Effet d’un enrichissement structurel de l’espace allocentré

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Des références mixtes et ambiguës à l’origine d’erreurs perceptives

Nul n’étant insensible aux lois de la pesanteur, les individus se sont adaptés au cours de l’Evolution aux contraintes d’une vie grav itaire, la bipédie pouvant être présentée comme une forme évoluée à cette adaptation. Notamment, le fait qu’en station debout, l’axe longitudinal corporel (axe Z) se trouve classiquement aligné avec la verticale gravitaire, semble générer chez l’individu une tendance qui constitue à prendre en compte l’axe Z, axe d’équilibration posturale, comme source d’indication de la direction verticale quelle que soit son orientation dans l’environnement (Clément et al. 2001). Cette tendance s’observe d’autant plus que l ’accès aux références visuelles et posturales est amoindri. L’hypothèse que l’individu puisse partiellement confondre la direction de la verticale gravitaire avec l’orientation de son axe Z a fréquemment été supportée. Il s’agit notamment de la position soutenue par Mittelstaedt (1983 ; 1986) au travers de la notion de vecteur idiotropique que nous détaillerons plus amplement au chapitre 2.3.2.
Alors que la verticale visuelle, qui est orientée parallèlement à la direction de la pesanteur, possède une réalité physique indéfectible, indépendante des caractéristiques intrinsèques à l’individu, l’horizon visuel nécessite un point d’origine défini par les yeux de son observateur (Matin et Li, 1992 ; 1995 ; Stopper et Cohen, 1989). En effet, si on gravit une tour qui donne vue sur la mer et qu’à cha que étage on marque sur la vitre la ligne d’horizon, on s’apercevra que cette ligne cor respond toujours au niveau des yeux. Ainsi, en référence à la projection infinie de l’horizon, à deux sujets debout de taille La confusion partielle entre les deux références physiques aurait notamment pour conséquence un HVS dévié de la référence géocentréephysique, à l’origine d’une mauvaise évaluation des hauteurs et des distances (Bertamini et al. 1998; Li et al. 2001 ; Matin et Li, 1995 ; Ooi et al. 2001 ; Sedgwick, 1973). Les travaux de Bringoux et al. (2008) soulignent également l’influence d’une telle mésestimation dans l’estimation des possibilités de franchissement d’obstacles hauts. Nous reviendrons plus amplement sur ce point dans le développement du chapitre 2.2.

La dissociation des référentiels spatiaux comme paradigme d’étude

La perception des références terrestres constitue nu élément clef dans la manière dont les individus se représentent l’espace géocentré. Une manière de mieux comprendre comment les individus appréhendent l’espace est d’effectuer une dissociation physique entre les différents systèmes de références spatiaux, allocentré, géocentré et égocentré. Ce type d’expérimentation est notamment rendu possible par la manipulation du contexte postural et visuel présenté aux sujets. C’est précisément la question traitée dans les deux chapitres suivants intitulés « Influence posturales» et « Influences visuelles », sous-entendu, dans la perception de l’espace géocentré.

CONSEQUENCES DES INCLINAISONS CORPORELLES

Si l’on demande à des individus en position érigée,d’orienter une baguette selon la direction de la verticale gravitaire ou de l’horizon visuel, on s’apercevra que la perception de ces références est assez proche de laréalité physique, sans différence réelle que l’on soit dans le noir ou en pleine lumière. Pour un sujet sain, debout et immobile dans l’obscurité, la VVS dévie seulement de 1° maximum par rapport à la verticale gravitaire (Asch et Witkin, 1948a ; 1948b). L’HVS, quant à lui, même s’il est légèrement moins précis, est tout de même estimé en moyenne -à2° en dessous du véritable horizon physique (MacDougall, 1903 ; Howard, 1986). Par contre, dans le noir complet, la perception de ces mêmes références spatiales devientbeaucoup moins précise dès lors que l’axe du corps se retrouve décorrélé de celuiedla gravité.
La perception de ces références gravitaires a ététudiée de manière extensive suite à la manipulation du contexte postural de l’individ u. Ces manipulations concernent principalement l’orientation du corps en roulis, et à moindre échelle en tangage. Des paradigmes de centrifugation ont également été misen place dans le but d’étudier l’influence de la direction de la force gravito-inertielle sur la perception des références géocentrées. Nous nous attacherons dans les paragraphes suivants à décrire les effets de ces manipulations posturales sur la perception de la verticale visuelle et de l’horizon visuel, et des répercussions qu’elles engendrent sur l’estimation du franchissement d’obstacles hauts.

Inclinaisons corporelles en roulis et estimation de la verticale visuelle

Les effets d’une orientation posturale sur la perception de l’espace géocentré ont été décrits pour la première fois en 1861 par un ercheur Allemand du nom de Hermann Aubert. L’histoire veut que ce chercheur s’aperçut qu’un rayon de lumière traversant l’obscurité de son laboratoire se déplaçait subjectivement en sens inverse de ses mouvements de tête. Cette observation constitue unpremier rapport de l’influence d’une inclinaison céphalique sur la perception spatiale géocentrée. Par la suite, en 1888, Mulder décrivit un effet inverse de celui évoqué précédemment dans le cadre d’inclinaisons de tête plus faibles que celles décrites par Aubert. esC travaux, repris en 1916 par Müller, permettent aujourd’hui de distinguer deux phénomènes perceptifs rendus célèbres au fil des décennies. Il s’agit des effets « Aubert » et « Müller ».
Les effets Aubert et Müller ont été principalement mis en évidence dans l’estimation de la verticale visuelle pour les inclinaisons corporelles ou céphaliques en roulis. Les sujets sont installés dans l’obscurité avec pour seul élément visuel une baguette lumineuse pour effectuer leurs ajustements. Afin de limiter les artéfacts expérimentaux, la baguette se trouve généralementneface du point de fixation oculaire.
Dans la littérature, ces effets sont principalementobservés pour des inclinaisons passives d’orientation corporelle sans maintien actif de la position posturale manipulée.
Initialement mis en évidence dans l’estimation de la verticale visuelle pour les inclinaisons corporelles ou céphaliques en roulis,la dénomination « d’effet Aubert » a par la suite perdurée pour désigner une tendance à déplacer la verticale gravitaire dans la direction de l’axe du corps ou de tout autre segment corporel incliné. La baguette verticale, qui est pourtant strictement immobile, est perçue en sens inverse de l’inclinaison du sujet ( Figure 2.1.a). L’ajustement qui s’en suit s’effectue alors dans la direction de l’orientation du corps (Aubert, 1861 ; Bauermeister, 1964, Bischof et Scheerer, 1970 ; Ebenholtz, 1970 ; Howard et Templeton, 1966 ; Mittelstaedt, 1983 ; Müller, 1916 ; Witkin et Asch, 1948). De manière générale, l’effet Aubert est observé pour des angles d’inclinaison importants (souvent supérieurs à 60°).
La dénomination « d’effet Müller » ou « effet E » est utilisée quant à elle pour désigner un comportement inverse, c’est-à-dire un phénomène de répulsion de la verticale gravitaire par rapport au segment corporel incliné. La baguette, toujours immobile, est perçue comme se rapprochant du sujet. L’ajustement qui s’en suit engendre alors un positionnement de la verticale subjective dans la direction opposée au segment incliné. L’effet Müller apparaît pour des angles d’inclinais on faibles (généralement inférieurs à 60° ; Bauermeister, 1964, 1978 ; Müller, 1916; Temp leton, 1973 ; Howard, 1982 ; Ohlmann, 1988 ; Witkin et Asch, 1948).

Cabine pendulaire

Lors d’une centrifugation en cabine pendulaire, l’or ientation du corps est toujours alignée sur la résultante gravito-inertielle. La VVS n’est pas affectée par les conditions d’hypergravité lorsque la cabine et l’observateur sont inclinés en roulis. Les jugements traduisent en effet une estimation précise de la direction prise par la résultante gravito-inertielle (Clark et Graybiel, 1968), ce qui est une conséquence physique du milieu plutôt qu’une erreur perceptive (Bischof, 1974 ; Howard et Templeton, 1966). Par contre, l’augmentation de l’intensité du champ gravitaire entraîne une augmentation de l’effet de charge du corps. Cet effet de charge influence l’HVS. Ainsi, des travaux ont montré que l’HVS est déviée de -17° à -24° lorsque l’intensité du champ gravitaire est de 2G (Tribukait et Eiken, 2005; Schöne, 1964).
La première partie de ce chapitre s’est attachée à décrire deux types d’illusions perceptives affectant principalement la perception de références géocentrées dans des paradigmes permettant de décorréler l’axe du corps avec la verticale gravitaire (ou gravito-inertielle). Nous nous attacherons dans la partie suivante à déterminer l’origine de ces phénomènes aux travers des principales hypothèses explicatives avancées jusqu’à présent dans la littérature.

ORIGINE DES EFFETS D’INCLINAISONS CORPORELLES

Au regard des effets précédemment mis en évidence dans le cadre d’une manipulation de la position du corps dans l’espace, plusieurs hypothèses peuvent être avancées pour expliquer l’influence du contexte postural sur la perception spatiale géocentrée.

Des erreurs de jugements géocentrés résultand’une mauvaise estimation de l’orientation du corps ?

La première hypothèse avancée dans la littératureoutients l’existence de processus sériels entre l’estimation de l’orientation du corps dans l’espace et la perception des références égocentrées(Figure 2.7.). La perception erronée des références géocentréeest alors présentéecomme la conséquence directe d’une mauvaise estimation de l’orientation du corps dans l’espace (Day et Wade, 1969 ; Howard et Templeton, 1966 ; Parker et al. 1983 ; van Beuzekom et van Gisbergen, 2000).
Ainsi, selon cette hypothèse, pour de faibles inclinaisons, l’effet Müller peut s’expliquer par la sensation qu’a le sujet d’être plus incliné qu’il ne l’est réellement par rapport à la gravité. En d’autres termes, l’angle α séparant l’axe du corps de la verticale gravitaire apparaît surestimé (l’angle perçu α’> α). Reporté à la position d’inclinaison réelle du sujet, cette surestimation α’ induit une déviation de la VVS au-delà de la verticale gravitaire. Cette explication semble tout à fait cohérente avec le fait que le sujet « repousse » la baguette à l’opposé de son inclinaison corporelle.
A l’inverse, pour des inclinaisons plus importantes, l’effet Aubert peut s’expliquer par la sensation qu’a le sujet d’être moins inclinéqu’il ne l’est réellement par rapport à la gravité. L’angle α séparant l’axe du corps de la verticale gravitaire apparaît alors sous-estimé (l’angle perçu α’< α). Reporté à la position d’inclinaison réelle du sujet, cette sous-estimation α’ induit une déviation de la VVS dans le sens de l’inclinaison du corps. Cette explication semble également cohérente avec le faitque la baguette soit « attirée » dans la direction de l’axe du corps.
En accord avec cette première interprétation, les rreurs perceptives associées à l’estimation de la verticale visuelle ou de l’horiz on visuel pour une orientation de corps spécifique ont tout d’abord été imputées aux propriétés physiologiques des différents systèmes sensoriels dès lors que l’axe Z du corps quitte l’axe la gravité. Cette première explication semble assez cohérente avec l’apparition de l’effet Müller, qui, instable et très labile, tend à se transformer en effet Aubert au cou rs d’une inclinaison corporelle prolongée. Cette explication semble également cohérente avec l’apparition de l’effet Aubert, qui, plus stable et plus prononcé, peut être expliqué par une diminution de la sensibilité des systèmes sensoriels (principalementotolithique et somesthésique) au cours de l’inclinaison, aboutissant à une diminution de l a sensation d’inclinaison par rapport à la gravité (Lechner-Steinleitner, 1978; Schöne, 1964; Young, 1984).
L’hypothèse d’une origine otolithique a été pleinement supportée par Schöne (1964) pour expliquer l’émergence des deux effets. Les forces de cisaillement agissant à angle droit sur les cellules ciliées otolithiques agiraient comme le stimulus effectif contribuant directement au sens de l’orientation du corps dans l’espace (Trincker, 1962). La non proportionnalité de ces forces par rapport à l’inclinaison suppose notamment que la courbe des effets suive une fonction sinusoïdale. Les erreurs d’ajustements géocentrés ont en outre été imputées en partie au réflexe deontrec-cyclotorsion oculaire, également déclenché par le vestibule, dès lors que la tête ittequ l’axe de la gravité. Ce mouvement reflexe des yeux, réalisé dans la direction opposéeà l’inclinaison de la tête, est destiné préserver l’orientation du méridien rétinien la plusverticale possible malgré l’inclinaison de la tête (Day et Wade, 1969 ; Udo de Haes, 1970 ; Howard, 1982, 1986). Ce phénomène, qui tend à préserver l’orientation d’un environnement incliné aussi bien qu’un environnement normal, est également connu sous l’appellation de constance visuelle. Pour compenser ce phénomène (dont ils n’ont d’ailleurs probablement pas conscience), les sujets seraient alors amenés à décaler la baguette à ajuster sur la VVS d’un angle β entre l’axe longitudinal corporel et la verticale visuelle physique, de manière proportionnelle au degré de stimulation des organesotolithiques (voir Ebenholtz, 1970).
Enfin, d’autres auteurs supportent également l’hypothèse d’une origine proprioceptive de ces deux effets (Higashiyama et Koga, 1998; Wade, 1970). Plus particulièrement, Higashiyama et Koga (1998) soutiennent que les erreurs d’estimation de la VVS observées lorsque le corps est incliné pourraient être imputées à un phénomène d’adaptation somatosensorielle des mécanorécepteurs cutanés et des propriocepteurs musculaires observé après un délai d’exposition posturale prolongé (entre 3 et 10 minutes). Ce phénomène aurait pour conséquence d’induire une diminution croissante de la sensibilité dans la perception de la position apparente du corps par rapport à la gravité, (i.e. l’orientation du corps est d’autant plus sous -estimée avec l’adaptation), ce qui est compatible avec la systématisation de l’effet Aubert fréquemment rapporté après un délai d’inclinaison prolongé. Cependant de nombreuses études remettent en compte cette hypothèse générale liée au fonctionnement même descapteurs sensoriels, en démontrant une inversion, une absence de symétrie ou même uneabsence totale des effets Aubert et Müller incompatibles avec une explication purement physiologique (Bauermeister, 1964 ; 1978 ; Poquin et al. 1995 ; Sandström, 1954 ; Wade, 1972).
Cette recherche sur l’origine des effets ne nous dit pas pour autant si une relation existe réellement entre une mauvaise estimation de l’orientation du corps et l’estimation des références géocentrées. Pour être validée, ecettpremière hypothèse nécessite d’explorer de plus près la perception qu’ont réellement les individus de leur orientation de corps dans l’espace. L’angle d’inclinaison du corps relatif à la gravité est-il effectivement surestimé pour de faibles inclinaisons et surestimé pour des inclinaisons plus importantes ? Comment s’effectue l’ajustement effec tif de la baguette au regard des positions de corps ressenties?
La perception effective de l’orientation du corps dans l’espace.
De nombreuses études ont cherché à comprendre comment les individus perçoivent, en l’absence de référence visuelle extérieure, leur orientation de corps par rapport à la gravité. Aussi, cette question a été principalement étudiée à travers deux types de paradigmes expérimentaux qui consistent d’une part à demander aux sujets d’ajuster de manière dynamique leur orientation de corps sur des références gravitaires (horizon physique ou verticale gravitaire) à partir d’une ce rtaine inclinaison de départ (Mann et Passey, 1951 ; Mast et Jarchow, 1996 ; Mittelstaedt, 1983 ; Young, 1984); ou bien d’ajuster une baguette parallèlement à l’axe de leur propre corps (Guedry, 1992 ; Mast et Jarchow, 1996, Ceyte, 2006). Les différentes étudesmontrent des résultats controversés selon le type de paradigme expérimental utilisé. Eneffet, si l’ajustement du corps sur des orientations préférentielles de l’espace (verticales et horizontale) ne semble pas poser de problème particulier aux sujets (Young, 1984), les recherches manipulant l’ajustement d’une baguette parallèlement à l’axe du corps montr ent des erreurs d’estimations beaucoup plus importantes (Bauermeister, 1964 ; Catz, 1992 ; Chassouant et al. 1994 ; Ebenholtz, 1970 ; Guedry, 1992 ; McFarland et Clarkson, 1966).
Néanmoins, Ebenholtz (1970) obtient des résultats out à fait intéressants en proposant à ces sujets de reproduire, avec des bagu ettes lumineuses, l’angle perçu entre leur orientation de corps et la verticale (ce qui constitue une tâche géocentrée, et non pas égocentrée comme pour un ajustement de la baguetteavec l’axe Z corporel expérimenté par Mc Farland et al. 1966 ; Bauermeister, 1964). Conjointement, une évaluation verbale, en degrés, de l’angle d’orientation estimé est demandée aux sujets. Les résultats montrent une surestimation systématique de l’orientation du corps pour des inclinaisons corporelles vers l’arrière comprises entre 0° et 90° ( Figure 2.8.). Ces résultats, confrontés à l’apparition d’un effet Aubert entre 60° et 90° dans une tâche complémentaire d’ajustement de la VVS, ne permettent pas de valider l’hypothèse d’une relation sérielle entre l’estimation de la référence gravitaire et l’orientation du corps perçue.

EFFET D’INCLINAISON DE L’ENVIRONNEMENT VISUEL

Mise en évidence de perturbations visuelles

Comme nous l’avons évoqué au chapitre précédent, estc’ dans la deuxième moitié du 19ème siècle que les premières recherches sur l’orientation spatiale ont été initiées. Très tôt en effet dans l’histoire de la psychologie, les hommes se sont penchés, tantôt par hasard, tantôt par réelle conviction scientifique sur l’exploration de situations illusogènes ouvrant le champ des investigations concernant les effets de perturbations visuelles sur la perception de l’espace environnant.
Dans ce contexte, le célèbre paradigme de la balançoire hantée de Wood (1895), fait souvent office de travail précurseur aux recherches formelles scientifiques menées par la suite dans ce domaine. Ce paradigme, mettant en scène une nacelle statique ancrée au cœur d’une chambre mobile, offrait à ses occupants la sensation d’un déplacement propre, la nacelle restant pourtant strictement immobile lors de la mise en mouvement de la chambre (voir Figure 3.1.). Cette petite anecdote souligne l’importance du contexte visuel dans l’élaboration des processus qui sous-tendent la perception de l’espace et de l’orientation spatiale.
Les premières études scientifiques sur le sujet seformalisent avec les travaux de Wertheimer (1912) qui a mis en évidence qu’une pièce observée à travers un miroir incliné en tangage induisait tout d’abord de fortes déviations de la VVS, (jusqu’à 20° d’angle) puis réapparaissait progressivement droite, après un cours délai d’observation. Ce type de capture visuelle conduira les auteurs de l’époque comme Koffka (1935) à souligner l’importance des éléments visuels dans des tâches d’orientation spatiale. Le champ visuel, qui crée son propre cadre de référence, exprime des directions verticales et horizontales dès lors que la scène visuelle est inclinée. Ainsi, une inclinaison de la scène visuelle serait à l’origine d’une déviation de l’HV S et VVS vers les principales directions allocentrées de l’espace incliné.
Depuis les observations de Wertheimer (1912), de nombreuses études se sont intéressées à l’effet exercé par l’orientation d’unescène visuelle sur la perception de références géocentrées et de la position relative sdeobjets qui en découle (Asch et Witkin, 1948a ; 1948b ; Witkin et Asch, 1948; Dyde et al. 2006 ; Guerraz et al. 1998; Howard et Childerson, 1994; Mittelstaedt, 1988 ; Zoccolotti et al. 1992). Ces investigations passent notamment par l’utilisation de paradigmes expérimentaux spécifiques que nous détaillons dans le paragraphesuivant.

EFFET DE LA POLARITE VISUELLE

Tout élément de l’espace possédant un axe (de symétrie ou pas) permettant de faire une distinction claire entre les directions du haut et du bas égocentré est dit polaire. Dans notre environnement quotidien, les sources de polarité visuelle sont omniprésentes. Ainsi, qu’il s’agisse d’une boîte (avec un socle et un couvercle), d’une pièce (pourvue d’un sol et d’un plafond), ou d’une plante verte (a vec des feuilles et des racines), de nombreux éléments usuellement droits dans notre environnement nous renseignent de manière fiable sur des directions gravitaires. Ces directions concernent la verticale gravitaire et l’horizon physique mais également le haut et le bas gravitaire. Aussi, de nombreuses études ont cherché à définir l’influencede la polarité visuelle sur la perception des directions gravitaire. Ces études manipulent dans un premier temps l’effet de l’enrichissement matériel d’une scène visuelle au travers d’un paradigme de chambre inclinée.

Etude de la polarité visuelle sur la VVS

En chambre inclinée réelle

Wood (1895), comme nous l’avons vu plus haut au début de ce chapitre, a initialement souligné une forte influence de la polarité visuelle délivrée par les objets du quotidien sur la perception de l’orientation du corps dans l’espace. Rappelons-le, une pièce richement meublée placée en position inverséeinduit, en bouleversant les lois de la gravité, des déséquilibres vertigineux et une sensation intrigante de mouvements propres chez des observateurs passifs (voir aussi, Kleint, 1936 ; Witkin et Asch, 1948). Près d’un siècle plus tard, Howard et Childerson (1994) s’intéressent de manière expérimentale à la question en étudiant, en condition de laboratoire, l’influence de l’inclinaison d’une chambre texturée, constituée d’une part d’un intérieur faiblement polarisé tacheté de poids, et d’autre part d’un intérieur richement meublé sur la perception de l’orientation du corps dans l’espace. Les résultats montrent une sensation d’inversion de la part des sujets (sensation de rotation à 360°de l’orientation du co rps) plus fréquente pendant l’inclinaison dynamique de la chambre meublée que de la « chambre à poids » (60% de sujets expérimentent cette sensation en chambre meublée contre 30% en chambre à poids). Parallèlement, l’ajustement de la VVS lors de la présentation statique d’une pièce inclinée en roulis montre un effet cadre égalementplus important pour la chambre richement meublée que pour la chambre à poids (Figure 3.7.).

Etude de la polarité visuelle sur l’ HVS

Très peu d’études se sont intéressées à notre connaissance à l’influence de la polarité visuelle sur l’HVS. Howard (1982) reporte tout de même une étude où des sujets, placés en face d’une scène visuelle inclinée ont pour consigne de dessiner la ligne de démarcation de la surface de l’eau dans un récipient en verre pour différentes orientations de scène visuelle polarisée. La scène est constituée d’une étagère avec des boîtes de conserves et un broc à eau. L’étude a montré que l’orientation de la scène visuelle affecte la représentation de l’HVS dans le sens de l’inclinaison du broc (voir Howard, 1978 ; Piaget et Inhelder, 1956 ; et Smedslund, 1963). Néanmoins pris isolément, ce type d’objet possède une connotation cognitive tellement forte qu’on se laisserait presque prendre à dessiner la surface de l’eau non à l’horizontale ph ysique comme elle est sensée l’être mais dans le plan transverse au broc lors qu’il est penché (Rebelsky, 1964 ; Thomas et al. 1973).

D’autres aspects cognitifs de la polarité visuelle

Nous avons vu que l’aspect cognitif amené suite à l’aménagement d’une pièce avec sol et plafond par l’augmentation de l’indice de polarité visuelle influence énormément la perception de la verticalité. En effet la connotation visuelle des directions du haut et du bas semble apporter un support important dans la structuration d’un cadre allocentré perturbateur sur l’évaluation des directions gravitaires. Nous allons voir dans les paragraphes suivants d’autres facteurs de polarité visuelle contribuant à exercer un effet sur la perception des références géocentrées,ce qui implique également la perception des directions du haut et du bas gravitaire. On ne traitera pas ici directement de l’incidence de l’environnement visuel sur la percep tion de l’espace géocentré, mais plutôt d’une façon différente d’objectiver la direction perçue de la verticale au travers de la manipulation de certaines caractéristiques cognitives du support de jugement.
Les propriétés orientationnelles de l’objet polaire.
En manipulant l’orientation de certains objets courants utilisés comme cadre environnant, Cian et al. (2001) ont questionné l’influence de la signification de l’objet polaire en lui-même. Pour ce faire, il a été demandé à des sujets d’ajuster une baguette sur la VVS suite à la présentation de différents objets(une carte de France, une souris, un éléphant, et un cadre) projetés face à eux avec plusieurs inclinaisons. Les résultats montrent que la VVS est bien sûr affectée par l’inclinaison d’un cadre, mais est également modulée par l’inclinaison d’objets visuel qui ne contiennent ni formes géométriques, ni segments linéaires (Figure 3.10. )Parallèlement,. la présentation d’une horloge avec les chiffres inversés mais non orienté affecte également la VVS.

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Table des matières

CHAPITRE 1 : LA PERCEPTION SPATIALE
1.1. LA PERCEPTION DIRECTE
1.1.1. L’environnement comme opportunité d’action
1.1.2. La notion d’invariants perceptifs
1.1.3. La taille de mon corps comme référence
Franchissement latéral
Franchissement vertical dynamique
Franchissement vertical statique
1.1.4. Des possibilités d’action référées au niveau des yeux
Dans l’estimation des distances
Dans l’estimation de la hauteur et la taille relative des objets
Pour percevoir une affordance
1.1.5. L’affordance spécifiée par un invariant multimodal ?
1.1.6. Manipulation du contexte postural
Différentes configurations posturales pour différents points d’observation
Différentes configurations posturales pour un même point d’observation
1.2. UNE REPRESENTATION CONSTRUITE DE L’ESPACE
1.2.1. Les référentiels spatiaux
Des espaces stables et définis
Des référentiels multiples
1.2.2. Plusieurs types de références spatiales
Des repères de l’environnement contextuel comme référence
Des invariants terrestres comme référence
Mon corps comme référence
1.2.3. Références physiques versus références perçues
1.2.4. Des références mixtes et ambiguës à l’origine d’erreurs perceptives
La verticale gravitaire potentiellement confondue avec l’axe Z
L’horizon visuel potentiellement confondu avec le plan transverse à la tête
1.2.5. La dissociation des référentiels spatiaux comme paradigme d’étude
CHAPITRE 2 : INFLUENCES POSTURALES
2.1. CONSEQUENCES DES INCLINAISONS CORPORELLES
2.1.1. Inclinaisons corporelles en roulis et estimation de la verticale visuelle
Mise en évidence des effets Aubert et Müller
2.1.2. Inclinaisons corporelles en tangage et estimation de l’horizon visuel
Equivalence de l’effet Aubert
Répercussions dans l’estimation du franchissement d’obstacles hauts
2.1.3. Influences segmentaires
2.2. INFLUENCE DE LA CENTRIFUGATION
2.2.1. Cabine non pendulaire
2.2.2. Cabine pendulaire
2.3. ORIGINE DES EFFETS D’INCLINAISONS CORPORELLES
2.3.1. Des erreurs de jugements géocentrés résultant d’une mauvaise estimation de l’orientation du corps ?
La perception effective de l’orientation du corps dans l’espace
Des processus sériels ? Une hypothèse remise en cause
2.3.2. Une attraction égocentrée dans une direction définie par l’orientation longitudinale corporelle ?
Le vecteur idiotropique de Mittelstaedt
Une interaction entre référentiels spatiaux
CHAPITRE 3 : INFLUENCES VISUELLES
3.1. EFFET D’INCLINAISON DE L’ENVIRONNEMENT VISUEL
3.1.1. Mise en évidence de perturbations visuelles
3.1.2. Paradigmes expérimentaux
Le « Rod and frame test » pour l’estimation de la verticale visuelle
La chambre inclinée pour l’estimation de l’horizon visuel
3.1.3. Effet d’un enrichissement structurel de l’espace allocentré
Nombre et orientation des lignes
Taille du cadre et champ visuel
Influence allocentrée en environnement naturel
3.2. EFFET DE LA POLARITE VISUELLE
3.2.1. Etude de la polarité visuelle sur la VVS
En chambre inclinée réelle
En environnement immersif
3.2.2. Etude de la polarité visuelle sur l’ HVS
3.2.3. D’autres aspects cognitifs de la polarité visuelle
Les propriétés orientationnelles de l’objet polaire
La polarité lumineuse
L’orientation préférentielle des objets
3.3. EFFET DU MOUVEMENT VISUEL
3.3.1. Effet d’un mouvement visuel en rotation sur la VVS
3.3.2. Effet d’un mouvement visuel en translation sur l’ HVS
CHAPITRE 4 : OBJECTIFS ET HYPOTHESES
CHAPITRE 5 : METHODOLOGIE GENERALE
5.1. LES OUTILS EXPERIMENTAUX
5.1.1. La chaise inclinable en tangage
Inclinaison du corps en tangage
Manipulation de la configuration posturale
Système de sécurité
5.1.2. La barre laser et le galvanomètre : pour projeter la barre horizontale
5.1.3. La rampe à diodes : pour offrir un point de fixation au sujet
5.1.4. Le contrôle EOG : pour s’assurer du respect des consignes
5.1.5. Le vidéo-projecteur : pour présenter des scènes visuelles dynamiques
5.1.6. Acquisition des données
5.2. PROCEDURE GENERALE
5.3. LES OUTILS D’ANALYSE
5.3.1. LE PROTOCOLE PSYCHOPHYSIQUE UTILISE
5.3.2. Les analyses de variance
5.3.3. Les analyses de régression linéaire
CHAPITRE 6 : ETUDES EXPERIMENTALES
6.1. ORIGINE DE LA COMPOSANTE EGOCENTREE
6.1.1. Etude 1
Abstract
Introduction
Methods
Results
Discussion
Conclusion
6.1.2. Etude 2
Abstract
Introduction
General methods
Experiment 1
Experiment 2
General discussion
Conclusion
6.2. INCIDENCES VISUELLES SUR LE PHENOMENE D’ATTRACTION EGOCENTREE
6.2.1. Etude 3
Abstract
Introduction
Methods
Results
Discussion
Conclusion
Supplementary materials
6.2.2. Etude 4
Abstract
Introduction
Methods
Results
Discussion
Conclusion
CHAPITRE 7 : DISCUSSION GENERALE
7.1. ELABORATION DU REFERENTIEL EGOCENTRE
7.2. INTERACTIONS VISUO-POSTURALES : L’INCIDENCE DU CONTEXTE VISUEL
7.3.VERS UNE INTERPENETRABILITE DES REFERENTIELS SPATIAUX ?
7.4.VERS UN COMPLEMENT DE DEFINITION DE L’AFFORDANCE?
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

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