Effet de la végétation sur la mobilité de l’arsenic dans la rhizosphère

En raison de sa forte toxicité, l’arsenic (As) est au centre des préoccupations environnementales de ces dernières années. La présence de ce métalloïde dans les sols et les nappes phréatiques peut être d’origine naturelle, principalement liée aux minéralisations métalliques, aux roches volcaniques et à leur altération. La part de pollution d’origine anthropique est surtout liée aux activités d’extraction et de traitement des minerais, à la combustion du charbon, à l’utilisation croissante de produits phytosanitaires dans l’agriculture (Adriano, 2001) ou encore à différentes industries telles que les unités de traitement de bois (Bhattacharya et al., 2007). Ces pollutions vont générer des teneurs en As souvent bien supérieures à la valeur guide internationale pour l’eau potable fixée par l’Organisation Mondiale de la Santé à 10 µg/L (http://www.who.int/fr/). Ces teneurs peuvent atteindre des niveaux de l’ordre du mg/L notamment dans les zones d’activités minières avec des concentrations dans les eaux de drainage comprises dans l’intervalle < 0,5-5000 µg/L (Smedley et Kinniburgh, 2002). Les opérations minières sur le site de la Combe du Saut (site minéralurgique de Salsigne, Aude, Sud de la France) sont les principales sources de contamination des sols alluviaux par l’As, le long de la rivière Orbiel. Cette dernière, présente une concentration en As comprise entre 110 et 150 mg kg-1. Les sols avoisinants quand à eux ont une teneur en As autour de 300 mg kg-1 (Dondon et al., 2005). Des cas de cancer du système respiratoire et digestif ont été observés dans cette région. Ces maladies fatales sont liées principalement à la contamination de l’environnement (Dondon et al., 2005).

C’est pourquoi, il y a une attention grandissante de la part des services publics et sanitaires sur les mécanismes de transfert de l’As vers les eaux superficielles, souterraines et la chaîne alimentaire. Aussi, la gestion de telles pollutions passe par la recherche des techniques de décontamination adaptées.

A l’heure actuelle, les techniques de traitement traditionnelles ont un coût environnemental et financier prohibitif. La dernière décennie a vu l’émergence de nouvelles techniques de traitement basées sur l’utilisation de plantes, qui commencent à se développer et sont même déjà utilisées à grande échelle aux États-Unis (Van Der Lelie et al., 2001) ; ces techniques se regroupent sous le terme de « phytoremédiation » (phytoextraction et phytostabilisation notamment). La découverte récente des fougères hyperaccumulatrices d’As Pteris vittata et Pityrogramma calomelanos constitue une étape importante vers le développement de la phytoremédiation des sols pollués par l’As (Francesconi et al., 2002). L’efficacité de la phytoextraction repose sur le double caractère « tolérance » et « accumulation» de quelques espèces dites « phytoaccumulatrices » (Cunningham et al., 1995). Alors que celle de la phytostabilisation réside dans la capacité d’autres espèces à réduire le transfert horizontal (transfert dans le sol) et vertical (transfert de l’élément toxique vers les parties aériennes) du polluant (Cunningham et al., 1995). Cette propriété permet donc de diminuer le risque de contamination de la chaîne alimentaire (Porter et Peterson, 1975; Fitz et Wenzel, 2002 ; Mench et al., 2003). Aujourd’hui, l’enjeu est de proposer de nouvelles candidates à la phytoremédiation des sites pollués par l’As. D’où la nécessité de conduire des études approfondies sur la caractérisation de la tolérance à l’As des espèces végétales différentes de celles déjà étudiées et sur les processus de phytoaccumulation de ce dernier.

En France, la réhabilitation du site de La Combe du Saut par la technique de phytostabilisation a été élaborée dans le cadre de deux programmes européens « Difpolmine » (2000-2006) et « Phytoperf » (2007-2009). Ces programmes supervisés par l’Ademe et ses partenaires (Ecole des Mines de St-Etienne, ICF-IRH, Université Jean Monnet…) visent à tester l’efficacité de cette approche à l’échelle industrielle. De plus, cette stratégie d’étude sur site pollué a été enrichie par un travail de recherche au laboratoire Sciences des Processus Industriels et Naturels de l’Ecole Nationale supérieure des Mines de Saint-Etienne (SPIN-EMSE). Le but est de mieux appréhender les aspects « interactions rhizosphériques » dans le système sol-rhizosphère-plante qui affectent la mobilité de l’As.

L’arsenic dans les sols

Généralités

Protéiforme et remarquablement ubiquitaire, l’arsenic (As) (en latin arsenicum), tirerait son nom du mot grec « ρσηυ », qui signifie « mâle » et « υτχάυ », tuer, vaincre (Dolique, 1968). Cette étymologie se rattacherait alors à d’anciennes d’idées philosophiques faisant état de l’antagonisme des sexes jusque dans le monde minéral : l’As principe actif « mâle » dans le langage des alchimistes, aurait été, par exemple, susceptible de s’unir au cuivre (Cu), principe femelle dédié à Vénus, pour donner un alliage blanc comparable à l’argent (Ag) (Dolique, 1968). Geber (Jabir ibnHaiyan), un alchimiste arabe du huitième siècle, a découvert l’As blanc « l’oxyde d’arsenic (As2O3 ) », en chauffant l’orpiment (As2S3 ) (Nriagu, 2002). Aussi, l’isolation de l’As métallique a été attribuée selon certaines références à Albertus Magnus (1193-1280), un dominicain allemand, qui a chauffé l’orpiment (As2S3 ) avec du savon (Greenwood et Earnshaw, 1990). Au moyen âge, l’As est devenu pratiquement le roi des poisons. Après sa découverte par Geber, l’As, sous forme As2O3 , était le poison homicide idéal de l’époque. Il est inodore, sans saveur, pas cher et fatale à des faibles doses. Les symptômes d’empoisonnement chronique et aigu ressemblent à ceux des maladies naturelles, obscurcissant ainsi les causes réelles de la mort. Dans Pharmacologia, publiée en 1812, John Paris un physicien anglais, a décrit plusieurs cas de cancer chez les ouvriers travaillant dans les fonderies de Cu. Il a attribué l’origine de ces maladies cancéreuses à l’As. Son rapport a attiré l’attention sur l’effet de l’As présent dans les gisements de minerai, sur la santé humaine et sur l’environnement (Nriagu, 2002).

Aujourd’hui, en raison de sa forte toxicité, l’As est au cœur des préoccupations environnementales (Wang et Mulligan, 2006). Plusieurs dizaines de milliers de personnes au Vietnam et au Bangladesh ont été intoxiquées en consommant de l’eau présentant un fort taux d’As (Hudsen-Edwards et al., 2004). L’As est largement présent dans les roches, les sols, les eaux naturelles et à l’état de trace dans toute matière vivante. Sa présence dans l’environnement est d’origine naturelle (volcanisme, altération de la roche mère) et anthropique. Les activités humaines constituent la majorité des apports d’As à l’environnement. Il a été utilisé dans l’industrie et l’agriculture, principalement comme produit phytosanitaire, pour le traitement du bois et dans la verrerie (Laperche et al., 2003).

Production et utilisation

La production mondiale de l’As est estimée à 75 000 tonnes par an, les Etats- unis en utilisent la moitié (Adriano, 2001). Les principaux pays producteurs sont la Suède (10 000 t/an), la France (10 000 t/an) la Russie (8 000 t/an) et le Chili (7 000 t/an) (Greenwood et Earnshaw, 1990). L’As a de très nombreuses applications industrielles : (i) pour traiter le bois, l’As entre dans la composition du CCA Chromated Copper Arsenate, un complexe formé par l’As, le Chrome (Cr) et le Cu, (ii) pour améliorer la résistance des batteries électriques à la corrosion, l’As est mélangé au Pb et à l’antimoine (Sb) et aussi pour augmenter la dureté des alliages du Pb et Cu (iii) il est aussi utilisé comme semi-conducteur par exemple l’arséniure de gallium (AsGa) et comme agent de décoloration dans l’industrie du verre (Greenwood et Earnshaw, 1990 ; Cornu et Gillet, 2006 ).

Les sources de l’As dans l’environnement 

Les sources naturelles 

L’As est un élément présent dans l’environnement, en particulier dans les roches qui renferment plus de 99 % de l’As. Les roches sédimentaires contiennent des teneurs en As plus élevées que les roches ignées. En générale, la teneur moyenne de l’As dans les roches ignées varie de 1,5 à 3,0 mg / kg alors que celle des roches sédimentaires est comprise entre 0,3 et 500 mg / kg. L’As est présent dans plus de 245 minéraux : les arséniates (60 %), les sulfures et sulfosels (20%), les arsénites, les oxydes et l’As à l’état pur (Prohaska et Stingeder, 2005). Dans les sols non contaminés, la concentration moyenne d’As excède rarement 10 mg / kg (Adriano, 2001). En France, grâce aux travaux de prospections minières (en raison de son association avec une large variété des minéraux et de son indication de l’or (Au) et l’argent (Ag) en particulier, de très nombreuses données sur l’abondance de l’As dans les sols sont disponibles, indiquant des concentrations comprises entre 2 mg/kg (fond géochimique) et plus de 1000 mg / kg (anomalies géochimiques : en particulier dans les roches sous-jacentes des zones à sulfures ou sulfoarséniures (arsénopyrite) (Laperche et al., 2003 ; Prohaska et Stingeder, 2005). L’érosion des roches, le lessivage des sols, les réactions d’oxydoréduction et les précipitations entraînent une redistribution de l’As vers les compartiments aquatiques et atmosphériques. D’autres sources naturelles d’émission de l’As dans l’atmosphère sont l’activité volcanique et les feux de forêt (voir annexe III pour plus de détails sur les concentrations de l’As dans les compartiements environnementaux).

Les sources anthropiques 

Les activités humaines qui ont contribué aux apports d’As dans les sols et l’environnement sont issues des industries du secteur primaire et du secteur secondaire. L’As est présent naturellement dans de nombreux gisements de Pb, d’Ag, de cobalt (Co), de zinc (Zn), de Cu et d’Au et peut être libéré lors des processus de grillage et de raffinage des minerais. L’As est ainsi principalement extrait en tant que sous-produit de nombreuses exploitations minières et métallurgiques (mines d’or, fonderies de cuivre,…) (Wang et Mulligan, 2006). On le retrouve également en tant que résidu dans les rejets atmosphériques (fonderies, centrales thermiques) et dans de nombreux déchets miniers (Wang et Mulligan, 2006).  D’autre part, l’As a été utilisé comme matière première dans de nombreuses industries (pesticides, traitement du bois, pharmaceutiques,…). Dans les années 1990, 70 % de l’As est utilisé dans le traitement du bois, 22 % en agriculture (Prohaska et Stingeder, 2005). L’utilisation accrue du CCA dans le traitement du bois est à l’origine des concentrations très importantes dans les sols (Bhattacharya et al., 2007). Récemment, la commission européenne a décidé de restreindre l’utilisation des CCA et de limiter la mise sur le marché et l’emploi de l’As (directive 2003/2/CE, 2003/3/CE, et 2003/11/CE).

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Table des matières

INTRODUCTION INTRODUCTION
CHAPITRE I. LA MOBILISATION DE L’ARSENIC CHAPITRE I. LA MOBILISATION DE L’ARSENIC ISATION DE L’ARSENICDANS LE SYSTEME SOL DANS LE SYSTEME SOL DANS LE SYSTEME SOLRHIZOSPHERE- RHIZOSPHERE-PLANTE
I. L’arsenic dans les sols
I.1. Généralités
I.2. Production et utilisation
I.3. Les sources de l’As dans l’environnement
I.4. La mobilité de l’As dans les sols
I.5. Principaux mécanismes de fixation de l’As dans les sols
II. Les mécanismes de mobilisation de l’As dans la rhizosphère
II.1. La mobilité de l’As associée aux mécanismes d’ « acidification / alkalinisation » de la rhizosphère
II.2. Le potentiel redox
II.2. Interactions plantes -As – P
II.3. L’accumulation de l’As par les plantes : concept « accumulateur –indicateur-excluder »
III. Application dans les Phytotechnologies des traitements de sol
III.1. Rôle des plantes dans la dépollution des sols
Conclusion de l’étude bibliographique
CHAPITRE II TOLERENCE ET ACCUMULATION DE CHAPITRE II TOLERENCE ET ACCUMULATION DE E ET ACCUMULATION DEL’AS CHEZ QUATRE L’AS CHEZ QUATRE ESPECES VEGETALES ESPECES VEGETALES
Abstract
Introduction
Materials and Methods
VMT technique
Soil experimental conditions
Plant analysis
Statistical analysis
Results
The level of As tolerance of the selected species
Arsenic accumulation in shoots and roots
Relationships between As and variables contents (µg) in plants shoots and roots
Discussion
Conclusion
References
CHAPITRE III. ETUDE DE LA SPECIATION MIN CHAPITRE III. ETUDE DE LA SPECIATION MIN DE LA SPECIATION MINERALOGIQUE DE L’AS ERALOGIQUE DE L’AS ERALOGIQUE DE L’AS
I. Origine, échantillonnage et caractérisation physico-chimique des échantillons de sols sélectionnés
I.1. Prélèvements et échantillonnage
I.2. Caractérisation physico-chimique du sol
I.3. Analyse multi-élémentaire du sol et de sa pollution
II. Etude de la spéciation minéralogique de l’As par extraction chimique
III. Etude de la spéciation minéralogique de l’As par la microscopie électronique à balayage (MEB-EDS)
III.1. Procédure de préparation de l’échantillon pour l’analyse minéralogique
III.2. Inclusion de l’échantillon dans la résine
III.3. Microscopie électronique à balayage
DISSOUS DISSOUS
Abstract
Introduction
Materials and Methods
Soil material
Plant material and experimental design
Extraction and analysis of the soil solution
Soil analysis
Plant analysis
Statistical analysis
Results
Changes in rhizosphere solutions during plant growth
Relationships between Arsenic, mineral nutrients (Ca, Mg, NO3- , SO4 2-, Fe), DOC concentrations and pH in rhizosphere and
control solution
Influence of plants on As and P soil bioavailability
Plant As and P uptake
Discussion
Conclusion
References

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