Ecoconception des ciments : synthèse, hydratation et durabilité

Le béton, principalement à base du ciment Portland, est le matériau le plus utilisé sur terre après l’eau. La production mondiale totale de ciment était estimée pour l’année 2011 à environ 3,6 milliards de tonnes (Mdt) et devrait croître de 0,8 à 1,2 % par an pour atteindre entre 3,7 et 4,4 Mdt en 2050. Cette production a un impact important sur l’environnement et on estime que l’industrie cimentière est responsable à elle seule de 5 % de l’émission totale de CO2 anthropogénique. Une forte diminution de l’émission de CO2 ne peut se faire qu’à travers la diminution de la teneur en clinker dans le ciment, ou d’un changement de composition du clinker Portland. Dans ce but, on assiste à une utilisation croissante des matériaux cimentaires de substitution (SCMs), comme les cendres volantes, pour diminuer la teneur en clinker du ciment. Toutefois, les SCMs réagissent généralement plus lentement que le clinker limitant ainsi les niveaux de substitution .

Une autre piste intéressante pour réduire l’empreinte carbone du ciment, consiste à utiliser non plus des ciments à base de clinker Portland, mais des ciments de type sulfoalumineux bélitiques. Ces nouveaux ciments appelés aussi « low energy cement » sont plus efficients que le ciment Portland en termes d’énergie demandée (~20%) et d’émission de CO2 (~50%). Ils permettent de combiner le développement dès le jeune âge des propriétés mécaniques intéressantes des sulfoalumineux et la durabilité associée à la réaction plus lente de la bélite. Les ciments sulfoalumineux sont des liants hydrauliques relativement récents. Leur dénomination recouvre une large gamme de compositions dont le point commun est la présence de la ye’elimite (C4A3Š). Toutefois l’influence de nombreux paramètres et facteurs qui contrôlent les performances de ces ciments (la clinkérisation, la cinétique d’hydratation, le développement de la microstructure, la durabilité etc.) n’est pas complètement comprise et constitue un champ d’investigation important afin de développer ces nouveaux types de ciments.

ÉTUDE BIBLIOGRAPHIQUE

Le ciment Portland (OPC) est le ciment le plus largement utilisé. Sa synthèse nécessite de grandes quantités d’énergie et dégage une large quantité de CO2. Or suite aux conférences internationales depuis la conférence de Kyoto jusqu’à la conférence des changements climatiques COP 22 (Ghezloun et al. 2017), le développement de produits de construction plus respectueux de l’environnement est devenu un véritable défi. Par conséquent, beaucoup d’efforts sont déployés pour mettre en place de nouveaux ciments ayant un plus faible impact sur l’environnement. Pour réduire l’impact des industries du ciment sur l’environnement, on a vu apparaître de nouveaux ciments de type sulfoalumineux dont la synthèse nécessite une température plus faible. Le ciment sulfoalumineux est un liant hydraulique relativement récent. En Europe, ces ciments sont encore peu connus autrement que par des spécialistes. Dans la littérature anglosaxonne, ces ciments sont référencés sous les dénominations de « low energy cements » ou « energy saving cement ». Les économies d’énergie réalisées lors de leur fabrication sont comprises entre 15 et 25 % et les émissions de CO2 sont réduites de l’ordre de 50 % (Chen et Juenger, 2011 ; Winnefeld et Lothenbach, 2010 ; Trauchessec et al., 2015 ;  Alaoui et al., 2007). L’objectif de ce chapitre est d’établir une base de connaissance sur les ciments sulfoalumineux qui servira de référence pour l’interprétation des résultats obtenus durant ce travail de thèse. Il présentera en premier lieu l’impact du ciment sulfoalumineux sur l’environnement, sa fabrication, ses propriétés hydrauliques et mécaniques ainsi que son potentiel dans la valorisation des déchets. Dans un second lieu un rappel sur les mécanismes mis en jeu lors de la lixiviation d’un liant à base de ciment Portland est élaboré vu que ces derniers sont abondamment étudiés dans la littérature. De même le principe de transport réactif est évoqué. Enfin, la troisième partie s’intéresse à la réaction alcali granulat (RAG) et plus spécifiquement à la réaction alcali silice (RAS), son origine, ses mécanismes réactionnels ainsi que les méthodes d’inhibition de cette réaction.

Ciment vert : ciment sulfoalumineux

Les ciments sulfoalumineux sont des liants hydrauliques relativement récents. Leur dénomination recouvre une large gamme de compositions dont le point commun est la présence de sulfoaluminate de calcium ou ye’elimite (C4A3Š). Le passage à l’échelle industrielle s’est fait en Chine, au cours des années 1970, à partir d’une formulation mise au point et industrialisée par la China Building Materials Academy (CBMA) (Glasser et Zhang, 2001 ; Péra et Ambroise, 2004 ; Luz et al., 2009 ; Shi et al., 2011). Cette première formulation, appelée CSA pour Calcium Sulfo Aluminate, est basée sur un clinker contenant un mélange de ye’elimite, de bélite, de ferrite et d’anhydrite. En 1999, il existait quinze cimenteries dotées d’une capacité de production cumulée de plus de 1 million de tonnes par an et dédiées à la fabrication de ces ciments. Si cette valeur reste très faible par rapport au milliard de tonnes de ciments de tous types produits en Chine, l’intérêt suscité par ce type de liant a aujourd’hui dépassé les frontières de ce pays. Le ciment CSA remplace le ciment OPC dans certaines applications, on peut citer par exemple : la fabrication des éléments préfabriqués en bétons (comme les tabliers de ponts) et des éléments précontraints ou autocontraints (comme les poutres et les canalisations en béton) (Pimraksa et Chindaprasirt, 2018). Le pont de Hang Tian à Pékin, la tour des télécommunications longues distances de Shenyang et la station antarctique chinoise, représente des ouvrages bâtis dans lesquelles les ciments CSA ont été utilisés (Zhang et al., 1999 ; Sharp et al. 1999). Dans ce dernier cas (station antarctique), la forte chaleur d’hydratation du liant a facilité le bétonnage par temps froid. Les liants sulfoalumineux bélitiques sont utilisés également pour la réalisation des chapes et mortiers autonivelants sans retrait ainsi que des bétons à très haute résistance à court terme. De même grâce à la faible alcalinité de ces ciments, la fabrication des composites renforcés par des fibres de verre s’est rendue possible (Péra et Ambroise, 2004). Plus récemment ce ciment a été utilisé comme ajout au ciment OPC dans l’impression 3D des matériaux cimentaires (Khalil et al., 2017).

Enjeux environnementaux

L’industrie cimentière participe aujourd’hui à plus de 5 % des émissions mondiales de CO2 (Chen et Juenger, 2011 ; Winnefeld et Lothenbach, 2010 ; Trauchessec et al., 2015 ; Alaoui et al., 2007) (figure I-1). L’émission du carbone lié à tout autre composant du béton (sable, granulats…) peut généralement être négligée par rapport à l’émission émise lors de la fabrication du ciment. Les ciments OPC sont obtenus à partir de clinker OPC après clinkérisation à une température de l’ordre de 1450 °C d’un cru riche en carbonate de calcium dans un four.

Par contre, chaque tonne de ciment OPC synthétisé émet 800 kg de CO2 dans l’air (Winnefeld et Lothenbach, 2010 ; Gartner, 2004 ; Damtoft et al., 2008 ; Martín Sedeño et al., 2010). Quatre sources essentielles sont à l’origine de cette émission : la calcination (55%), l’électricité, le transport (10%) et l’énergie fossiles (35%) (Gartner, 2004 ; Summerbell et al., 2016). Or, depuis la conférence de Kyoto (2007), la réduction des gaz à effet de serre est devenue un enjeu planétaire. Les cimentiers ont été donc contraints de tenir compte de cette problématique, vue la grande intervention de leur industrie dans l’émission globale de CO2. Dans ce but plusieurs solutions ont été envisagées afin de réduire cette émission et cela par (Gineys, 2011):
• Réduction de la quantité de CO2 émise lors de la décarbonatation, soit par le remplacement d’une partie des matières premières en amont du four par des produits déjà décarbonatés, soit par la substitution d’une partie de clinker par des ajouts (comme les pouzzolanes, laitiers, cendres volantes…).
• Réduction de la quantité de CO2 issue des combustibles, pour cela une partie des combustibles est remplacée par des déchets. Toute utilisation de déchets comme combustibles pour la fabrication du ciment est une valorisation puisqu’elle économise l’énergie et diminue indirectement les dégagements de CO2.
• Réduction de l’énergie nécessaire à la fabrication du ciment. La solution consiste à mettre au point d’autres types de ciments produits à plus basse température.

Cette dernière solution a poussé les cimentiers à élaborer de nouveaux liants hydrauliques qui produiraient une quantité plus faible de CO2 durant leur fabrication. Parmi ces liants, les ciments sulfoalumineux CSA paraissent prometteurs .

La fabrication du ciment sulfoalumineux CSA produit moins de gaz à effet de serre, notamment de CO2, et consomme moins d’énergie que celle du ciment OPC (Chen et Juenger, 2011 ; Winnefeld et Lothenbach, 2010 ; Alaoui et al., 2007 ; Chen et al., 2012 ; García-Maté et al., 2013 ; Michel et al., 2012 ; Idrissi, 2012 ; Berger, 2009 ; Janotka et Krajci, 1999 ; Champenois et al., 2013), ceci est due à :
• La plus faible teneur en carbonate de calcium du cru, due à l’absence de l’alite (silicate tricalcique (C3S)), ce qui permet de réduire le dégagement de CO2 provenant de la décarbonatation du calcaire.
• L’abaissement de 100-150 °C de la température de clinkérisation, qui permet de diminuer la consommation énergétique du four et par suite les quantités de combustibles fossiles. De même les émissions NOX (générées par le procédé de clinkérisation) sont aussi réduites.
• La plus grande friabilité du clinker, qui diminue le coût énergétique du broyage. L’énergie nécessaire pour le broyage d’une tonne du ciment OPC est de 45 à 50 kWh, tandis qu’elle est de 20 à 30 kWh/t pour le ciment CSA.

Les valeurs d’émission de CO2 des quatre phases principales des ciments (alite (C3S) et bélite (C2S) pour le ciment OPC, aluminate de calcium (C3A) pour le ciment alumineux et ye’elimite (C4A3Ṧ) pour le ciment sulfoalumineux) .

Différents types du ciment sulfoalumineux

Les ciments sulfoalumineux sont très nombreux et se composent essentiellement de clinker sulfoalumineux et de sulfate de calcium, hydraté (gypse), ou anhydrite. Le point commun entre les différents types du ciment sulfoalumineux est la présence d’une phase qui s’appelle ye’elimite ou composé de Klein (C4A3Š). En général il y a quatre types du ciment sulfoalumineux (Shi et al., 2011) :
1- Ciment sulfoalumineux alitique : l’alite et la ye’elimite sont les principales phases du clinker. Dans ce type du ciment, la bélite est absente.
2- Ciment sulfoalumineux bélitique : la bélite et la ye’elimite sont les principales phases du clinker. Il ne contient pas d’alite mais une très petite quantité d’aluminate tricalcique et une faible teneur en chaux.
3- Ciment Portland modifié à la ye’elimite : c’est un mélange de 5 à 20% de ye’elimite qui est produite séparément et d’un clinker de Portland.
4- Ciment ye’elimitique : constitué d’un mélange de ye’elimite (15-50%), de sulfopurrite (C5S2Ṧ) (25-77%) et d’anhydrite, mais sans silicates de calcium.

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Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE I – ÉTUDE BIBLIOGRAPHIQUE
1. Ciment vert : ciment sulfoalumineux
1.1. Enjeux environnementaux
1.2. Différents types du ciment sulfoalumineux
1.3. Caractéristiques des ciments CSA
2. De la synthèse vers l’hydratation du ciment CSA
2.1. Synthèse et formation des phases du ciment CSA
2.2. Mécanismes d’hydratation du ciment CSA
2.2.1. Équations-bilans d’hydratation
2.2.2. Mécanismes d’hydratation du ciment CSA
Effet du sulfate de calcium sur l’hydratation du ciment CSA
3. Traitement des déchets par les ciments
3.1. Stabilisation/solidification des déchets
3.2. Valorisation des déchets dans le cru
4. Durabilité des matériaux cimentaires
4.1. Transport réactif
4.2. Mécanismes mis en jeu lors de la lixiviation par de l’eau pure d’un liant à base de ciment Portland
4.3. Attaque sulfatique
4.4. Etude de durabilité des ciments CSA dans l’eau pure
5. Réaction Alcali-Silice : une pathologie du béton
5.1. Réaction alcali-silice : Origine et développement
5.2. Facteurs influençant la RAS
5.2.1. Silice réactive
5.2.2. Alcalins
5.2.3. Calcium
5.2.4. Eau
5.2.5. Température
5.3. Mécanismes réactionnels
5.4. Mécanisme de gonflements
5.4.1. Phénomène double couche électrique
5.4.2. Gonflement osmotique
5.4.3. Gonflement par pression de cristallisation
5.4.4. Gonflement granulaire
5.5. Méthodes d’inhibition de la RAS
5.5.1. Inhibition par les additions minérales
5.5.2. Inhibition par le lithium
6. Conclusion et objectifs de cette thèse
CHAPITRE II – MATÉRIELS ET MÉTHODES
1. Synthèse des ciments sulfoalumineux CSA
1.1. Synthèse des clinkers témoins
1.1.1. Méthode de fabrication du ciment sulfoalumineux
1.2. Synthèse des clinkers dopés au zinc
1.3. Méthodes de caractérisation des clinkers et des ciments CSA synthétisés
1.3.1. Diffraction des rayons X (DRX)
1.3.2. Microscopie électronique à balayage (MEB)
1.3.3. Calorimétrie isotherme
1.3.4. Performances mécaniques
2. Durabilité des ciments CSA
2.1. Durabilité dans l’eau pure et dans l’eau sulfatée
2.1.1. Préparation des éprouvettes et des milieux d’études
2.1.2. Cas du milieu contenant de l’eau pure
2.1.3. Cas du milieu contenant de l’eau sulfatée
2.1.4. Caractérisation des pâtes de ciment
3. Réaction Alcali-Silice RAS
3.1. Granulat réactif utilisé
3.2. Matériaux cimentaires
3.3. Conception des mortiers
3.4. Tests réalisés
CHAPITRE III – SYNTHÈSE ET ÉTUDE DES PROPRIÉTÉS DU CIMENT CSA
1. Etude de la variabilité du ciment CSA
1.1. Synthèse du ciment CSA
1.2. Quantification des phases par analyse Rietveld
1.3. Caractérisation des clinkers synthétisés par Microscopie électronique à balayage
1.4. Réactivité des ciments CSA synthétisés
1.5. Propriétés mécaniques des ciments CSA synthétisés
2. Influence de la composition du ciment CSA sur la valeur limite en Zinc
2.1. Influence de l’incorporation du Zn sur la réactivité des ciments CSA
2.2. Influence de l’ajout du Zn sur les performances mécaniques des ciments CSA
3. Conclusion
CHAPITRE IV – EFFET DE LA COMPOSITION DU CIMENT CSA SUR SA DURABILITÉ
1. Influence de composition du ciment CSA sur leurs dégradations dans l’eau pure et dans
l’eau sulfatée
1.1. Caractérisations des pâtes de ciment non altérées
1.2. Influence de la composition du ciment sulfoalumineux sur sa durabilité dans l’eau pure
1.2.1. Etude des flux lixiviés dans l’eau pure
1.2.2. Caractérisation des solides après lixiviation dans l’eau pure
1.2.2.1. Identification des zones dégradées et sains des solides après lixiviation dans l’eau pure
1.2.2.2. Analyses DRX des solides altérés après lixiviation à l’eau pure
1.2.2.3. Analyses MEB/EDS des solides altérés après lixiviation à l’eau pure
1.3. Influence de la composition du ciment CSA sur sa durabilité dans l’eau sulfatée
1.3.1. Etudes des flux d’ions lixiviés dans l’eau sulfatée
1.3.2. Caractérisations des solides altérées après attaque à l’eau sulfatée
1.3.2.1. Identification des zones dégradées et zones saines dans les solides après attaque sulfatique
1.3.2.2. Analyses DRX des solides altérés après attaque sulfatique
1.3.2.3. Analyses MEB/EDS des solides altérés après attaque sulfatique
2. Impact environnemental des ciments sulfoalumineux dopés en Zn
CONCLUSION

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