propriétés distinctives.

Bande passante réglable 

La section précédente a permis de détailler les différents états propres en fonction de la présence ou pas de désaccord et de couplage direct entre les BQs. On a notamment calculé le couplage des états collectifs au mode de cavité. Ce couplage au mode de cavité va déterminer la bande passante, i.e. la largeur en fréquence, de chaque état. En effet cette largeur va être égale au taux de désexcitation total de l’état excité. Pour une BQ seule en cavité il s’écrit [Lanco et Senellart, 2015]

Γtotal = Γ0 + γ ≃ Γ0 , (2.28)

où la deuxième égalité est valable lorsque l’émission est bien exaltée par effet Purcell. Avec Γ0 =4g2/κ , on voit que la largeur de l’état dépend directement du couplage au mode de cavité. On va présenter les bandes passantes des différents états en s’appuyant sur leur spectres de réflectivité. Tous les calculs ont été réalisés en utilisant la boîte à outil d’optique quantique sur MATLAB développée par Tan [1999]. Elle permet de résoudre numériquement l’équation maîtresse (2.14).

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Table des matières

1 Introduction
2 Effets collectifs en cavité : vers un dipôle modulable électriquement
2.1 Le système
2.2 États propres
2.3 Bande passante réglable
2.4 Non-linéarités accordables
2.5 Blocage de photon accordable
2.6 Résumé
Annexes
2.A Deux systèmes à deux niveaux en interaction
2.B Couplage au mode de cavité et taux d’émission spontanée
3 Source et mémoire de photons uniques, modulable en temps et en fréquence
3.1 Le système
3.2 Mise en forme spectrale et temporelle
3.3 Mémoire quantique
3.4 Mise en forme d’impulsion
3.5 Résumé
4 Radiance sélective et coopérativité géante d’un état antisymétrique couplé à un mode plasmonique
4.1 Radiance sélective plasmonique
4.1.1 Coopérativité et facteur de Purcell généralisés
4.1.2 Antenne plasmonique avec un mode antisymétrique
4.2 Excitation efficace de l’état sous-radiant
4.3 Exaltation du facteur de Purcell
4.4 Discussion
4.4.1 Système plasmonique anti-symétriques
4.4.2 Robustesse au désaccord et au déphasage pur
4.4.3 Influence du déphasage pur
4.5 Résumé
Annexe
4.A Influence de la distance entre émetteurs
5 Couplage fort entre nanoplaquettes et plasmons de surface
5.1 Le couplage fort
5.2 Les plasmons
5.3 Les Nanoplaquettes
5.4 Échantillons
5.4.1 Indice effectif vu par le plasmon
5.5 Expérience et résultats
5.6 Simulation
5.6.1 Fluorescence
5.7 Discussion
5.7.1 Comment augmenter le couplage ?
5.7.2 Effets collectifs avec peu d’émetteurs
5.8 Résumé
Annexes
5.A Indice effectif de la couche de nanoplaquettes
5.B Moment dipolaire d’une nanoplaquette
Conclusion
Bibliographie

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