Ecologie de l’Érismature à tête blanche Oxyura leucocephala

Les zones humides sont des habitats uniques abritant diverses espèces animales et végétales adaptées aux régimes et à la dynamique de l’eau. Les oiseaux d’eau ont longtemps attiré l’attention du public et des scientifiques en raison de leur beauté, de leur abondance, de la facilité à les observer, de leur comportement, ainsi que pour leur importance économique. Récemment, ils sont devenus d’intérêt en tant qu’indicateurs de la qualité des zones humides, et en tant que paramètres de mesures de succès de la restauration et de la biodiversité régionale. L’avifaune de l’Algérie est relativement bien connue, en raison des données recueillies par des ornithologues au cours des deux derniers siècles (notamment Heim de Balsac & Mayaud 1962 ; Ledant et al., 1981 ; Isenmann & Moali 2000). Il reste cependant d’importantes lacunes dans la connaissance des oiseaux : statut, distribution, mouvements saisonniers et utilisation des habitats, en particulier pour les oiseaux d’eau.

L’Algérie abrite une grande diversité de zones humides qui sont d’important sites d’hivernage et de halte migratoire pendant la migration des oiseaux du Paléarctique (Stevenson et al., 1988 ; Coulthard 2001; Boulkhssaïm et al., 2006; Samraoui & Samraoui 2008). L’Algérie comprend également d’important sites de reproduction de plusieurs espèces rares, en voie de disparition ou restreintes à un biome limité comme le Goéland d’Audouin Larus audouinii, l’Érismature à tête blanche Oxyura leucocephala, le Fuligule nyroca Aythya nyroca, la Sarcelle marbrée Marmaronetta angustirostris et le Faucon d’Éléonore Falco eleonorae (Spaans et al., 1976 ; Jacob & Jacob 1980). Cependant, l’absence de données sur la répartition, l’écologie de reproduction et la tendance des populations ont rendu difficile l’élaboration de conclusions sur l’état de conservation de certaines espèces ainsi que la rédaction de plans d’action pour les espèces menacées par la pression humaine sur les zones humides algériennes.

Le programme relatif aux zones importantes pour les oiseaux (Important Bird Areas ̏ IBA˝) en Afrique, débuté en 1993, a identifié 31 IBA en Algérie, dont 22 sont des zones humides (Coulthard 2001). Ce programme est une initiative de Birdlife International visant à l’identification et à la protection d’un réseau des sites critiques pour la conservation des oiseaux du monde (Fishpool & Evans 2001). Le premier critère pour classer un site comme IBA est la présence sur le site d’espèces d’intérêt mondial pour la conservation comme l’Érismature à tête blanche Oxyura leucocephala, le Fuligule nyroca Aythya nyroca, la Sarcelle marbrée Marmaronetta angustirostris, etc. Samraoui (2008) a identifié d’autres zones humides qui renferment des critères IBA dont la mare Boussedra qui n’était pas décrite auparavant comme IBA. La mare abrite de nombreuses espèces dont certaines classées sur la liste rouge comme l’Erismature à tête blanche Oxyura leucocephala, le Fuligule nyroca Aythya nyroca, la Poule sultane Porphyrio porphyrio et la Sarcelle marbrée Marmaronetta angustirostris.

L’Érismature à tête blanche Oxyura leucocephala est le seul Érismature (Oxyurini) indigène du Paléarctique. L’espèce est menacée d’extinction à l’échelle mondiale, classée « En danger » par l’UICN (Groombridge 1993) et Birdlife International (2004). Elle figure également dans la directive de l’Union européenne sur la conservation des oiseaux sauvages (Bird Directive), la convention de Bern, la convention de Bonn et la convention CITES (Convention on International Trade in Endangered Species). La population mondiale de l’Érismature à tête blanche était probablement de plus de 100 000 individus au début du 20ème siècle, pour tomber à environ 20 000 individus en 1996 (Green & Hunter 1996). Depuis cette dernière estimation, les effectifs ont probablement diminué à environ 8 000-13 000 individus (Li & Mundkur 2003). Les causes principales de son déclin sont la destruction de son habitat préférentiel ainsi que l’introduction vers la fin des années 1970 d’une espèce voisine d’origine néarctique et néo-tropicale, l’Érismature rousse Oxyura jamaicensis. Les plus grandes menaces à long terme pour la survie de l’espèce sont la concurrence et l’hybridation avec cette dernière (Green & Hughes 1996 ; Hughes et al., 2004; Muñoz-Fuentes et al., 2007). Le changement climatique est peut être la cause des sécheresses de nombreux lacs d’Asie centrale ce qui peut être une grande menace sur la survie de l’espèce. (Hughes 1999 ; Li & Mundkur 2003 ). La diversité génétique de la population de l’Europe occidentale est faible (Muñoz-Fuentez et al., 2005) en raison de l’étranglement pendant les années 1970 et au début des années 1980, lorsque seuls quelques dizaines d’individus restaient à l’état sauvage (Johnsgard & Carbonell 1996 ; MuñozFuentez et al., 2005). Cela peut avoir réduit le potentiel d’adaptation des populations, les rendant moins aptes à résister aux changements de l’environnement (Muñoz-Fuentez et al., 2005). D’autres menaces comprennent la noyade dans des filets de pêche, la chasse et l’ingestion de plomb (Green et al., 1996 ; Criado 1999 ; Mateo et al., 2001 ; Ali & Akhtar 2005).

L’Algérie compte parmi les pays qui renferment un effectif significatif d’Erismature à tête blanche. Au XIXe siècle, elle y était une espèce très commune (Heim de Balsac & Mayaud 1962 ; Isenmann & Moali 2000). En 1847, Malherbe la note en grand nombre, particulièrement dans la province de Bône (ancien nom d’Annaba) et cite plus particulièrement le lac Fetzara. Selon Samraoui (2008), l’Érismature à tête blanche Oxyura leucocephala fréquente le Lac Oubeïra, le Lac Tonga, le Lac des oiseaux, le Fetzara, Hadj Tahar, Timerganine, (Guerbes-Senhadja) (sites Ramsar), Salines, Boussedra, Dayet Morcelly, Boulehilet, Tazougart, le réservoir de Bougrara (non protégés). Pendant deux années (2012 et 2013), et après plusieurs sorties de prospection dans les zones humides du nord-est algérien, il a été montré que le Lac Tonga, Fetzara et la mare Boussedra abritaient des effectifs plus importants d’Érismature à tête blanche par rapport aux autre zones humides. Étant donnée la superficie du Lac Fetzara et son accès difficile, l’écologie de l’espèce n’a été étudiée que dans le Lac Tonga et la mare Boussedra. Rien n’était connu sur l’écologie de l’Érismature à tête blanche sur la mare Boussedra avant cette étude. En raison de changements majeurs, Samraoui (2008) estime que les menaces sont élevées sur la mare.

Sites d’études

Cette partie est consacrée à la présentation des sites d’études : le Lac Tonga et la mare Boussedra.

Le Lac Tonga

Localisation du Lac Tonga 

Le Lac Tonga est situé dans le Parc National d’El-Kala (PNEK) à l’extrême Nord-Est de l’Algérie. Ses coordonnées géographiques sont comprises entre 36°53’ de latitude N et 08°31’ de longitude E. Il est distant d’environ 3 km de la frontière Algéro-Tunisienne à l’Est, à l’Ouest d’environ 80km des complexes industriels d’Annaba et à 3km à vol d’oiseau de la mer (Figure 01, 02 et 03). Le lac Tonga couvre une superficie totale d’environ 2 600 ha. C’est un marais d’eau douce communiquant avec la mer par le chenal artificiel de la Messida.

Délimitation

Le lac Tonga s’étend sur 7,5 km de long et 4 km de large. Il est limité sur toute sa partie Ouest, Sud et Est par les derniers contreforts des montagnes de la Kroumirie, au Nord-Ouest par les collines gréseuses qui le séparent du lac Oubeira et au Nord par le cordon dunaire littoral qui le sépare de la mer Méditerranée .

Géologie

D’après la carte géologique de Joleaud (1936), les différentes formations géologiques rencontrées dans le bassin du lac Tonga sont  :

1- Les alluvions lacustres couvertes d’eau l’hiver, formées d’argiles ;
2- Les alluvions limoneuses au fond des vallées du Pléistocène, formées de sable et limon ;
3- Les grés à hélices qui, par désagrégation, ont donné les dunes ;
4- Les formations du Pontien qui présentent deux faciès d’argiles sableuses grises, jaunes ou rouges ; des conglomérats et sables rouges ou jaunes à Archaelix solignaci et des argiles marneuses, salifères et argiles rouges gypseuses. Dans le bassin du lac Tonga c’est le premier faciès qui domine ;
5- Les grés de Numidie, quartzeux, souvent blanchâtres, parfois assez friables, transgressifs sur les argiles de Numidie et formant des reliefs durs. Ils recouvrent 33 % de la superficie du bassin versant ;
6- Les marnes argilo-schisteuses de couleurs variées avec intercalation de petits bancs de grés quartziteux développés surtout sur les pentes des vallées et groupées sous le nom d’argiles de Numidie ;
7- Les argiles, grés et calcaires noirs à nummulites de l’Éocène moyen.

Creusée dans les argiles de l’Éocène supérieur, la cuvette du lac Tonga, de même que celle du lac Oubeira, offre l’originalité d’être complètement fermée ce qui lui confère un fonctionnement à écoulement endoréique total, phénomène rare dans l’Atlas Tellien où l’exoréisme est de règle. Son fond argileux assure son imperméabilité.

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Table des matières

Introduction
CHAPITRE 1 : Matériel et méthodes
1. Sites d’études
1.1. Le Lac Tonga
1.1.1. Localisation du Lac Tonga
1.1.2. Délimitation
1.1.3. Géologie
1.1.4. Pédologie
1.1.5. Hydrologie, profondeur et volume
1.1.6. Etude climatique du Lac Tonga
1.1.7. Flore
1.1.8. Avifaune
1.1.9. Entomofaune
1.1.10. Amphibiens et herpétofaune
1.1.11. Ichtyofaune
1.1.12. Mammifères
1.2. La mare Boussedra
1.2.1. Description de la mare Boussedra
1.2.2. Etude climatique de la mare Boussedra
1.2.3. Flore
1.2.4. Avifaune
2. Description du modèle biologique, l’Érismature à tête blanche
2.1. Systématique
2.2. Identification
2.3. Chant
2.4. Biométrie
2.5. Comportement
2.6. Vol
2.7. Habitat
2.8. Régime alimentaire
2.9. Nidification
2.10. Aire de distribution
2.11. Population
2.12. Menaces
2.13. Mesures de conservation
3. Matériel et Méthodes
3.1. Dénombrement
3.2. Occupation spatiale
3.3. Stations d’observation utilisées pour le dénombrement
3.3.1. Station d’observation au Lac Tonga
3.3.2. Station d’observation de la mare Boussedra
3.4. Etude des rythmes d’activités diurnes de l’Érismature à tête blanche
3.4.1. Méthodes d’échantillonnage
3.4.2. Stations d’observation utilisées pour le suivi du rythme d’activité de l’Érismature à tête blanche au Lac Tonga
3.5. Reproduction
3.5.1. Localisation des nids
3.5.2. Phénologie de reproduction
2.5.3. Ecologie de la reproduction
3.5.4. Parasitisme conspécifique (conspecific brood parasitism) et parasitisme inter-spécifique (brood parasitism)
3.5.5. Prédation
3.6. Traitement statistique
Chapitre 2 : Population, phénologie et distribution spatiale sur le site
1. Population, phénologie et distribution spatiale sur le site
1.1.Evolution spatio-temporelle des effectifs de l’Érismature à tête blanche Oxyura leucocephala au Lac Tonga
1.2. Evolution spatio-temporelle des effectifs de l’Érismature à tête blanche Oxyura leucocephala sur la mare Boussedra
2. Discussion
Chapitre 3 : Rythme d’activités
1. Etude du rythme d’activités diurnes de l’Érismature à tête blanche Oxyura leucocephala au Lac Tonga
1.2. Les différentes activités diurnes
1.2. Variation mensuelle du rythme des activités diurnes
1.3. Variation journalière du rythme des activités diurnes
1.4. Analyse statistique multivariée
2. Discussion
Chapitre 4 : Phénologie et écologie de la reproduction
1. Phénologie et écologie de la reproduction chez l’Érismature à tête blanche sur le Lac Tonga et la mare Boussedra
1.1. Phénologie de reproduction
1.1.1. Date et période de ponte
1.1.2. Taille de ponte
1.1.3. Caractéristique des œufs
1.1.4. Biométrie des canetons
1.1.5. Succès à l’éclosion
1.1.6. Succès de la reproduction
1.2. Ecologie de la reproduction
1.2.1. Caractéristiques des nids et des sites des nids
1.3. Facteurs d’échecs de la reproduction
1.4. Parasitisme conspécifique et parasitisme inter-spécifique
2. Discussion
Conclusion
Réumés

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