Ecologie alimentaire et variations environnementales

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Perception de la variabilité environnementale et Recherche en Zone Res-treinte

L’etude des strategies comportementales consiste, en partie, a comprendre dans quelles mesures les variations des conditions environnementales, notamment les fluctuations spatio-temporelles des ressources, influencent les comportements et les performances d’acquisition de ces ressources. Les conditions environnementales presentent en effet d’importantes varia-tions, dans le temps et l’espace, qui influencent directement la distribution, l’abondance et, par consequent,´ la disponibilite´ des ressources [Stenseth et al., 2002]. Depuis les annees´ 1970, l’etude´ des comportements de recherche et d’alimentation (“foraging ecology”) s’est developp´ee´ en integrant´ explicitement cette variabilite´ du milieu [Charnov, 1976]. Comparees´ a` la taille des predateurs,´ leurs ressources alimentaires sont consider´ees´ comme gen´eralement´ peu mobiles et dispersees´ de fac¸on het´erog´ene` dans l’environnement. La distribution des ressources en milieu naturel n’est en effet pas uniforme : elle varie dans les dimensions spatiale et temporelle [Kotliar and Wiens, 1990]. Gen´eralement´ la distribution des proies est conceptualisee´ en agregats´ (ou “patch”) de tailles et de densites´ variables. Ces patchs sont des zones, delimit´ees´ dans l’espace, contenant une quantite´ finie de ressources au sein d’un environnement plus pauvre [Cezilly´ and Benhamou, 1996]. On peut conceptualiser cette het´erog´en´eit´e´ comme une structure hierarchis´ee´ avec differents´ niveaux d’agregats´ imbriques´ ou` la variabilite´ et la stochasticite´ de l’abondance des ressources augmentent a` mesure que l’on tend vers les echelles´ spatio-temporelles fines [Levin, 1992, Fauchald et al., 2000]. Cette distribution s’organise en, au moins, deux grandes echelles´ : les ressources sont aggreg´es´ en patchs qui sont eux-memesˆ distribues´ aleatoirement´ (ou
reguli´erement)` dans l’espace [Wiens, 1989, Beecham and D., 1998, Fauchald, 1999]. Dans cet environnement montrant une structure spatiale tres` hierarchis´ee,´ les predateurs´ ne perc¸oivent et ne reagissent´ a` ce morcellement qu’a` certains niveaux uniquement [Kotliar and Wiens, 1990, Fauchald, 1999]. Les individus estiment la densite´ de leurs proies entre la previsibilit´e´ aux larges echelles´ et la stochasticite´ aux fines echelles´ pour optimiser leurs captures [Fauchald, 1999, Fauchald et al., 2000]. A` l’echelle´ locale, l’ajustement de leur comportement repose ainsi sur la perception directe des proies alors qu’a` plus grande echelle,´ il repose sur la percep-tion d’indicateurs environnementaux, physiques ou biologiques, de la presence´ en proies. En consequence,´ les predateurs´ ajustent continuellement leur comportement de recherche alimen-taire a` l’het´erog´en´eit´e´ de leur environnement, ce qui conditionne au final leur succes` d’alimen-tation.
Dans une zone riche en proies, on s’attend ainsi a` ce qu’un predateur´ adapte son comporte-ment de recherche en diminuant sa vitesse de deplacement´ et en augmentant la sinuosite´ de son trajet. Le predateur´ pourrait alors augmenter son taux de capture par l’exploitation spatiale de cette zone de ressources [Knoppien and Reddingius, 1985]. Il s’agit d’une strategie´ de type “re-cherche en zone restreinte” (“Area-Restricted Search” dont l’abbreviation´ est ARS) ou,` sachant l’agregation´ de la ressource, la probabilite´ de detection´ d’une proie par le predateur´ augmente quand celui-ci vient juste d’en capturer une [Banks, 1957, Smith, 1974a,b]. La variabilite´ dans les caracteristiques´ du mouvement (vitesse et sinuosite)´ est supposee´ correspondre a` une variabi-lite´ dans le comportement de recherche alimentaire [Knoppien and Reddingius, 1985]. Lorsque l’animal presente´ un deplacement´ de type recherche en zone restreinte, le comportement du predateur´ sera interpret´e´ comme de la “recherche active” (ou foraging intensif ) c’est-a`-dire un moment ou` l’animal reduit´ sa vitesse de deplacement´ et augmente la sinuosite´ de son trajet pour exploiter au mieux la zone dans laquelle il se trouve [Turchin, 1998]. Inversement, le “tran-sit” (ou “foraging extensif ” correspond a` un comportement ou` l’animal presente´ une vitesse de deplacement´ plus importante et un trajet plus lineaire,´ il sera alors consider´e´ que l’animal est plutotˆ en deplacement´ rapide d’une zone alimentaire a` une autre. Les comportements ali-mentaires sont ainsi directement en relation avec les parametres` de deplacement´ des predateurs´. L’etude´ des echelles´ spatio-temporelles du comportement alimentaire est basee´ sur l’ajustement des mouvements individuels de l’animal, celui-ci reagissant´ aux zones ou` les ressources sont plus abondantes.

Methodologie´ de la detection´ de la recherche en zone restreinte

La detection´ de la recherche en zone restreinte s’effectue principalement par l’analyse des changements de mouvement et de comportement le long des trajets de predateurs´. Bien que les premieres` analyses de mouvement aient portees´ sur des especes` terrestres [Parker and Stuart, 1976], les difficultes´ d’observation des predateurs´ marins ont rapidement rendu indispensables les analyses de trajet en ecologie´ marine. En milieu naturel, determiner´ le comportement de ces predateurs,´ parfois tres` cryptiques, repose essentiellement sur des informations indirectes telles qu’une succession de mouvements le long d’un trajet en mer. Ces dernieres` annees,´ un grand nombre de methodes´ d’analyse ont et´e´ developp´ees´ dans cette optique (Fauchald and Tveraa [2003], Jonsen et al. [2007], Tremblay et al. [2007], entre autres). On distingue deux approches principales parmi ces differentes´ methodes´ : les methodes´ descriptives et les modeles` statistiques comportementaux, dits de processus (“process-based models”).

Methodes´ descriptives

Dans le contexte de la recherche en zone restreinte, des descripteurs empiriques, tels que la longueur de pas ou la vitesse de deplacement´ du predateur,´ jouent un roleˆ essentiel dans la detection´ des zones d’approvisionnement [Benhamou and Bovet, 1989]. Si l’on considere` un predateur´ plongeur, le nombre de plongees´ realis´ees´ par kilometre` parcouru represente´ egalement´ un bon indicateur de l’intensite´ de la recherche alimentaire : plus le nombre de plongees´ par ki-lometre` est important et plus la recherche du predateur,´ dans la zone, est intense [Dragon et al., 2010]. Il a egalement´ et´e´ montre´ que la proportion du temps passee´ au fond d’une plongee´ cor-respondait a` un autre bon indicateur de l’activite´ de recherche alimentaire chez plusieurs especes` de predateurs´ plongeurs. Ces predateurs´ passent plus de temps au fond de leurs plongees´ lors-qu’ils rencontrent des conditions favorables d’alimentation (el´ephant´ de mer Mirounga leonina : Boyd and Arnbom [1991] ; cachalot Physeter macrocephalus : Miller et al. [2004] ; phoque gris Halichoerus grypus : Austin et al. [2006] ; lion de mer australien Neophoca cinerea : Fowler et al. [2006]). Enfin, la profondeur maximale de plongee´ peut egalement´ fournir des indications sur le budget energ´etique´ de l’animal : plus cet animal plonge profond dans la colonne d’eau et plus l’acces` aux ressources lui couteˆ d’un point de vue energ´etique´ et donc moins il pourra passer de temps au fond de sa plongee´ [Le Boeuf, 1994]. Les residus´ positifs d’une regression´ multiple (temps passe´ au fond en fonction de la profondeur maximale de plongee´ et de la duree´ de la plongee)´ correspondent egalement´ a` une duree´ passee´ au fond de la plongee´ plus longue qu’attendue, par rapport a` la profondeur maximale de la plongee´ et a` sa duree´ [Bailleul et al., 2007b]. Ainsi, de forts residus´ positifs du temps passe´ au fond correspondront a` une augmen-tation du temps consacre´ a` la recherche alimentaire dans le fond de la plongee´ [Bailleul et al., 2007b].
D’autres methodes´ d’analyses de trajets ont egalement´ et´e´ developp´ees´ recemment´. Les ana-lyses fractales ou` un segment d’une longueur donnee´ est deplac´e´ le long du trajet de l’animal et ou` la dimension fractale du trajet est estimee´ pour chaque segment [Dicke and Burrough, 1988, Schmitt and Seuront, 2001, Tremblay et al., 2007]. Les zones d’ARS sont alors identifiees´ par les fortes valeurs de dimension fractale qui correspondent aux zones de forte convolution du trajet. Les vols de Levy´ modelisent´ le trajet d’un animal comme un melange´ de marches aleatoires´ 3 [Viswanathan et al., 1996]. Les zones de recherche alimentaire sont identifiees´ comme les zones ou` la sinuosite´ du trajet presente´ de fortes valeurs. Enfin la methode´ du “first-passage-time” qui a et´e´ appliquee´ pour la premiere` fois en ecologie´ par Fauchald and Tveraa [2003]. Le terme “first-passage-time” fait ref´erence´ au temps necessaire´ a` un animal, se deplac´¸ant selon une marche aleatoire,´ pour sortir d’un cercle virtuel centre´ sur sa localisation au temps t. L’hypothese` sous-jacente est qu’un fort “first-passage-time” dans certaines zones correspond a` un comportement de recherche en zone restreinte effectuee´ a` l’echelle´ spatiale S, qui est le rayon du cercle centre´ sur la localisation de l’animal au temps t. Cette echelle´ spatiale est determin´ee´ comme la valeur a` laquelle la variance relative du “first-passage-time” est maximale. Par ailleurs, Bailleul et al. [2008] ont adapte´ la methode´ du “first-passage-time” aux predateurs´ plongeurs en utilisant les residus´ du temps passe´ au fond.

Modeles` statistiques comportementaux

Ces methodes´ descriptives permettent de detecter´ les principales zones de recherche alimen-taire mais ne disposent pas de capacites´ predictives´ pour categoriser´ statistiquement le compor-tement le long du trajet d’un predateur´. Pour cela, les modeles` statistiques comportementaux, tels que les modeles` dits de processus (“process-based models”), permettent l’obtention d’une relation fonctionnelle entre la probabilite´ que le systeme` soit dans un etat´ particulier au temps t (l’etat´ correspondant par exemple a` la localisation de l’animal) et les etats´ prec´edents´ du systeme`. Dans un processus Markovien d’ordre n, le modele` de processus predit´ de fac¸on probabilitiste l’etat´ futur du systeme` a` partir des n etats´ prec´edents´. Les mouvements animaux peuvent etreˆ assimiles´ a` des marches aleatoires´ correl´ees´ et/ou biaisees´ [Turchin, 1991] qui correspondent gen´eralement´ a` des processus Markovien d’ordre 1 [Patterson et al., 2008]. En particulier, les modeles` espace-etat´ (“state-space models”) combinent un modele` d’observation a` un modele` de processus (review dans Patterson et al. [2008] et Schick et al. [2008]). Le modele` d’observation decrit´ mathematiquement´ comment les observations des etats´ (i.e. les localisations qui incluent les erreurs de mesure) sont reliees´ aux etats´ reels´ du systeme` (i.e. les localisations reelles´ du predateur)´. Finalement, les modeles` de Markov cache´ (“Hidden Markov models ou HMM”) sont des modeles` de processus ou` les etats´ du systeme` au temps t dependent´ egalement´ d’une variable cachee,´ par exemple le mode comportemental de recherche alimentaire d’un predateur´ [Cappe´ et al., 2005]. Ces modeles` HMM font l’hypothese` que le trajet de l’animal est un melange´ de marches aleatoires´ correl´ees´ et/ou biaisees´. Le modele` classe chaque etat´ entre ces differentes´ marches aleatoires´ qui sont associees´ de fac¸on bijective aux modes comportementaux caches´. Si on considere` un trajet de predateurs´ sans erreur de mesure (comme un trajet GPS), les modeles` de Markov cache´ permettent d’identifier directement les modes comportementaux caches´ a` partir des parametres` du mouvement [Morales et al., 2004]. L’utilisation de covariables environnemen-tales au sein des HMM permet egalement´ de mieux comprendre le comportement alimentaire des predateurs´ en relation avec l’environnement local dans lequel ils evoluent´ [Morales et al., 2004].

Ecologie´ alimentaire et variations environnementales

Dans le contexte actuel de changement climatique global, la comprehension´ des relations entre environnement et populations est une question centrale en ecologie´. La connaissance de l’ecologie´ alimentaire et de l’exploitation du milieu par les organismes est des` lors essentielle dans la comprehension´ des processus reliant environnement et populations [Boggs, 1992]. Ainsi, l’etude´ de l’approvisionnement des animaux en milieu naturel permet-elle d’identifier les princi-pales zones d’alimentation des individus d’une espece`. Une fois identifiees,´ une caracterisation´ de ces zones permet de comprendre dans quelle mesure elles dependent´ de fluctuations environ-nementales. A` l’echelle´ annuelle ou inter-annuelle, les variations environnementales des zones d’approvisionnement peuvent directement affecter la demographie´ des especes` qui en dependent
Par exemple dans l’Ocean´ Austral, les recents´ changements climatiques ont et´e´ relies´ a` d’im-portantes modifications demographiques´ [Walther et al., 2002, Weimerskirch et al., 2003, Atkinson et al., 2004]. Une augmentation des temperatures´ dans les annees´ 1970 est ainsi supposee´ avoir cause´ un changement de regime´ ayant eu des consequences´ radicales et durables en terme d’abondance des populations de predateurs´ subantarctiques. Des populations d’oiseaux marins, tels que les albatros a` sourcils noirs (Thallassarche melanophris), les manchots papous (Py-goscelis papua) et les gorfous macaronis (Eudypte chrysolophus), et de phoques, tels que les el´ephants´ de mer austraux (Mirounga leonina), ont fortement diminue´ avec un decalage´ de 2 a` 9 ans avec les changements de temperatures´ observes´ [Reid and Croxall, 2001, Weimerskirch et al., 2003].
A` plus ou moins large echelle´ spatio-temporelle, des processus abiotiques affectent ainsi les populations de predateurs´. La comprehension´ des relations entre environnement et populations repose en partie par l’etude,´ a` l’echelle´ individuelle, des relations entre approvisionnement et conditions environnementales. Desormais´ de nombreux outils methodologiques´ permettent aux ecologues´ d’etudier´ l’approvisionnement en milieu naturel et ainsi de mettre en evidence´ les relations existant entre la dynamique des populations et leur approvisionnement au sein d’un environnement variable.

Mesures satellitaires et Biologging

Au cours des 30 dernieres` annees,´ les developpements´ methodologiques´ ont permis l’ac-quisition d’un volume considerable´ de trajets d’animaux constitues´ de localisations de qualite´ [Weimerskirch and Jouventin, 1990]. Les premieres` donnees´ tel´em´etriques´ provenant de sui-vis quotidiens de “radio-tracking” ont permis, des` les annees´ 1980, d’etablir´ le domaine vital (“home-range”) ou encore d’inferer´ les capacites´ de migration d’un grand nombre de predateurs´ terrestres [Harris et al., 2000]. L’etablissement´ des habitats saisonniers et la description des com-portements de deplacement´ a egalement´ et´e´ rendue possible chez des predateurs´ auparavant peu observes´ en milieu naturel. Puis les premieres` balises Argos ont permis le suivi d’animaux ter-restres et marins [Weimerskirch and Jouventin, 1990]. Ces equipements,´ dits de “biologging”, permettent de suivre, pour certains en temps quasi-reel,´ les animaux a` l’aide de satellites en or-bite basse (au moins 3 pour permettre le calcul d’une localisation). En emettant,´ a` une frequence´ bien determin´ee,´ un signal a` intervalle de temps programme,´ les balises permettent aux satel-lites de les localiser a` la surface de la Terre (sur le geo´¨ıde 4) en faisant appel a` l’effet Doppler [Argos, 1996]. L’utilisation de balises satellitaires miniaturisees´ sur un grand nombre d’especes` cryptiques a permis de localiser leur deplacements´ parfois pendant de longues migrations et d’evaluer´ leur comportement d’approvisionnement. Graceˆ a` la tel´em´etrie´ satellitaire [Argos, 1996], les trajectoires des animaux equip´es´ ont ainsi puˆ etreˆ reconstruites en temps quasi reel´ via les localisations successivement emises´ par les balises. De nos jours, la technologie GPS com-bine une haute frequence´ d’enregistrement avec une haute resolution´ spatiale (95% des points avec une erreur inferieure´ a` 50 m) ce qui permet un enregistrement detaill´e´ des mouvements des predateurs´ [Weimerskirch et al., 2002]. Par ailleurs, des enregistreurs permettent de collecter a` haute frequence´ d’enregistrement (toutes les secondes) des informations sur les mouvements des predateurs´ et leur environnement naturel. Par exemple, en milieu marin, des enregistreurs TDR (“Time-Depth Recorder”) permettent de suivre le comportement de plongee´ a` fine echelle´. En-fin, la miniaturisation des balises s’est accompagne´ d’une augmentation du nombre de capteurs qu’elles contiennent. Certaines balises permettent ainsi, en plus du releve´ et de la transmission des localisations, d’enregistrer certains parametres` physiologiques, tels que la temperature´ in-terne de l’animal, et/ou environnementaux tels que la temperature´ in situ.
En conclusion, ces donnees´ tel´em´etriques´ presentent´ differentes´ resolutions´ : les balises Ar-gos enregistrent et transmettent des donnees´ de localisations avec des erreurs de mesure et une faible frequence´ d’echantillonnage´. Les balises GPS et les enregistreurs type TDR, au contraire, des irregularit´es´ sur de grandes distances (denivel´es´ de 100 m sur quelques milliers de kilometres)` dues aux inho-mogen´eit´es´ presentes´ dans l’interieur´ de la planete` (croute,ˆ manteau, noyau). D’autres irregularit´es´ sont visibles, moins hautes ( 1 m) et s’etendant´ sur de plus petites distances, qui refletent` le relief des fonds oceaniques´. enregistrent le trajet d’un predateur´ a` tres` fine echelle´ spatiale et avec une haute frequence´ d’en-registrement. Les enregistreurs ne peuvent toutefois pas transmettre par satellite la totalite´ des informations collectees,´ ce qui necessite´ leur recup´eration´ pour acceder` aux donnees´. Le choix du type de balise dependra´ donc en partie de la biologie de l’espece` etudi´ee´ mais egalement´ du type de question ecologique´ abordee´.
Concernant les milieux difficilement accessibles, tels que le milieu marin, la technologie sa-tellitaire est egalement´ a` l’origine de l’echantillonnage´ regulier´ de variables environnementales comme la temperature´ et la richesse en chlorophylle a, un indicateur de la production primaire (Figure 1.1). Dans les regions´ tres` eloign´ees´ ou` les campagnes d’echantillonnage´ sont couteusesˆ en moyens logistiques et humains, la technologie satellitaire represente´ l’unique moyen pour mesurer ces donnees´ a` resolution´ spatiale et temporelle elev´ees´ et sur de grandes zones geogra´-phiques.

Echelles´ spatio-temporelles et previsibilit´e´ des ressources

Les processus d’acquisition ont lieu au niveau de l’individu mais peuvent avoir une influence au niveau populationnel voire ecosyst´emique`. Par exemple, au cours de tres` bonnes annees´ ou` les individus d’une population auront amelior´es´ leurs performances, la croissance de cette popula-tion peut influencer la structure demographique´ d’autres especes` de l’ecosyst´eme` [Barbraud and Weimerskirch, 2001]. La comprehension´ de ces processus necessite´ d’etudier´ des phenom´enes` qui ont lieu a` differentes´ echelles´ d’espace, de temps et d’organisation ecologique´ [Levin, 1992].
Au niveau de l’etude´ des strategies´ alimentaires individuelles, la detection´ des ressources et de l’het´erog´en´eit´e´ de l’environnement est limitee´ par la perception de l’individu. Il faut donc se limiter aux echelles´ spatio-temporelles de perception dans l’etude´ des deplacements´ du predateur´ en fonction de l’environnement. Un predateur´ ne peut adapter sa strategie´ alimentaire qu’en fonction des indicateurs environnementaux qu’il perc¸oit et qui se trouvent gen´eralement´ dans son environnement local (echelle´ de la journee´ par exemple). La prise en compte de ces echelles´ dans l’etude´ des processus individuels d’acquisition s’est beaucoup developp´ee´ ces dernieres` annees´ [Boyd, 1996, Fauchald, 1999, Fauchald et al., 2000, Fritz et al., 2003, Pinaud and Weimerskirch, 2005]. Ainsi, des ajustements echelle´-dependants´ ont puˆ etreˆ mis en evidence´ dans l’etude´ des mouvements de certains predateurs´ [Fauchald and Tveraa, 2003, Fritz et al., 2003, Pinaud and Weimerskirch, 2005]. Par exemple, le comportement de recherche chez les petrels´ Antarctique (Thalassoica antarctica) a montre´ que ces oiseaux concentraient leurs efforts de recherche dans des zones geographiques´ de plusieurs centaines de kilometres` de rayon et que certains pouvaient en plus concentrer une partie de leurs efforts de recherche dans des zones geographiques´ beau-coup plus petites, de l’ordre de la dizaine de kilometres` [Fauchald and Tveraa, 2003]. Certains predateurs´ presenteraient´ ainsi une hierarchisation´ de la recherche en presentant´ des comporte-ments d’ARS a` differentes´ echelles´ spatiales.
Toutefois, le decalage´ trophique dans le temps et l’espace peut compliquer l’estimation des liens entre la distribution des predateurs´ et celle des premiers echelons´ trophiques. Par exemple en milieu marin, la distribution het´erog´ene` des ressources trouve son origine a` la base des chaˆınes trophiques : le phytoplancton. Une variabilite´ inter-annuelle cyclique (par exemple le phenom´ene` El Nino,˜ Schreiber and Schreiber [1984]) ou stochastique combinee´ aux variations locales des parametres` physiques de l’ocean´ (par exemple, mouvements horizontaux et verti-caux de masses d’eau, bathymetrie,´ phenom´enes` de maree)´ amenent` a` une distribution parti-culierement` aleatoire´ des nutriments. Les masses d’eau en contact presentent´ des differences´ dans leurs caracteristiques´ physiques (temperature,´ salinite,´ densite´ . . . ) qui entraˆınent des dif-ficultes´ de melange´ et influent sur la circulation des flux de nutriments. La croissance et la distribution du phytoplancton sont directement influences´ par les interactions entre courants, bathymetrie´ et autres propriet´es´ physico-chimiques. Ainsi, la circulation des flux de nutriments peut elle amener a` une structuration spatiale variable dans le temps et l’espace du phytoplanc-ton [Haury et al., 1978]. Des phenom´enes` locaux de transport-advection vont ensuite creer´ un decalage´ temporel et spatial entre la production primaire et les niveaux trophiques superieurs´ empechantˆ la detection´ des interactions entre certains niveaux trophiques [Hunt et al., 1999, Guinet et al., 2001]. Malgre´ une uniformite´ apparente, l’environnement marin presente´ ainsi une grande het´erog´en´eit´e´ spatio-temporelle et des zones de plus forte productivite´ biologique. L’etude´ des interactions predateurs´-environnement doit donc s’effectuer a` l’echelle´ individuelle mais egalement´ en prenant en compte le temps necessaire´ a` la mise en place d’un reseau´ tro-phique suffisamment avance´ (au minimum production secondaire) pour attirer les predateurs´ [Jaquet et al., 1996, Durant et al., 2005].
L’approvisionnement optimal des predacteurs´ implique une certaine previsibilit´e´ des res-sources et des zones d’alimentation. L’ajustement de la strategie´ d’acquisition et de la selection´ de l’habitat par ces predateurs´ repose sur la connaissance de l’environnement et les experiences´ anterieures´ des predateurs´ [Weimerskirch, 2007, Hamer et al., 2007]. On considere` que la previsi´-bilite´ des ressources depend´ des echelles´ auxquelles ces ressources sont distribuees´. Par exemple, en milieu marin les fronts sont des structures physiques perennes´ a` grande echelle´ qui presentent´ de fortes densites´ de proies (Figure 1.2). Ces ressources sont distribuees´ de fac¸on het´erog´ene` dans l’espace mais demeurent previsibles´ a` grande echelle´ [Hunt et al., 1999]. On parle alors de “points chauds” car ces structures sont stables dans l’espace et recurrentes´ dans le temps (“hot spots”, Sydeman et al. [2006]). De la memeˆ fac¸on, les structures physiques a` fine echelle´ peuvent presenter´ des agregats´ ponctuels tres` denses en proies. Mais leur distribution spatiale est tres` aleatoire´ et leur persistance temporelle est tres` courte [Levin, 1992, Hunt et al., 1999, Van Franecker et al., 2002]. Il s’agit donc, a` l’inverse des structures physiques a` grande echelle,´ de structures imprevisibles´ au niveau de perception du predateur´ (Figure 1.2). L’environnement s’organise ainsi autour de differents´ niveaux spatio-temporels : les plus fines echelles´ regroupent les structures les plus eph´em´eres` et donc imprevisibles´ alors que les plus larges echelles´ spatio-temporelles presentent´ des structures tres` persistantes dans le temps et tres` etendues´ dans l’es-pace. Les differents´ niveaux spatio-temporels s’organisent de fac¸on hierarchique : les plus petites structures sont emboitees´ dans les moyennes qui sont elles-memesˆ emboitees´ dans les structures a` grande echelle´. Enfin ces niveaux co¨ıncident avec un gradient de densite´ de proies : la den-site´ en proies diminue avec la taille de la structure [Fauchald, 1999]. Finalement, les structures agregeant´ les proies a` une echelle´ intermediaire´ de temps et d’espace sont consider´ees´ comme les habitats les plus previsibles´ pour les predateurs´ [Pinaud and Weimerskirch, 2005]. On s’attend donc a` observer des ajustements comportementaux dans l’approvisionnement des predateurs´ au sein des habitats dits de moyenne echelle´ [Pinaud, 2005].

Circulation de l’Ocean´ Austral et les grands fronts

La principale caracteristique´ hydrologique de l’Ocean´ Austral est la presence´ du courant circumpolaire antarctique (ACC). Il s’agit d’un des plus grands courants au monde, qui cir-cule sans obstacle d’Ouest en Est sous l’action des vents d’Ouest et de la force de Coriolis [Tchernia, 1978]. Ce courant constitue un moteur essentiel pour les transferts d’eau, de cha-leur et de nutriments entre les oceans´ adjacents. Le continent Antarctique se retrouve encercle´ par une large et intense bande d’eaux froides qui structure toutes les composantes physiques et biologiques de l’ecosyst´eme` austral [Orsi et al., 1995]. Cette structure hydrologique forme une veritable´ frontiere` naturelle avec les autres oceans´ [Laws, 1985]. Dans cette these,` nous appe-lerons Ocean´ Austral l’ensemble hydrologique situe´ au sud de la limite nord du courant circumpolaire Antarctique (definition´ selon Laws [1985]). Cette limite nord est caracteris´ee´ par d’importants gradients physiques (temperature´ et salinite)´ qui separent´ les eaux subantarc-tiques et antarctiques des eaux plus chaudes et salees´ de la circulation subtropicale [Orsi et al., 1995].
Par ailleurs, l’hydrologie de l’Ocean´ Austral se caracterise´ par differentes´ masses d’eau, une masse d’eau etant´ un compartiment oceanique´ homogene` d’un point de vue physico-chimique (temperature,´ salinite´ et pression). L’Ocean´ Austral est un ocean´ annulaire dont les eaux de surface forment des bandes, masses d’eau, concentriques autour du continent Antarctique (Fi-gure 1.3). De nombreuses structures oceanographiques´ a` grande echelle´ separent´ ces masses d’eau : les fronts. Un front est une structure oceanographique´ associee´ aux zones de fort gra-dient physique et separant´ deux masses d’eau [Orsi et al., 1995]. Les fronts, detectable´ en surface par des isothermes 5, sont relativement stables dans le temps et l’espace (Orsi et al. [1995], Figure 1.3). Dans le cas du front polaire, deux isothermes permettent de le definir´ et de le locali-ser : l’isotherme de 2°C a` 200m de profondeur et, en et´e,´ l’isotherme de 5°en surface [Park et al., 1993, 1998]. Trois masses d’eaux principales sont ainsi delimit´ees´ respectivement par les fronts subtropical (STF) et polaire (PF) : les eaux subtropicales, les eaux subantarctiques et les eaux antarctiques. Les eaux subantarctiques peuvent, de surcroit, etreˆ divisees´ en deux parties par le front subantarctique (SAF) qui se definit´ par l’isotherme de surface 8°C [Park et al., 1993, Orsi et al., 1995]. Au sud du front subantarctique sont situees´ les eaux de la zone frontale polaire et au nord, les eaux de la zone subantarctique stricto sensu. La localisation de ces differentes´ structures hydrologiques est variable dans le temps et va conditionner la repartition spatiale des ressources alimentaires [Strass et al., 2002]. Les zones frontales constituent a` ce titre d’impor-tantes frontieres` ecologiques´ dont les variations en latitude peuvent avoir de forts impacts sur le comportement alimentaire des predateurs´ de cet environnement [Cotte´ et al., 2007]. La zone dite interfrontale qui regroupe les masses d’eaux subtropicales et subantarctiques, separ´ees´ par des fronts, se caraterise´ par de forts courants qui vont favoriser la formation de structures dites mesoechelle´ et submesoechelle´ 6.

Balises WildLife Computers : enregistrements a` fine echelle´

En comparaison, la derniere` gen´eration´ de balises utilisee´ dans le projet a permis de tra-vailler sur le comportement a` fine echelle´ des el´ephants´ de mer austraux. Les balises, indiquees´ par le sigle MK10, combinaient des enregistreurs Argos, des enregistreurs GPS et des capteurs de pression, temperature´ et luminosite´ (MK10 Fast-Loc, 105 60 20 mm, 240 g, avec une surface de section transversale de 12cm2, Wildlife Computers, Washington, USA). L’enregis-treur Argos proposait le memeˆ type de resolutions´ et precisions´ que les enregistreurs des balises CTD du SMRU. Mais l’enregistreur GPS a permis d’avoir des donnees´ de localisation de grande precision´ (erreur de mesure inferieure´ a` 50m) et avec une haute frequence´ d’enregistrement : les localisations sont espacees´ au minimum de 20 min (duree´ leg´erement` inferieure´ au temps moyen de plongee´ d’un el´ephant´ de mer [Hindell et al., 1991]) et au maximum de quelques heures (suivant le nombre de satellites disponibles pour recevoir le message GPS et le temps passe´ en surface par l’animal pendant lequel la balise emet´ le message). Les enregistreurs de pression, temperature´ et luminosite´ ont enregistre´ les parametres` de plongee´ in situ toutes les 2 secondes pendant toute la duree´ du trajet en mer (3 mois pour les femelles post-reproduction). Enfin, dans le cas de la campagne 2009 post-reproduction, des balises SMRU de type Fluo-CTD ont et´e´ associees´ a` des enregistreurs de plongee´ appeles´ MK9 qui permettent l’enregistrement des parametres` de pression, temperature´ et luminosite´ toutes les 2 secondes le long des plongees´ de l’animal. Toutefois, un compromis a et´e´ realis´e´ pour les balises MK10 et MK9 entre la duree´ de vie des batteries de ces balises et la quantite´ de donnees´ enregistrees´ par celles-ci. Les balises MK10 et MK9 n’ont en effet pas permis l’emission´ des donnees´ a` fine echelle´ temporelle et spatiale (trop de donnees´ a` emettre,´ animal passant trop peu de temps en surface et emission´ etant´ tres` couteuse en temps batterie). Cependant l’emission, par les balises MK10 et les balises Fluo-CTD associees´ aux MK9, des donnees´ de localisations Argos a permis de retrouver les animaux a` leur retour a` terre et, apres` recuperation´ des balises, de tel´echarger´ toutes les donnees´ a` fine echelle´. Seule une balise, en 2008, parmi toutes celles posees´ entre 2008 et 2009 n’a pas pu etreˆ recup´er´ee´.

Des donnees´ de trajet a` differentes´ resolutions´

Les travaux de cette these` ont porte´ sur l’ensemble des donnees´ des individus equip´es´ entre 2003 et 2009. Toutefois, dans l’optique de l’evaluation´ de l’influence de la resolution´ des donnees´ tel´em´etriques´ sur la detection´ des zones de succes` alimentaire, nous avons concentre´ une par-tie de nos travaux sur l’etude´ de 6 femelles el´ephants´ de mer equip´ees´ de balises MK10 (Fi-gure 2.4). Apres` recup´eration´ des balises au retour a` terre des animaux, nous disposions pour ces individus a` la fois de donnees´ Argos (faible frequence´ d’echantillonnage´ et faible resolution´ spatiale) et de donnees´ GPS (haute frequence´ d’echantillonnage´ et haute resolution´ spatiale). Les tableaux 2.2& 2.3 presentent´ les caracteristiques´ des donnees´ de ces deux types de resolutions´.

L’altimetrie´ : principes et donnees´

Afin d’identifier au mieux la structuration des masses d’eaux dans la zone interfrontale, nous nous sommes interess´es´ aux indicateurs de presence´ des tourbillons et de ceux de la puissance des champs de courant. A` partir des mesures altimetriques,´ differentes´ variables peuvent etreˆ calculees´ : la topographie dynamique, la vitesse geostrophique´ et les anomalies de hauteur d’eau. Le satellite mesure la hauteur de la mer (SSH, “sea surface height”) qui correspond au niveau des oceans´ par rapport a` une ellipso¨ıde de ref´erence´. En effet, la profondeur reelle´ de l’ocean´ n’etant´ pas connue partout avec precision,´ l’utilisation d’une ref´erence´ permet un reperage´ precis´ et homogene` des hauteurs d’eau. La topographie dynamique (AbDynTopo, “absolute dynamic topography”) est calculee´ comme la difference´ entre le geo´¨ıde, niveau de ref´erence´ de la mer en absence de toute perturbation (comme le vent, la maree,´ les courants . . . ), et la hauteur de la mer (Equation 2.1). AbDynTopo = SSH geoide´ (2.1).
Les anomalies de hauteur d’eau (SLA, pour sea level anomalies) sont ensuite determin´ees´ comme la difference´ entre la topographie dynamique et la topographie moyenne (MeanDyn-Topo, “mean dynamic topography”), partie stationnaire de la topographie dynamique corres-pondant a` la circulation permanente induite par la rotation de la terre, les vents permanents . . .(Equation 2.2). AbDynTopo = SLA + MeanDynTopo (2.2).
La variabilite´ des anomalies de hauteur d’eau est gen´eralement´ comprise entre 2 et 60cm suivant les saisons et les zones oceaniques´ consider´ees´. Enfin, la vitesse geostrophique´ (AbGeoVel, “ab-solute geostrophic velocity”), correspondant a` l’amplitude des courants, est calculee´ comme la composante des courants longitudinaux et latitudinaux deduits´ des donnees´ altimetriques´ [Pond and Pickard, 1978, Gill, 1982]. Les anomalies de cette vitesse (GeoVelAn, “geostrophic velocity anomalies”) sont ensuite calculees´ par differentiel´ entre la vitesse moyenne globale et la vitesse observee´ en un point.
Tous ces indicateurs permettent d’identifier avec precision´ la presence´ de tourbillons et de determiner´ la categorie´ a` laquelle ils appartiennent (cyclonique ou anticyclonique, en formation ou en declin)´.

Segmentation des trajets

Nous disposons de donnees´-trajectoires sous forme de localisations successives au cours du  temps. Ces localisations peuvent etreˆ consider´ees´ comme la resultante´ d’une decision´ prise par l’animal en fonction de contraintes physiologiques et environnementales complexes. Toutefois le comportement alimentaire du predateur,´ qui est notre variable d’inter´et,ˆ n’est pas observable directement et n’est pas en relation directe avec ces localisations mais plutotˆ avec les change-ments successifs dans la fac¸on qu’a l’animal de se deplacer´ et dont les localisations sont les consequences´. L’identification des zones d’ARS, ou` l’animal se serait principalement alimente,´ doit donc etreˆ prec´ed´ee´ d’une segmentation du trajet en differents´ comportements. Concernant cette segmentation des donnees,´ une partie du travail de these` a consiste´ a` etablir´ quelle etait´ la methode´ la plus robuste pour identifier les zones d’approvisionnement potentiel le long des trajets des animaux (details en Annexe C). Il est communement´ suppose´ qu’un predateur´ dans un environnement het´erog´ene` va adapter son comportement de recherche alimen-taire en fonction des conditions environnementales qu’il rencontre le long de son trajet [Banks, 1957, Smith, 1974a,b]. Ainsi, ce predateur´ va presenter´ differents´ modes de deplacements´ qui correspondront aux differents´ modes comportementaux de sa recherche alimentaire [Knoppien and Reddingius, 1985]. Dans le cadre de la recherche en zone restreinte, ces modes compor-tementaux sont le foraging intensif et le foraging extensif. Le premier, mode comportemental de foraging intensif, correspond aux moments ou` l’animal reduit´ sa vitesse de deplacement´ et augmente la sinuosite´ de son trajet pour exploiter au mieux la zone dans laquelle il se trouve. Le second, mode de foraging extensif, correspond a` un mode comportemental ou` l’animal presente´ une vitesse de deplacement´ plus importante et un trajet plus lineaire,´ il sera alors consider´e´ que l’animal est plutotˆ en deplacement´ rapide d’une zone alimentaire a` une autre qu’au sein de ces zones. Ainsi, la segmentation des trajets de predateurs´ pour identifier leur zones d’inter´etˆ peut potentiellement s’effectuer a` l’aide de descripteurs de la vitesse et de la sinuosite´ de ces trajets, ou encore a` l’aide d’autres methodes´ analytiques telles que les modeles` espace-etat´.

Descripteurs empiriques

Pour estimer la qualite´ de la segmentation de methodes´ analytiques, nous avons choisi de tra-vailler dans un premier temps sur quatre descripteurs empiriques des trajets d’el´ephants´ de mer : la longueur de pas, le nombre de plongees´ par km, les residus´ du bottom time et la profondeur maximale de plongee´. Dans le contexte de la recherche en zone restreinte (ARS), la detection´ des ev´enements` de foraging intensif s’effectue quand les animaux se deplacent´ avec une petite lon-gueur de pas, un fort nombre de plongees´ par km, une faible profondeur de plongee´ et de forts residus´ du temps passe´ au fond des plongees´. Nous avons travaille´ sur des series´ temporelles categorielles´ indiquant l’occurence du foraging intensif pour les valeurs extemesˆ en longueur de pas (< 10%quantile), nombre de plongees´ par km (> 90%quantile), residus´ du temps passe´ au fond (> 90%quantile) et profondeur maximale de plongee´ (< 10%quantile).

“First-Passage-Time” et “First-Bottom-Time”

La methode´ du “first-passage-time” (FPT) a et´e´ developp´ee´ pour la premiere` fois en ecologie´ par Fauchald and Tveraa [2003]. Le terme “first-passage-time” fait ref´erence´ au temps nec´essaire´ a` un animal, se deplac´¸ant selon une marche aleatoire,´ pour sortir d’un cercle virtuel centre´ sur sa localisation au temps t (Figure 3.2). L’hypothese` sous-jacente est qu’un fort “first-passage-time” dans certaines zones correspond a` un comportement de recherche en zone restreinte ef-fectuee´ a` l’echelle´ spatiale S, qui est le rayon du cercle centre´ sur la localisation de l’animal au temps t. Cette echelle´ spatiale est determin´ee´ comme la valeur a` laquelle la variance re-lative du “first-passage-time” est maximale. Par ailleurs, Bailleul et al. [2008] ont adapte´ la methode´ du “first-passage-time” aux predateurs´ plongeurs en utilisant les residus´ du temps passe´ au fond, definis´ dans le paragraphe prec´edent´. Nous avons utilise´ leur methode,´ appelee´ le “first-bottom-time” (FBT), pour analyser les trajets Argos et GPS de femelles en periode´ de post-reproduction. Les zones de foraging intensif le long de ces trajets etaient´ definies´ par de longs “first-passage/bottom-time” (quantile a` 90%) aux echelles´ spatiales (S). Fauchald and Tveraa [2003] et Schick et al. [2008] presentent´ plus de details´ sur la methodologie´ du “first-passage-time”. Dans nos travaux present´es´ dans l’Annexe C, pour chaque individu, nous avons utilise´ les methodes´ du FPT et du FBT sur les trajets Argos et GPS. Des analyses preliminaires´ ont permis de determiner´ les echelles´ spatiales (S) sur chaque type de resolution´ : pour les trajets Argos, 49 32km (FPT) et 57 23km (FBT). Les echelles´ spatiales (S) pour les trajets GPS etaient´ 36 16km (FPT) et 60 47km (FBT). Le long des trajets des individus, nous avons estime´ les series´ temporelles categorielles´ indiquant l’occurence du foraging intensif pour les valeurs extemesˆ des “first-passage/bottom-times” (90% quantile, details´ fournis dans le manuscrit en preparation,´ cf Annexe E).
FIGURE 3.2 – Calcul du first-passage-time (FPT) : le temps de residence´ dans un cercle virtuel de rayon r est calcule´ pour chaque localisation du trajet. Plus ce temps est grand et plus l’animal a intensifie´ sa recherche dans le cercle. Figure modifiee´ d’apres` Pinaud [2005].

Modeles` Espace-Etat´ & Modeles` de Markov caches´

Comme mentionne´ prec´edemment,´ les modeles` espace-etat´ sont des modeles` de mouvement qui sont de plus en plus utilises´ en ecologie´. Ils reposent sur un processus Markovien aux pa-rametres` inconnus qui permet de tenir compte des erreurs de localisation et des changements de comportement des animaux au cours de leur trajets (review dans Patterson et al. [2008] et Schick et al. [2008]). C’est cette deuxieme` partie des modeles` qui va etreˆ present´ee´ ici.
Le modele` de processus des modeles` espace-etat´ s’applique a` la suite du modele` d’obser-vation. Les modeles` de Markov cache´ (HMM) reposent egalement´ sur un processus Mar-kovien, gen´eralement´ d’ordre 1, qui leur permet d’estimer le mode comportemental cache´ d’un animal a` partir de ses parametres` de mouvements (pour plus de details, Morales et al. [2004], Jonsen et al. [2007]). Les modeles` de processus des modeles` espace-etat´ et des HMM font l’hypothese` que la distribution des observations est conditionnelle a` un nombre fini N d’etats´ comportementaux caches´ [Cappe´ et al., 2005]. Ce sont ces etats´ comportementaux qui vont in-fluencer le deplacement´ de l’animal et le faire passer du foraging intensif au foraging extensif (pour N = 2). Ces modeles` font egalement´ l’hypothese` que le trajet de l’animal est une combinai-son de N marches aleatoires´ correl´ees´ et/ou biaisees´. Ces modeles` de processus permettent, a` partir de donnees´ filtrees´ et a` pas de temps constant, d’attribuer a` chaque observation une (et une seule) appartenance a` une des N marches aleatoires´ et donc des N etats´ compor-tementaux caches´. Afin d’evaluer´ l’influence de l’environnement local ou du comportement de plongee´ de l’animal, nous avons ajoute´ des covariables pour l’estimation des probabilites´ d’etreˆ dans un etat´ comportemental ou dans un autre. Bost et al. [2009] ont montre´ l’importance des structures frontales et tourbillonnaires chez un grand nombre de predateurs´ austraux. Nous avons donc utilise´ les anomalies de hauteur d’eau (SLA) comme indicateurs de la presence´ de ces structures qui pourraient influencer le comportement d’approvisionnement des el´ephants´ de mer. L’hypothese` etait´ que des anomalies negatives,´ indicatrices de la presence´ de tourbillns cy-cloniques par exemple, pourraient favoriser la probabilite´ de passer en mode de foraging intensif. De fac¸on similaire, les residus´ du bottom time ont et´e´ utilise´ comme covariable comportemen-tale : des residus´ positifs pourraient favoriser la probabilite´ de passer en mode de foraging inten-sif. Dans un dernier modele,` nous avons ensuite combine´ ces deux covariables (plus de details´ dans l’Annexe C). Comme mentionne´ prec´edemment,´ des techniques MCMC (Monte Carlo par chaˆınes de Markov) ont permis l’ajustement des modeles` dans le logiciel WinBUGS (Bayesian Analysis Using Gibbs Sampler, Spiegelhalter et al. [1999]).

Mise en relation des zones de recherche intensive et du succes` alimentaire

Quelque soit la methode´ d’analyses de trajet et la resolution´ des donnees,´ la detection´ des zones principales d’ARS ne correspond qu’a` un indicateur du comportement alimentaire de l’animal estime´ depuis la dimension horizontale. Afin de pouvoir avancer que les predateurs´ se sont particulierement` bien alimentes´ dans les zones d’ARS detect´ees,´ il faut au prealable´ valider l’hypothese` d’ARS. Une partie de ce projet de these` s’est attachee´ a` cette validation en utilisant le comportement de plongee´ particulier des el´ephants´ de mer. L’analyse de la flottabilite´ des animaux pendant les plongees´ de derive´ a en effet permis d’obtenir un indicateur de la condition corporelle des animaux et de son evolution´ le long des trajets en mer (plus de details´ dans la section suivante et dans le manuscrit en Annexe C). A` l’aide de cet indice deduit´ du taux de derive,´ nous avons identifie´ les zones de succes` alimentaire a` l’echelle´ des trajets et avons puˆ les comparer avec les zones d’intensification du comportement de recherche (ARS). Les differentes´ methodes´ de segmentation present´ees´ ci-dessus ont et´e´ evalu´ees´ a` l’aide de cet indice de la condition corporelle des el´ephants´ de mer. Par ailleurs, la maximisation de la similarite´ entre les zones d’ARS et les zones de succes` alimentaire pour les differentes´ methodes´ testees´ a per-mis d’estimer un lag minimal de metabolisation´.
Ces premiers travaux ont determin´e´ quelle etait´ la meilleure methodologie´ pour identifier, avec des donnees´ Argos et des donnees´ GPS, les zones de succes` alimentaire.

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Table des matières

I Introduction Générale 
1.1 L´écologie alimentaire : liens entre d´emographie, performances d’approvisionnement et variabilité environnementale
1.1.1 Valeur sélective, ressources et approvisionnement
1.1.2 Theorie de l’approvisionnement optimal
1..3 Perception de la variabilite environnementale et Recherche en Zone Restreinte
1.1.4 Methodologie de la detection de la recherche en zone restreinte
1.1.4.1 Methodes descriptives
1.1.4.2 Modeles statistiques comportementaux
1.1.5 Ecologie alimentaire et variations environnementales
1.2 Les apex predateurs : bioindicateurs des milieux dynamiques
1.2.1 Reseau Trophique et Predateurs Superieurs
1.2.2 Mesures satellitaires et Biologging
1.2.3 Echelles spatio-temporelles et previsibilite des ressources
1.3 L’Oc´ean Austral : un oc´ean structurellement h´et´erog`ene
1.3.1 D’importantes fluctuations des ressources marines
1.3.2 Circulation de l’Oc´ean Austral et les grands fronts
1.3.3 Structuration de l’Oc´ean Austral par l’activit´e tourbillonnaire
1.3.4 Variabilit´e spatiale et temporelle de la productivit´e en zone interfrontale
1.4 L’´el´ephant de mer : un pr´edateur sup´erieur de l’Oc´ean Austral
1.4.1 Statut d’une esp`ece tr`es ´etudi´ee
1.4.2 Une distribution circum-polaire et diff´erentes strat´egies d’approvisionnement
1.4.3 Un exceptionnel mod`ele d’´etudes oc´eanographiques et ´ecologiques
1.5 Probl´ematique et objectifs de la th`ese
1.5.1 Probl´ematique m´ethodologique
1.5.2 Probl´ematique ´ecologique
II Mat´eriel & M´ethodes 
2 Mat´eriel
2.1 Instrumentations des ´el´ephants de mer
2.1.1 Protocole de pose du mat´eriel
2.1.2 Balises SMRU : ´emission des donn´ees et moyenne ´echelle
2.1.3 Balises WildLife Computers : enregistrements `a fine ´echelle
2.1.4 Des donn´ees de trajet `a diff´erentes r´esolutions
2.2 Donn´ees enregistr´ees in situ par les animaux
2.3 Donn´ees oc´eanographiques satellitaires
2.3.1 Temp´erature
2.3.2 Concentration en Chlorophylle a
2.3.3 L’altim´etrie : principes et donn´ees
3 M´ethodes 
3.1 Analyses des donn´ees t´el´em´etriques de localisation
3.1.1 Traitements des donn´ees t´el´em´etriques
3.1.1.1 Filtre d’Epanechnikov
3.1.1.2 Mod`eles Espace- ´ Etat
3.1.2 Segmentation des trajets
3.1.2.1 Descripteurs empiriques
3.1.2.2 “First-Passage-Time” et “First-Bottom-Time”
3.1.2.3 Mod`eles Espace- ´ Etat & Mod`eles de Markov cach´es
3.1.3 Mise en relation des zones de recherche intensive et du succ`es alimentaire
3.2 Analyses des donn´ees de plong´ees
3.2.1 Analyses sur donn´ees de moyenne r´esolution
3.2.2 Classification des plong´ees sur donn´ees de fine r´esolution
3.2.2.1 D´etection des plong´ees de d´erive
3.2.2.2 D´etermination des param`etres de classification
3.2.3 Segmentation du comportement dans la dimension verticale
3.3 Mise en relation du comportement de recherche alimentaire et des conditions environnementales
III Principaux R´esultats 
4 M´ethodologie de la d´etection du comportement d’approvisionnement
4.1 D´etection du comportement d’approvisionnement dans la dimension horizontale
4.1.1 Quelles m´ethodes d´etectent les mˆemes zones de foraging intensif `a partir des donn´ees Argos et GPS ?
4.1.2 Lag temporel de m´etabolisation & Similarit´e des zones de succ`es alimentaire et des zones de foraging intensif
4.1.3 Conclusion
4.2 D´etection du comportement d’approvisionnement dans la dimension verticale .
4.2.1 Classification des plong´ees
4.2.2 Lien entre les dimensions horizontale et verticale
4.2.3 Conclusion
5 Facteurs environnementaux et approvisionnement des femelles ´el´ephants de mer
5.1 `a l’´echelle du trajet : Foraging intensif & Champ tourbillonnaire
5.1.1 Temp´eratures le long de la colonne d’eau
5.1.2 Concentration en Chlorophylle a
5.1.3 Anomalies de Hauteur d’Eau et Vitesses G´eostrophiques
5.1.4 Analyses des Transitions Comportementales
5.1.5 Conclusion
5.2 Gradient de temp´erature et dimension verticale
5.2.1 Segmentation dans la dimension verticale
5.2.2 Utilisation de la Temp´erature et du Gradient de Temp´erature
5.2.3 Conclusion
5.3 Perspectives : exploitation intensive d’une structure cyclonique
5.3.1 Comportement en surface : ´echantillonnage d’une structure meso´echelle
5.3.2 Exploitation de la colonne d’eau
5.3.3 Conclusion et Perspectives
IV Discussion 
6 Synth`ese des r´esultats obtenus au cours de cette th`ese
7 La d´etection du foraging peut s’effectuer `a diff´erentes ´echelles et dimensions spatiales
7.1 Localisation de la recherche en zone restreinte dans la dimension horizontale .
7.1.1 R´esolution des donn´ees t´el´em´etriques : Argos, GPS ou les deux ?
7.1.2 Prise en compte du lag temporel de m´etabolisation
7.1.3 M´ethodologie la plus adapt´ee aux deux r´esolutions des donn´ees de tracking
7.1.4 Identification de l’´echelle spatiale de la recherche en zone restreinte .
7.1.5 Conclusion
7.2 L’importance de la dimension verticale pour un pr´edateur plongeur
7.2.1 Intensification du comportement de plongée le long du trajet
7.2.2 Mise en relation du comportement de plongée avec l’activit´e percue depuis la surface
7.2.3 Comportement au sein des plong´ees : intensification dans la dimension verticale
7.2.4 Conclusion
7.3 Detection du comportement d’approvisionnement : quelles donnees, quelles methodes ?
8 La structuration spatiale du milieu conditionne l’approvisionnement
8.1 Influence des structures meso´echelle sur l’approvisionnement des ´el´ephants de mer austraux
8.2 Strat´egies d’acquisition des ressources chez les ´el´ephants de mer austraux
8.3 Les indicateurs oc´eanographiques et biologiques de l’accessibilit´e `a la ressource
V Conclusions, Questions en suspens et Perspectives 
Bibliographie

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