Écoulement autour d’une sphère

En 1687, Isaac Newton remarquait déjà l’effet de la rotation des balles de tennis sur leurs trajectoires [1]. En dressant une analogie entre ces trajectoires et celles des rayons lumineux traversant un prisme, il tente de comprendre le comportement de ces derniers :

« Then I began to suspect, whether the Rays, after their trajection on thought the Prisme, did not move in curves lines, and according to their more or less curvity tend to divers parts of the wall. And it increased my suspition, when I remembered that I had often seen a Tennis ball, struck with an oblique Racket, describe such a curve line. »

Les analogies jouent un rôle fondamental en science. Comment toucher du doigt la notion d’ondes électromagnétiques si ce n’est en passant une journée à jouer à former des vagues à la surface de l’eau ? Les étudiants n’abordent t-ils pas encore aujourd’hui la mécanique quantique avec le modèle Bohr de l’atome inspiré du système solaire ? N’est ce pas dans un ascenseur que Albert Einstein vulgarise sa théorie de la relativité ? En s’appuyant sur le monde visible, les analogies nous permettent de comprendre l’invisible. Conscient de la puissance des analogies, Denis Diderot en fait un des trois moyens de la compréhension humaine :

« Ce que l’esprit comprend, il le comprend par assimilation, ou par comparaison, ou par analogie. »

Par ailleurs, le monde des analogies offre une poésie sans pareil. L’eau chaude cherche son chemin à travers le café moulu tel un éclair dans l’atmosphère (cf. figure 2-(a)). La surface d’un ballon de baudruche contient à lui seul un univers en expansion (cf. figure 2-(b)). Et deux gouttes de liquide à la surface d’un bain vibré verticalement deviennent les nouveaux constituants élémentaires de la matière (cf. figure 2-(c)). C’est dans ce contexte que s’inscrit la physique du sport, qui est le cadre de cette thèse. Le sport nous entoure et exerce sur nous une fascination certaine. Qui n’a jamais été surpris par une frappe enroulée au football ? Un service flottant au volleyball ? Un homerun au baseball ? Ou un coup slicé au tennis ? Nous souhaitons que la compréhension de la physique du sport ouvre la voie à de nombreuses analogies permettant à tout un chacun de s’approprier les notions de physique les plus complexes [4, 5, 6]. La physique du sport est un domaine excessivement large. Elle s’intéresse aussi bien à comprendre le fonctionnement du muscle que l’impact d’une balle sur le sol. Ce travail se concentre sur l’étude des trajectoires des balles de sport. Ces projectiles évoluent à grande vitesse dans l’air. Ce fluide s’écoule autour de la balle lors de son déplacement ce qui produit en retour des effets sur la trajectoire de la balle. C’est de ces derniers dont il sera question dans cette thèse. Le ballon de sport est l’objet visible qui va nous permettre de comprendre le comportement invisible de l’air qui l’entoure. Cette étude s’inscrit dans le cadre plus général des trajectoires de particules denses à hauts nombres de Reynolds.

Écoulement autour d’une sphère 

La sphère, de par sa symétrie centrale et son isomorphisme avec le soleil, est un objet qui a toujours fasciné l’homme. Des exemples de cette fascination peuvent être trouvés dans la culture précolombienne. Ces civilisations taillaient des boules de pierre de plus de deux mètres de diamètre et les utilisaient pour marquer leurs frontières (cf. figure 1.1-(a)). C’est en Mésoamérique que l’on trouve les premières traces de jeu de balle datant du second millénaire avant J.C. (cf. figure 1.1-(b) et 1.1 (c)) [7]. Bien qu’il existe de nombreuses variantes du jeu d’Ulama, celui-ci opposait généralement deux équipes sur un terrain en forme de H. Son principe consistait à se renvoyer une petite balle de caoutchouc à l’aide des hanches et des genoux. La pratique de ce jeu possédait une forte valeur spirituelle : la trajectoire de la balle, représentant la course du soleil, ne devait jamais être interrompue et le jeu pouvait s’achever par le sacrifice de l’équipe gagnante (ce qui était alors un honneur !). De nos jours la forme sphérique n’a pas perdu de son attrait et est particulièrement présente dans le sport. Un grand nombre de disciplines sportives se pratiquent en effet avec une balle ronde. Les sports où la balle ne possède pas la symétrie sphérique comme le rugby ou le badminton, sont relativement rares en comparaison des autres (football, handball, basketball, pétanque, etc…).

Les balles de sport sont pour la plupart lancées dans l’air. Ces projectiles se déplacent dans ce fluide à des vitesses très élevées : jusqu’à 222 km/h pour un ballon de foot (Ronny Herberson en 2006) ou 328 km/h pour une balle de golf (Jason Zuback en 2007) [8]. Afin de décrire la trajectoire de ces balles nous rappelons dans ce premier chapitre les éléments essentiels d’aérodynamique des sphères. Les vitesses des balles de sport étant petites devant celle de la vitesse du son dans ce milieu (c = 1224 km/h), ces rappels seront conduits dans la limite incompressible.

Description qualitative

Position du problème

En 1903, Gustave Eiffel entreprend les premières recherches expérimentales sur la résistance de l’air. Soucieux de justifier l’intérêt scientifique de sa tour, il conçoit un appareil de chute mettant à profit les 115 mètres de hauteur de la plateforme du premier étage pour étudier la résistance des corps [9]. Ces travaux le mènent à construire le « Laboratoire du Champs de Mars » où sera installée la première soufflerie destinée à l’étude de l’aérodynamique. Ce dispositif sera amélioré lors du déménagement du laboratoire de Gustave Eiffel à Auteuil en 1912 [10]. Ce montage lui permet d’étudier en détail l’écoulement d’air autour d’une sphère.

La production de lignes de fumée blanche en amont de la sphère dans l’expérience précédente permet de révéler la trajectoire des particules d’air autour de cet objet. Loin en amont, les particules avancent en ligne droite. Au niveau de la sphère, les lignes se resserrent sans se mélanger. Les particules d’air qui passent suffisamment loin de la sphère retrouvent ensuite une trajectoire rectiligne. À l’inverse, celles qui passent près produisent un nuage trouble en aval. Ce comportement est très différent de celui qu’on observe sur la figure 1.2-(b). Dans ce cas, la sphère est plongée dans un fluide visqueux s’écoulant à faible vitesse. Il existe alors une symétrie entre l’amont et l’aval de la sphère. L’écoulement d’un fluide autour d’une sphère est un problème classique de mécanique des fluides [12, 13, 14]. On se propose ici de résumer les grandes étapes de cette étude.

Sillage tourbillonnaire 

Le sillage peut également être mis en évidence expérimentalement à l’aide de fines particules solides. Ces particules sont disséminées dans le fluide de manière à être entraînées par l’écoulement. La réalisation d’un cliché au temps de pose allongé et sous un éclairage en nappe fera apparaître la trajectoire eulérienne des particules fluides. Ce procédé a été utilisé par Sumoto Taneda en 1956 pour visualiser l’écoulement en amont d’une sphère de 19,8 cm de diamètre [11].

Ce cliché se focalise sur l’écoulement en aval d’une sphère pour un nombre de Reynolds égal à 118. L’éclairage en nappe révèle l’existence de deux tourbillons. Cette zone de recirculation possède une symétrie axiale par rapport à l’axe ex (défini à la figure 1.3) qui lui donne la structure d’anneau tourbillonnaire. La brisure de symétrie amont/aval de l’écoulement autour d’une sphère intervient au delà d’un nombre de Reynolds critique de 25. À partir de ce seuil, la zone de recirculation grandit avec l’accroissement du nombre de Reynolds et atteint rapidement une taille comparable à celle de la sphère.

Jusqu’à des nombres de Reynolds de 210, la bulle de recirculation reste stationnaire et conserve la symétrie axiale. Lorsque 210 < Re < 270, cette dernière est perdue et il se forme deux zones tourbillonnaires de force égale et de sens opposé [17]. La symétrie du sillage de la sphère n’est alors plus que planaire. En poursuivant l’augmentation du nombre de Reynolds, l’écoulement perd son caractère stationnaire. Lorsque celui-ci dépasse la valeur seuil de 270 ∼ 300, on observe l’émission alternée de structures tourbillonnaires dans l’écoulement. Ces alternances sont produites par le cisaillement de la couche limite présente à la surface de la sphère. Elles confèrent au sillage de la sphère la forme d’un « peigne à cheveux » comme l’ont mis en évidence Sakamoto et Hainu.

Une transition supplémentaire se produit pour des nombres de Reynolds supérieurs à 800. Elle correspond à l’émission axisymétrique de tubes de vorticité dans le sillage de la sphère. Ce phénomène est produit à petite échelle par une instabilité de type KelvinHelmoltz à l’interface entre la zone de recirculation et le fluide extérieur [19]. Le sillage de la sphère est alors constitué par deux modes dominants qui vont coexister jusqu’à des Reynolds de 1,5 × 10⁴ au-delà de quoi seul le mode de plus basse fréquence persiste (c’est-à-dire l’émission tourbillonnaire).

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Table des matières

Introduction
1 Écoulement autour d’une sphère
1.1 Description qualitative
1.1.1 Position du problème
1.1.2 Écoulement potentiel
1.1.3 Couche limite
1.1.4 Sillage tourbillonnaire
1.1.5 Transition vers la turbulence
1.2 Force de traînée sur une sphère
1.2.1 Coefficient de traînée en fonction du Reynolds
1.2.2 La crise de traînée
1.2.3 Effet de la rugosité de la surface
1.3 Force de portance sur une sphère
1.3.1 Composante continue
1.3.2 Émission de structures dans le sillage d’une sphère
1.3.3 Force de portance non stationnaire
1.3.4 Effet Robins-Magnus
2 Le mur aérodynamique
2.1 Balistique sportive : approche qualitative
2.1.1 Observations expérimentales
2.1.2 Équation du mouvement
2.1.3 Discussion qualitative
2.2 Balistique sportive : approche quantitative
2.2.1 Le volant de badminton
2.2.2 Trajectoire expérimentale
2.2.3 Portée expérimentale
2.3 Analyse théorique de la trajectoire
2.3.1 Une solution analytique exacte
2.3.2 Position du mur
2.3.3 Expression de la portée
2.3.4 Expression de la hauteur
2.3.5 Angle optimal de tir
2.3.6 Comparaison aux autres théories
2.3.7 Validité de l’expression de la portée
2.4 Les trajectoires de type « Tartaglia »
2.4.1 Lances à incendie
2.4.2 Portée des canons
3 Le terrain de sport enmuré
3.1 Sur la taille des terrains
3.1.1 Vitesses terminales des balles de sport
3.1.2 Portée maximale et taille des terrains
3.1.3 Implications stratégiques et techniques
3.2 Dégagements au football
3.2.1 Trajectoires expérimentales
3.2.2 Équation de la dynamique
3.2.3 Discussion sur la portée
3.2.4 Critère pour négliger l’effet de la rotation
3.3 Jeu long au badminton
3.3.1 Différence entre le volant en plume et en plastique
3.3.2 Effet des conditions atmosphériques
3.3.3 Effet de la rotation du volant
4 Mouvement vertical non rectiligne
4.1 Observations de zigzags verticaux
4.1.1 Mouvements ascendants d’objets sphériques
4.1.2 Chutes de billes dans l’eau
4.1.3 Chutes de balles dans l’air
4.2 Résultats expérimentaux
4.2.1 Caractérisation d’un zigzag
4.2.2 Résultats
4.3 Description théorique
4.3.1 Mouvement vertical
4.3.2 Mouvement transversal
4.3.3 Résolution numérique
5 Trajectoires flottantes
5.1 Expériences de déviation à l’Est
5.1.1 Résultats historiques
5.1.2 Comparaison avec la théorie
5.1.3 Conditions d’observation de la déviation vers l’est
5.2 Sur un terrain de sport
5.2.1 Observations de trajectoires flottantes
5.2.2 Production de trajectoires flottantes
5.2.3 Trajectoires numériques
5.3 Un phénomène rare
5.3.1 Distance d’observation
5.3.2 Vitesse de la balle
5.3.3 Rotation de la balle
Conclusion

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