Échographie ultraportable pour la prise en charge du blessé de guerre

Selon une étude épidémiologique, 41 % des militaires français blessés en opération extérieure (OPEX) sont des traumatisés sévères tels que définis par les critères de Vittel (1). La prise en charge en milieu hostile impose au médecin isolé de mettre en œuvre au plus tôt des techniques de réanimation adaptées, c’est le concept du prolonged field care (2). Le Service de Santé des Armées français organise ses niveaux de soins en quatre rôles successifs, numérotés de “un” à “quatre”. À chaque rôle sont associées des capacités de prise en charge médico-chirurgicale croissantes (Figure 1). Dans les premières minutes après la blessure, le contact précoce avec un médecin ou un infirmier diplômé du Secours au Combat de niveau 3 assure une « médicalisation de l’avant » (3). L’hémorragie reste la principale cause de mortalité évitable du blessé de guerre (4). L’enjeu de la phase préhospitalière est donc de diagnostiquer un éventuel saignement, qui pourrait passer inaperçu pour près de la moitié des lésions abdominales (5). Le retard diagnostic s’explique notamment par la fiabilité insuffisante des signes cliniques et des paramètres hémodynamiques pour prédire de telles lésions (6). Dans ce contexte, l’examen échographique a fait ses preuves en situation d’urgence, et est intégré dans le protocole échoguidé précoce par « Extensed Focused Assessment with Sonography for Trauma » (E-FAST) chez les patients traumatisés sévères, hémodynamiquement instables (7). Il comprend la recherche d’épanchements dans les espaces inter hépato-rénal, spléno-rénal, péricardique, le pelvis et le glissement pleural antérieur. Aujourd’hui, le concept de l’échographie clinique en médecine d’urgence (ECMU) (8) est l’application pratique de la Point of care ultrasonography (POCUS) en medecine d’urgence (9). Il s’impose dans la pratique clinique quotidienne du médecin urgentiste afin d’apporter une réponse binaire à une question précise impactant la suite de la prise en charge, dans un temps compatible avec la gestion d’une urgence vitale. Les échographes en dotation au sein des équipes médicales militaires sont actuellement miniaturisés et pourraient être une aide précieuse pour la réanimation ou le monitorage du patient critique (10). S’il semble qu’ils puissent s’adapter aux milieux hostiles (11), ils ne sont le plus souvent décrits qu’à distance de la zone de combat, au rôle « trois » (12).

Matériel et méthodes 

Nous avons mené une étude prospective observationnelle au cours de six stages de Médicalisation en milieu hostile – MEDICHOS – successifs, entre novembre 2017 et juillet 2019. Les conditions réelles de terrain rendant complexe la réalisation d’une étude évaluant la faisabilité de l’échographie au plus près du combat, nous avons choisi d’effectuer nos observations lors de stages de simulations afin d’obtenir des résultats permettant de concevoir ultérieurement une étude clinique. Ces stages de simulation, organisés par le Centre d’enseignement et de simulation à la médecine opérationnelle (CESimMO) se déroulent sur une semaine et sont destinés aux médecins militaires avant leur départ en opération extérieure. Des outils pédagogiques variés sont mis à profit ; intervenaient par exemple des bras de perfusion, des cous de coniotomie, des têtes d’intubation, ou des thorax d’exsufflation, qui permettaient de reproduire des situations cliniques complexes en complément des mannequins haute-fidélité. Les scénarii prenaient place dans un environnement proche de la réalité rencontrée sur le terrain, restituant l’interaction des équipes santé avec le dispositif militaire. L’investigateur était un médecin formé à la technique de l’E-FAST, ayant les aptitudes de reconnaître l’obtention des coupes de référence. L’appareil d’échographie portable utilisé était le V-Scan (V-Scan Dual Probe©, GE Healthcare, Milwaukee, Wisconsin, USA). Les coupes de référence étaient définies par le protocole E-FAST. Pour chaque séquence échographique, le temps d’obtention des coupes était chronométré par l’investigateur à partir du moment où le stagiaire posait la sonde d’échographie sur le plastron sain jouant le rôle de blessé. A l’obtention de l’image de référence, l’investigateur proposait sur une tablette tactile la boucle de video normale ou pathologique pré définie par le scénario, et le stagiaire poursuivait sa prise en charge.

Si le figurant bénéficiait de la recherche de toutes les coupes de référence de la sequence EFAST, l’échographie était incluse dans le groupe « E-FAST »; si le praticien ne recherchait qu’un certain nombre de ces coupes, l’échographie était incluse dans le groupe « POCUS ». La réussite était définie par la reconnaissance par l’investigateur de l’obtention de la coupe de référence. La faisabilité de l’échographie était définie comme une réussite pour les coupes recherchées dans un délai inférieur à 180 secondes. Le contexte d’urgence en milieu opérationnel hostile impose la réussite de l’échographie dans un intervalle de temps court (13). C’est dans cet objectif que nous avons fait le choix de définir la faisabilité, non comme la simple réussite mais comme un critère composite incluant la notion de délai. Nous avions défini un délai maximal car il a été démontré que la survie du patient instable est fonction du délai du prise de prise en charge (14). Cette limite supérieure était fixée en accord avec les performances retrouvées régulièrement dans les données de la littérature (15) (16) et correspond également au délai médian observé chez des médecins militaires récemment formés à la technique (17). Après l’exercice, chaque stagiaire estimait de façon subjective à l’aide d’une échelle de Likert graduée de zéro à dix (pas d’impact – impact majeur) l’incidence de l’échographie sur sa stratégie de prise en charge et d’évacuation. La médiane des notes était calculée. Pour une note supérieure au score médian, l’impact était défini comme « présent ». On procédait de même pour qualifier la facilité d’obtention des images. Les médecins étaient interrogés sur leur cursus, et sur d’éventuelles formations à l’échographie. La fréquence d’utilisation de cet outil en pratique quotidienne était recueillie, elle était définie comme « régulière » en cas d’usage au moins mensuel. En outre, les praticiens ont été recontactés entre six mois et un an après leur projection en opération extérieure afin d’évaluer leur usage de l’échographie lors de la mission. Un questionnaire leur était soumis par mail, afin d’étudier l’usage, les raisons en cas de non-utilisation, et le ressenti quant à l’utilité et la praticité sur une échelle visuelle graduée par « mineur », « modéré » ou « majeur ». Nous avons inclus dans l’étude les figurants ayant bénéficié d’échographies correspondant aux critères E-FAST ou POCUS. Les figurants pour lesquels l’obtention des images a été affectée par un défaut technique de l’appareil ont été exclus, ainsi que les figurants n’ayant pas bénéficié d’images échographiques.

Analyse statistique 

Les résultats ont été inclus dans une base de données Microsoft® Office Excel (Microsoft, Redmond, Etats-Unis). Les analyses statistiques ont été réalisées à partir du logiciel de statistiques R® (R Foundation for Statistical Computing, Vienne, Autriche). Les caractéristiques des échographies réalisées et des médecins stagiaires les ayant effectuées ont été décrites en effectif et en pourcentage pour les variables qualitatives et en médiane avec écarts interquartiles pour les variables continues. Le test de Wilcoxon- Mann Whitney (variables quantitatives) et le test exact de Fisher (variables qualitatives) ont été utilisés pour tester les différences entre les variables mesurées. Le degré de significativité p est fixé à 0,05.

Résultats

Au total, durant les six stages, 306 figurants ont été pris en charge par 27 médecins stagiaires. 66 (21,5%) d’entre eux ont bénéficié d’une prise en charge échoguidée réussie .

Trois catégories de blessures ont été identifiées : les traumatismes prédominant à l’abdomen (n = 31), thoraciques (n = 14) et celui regroupant les traumatismes céphaliques et des membres (n = 21). 35 (53 %) des coupes étaient réalisées sur des figurants instables. 42 (64%) séquences échographiques ont été réalisées par des médecins déclarant une pratique régulière (au moins hebdomadaire). 47 % l’ont été par des médecins ayant bénéficié d’une formation à l’urgence (CAMU ou DESC). 79 % des coupes ont été réalisées par des médecins n’ayant pas bénéficié d’une formation à l’échographie universitaire ou institutionnelle. Les caractéristiques des 27 médecins qui ont participé à l’étude ont été recueillies .

Le taux de faisabilité, c’est-à dire le taux de réussite en moins de 180 secondes, s’établissait dans notre étude à 44 %. La typologie de blessure et la stabilité hémodynamique du blessé ne semblaient pas influer sur la faisabilité (p = 0,53; p = 0,46), de même que la seule formation à l’échographie (p = 0,56), ou le type de cursus du médecin (p = 0,14). On constatait une augmentation significative de la faisabilité chez les médecins ayant une pratique régulière de l’échographie (p = 0,08). En termes de réussite en dehors de toute notion de délai, on observait une obtention des images dans 94 % des cas (n = 62/66).

Le délai médian d’obtention des images était de 192 secondes. Chez les praticiens qui déclaraient une activité régulière le délai médian était inférieur d’une minute (174 secondes contre 257 sec; p = 0,01). La formation universitaire ou institutionnelle à l’échographie ne semblait pas raccourcir les délais d’obtention des images (209 sec contre 190 sec; p = 0,99). Lorsque le schéma choisi était l’E-FAST on constatait un raccourcissement significatif des délais par rapport à la POCUS (médiane de 190 sec contre 200 sec; p = 0,02).

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Table des matières

Introduction
Matériel et méthodes
Analyse statistique
Résultats
Discussion
Conclusion
Références
Serment d’Hippocrate

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