Effet direct du phosphate sur le champignon et contrôle systémique de la mycorhization

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La classification des Gloméromycètes

Les Gloméromycètes sont composés de quatre ordres : les Glomérales (Glomus groupes A et B), les Paraglomérales (Paraglomus), les Archéosporales (Archeospora, Ambispora et Geosiphon) et les Diversisporales (Acaulospora, Gigaspora, Scutellospora, Pacispora et Diversispora) (Figure 2-B) (classification selon Schüßler et al., 2001). On dénombre aujourd’hui environ 150 espèces, une estimation qui pourrait s’avérer largement en dessous de la réalité en raison de la difficulté de délimiter clairement les espèces chez ces organismes (Smith & Read, 2008). On observe parmi les Gloméromycètes une grande diversité morphologique, notamment au niveau des spores qui sont de taille, couleur et forme très variables selon les espèces.
Au niveau phylogénétique, les analyses moléculaires permettent aujourd’hui d’affiner la classification des champignons MA. Dernièrement, la communauté scientifique a même été amenée à changer les noms de différents champignons mycorhiziens dont le champignon modèle Glomus intraradices (DAOM197198), qui a été reclassé en 2009 sous le nom de Glomus irregularis (Stockinger et al., 2009). Plus récemment, Walker et Schüßler ont proposé pour cette espèce le nom de Rhizophagus irregularis (Schüßler & Walker, 2010 ; Krüger et al., 2012). Cette dernière appellation reprise dernièrement par plusieurs auteurs (Labidi et al., 2012 ; Pérez-Tienda et al., 2012 ; Lauressergues et al., 2012 ; Liao et al., 2012…), sera utilisée dans ce manuscrit à travers l’écriture R. irregularis.

L’importance de la symbiose MA

L’interaction entre es champignons MA et les plantes est extrêmement ancienne puisqu’elle date d’environ 450 millions d’année, moment de l’apparition des premières plantes terrestres. En effet, plusieurs études de fossiles montrent des structures fongiques très semblables à celles typiquement observées chez les champignons MA actuels. Parmi ces fossiles, certains datent du Dévonien inférieur (environ 415 Ma) et montrent notamment des structures ressemblantes à des arbuscules (Remy et al., 1994) et d’autres présentent des spores datent de l’Ordovicien (environ 460 Ma) (Redecker et al., 2000). Il est généralement admis que l’interaction entre les premières plantes primitives et les champignons MA de l’époque a participé à la colonisation du milieu terrestre par les plantes (pour revues voir : Raven & Edwards, 2001 ; Bonfante & Genre, 2008 ; Humphreys et al., 2010). Encore aujourd’hui, la grande majorité des espèces de plantes terrestres (environ 80 %, y compris chez les mousses et les hépatiques) sont capables d’effectuer une symbiose MA, indiquant un incroyable succès évolutif concernant cette interaction symbiotique. Il existe malgré tout plusieurs familles de plantes incapables de réaliser cette symbiose, dont certaines s’engagent dans d’autres relations symbiotiques et d’autres sont totalement non mycotrophes. En dehors de ces exceptions, les plantes sont donc normalement en interaction avec un champignon MA, la condition non mycorhizée restant inhabituelle (Smith & Smith, 2011).
Les intérêts de la symbiose MA pour les plantes sont nombreux. Tout d’abord, le champignon se développe dans les racines mais aussi au niveau extra-racinaire dans le sol. Le nom de mycorhizosphère est attribué à la zone explorée par les deux partenaires (Linderman, 1988). Grace à son réseau mycélien, le volume de sol exploré par le champignon est bien plus grand que celui parcouru par les racines seules. Il peut donc avoir accès à des ressources supplémentaires en eau et en éléments minéraux qui sont transmis ensuite à la plante hôte au niveau des racines. Le principal avantage pour la plante est donc une meilleure nutrition hydrique et minérale en particulier en phosphate (pour revue : Smith & Read, 2008). Les plantes mycorhizées reçoivent du phosphate de la part du champignon et cela se traduit le plus souvent par une augmentation de la biomasse par rapport à des plantes non colonisées (l’effet est d’autant plus net que les plantes sont en conditions de carence phosphatée), ceci s’accompagnant parfois de teneurs internes en phosphate supérieures chez les plantes mycorhizées. De plus, l’état mycorhizé fournit aussi à la plante une meilleure résistance aux stress abiotiques comme le stress hydrique, salin ou la présence de métaux lourds (exemples : Al-Karaki, 2000 ; Aroca et al., 2007 ; Hildebrandt et al., 2007) mais aussi aux stress biotiques. En effet, des plantes mycorhizées sont plus résistantes à certains pathogènes racinaires (Whipps, 2004) mais aussi foliaires (exemples : Liu et al., 2007 ; Campos-Soriano et al., 2011).
L’association symbiotique entre les champignons MA et les plantes est dite mutualiste, c’est-à-dire que les deux partenaires tirent profit de l’interaction. Les champignons MA (biotrophes obligatoires) reçoivent de la plante des éléments carbonés issus de la photosynthèse. L’interaction représente donc un coût pour le partenaire végétal. La part de photosynthétats transférée au champignon est non négligeable puisqu’elle peut atteindre jusqu’à 20 % du carbone fixé lors de la photosynthèse, soit environ 5 milliards de tonnes de carbone par an (Bago et al., 2000).

Les différents stades de développement de l’interaction

Il existe tout d’abord une phase dite a-symbiotique sans contact ni échange entre les deux partenaires (schéma Figure 3). Dans des conditions favorables, les spores peuvent germer spontanément et produire un tube germinatif et quelques ramifications primaires sans même avoir besoin de puiser dans leurs réserves lipidiques (Bécard et al., 2004). Lorsqu’aucun partenaire végétal n’est à proximité, selon les espèces fongique, les hyphes germinatifs peuvent alors se septer et le cytoplasme peut se rétracter dans la spore initiale. Ils peuvent aussi sporuler en formant des spores plus petites (Hildebrandt et al., 2002). Dans tous les cas, l’essentiel des réserves énergétiques des spores initiales est conservé. De nouvelles germinations peuvent alors être observées, augmentant ainsi les chances du champignon de rencontrer une racine (Bécard et al., 2004).
Avant même le premier contact entre les deux partenaires, se déroule un échange de signaux diffusibles produits par chacun des partenaires. Cette phase est dite pré-symbiotique. Les plantes produisent des exsudats racinaires capables d’activer l’activité métabolique et une ramification intense des hyphes du champignon. Les champignons sécrètent eux aussi des signaux diffusibles induisant notamment dans les cellules végétales des variations de concentration en calcium dans le cytosol et le noyau, la régulation transcriptionnelle de gènes et la ramification des racines. La nature et l’importance de ces signaux symbiotiques seront abordées ultérieurement dans une partie spécifique. La germination des spores se fait de façon asynchrone, l’ensemble des étapes qui suivent sont donc elles aussi non synchronisées à l’échelle de la plante.
Viennent ensuite les étapes symbiotiques à proprement parler :
– Le champignon forme un hyphopode au contact de l’épiderme. Ce dernier représente le point d’accroche du champignon à la racine et son futur point de pénétration.
– Dans la cellule épidermique située sous l’hyphopode, un appareil de pré-pénétration (PPA) est mis en place qui correspond à un réarrangement polarisé du cytoplasme et du cytosquelette. Il permet la formation d’un pont apoplasmique endocellulaire à travers lequel le champignon va se développer pour traverser les différentes couches cellulaires jusqu’aux cellules corticales (Genre et al., 2005 ; 2008).
– Le champignon pénètre dans les cellules corticales sans en traverser la membrane plasmique et forme des structures hyper-ramifiées appelées arbuscules. Les arbuscules sont entourés d’une membrane plasmique péri-arbusculaire séparant le champignon du cytoplasme végétal. C’est au niveau des arbuscules qu’ont lieu les échanges carbone-phosphate/azote entre le champignon et la plante grâce à des transporteurs spécifiques. Les arbuscules ont une durée de vie limitée (en moyenne 8,5 jours). Ils atteignent une taille maximale dans la cellule puis rentrent en sénescence et le champignon peut être complètement éliminé de la cellule végétale qui revient à son état initial (Javot et al., 2007a). Une cellule peut ainsi accueillir plusieurs arbuscules successifs. De plus, un grand nombre d’espèces de champignons MA comme R. irregularis produisent des structures de réserves lipidiques à l’intérieur des racines au niveau dans les cellules ou au niveau de l’apoplaste, ce sont des vésicules (Smith & Read, 2008).

Les différents points de contrôle de l’interaction

Chacun des différents stades de mycorhization présentés précédemment peut représenter un point de contrôle de l’interaction, et il existe de nombreux mutants de plantes bloqués à différents stades du développement de la symbiose. Ces mutants peuvent être globalement classés en plusieurs groupes : les cas où le champignon ne forme pas d’hyphopode (hyp-), les cas où les hyphopodes sont formés mais le champignon n’arrive pas à pénétrer l’épiderme (pen-) (NB dans ces mutants les hyphopodes sont parfois anormaux et/ou plus nombreux), les cas où le champignon rentre dans la racine mais a du mal à progresser (coi-, pour cortex invasion) et les cas où les arbuscules sont anormaux ou ne se forment pas (arb-). Les mutants de la voie SYM peuvent eux aussi être classés selon ces groupes : dmi2, dmi1 , nup5, nup133 sont des mutants coi-, castor et ipd3 sont coi- et arb- et dmi3 est le seul à être coi- et arb- mais aussi pen- (Marsh & Schultze, 2001 ; Parniske, 2008). On remarque qu’aucun des mutants de la voie SYM n’est affecté dans la formation d’hyphopodes. De fait, les éléments permettant la formation des hyphopodes restent mal connus. On peut considérer que la formation de l’hyphopode a lieu lorsque les deux partenaires se sont correctement reconnus lors de la phase pré-symbiotique et lorsque la plante est dans un état favorable à l’interaction (Giovannetti et al., 1993a). Des études sur des parois isolées de différentes couches cellulaires ont permis de démontrer que les hyphopodes étaient capables de se former sur la paroi d’épiderme uniquement, et non sur des parois de cortex ou de tissus vasculaire (Nagahashi & Douds, 1997). La mise en place des hyphopodes n’est pas non plus observée sur des racines de plantes non hôtes et n’a pu être reproduite sur des surfaces artificielles telles que de la cellulose ou du nylon (Garriock et al., 1989 ; Giovannetti et al., 1993a ; Nagahashi & Douds, 1997). Les mutants affectés dans la formation d’hyphopodes sont rares. Les mutant pmi1 (premycorrhizal infection) et pmi2 identifiés chez la tomate montrent des hyphopodes normaux mais en nombre considérablement réduit (hyp-) (David-schwartz et al., 2001, 2003). Malheureusement les gènes responsables de cette mutation n’ont pas été caractérisés, mais un rôle de composés diffusibles végétaux a été proposé pour expliquer ces phénotypes (Sun et al., 2012). De même, le mutant nope1 de maïs est bloqué dans la formation d’hyphopodes mais là aussi les raisons de ce phénotype sont inexpliquées (Paszkowski et al., 2006). Enfin, le mutant Ljsym4 est affecté dans la formation des hyphopodes chez le lotier, mais les auteurs n’ont pas identifié les mécanismes ou les gènes responsables de ce phénotype (Bonfante et al., 2000).
D’autres mutants (non affectés dans des éléments composants la voie SYM) présentent des phénotypes pen-, coi- ou arb-. Pour accueillir le champignon dans leurs cellules corticales, les plantes doivent reprogrammer ces cellules. Des gènes sont donc impliqués dans les modifications cellulaires permettant l’accueil du champignon. Un gène appelé VAPYRIN a été identifié chez M. truncatula comme nécessaire au développement du champignon, que ce soit pour la pénétration (pen-) de l’épiderme (coi-) mais surtout pour la formation des arbuscules (arb-) puisque chez le mutant vapyrin, le champignon ne pénètre même pas dans la cellule (Pumplin et al., 2010). Ces résultats ont été retrouvés chez le pétunia où un mutant pam1 préalablement caractérisé comme incapable d’accueillir le champignon dans ses cellules s’est avéré être lui aussi affecté dans un gène codant pour la vapyrine (Feddermann et al., 2010), confirmant le rôle de ce gène dans la progression du champignon et l’accommodation des cellules végétales pour accueillir le champignon. De façon intéressante, ce gène se révèle aussi important pour l’infection des poils absorbants par les rhizobia et la formation de nodules dans le cadre de la symbiose nodulaire, son expression est induite suite à un traitement avec des FNod et ce, de façon SYM-dépendante (Murray et al., 2011).
Un autre exemple concerne les mutants str1 et str2 de M. truncatula présentant des anomalies au niveau de la formation d’arbuscules. STR1 et STR2 codent pour des « half-size ABC transporters » exprimés chez le sauvage constitutivement dans les tissus vasculaires et induits dans les cellules contenant des arbuscules (Zhang et al., 2010). L’importance de ces gènes pour la formation d‘arbuscules normaux a été retrouvée chez le riz (phénotype arb-) (Gutjahr et al., 2012).

L’étude des mutants de la voie de biosynthèse des strigolactones mène à l’identification d’une nouvelle hormone végétale

Alors qu’on pensait que les strigolactones étaient des sesquiterpènes lactones (Bouwmeester et al., 2003 ; Akiyama et al., 2005), il a été démontré grâce à des mutants et des inhibiteurs de différentes voies métaboliques que les strigolactones dérivent en fait du clivage de caroténoïdes (Matusova et al., 2005). Les enzymes capables de cliver les caroténoïdes sont divisées en deux classes, les NCED (nine-cis-epoxy carotenoid dioxygenase) impliquées notamment dans la production de l’hormone ABA et les CCD (carotenoid cleavage dioxygenase) (Bouvier et al., 2005).
Dans le but de mieux caractériser l’importance des strigolactones durant la mycorhization, notre équipe a alors recherché des mutants bloqués dans les voies de biosynthèse de ces molécules, notamment des mutants de CCD. En fait, des mutants de deux isoformes étaient disponibles : les mutants ccd7 et ccd8 de pois (rms5 et rms1 respectivement). Ils avaient déjà été étudiés non pas pour leur absence de strigolactones mais pour leur phénotype morphologique aérien hyper-ramifié. En effet, CCD7 et CCD8 étaient alors déjà connues comme des enzymes impliquées dans la production d’une hormone végétale alors inconnue appelée SMS (pour shoot multiplication signal) contrôlant la ramification des parties aériennes chez A. thaliana et le pois (Pisum sativum) (Booker et al., 2004 ; Beveridge, 2006). Les mutants ccd de pois (rms1) et de riz (d10 et d17) arborent un système aérien hyper-ramifié (tallage plus fort chez le riz) par rapport aux plantes sauvages (Figure 8). Notre équipe, ainsi qu’une autre équipe japonaise indépendamment, a pu démontrer que les strigolactones sont les molécules se cachant derrière la fameuse hormone SMS. Des approches biochimiques (analyses en spectrométrie de masse) ont permis de démontrer l’absence de strigolactones chez les mutants ccd de pois (rms1 et rms5) et de riz (d10 et d17), et un ajout exogène de strigolactones (GR24) chez ces mutants permettait de retrouver un phénotype sauvage (Gomez-Roldan et al., 2008 ; Umehara et al., 2008). Ces études ont permis de démontrer que les strigolactones contrôlent négativement la ramification des parties aériennes en inhibant le développement des bourgeons axillaires (Figure 6).
À partir de ces résultats attribuant aux strigolactones un rôle dans le contrôle hormonal de la ramification des parties aériennes, de nouveaux éléments intervenants dans la voie de biosynthèse et de signalisation des strigolactones ont été identifiés, notamment grâce à l’étude d’autres mutants hyper-ramifiés. Aujourd’hui, on retrouve dans cette voie les différents éléments suivants (Figures 9-A et 9-B) :
Une enzyme appelée Dwarf27 (D27) a été récemment caractérisée chez le riz comme étant une « iron-containing protein » intervenant dans la biosynthèse des strigolactones au niveau des plastes (OsD27, Lin et al., 2009). Elle a été retrouvée chez A. thaliana et caractérisée comme une β-carotene isomerase convertissant le all-trans-β-carotene en 9-cis-β-carotene, et agissant en amont de CCD7 et CCD8 (AtD27, Alder et al., 2012 ; Waters et al., 2012).
Ensuite interviennent les enzymes CCD7 et CCD8 successivement. Les mutants correspondants à ces enzymes ont été caractérisés de façon indépendante chez de nombreuses espèces et portent des noms différents pour chacune des espèces : par exemple les mutants ramosus (rms) pour le pois Pisum sativum (rms1 et rms5, Morris et al., 2001 ; Sorefan et al., 2003), more axillary growth (max) pour A. thaliana (max3 et max4, Sorefan et al., 2003 ; Jonathan Booker et al., 2004), dwarf (d) ou high-tillering dwarf (htd) pour le riz Oriza sativa (d10 et d17 = htd1, Zou et al., 2006 ; Arite et al., 2007), decreased apical dominance (dad) pour le pétunia Petunia hybrida (dad3 et dad1, Snowden et al., 2005
; Drummond et al., 2009). CCD7 permet le passage d’un caroténoïde en C40 (9-cis-β-carotene) en un intermédiaire en C27 (9-cis-β-apo-10’-carotenal) qui est clivé par CCD8 en un C9 (β-apo-13-carotenone) (Schwartz et al., 2004 ; Alder et al., 2012). La carlactone a récemment était décrite comme le produit de synthèse de CCD8 grâce à une étude in vitro ; elle est capable d’inhiber l’hyper-ramification des mutants d27, htd1 et d10, ainsi que d’induire la germination des graines de Striga (Alder et al., 2012). Puis, plusieurs réactions ont lieu dans le cytoplasme, dont l’oxydation d’un composé mobile par une protéine à cytochrome P450 (MAX1/CYP711A1) caractérisée chez A. thaliana (Booker et al., 2005 ; Gomez-Roldan et al., 2008).

D’autres rôles hormonaux pour les strigolactones

Tout d’abord les effets de cette hormone ont été regardés sur les racines. En effet, en 2010, une étude menée chez la tomate indique qu’un traitement exogène avec des GR24 entraine un allongement des racines latérales et des poils absorbants vraisemblablement en modifiant les flux d’auxine (Koltai et al., 2010). Ensuite, une étude utilisant les mutants déficients en strigolactones d’A. thaliana a montré que ces derniers avaient davantage de racines latérales que le sauvage. Traités avec du GR24, ils formaient alors moins de racines latérales et avaient des poils absorbants plus longs (Kapulnik et al., 2011). Ruyter-Spira et al. (2011) ont montré que ceci serait valable pour des conditions où le phosphate n’est pas limitant, mais qu’en condition de carence les strigolactones favoriseraient au contraire la formation des racines latérales et le développement des poils absorbants. En effet, chez A. thaliana, une étude indique que les strigolactones sont nécessaires pour mettre en place les réponses architecturales racinaires lors d’une carence phosphatée (Mayzlish-Gati et al., 2012). Ces différentes études permettent d’expliquer la diminution de biomasse observée en 2005 chez le mutant de pétunia dad1 (ccd8), sans que le phénotype racinaire précis n’ait été détaillé à l’époque (Snowden et al., 2005). L’ensemble des résultats ne permet pas encore d’attribuer de façon univoque un rôle pour les strigolactones dans le contrôle de l’architecture racinaire. Cependant, on peut conclure qu’elles affectent la formation des racines latérales (de façon variable selon les conditions et les espèces), et semblent exercer un effet positif sur l’élongation des poils absorbants (Figure 6).
Une étude originale basée sur l’analyse de la production de strigolactones chez les charales et les embryophytes basales a proposé que le rôle initial des strigolactones dans la lignée verte aurait pu être de favoriser la croissance des rhizoïdes (structures permettant l’ancrage dans le substrat, ayant permis la colonisation du milieu terrestre) (Delaux et al., 2012).
Enfin, on découvre progressivement que les strigolactones, comme toutes les hormones, sont impliquées dans des processus développementaux nombreux et variés : elles joueraient un rôle dans la perception de la lumière chez la tomate (Mayzlish-Gati et al., 2010) et la lumière influencerait leur production (Koltai et al., 2011) ; elles interviendraient durant la germination chez A. thaliana dans des conditions bien particulières (Toh, et al., 2012a, 2012b) ; chez le riz elles contrôleraient l’élongation du mésocotyle en inhibant les divisions mais pas l’élongation cellulaire durant la germination à l’obscurité (Hu et al., 2010) ; elles supprimeraient la formation de racines adventives chez A. thaliana et le pois (Rasmussen et al., 2012) ; elles joueraient un rôle dans le contrôle du système vasculaire secondaire en stimulant l’activité cambiale (Agusti et al., 2011) ; et enfin il vient d’être montré chez la tomate qu’elles affecteraient le développement des organes reproducteurs et des fruits (Kohlen et al., 2012).

Régulation de la production de strigolactones

Parmi les éléments affectant la production de strigolactones, la disponibilité en nutriments et notamment le phosphate a été particulièrement étudiée. En effet il est connu depuis longtemps que l’apport d’engrais phosphatés diminue nettement l’invasion de champs cultivés par les plantes parasites, et cet effet a été relié à une moindre production d’inducteurs de germination. Récemment il a été démontré que la carence en phosphate induit la production de strigolactones chez le trèfle (Yoneyama et al., 2007b), la tomate (López-Ráez et al., 2008) et le riz (Umehara et al., 2008). Chez le sorgho la carence en phosphate ainsi qu’en azote favorise la production et l’exsudation de strigolactones (Yoneyama et al., 2007a). Le fait que les plantes produisent plus de strigolactones en condition de carence est cohérent sous plusieurs angles. En effet, non seulement la plante favorise ainsi la mise en place potentielle d’une symbiose MA, mais elle inhibe aussi la ramification des parties aériennes pour favoriser le développement des racines (davantage de racines latérales et de poils absorbants) ce qui permet un meilleur accès aux potentielles ressources nutritives du sol. De plus, une étude récente a proposé que les strigolactones jouent un rôle important dans le contrôle du tallage par le phosphate chez le riz (Umehara et al., 2010). En effet, des mutants de production de strigolactones chez le riz sont incapables de répondre à la carence en phosphate par une diminution du tallage. Enfin, chez la plante non mycotrophe A. thaliana, l’effet du phosphate a été retrouvé, lors d’une carence phosphatée la quantité de strigolactones produites augmente et cela est corrélé avec une ramification réduite des parties aériennes (Kohlen et al., 2011). Cette inhibition de la ramification des parties aériennes en condition de carence est perdue chez les plantes mutantes ne produisant plus de strigolactones (max4). De même, des travaux réalisés récemment chez A. thaliana indiquent que la mise en place des réponses à la carence phosphatée (telles que l’induction de gènes, la formation de poils absorbants et des racines latérales, la réduction de la racine primaire) passent par la production et la signalisation des strigolactones (Mayzlish-Gati et al., 2012). Ces études montrent l’importance de cette hormone dans la réponse morphologique des plantes face à la carence (Umehara, 2011).
Un autre mécanisme régulant la production de strigolactones est la mycorhization elle-même. En effet, une étude menée chez la tomate montre que les plantes mycorhizées produisent moins de strigolactones que les plantes non inoculées (López-Ráez et al., 2011), observation que nous avons aussi réalisée sur le pois (résultats non publiés). Dans cet article est discuté le fait que la moindre sécrétion des strigolactones chez les plantes mycorhizées permettrait à ces dernières de limiter leur infection par les plantes parasites, ou bien une trop forte colonisation de leurs racines par les champignons MA (hypothèse formulée par (Lauressergues et al., 2012). En plus d’un mécanisme d’autorégulation de la part de la plante, on peut aussi imaginer d’après le paragraphe précédent que le champignon en jouant sur la nutrition phosphatée des plantes perturbe la synthèse des strigolactones.

Les signaux fongiques pré-symbiotiques : des facteurs Myc aux Myc-LCO

Les premières expériences montrant l’existence de signaux fongiques diffusibles (SFD) ont reposé sur l’induction de l’expression du gène ENDO11 dans les racines en présence d’un champignon MA séparé des racines par une membrane perméable (Kosuta et al., 2003). De façon intéressante, cette induction est DMI1, DMI2 et DMI3 indépendante. D’autres études ont montré des modifications d’expression de gènes en réponse à des SFD, ces réponses peuvent être SYM-dépendantes ou indépendantes. Par exemple, Weidmann et al. en 2004 montrent que des SFD échangés avant contact induisent l’expression de gènes végétaux de façon DMI3 dépendante. En 2010, une autre étude montre que des signaux diffusibles fongiques induisent l’expression d’un gène appelé MtMSBP1, et de trois autres gènes (Kuhn et al., 2010). Une mutation de DMI2 entraine la perte d’induction de seulement 3 gènes sur 4, indiquant que la voie SYM intervient mais qu’au moins une autre voie de signalisation est impliquée dans cette réponse. De même, l’utilisation d’exsudats de spores en germination induit l’expression de gènes symbiotiques chez le riz, mais l’induction d’un de ces gènes est maintenue dans différents mutants de la voie SYM testés, mettant là-aussi en avant l’existence d’une autre voie de signalisation en plus de la voie SYM (Mukherjee & Ané, 2011).

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Table des matières

Introduction Générale
1/ La rhizosphère et sa communauté microbienne
1 – 1 / Quelques exemples de partenaires symbiotiques du sol
1 – 2/ La symbiose mycorhizienne à arbuscules (MA)
1 – 2a/ Les champignons MA, des organismes particuliers
1 – 2b/ La classification des Gloméromycètes
1 – 2c/ L’importance de la symbiose MA
1 – 2d/ Les différents stades de développement de l’interaction
1 – 2e/ Existence d’une voie de signalisation commune avec la symbiose rhizobium (voie SYM) nécessaire à la mise en place de l’interaction
1 – 2f/ Les différents points de contrôle de l’interaction
1 – 3/ Les signaux végétaux dans la phase pré-symbiotique : une attention particulière pour les strigolactones
1 – 3a/ Du « branching factor » aux strigolactones
1 – 3b/ Les strigolactones, molécules d’intérêt dans la rhizosphère
1 – 3c/ Les strigolactones, une famille nombreuse
1 – 3d/ L’étude des mutants de la voie de biosynthèse des strigolactones mène à l’identification d’une nouvelle hormone végétale
1 – 3e/ D’autres rôles hormonaux pour les strigolactones
1 – 3f/ Régulation de la production de strigolactones
1 – 4/ Les signaux fongiques pré-symbiotiques : des facteurs Myc aux Myc-LCO
1 – 5/ La régulation de la symbiose
1 – 5a/ L’importance des signaux végétaux
1 – 5b/ Autorégulation et régulation systémique
1 – 5c/ Le phosphate, élément régulateur de la symbiose
1 – 5d/ Régulation systémique de la symbiose par le phosphate
2/ Le maintien de l’homéostasie du phosphate
2 – 1/ La voie de signalisation impliquant miR399, PHO2 et IPS1/At4
2 – 2/ Les réponses effectrices face à la carence phosphatée
2 – 2a/ Une meilleure utilisation du Pi interne
2 – 2b/ Une meilleure acquisition du Pi externe
2 – 2c/ Réponses systémiques et réponses locales
2 – 3/ La symbiose MA, élément de réponse à la carence
2 – 3a/ Effets de la symbiose MA sur le développement des plantes
2 – 3b/ L’acquisition du phosphate par la voie symbiotique
3/ Questions et objectifs adressés à travers ce projet de thèse
CHAPITRE I/ Contrôle de la mycorhization par le phosphate, une régulation systémique et précoce
1/ Présentation
1 – 1/ Choix des organismes
1 – 1a/ Le matériel végétal
1 – 1b/ Le matériel fongique
1 – 2/ Conditions de fertilisation phosphatée
2/ Phosphate, mycorhization et régulation systémique
2 – 1/ Phénotype mycorhizien des plantes cultivées en HighP
2 – 1a/ Effet de la fertilisation sur la biomasse
2 – 1b/ Effet de la fertilisation sur les teneurs internes en P
2 – 1c/ Effet de la fertilisation sur la mycorhization
2 – 1d/ Effet de la fertilisation sur la formation des hyphopodes
2 – 2/ Effet direct du phosphate sur le champignon et contrôle systémique de la mycorhization
2 – 2a/ Effet du phosphate sur la germination de spores et la ramification du champignon
2 – 2b/ Effet du phosphate sur la mycorhization de M. truncatula
2 – 2c/ Approche split-root
3/ Un mécanisme régulateur possible : rôle des signaux diffusibles végétaux et en particulier des strigolactones
3 – 1/ Les strigolactones, molécules effectrices de la régulation par le phosphate ?
3 – 1a/ Effet du phosphate sur la production de strigolactones en système split-root
3 – 1b/ Effet d’un traitement par des strigolactones exogènes?
3 – 2/ La métabolomique, une approche sans a priori
3 – 3/ Etude des signaux diffusibles végétaux
3 – 3a/ Effets d’exsudats racinaires sur le développement du champignon
3 – 3b/ Effet des exsudats racinaires sur l’interaction
3 – 3c/ Utilisation d’un système «double-cône» pour découpler l’effet des exsudats de l’effet du phosphate environnemental
3 – 4/ Bilan sur les signaux diffusibles végétaux
4/ Autres mécanismes régulateurs possibles
4 – 1/ Hypothèse n°3 : signalisation fongique perturbée en HighP
4 – 2/ Hypothèse n°4 : perception du champignon perturbée en HighP
CHAPITRE II/ Effet du phosphate sur la perception du champignon par la plante
1/ Etude des oscillations calciques nucléaires
1 – 1/ Introduction : les réponses calciques lors de la nodulation et de la mycorhization
1 – 1a/ Réponses calciques lors de la nodulation
1 – 1b/ Réponses calciques lors de la mycorhization
1 – 2/ Présentation du système Cameleon 35S-NupYC2.1
1 – 3/ Effet du phosphate sur les oscillations calciques nucléaires
1 – 3a/ Conditions d’étude des réponses calciques nucléaires végétales
1 – 3b/ Signalisation calcique nucléaire végétale en réponse à des signaux fongiques (GSE et CO4)
1 – 3c/ Signalisation calcique nucléaire dans les cellules racinaires au contact des hyphopodes
1 – 4/ Conclusion
2/ Approche expression de gènes (Fluidgim®)
2 – 1/ Synthèse bibliographique : étude de la symbiose mycorhizienne à travers des approches transcriptomiques
2 – 2/ Choix de la technique, des conditions et des gènes
2 – 2a/ Choix de la technique et conditions utilisées
2 – 2b/ Choix des gènes
2 – 3/ Obtention des échantillons et traitement des données
2 – 4/ Résultats
2 – 4a/ Effet de l’inoculation des plantes sur l’expression des gènes
2 – 4b/ Gènes dont l’expression est affectée par la fertilisation phosphatée
2 – 4c/ Effet des traitements sur l’expression des gènes marqueurs de défense
2 – 4d/ Effet des traitements sur l’expression des gènes reliés à la symbiose
2 –5/ Conclusion et discussion autour des résultats de Fluidigm®
2 – 5a/ Importance de la défense en réponse aux signaux fongiques MA
2 – 5b/ Perturbation par le phosphate des gènes de réponse « myc »
CONCLUSION GÉNÉRALE ET PERSPECTIVES
1/ Mécanismes de régulation de la symbiose par le phosphate : bilan, hypothèses et perspectives
1 – 1/ Hypothèse n°5 : les strigolactones n’ont pas dit leur dernier mot…
1 – 1a/ Importance des HPC et des transporteurs de strigolactones ?
1 – 1b/ Les strigolactones, signaux systémiques ?
1 – 1c/ Les strigolactones, rôles hormonaux ?
1 – 2/ Hypothèse n°6 : existence de signaux de surface ?
2/ Des enjeux fondamentaux et appliqués
2 – 1/ Mieux comprendre l’interaction mycorhizienne et la nutrition phosphatée des
plantes en général
2 – 2/ Mieux faire face à la crise du phosphate…
2 – 2a/ De la malnutrition phosphatée des plantes à la crise invisible du phosphate
2 – 2c/ Des solutions pour faire face à la crise
MATÉRIELS & MÉTHODES
Matériels biologiques
Conditions de culture
Inoculation des plantes et détermination du taux de mycorhization
Expériences de split-root
Mesure des teneurs en phosphate
Préparation des exsudats racinaires
Bioessai de germination du champignon R. irregularis
Bioessai de ramification du champignon G. rosea (« branching test »)
Analyses en spectrométrie de masse.
Expérimentations « double-cone »
Production de GSE (Germinating Spore Exsudates)
Etude des oscillations calciques nucléaires
Dynamic ArrayTM IFCs (Fluidigm)
Analyses statistiques des données
BIBLIOGRAPHIE

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