Effet de la taille sur le magnétisme

Les nanoparticules métalliques, ou clusters, se situent à la limite entre le complexe moléculaire et l’état massif. Cette position particulière leur confère un grand intérêt, tant d’un point de vue fondamental que pour les applications. En effet, leur étude permet d’une part de sonder l’évolution de la structure et des propriétés de la matière avec la taille des systèmes, et d’autre part d’exploiter leurs propriétés remarquables au travers de procédés de synthèse ou d’élaboration bien maîtrisés.

Afin de comprendre l’influence de la taille sur les propriétés  qui montre la forte augmentation du rapport surface / volume dans des clusters contenant moins de 400 atomes. Ainsi, dans des petites particules isolées d’un diamètre inférieur à 2nm plus d’un atome sur deux est localisé à la surface, et n’a donc pas l’environnement atomique qu’il possède dans le matériau massif. Ceci engendre des organisations structurales particulières, certaines très éloignées de celles rencontrées dans le matériau massif (icosaèdres, décaèdres…), d’autres plus proches, traduisant cependant un effet de contrainte en surface (contraction des paramètres de maille…). Parallèlement, les propriétés sensibles à la structure électronique sont fortement modifiées et de nouvelles propriétés sont susceptibles d’apparaître. Ainsi, la compréhension des propriétés de particules de très faible dimension dépend intimement de la connaissance de leur organisation atomique. Dans les particules incluant plus de 3000 ou 4000 atomes, l’effet le plus important demeure une forte proportion d’atomes en surface (plus de 20%), proportion qui peut être encore accrue si la particule n’est plus sphérique mais par exemple en bâton. En général, ces particules cristallisent dans la structure du matériau massif, ou tout au moins d’une de ses phases (généralement la plus dense). Leurs propriétés sont également proches de celles du massif, mais le plus souvent très exaltées. C’est bien évidemment le cas pour les propriétés de surface comme la réactivité [1, 2], mais également pour certaines propriétés magnétiques. En effet, l’anisotropie magnétique contient des composantes de surface et de forme qui deviennent extrêmement importantes dans les particules. Enfin, quelle que soit la dimension des particules, leurs propriétés sont généralement améliorées par la combinaison de l’effet de taille avec un effet d’alliage. Par exemple l’alliage CoPt possède une anisotropie magnétique largement supérieure à celles du cobalt. Ce travail est centré sur l’étude de particules magnétiques de cobalt et ses alliages. Nous nous sommes intéressés à l’évolution structurale de particules isolées de CoRh en fonction de leur composition et de leur taille, et en relation avec leur propriétés magnétiques et les conditions de la synthèse. Ce système a été choisi pour étudier la combinaison des effets de taille et d’alliage sur le magnétisme car le rhodium se polarise dans le massif lorsqu’il est allié à un métal ferromagnétique, ainsi que seul lorsqu’il est en très petite taille. Une seconde partie de ce travail a été consacrée à l’étude de particules magnétiques de cobalt et d’alliage CoFe de morphologies et d’assemblage contrôlés pour des applications en microélectronique, dans le cadre d’un partenariat avec la société Motorola. Ces différentes études ont été effectuées en collaboration étroite avec l’équipe de B. Chaudret du Laboratoire de Chimie de Coordination (LCC) de Toulouse où les particules ont été synthétisées par D. Zitoun [3] et F. Dumestre, et avec M. Respaud du Laboratoire de Physique de la Matière Condensée (LPMC) à l’INSA de Toulouse pour l’étude des propriétés magnétiques.

Pour mener à bien ce travail, nous avons mis en œuvre différentes techniques expérimentales et de modélisation. Tous les échantillons ont été étudiés par microscopie électronique en transmission à haute résolution et diffusion des rayons X aux grands angles, techniques remarquablement complémentaires pour l’étude des particules et disponibles au laboratoire. Nous avons également fait appel à des techniques sélectives en élément (EXAFS, EELS et EFTEM) pour étudier plus précisément la répartition chimique dans les particules bi-métalliques. Parallèlement, nous avons développé une étude théorique par Dynamique Moléculaire et Monte Carlo Metropolis pour simuler l’organisation structurale et chimique de particules de CoRh de quelques centaines d’atomes.

Effet de la taille sur le magnétisme

Les métaux magnétiques 3d

Le magnétisme est une des principales propriétés modifiées par l’effet de taille. Ainsi, des métaux magnétiques 3d présentent sous forme de clusters un moment magnétique par atome plus élevé qu’à l’état massif. Par exemple, dans des clusters de cobalt contenant entre 65 et 215 atomes, D. C. Douglass et coll. ont mesuré un moment magnétique interne de 2, 24±0, 14µB/atome au lieu de 1,71 µB/atome pour le cobalt massif [4]. Des mesures similaires portant sur des clusters de fer de 25 à 130 atomes ont donné un moment de 3 µB/atome à une température de 120K. Ce moment magnétique baisse lorsque la taille du cluster augmente, pour atteindre la valeur du massif (2,2 µB/atome) vers 500 atomes [5, 6]. Enfin, des clusters de cobalt de 1,6 nm de diamètre, synthétisés dans des conditions identiques à celles de notre étude, présentent un moment magnétique par atome, 1, 94 ± 0, 04µB, également supérieur à celui du massif [7]. Des études théoriques sont venues appuyer ces résultats expérimentaux. F. Liu et coll., par exemple, ont calculé les densités d’états des métaux 3d magnétiques (Fe, Co, Ni) dans un modèle de liaisons fortes afin de déterminer la relation structure-magnétisme [8]. Ils ont montré que le moment magnétique par atome augmente lorsque le nombre d’atomes magnétiques dans la première sphère de coordination diminue. Ils l’expliquent par la diminution du recouvrement des orbitales atomiques quand la coordination diminue, ceci menant à une densité d’états plus découpée.

Les métaux non magnétiques

L’effet de taille ne fait pas qu’amplifier un magnétisme déjà présent à l’état massif. De récents calculs ont prévu l’apparition d’un ordre magnétique lorsque la taille diminue dans des systèmes de matériaux normalement non magnétiques. Ainsi, des calculs combinant la dynamique moléculaire et l’ab initio utilisant la théorie de la fonctionnelle de la densité (DFT), réalisés sur des clusters de rhodium de moins de 13 atomes ont montré que la plupart présentent un moment magnétique par atome non nul [9, 10]. Par exemple, le cluster de 13 atomes de rhodium devrait posséder un moment magnétique par atome de 1,46 µB. Avec ce même formalisme de la DFT, L. Wang et coll. trouvent des moments par atome de 1,5 et 1,3 µB pour Rh13 de géométrie respectivement cuboctaédrique et icosaédrique [11]. Par contre, en utilisant un modèle de liaisons fortes R. Guirando-Lopez ne trouve qu’un moment de 0,77 µB/atome en moyenne pour Rh13 [12]. Un autre calcul prévoit 1 µB/atome pour ce même cluster [13]. Il y a donc des incertitudes quant à la valeur correcte mais tous ces calculs s’accordent sur le fait que les petits clusters de rhodium sont magnétiques.

L’apparition du magnétisme est également prévue dans d’autres matériaux 4d ou 3d non magnétiques. Ainsi le ruthénium serait magnétique lorsqu’il est sous la forme de clusters de moins de 19 atomes [12]. D’un point de vue expérimental, le magnétisme a été confirmé pour des éléments 3d comme le vanadium et le chrome [14] ainsi que pour certains éléments 4d. Par exemple, l’étude de A. J. Cox et J. G. Louderback [15, 16] sur des clusters de métaux 4d comme le rhodium, le ruthénium et le palladium, a permis de mesurer un moment magnétique de 0,48±0,2 µB pour Rh13. Ce moment diminue fortement lorsque la taille augmente et devient négligeable à partir de 60 atomes. Aucun moment magnétique n’a pu être détecté au cours d’expériences similaires dans les clusters de Ru et Pd.

Effet d’alliage entre un métal magnétique 3d et un métal non magnétique

Des éléments non magnétiques sous forme massive peuvent donc présenter un moment magnétique non nul lorsqu’ils sont en petites tailles. Mais ce n’est pas le seul moyen de les rendre magnétiques. En dehors de l’effet de taille, l’alliage ou le voisinage de ces éléments avec des métaux 3d magnétiques peut induire un magnétisme sur les premiers. Par exemple, sur un substrat magnétique comme le fer, une monocouche de rhodium en épitaxie présente un moment magnétique de 0,82 µB/atome [17]. On retrouve le même effet dans des monocouches de rhodium ou ruthénium sur du cobalt où une polarisation induite a été mesurée [18]. Ce magnétisme est bien dû au substrat et non à l’état de monocouche car sur un substrat non magnétique aucune polarisation n’a été mesurée dans Rh et Ru, alors qu’elle était pourtant prévue [19, 20, 21]. D’après des calculs dans le formalisme DFT avec polarisation en spin, des particules de rhodium dans une matrice de nickel seraient elles aussi magnétiques jusqu’à une taille de 43 atomes [22, 23]. Les clusters de 13 et 19 atomes de Rh dans le Ni possèdent des moments magnétiques plus faibles que les clusters libres de même taille, par contre, le cluster de 43 atomes qui libre est non magnétique reste encore ferromagnétique dans la matrice de nickel. Une association plus intime de ces deux types de métaux provoque également une aimantation induite. Des impuretés de fer dans du palladium induisent une polarisation de spin sur environ 5 nm d’étendue dans le palladium [24]. Dans l’alliage CoRh massif, des calculs avec le modèle de liaisons fortes par G. Moraitis et coll. [25] et des mesures expérimentales de dichroïsme magnétique par G. R. Harp et coll. [26] ont prouvé que le rhodium porte un moment magnétique non nul. Les valeurs théoriques d’une structure ordonnée hexagonale de Co3Rh1 (µCo = 1, 50µB, µRh = 0, 51µB) sont en bon accord avec les valeurs expérimentales de la composition Co77Rh23 (µCo = 1, 34µB, µRh = 0, 64µB).

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Table des matières

Introduction
1 Les effets de taille
1.1 Effet de la taille sur le magnétisme
1.1.1 Les métaux magnétiques 3d
1.1.2 Les métaux non magnétiques
1.1.3 Effet d’alliage entre un métal magnétique 3d et un métal non magnétique
1.1.4 Les applications possibles en magnétisme : intérêt des assemblages
1.2 L’organisation structurale des particules
1.2.1 Les empilements de sphères dures dans les structures périodiques
1.2.2 Les empilements de sphères dures non périodiques
1.2.3 Observation expérimentale de structures en couches
1.2.4 Stabilité des structures idéales et relaxées
1.2.5 Cas des bi-métalliques : règles de ségrégation
1.3 Les matériaux étudiés
1.3.1 Le cobalt en petites tailles
1.3.2Le rhodium en petites tailles
1.3.3 Le ruthénium en petites tailles
1.3.4 Les alliages cobalt-rhodium et cobalt-ruthénium
1.3.5 Le fer en petite taille
1.3.6 Les alliages Cobalt-Fer
1.4 Interdépendance structure – propriétés – synthèse
2 Les voies de synthèse
2.1 Principales méthodes d’élaboration de nanoparticules
2 .1.1 Les méthodes physiques
2 .1.2 Les voies chimiques
2 .1.3 Le contrôle de la morphologie
2 .1.4 L’assemblage
2.2 La méthode utilisée dans cette étude : décomposition de précurseurs
2 .2 .1 Conditions générales de synthèse
2 .2 .2 Les précurseurs
2.2.3 Les agents stabilisants
2 .2 .4 La cinétique de la réaction
2 .2 .5 Les post-traitements
3 Etude structurale : outils expérimentaux et théoriques
3.1 Les techniques d’analyse structurale
3.1.1 La microscopie électronique en transmission à haute résolution (MEHR / HRTEM)
3.1.2La diffusion des rayons X aux grands angles (WAXS)
3.1.3 Les techniques d’analyse chimique
3.2 Les méthodes de calcul numérique
3.2.1 Le potentiel à N-corps utilisé
3.2 .2 La dynamique moléculaire
3.2 .3 La méthode de Monte Carlo Metropolis
Conclusion

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