E-GOUVERNANCE ET DÉMOCRATIE

La démocratie en tant que gouvernement du peuple

      Étymologiquement, le terme de démocratie provient des racines grecques démos [peuple] et cratos [pouvoir]. C’est un type de gouvernement où le pouvoir émane du peuple. Dans l’Esprit des Lois, Montesquieu l’a défini en ces termes: « Lorsque dans la République, le peuple en corps a la souveraine puissance, c’est la démocratie » 27. Généralement, deux conceptions sont invoquées pour définir le terme de démocratie. La première, dite maximaliste, présente la démocratie comme un projet de réalisation du bien-être matériel et moral des citoyens. L’ancien Président du Sénégal, Abdou Diouf, semble se ranger dans cette lignée quand il définit la démocratie « comme une condition nécessaire à l’épanouissement de la personne humaine. Elle est une exigence morale universelle. Il n’y a pas une démocratie pour les riches, et une autre pour les pauvres. Il n’y a pas une démocratie pour les forts et une autre pour les faibles. Il y a un socle de valeurs sur lequel repose l’humanité. Tous les peuples doivent avoir la démocratie en partage. Au reste, les crises qui secouent notre continent portent les stigmates de violations massives des droits de l’homme et d’absence de démocratie » 28. Cette conception se rapproche de la célèbre définition d’Abraham Lincoln qui considère la démocratie comme « le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple » 29. En effet, dans son discours à Gettysburg, il fait du peuple la source organique, fonctionnelle et téléologique du pouvoir politique. Mais il faut reconnaître que cette conception de la démocratie ne correspond pas trop à ce que nous livre la réalité. El Hadji Omar Diop va même plus loin quand il affirme que « la démocratie occidentale exige dans son sens premier le gouvernement du peuple, dans l’intérêt du peuple, par le peuple. Ce type de gouvernement direct des hommes par eux-mêmes ne se conçoit que dans de petites cités, dont les citoyens, peu nombreux, ont la possibilité de se retrouver ensemble en un même lieu pour délibérer sur les affaires publiques. La taille des Etats modernes ne permet pas ce modèle d’organisation politique» 30. Déjà Montesquieu nous faisait remarquer qu’en tant qu’entité globale, le peuple n’étant pas capable de « discuter les affaires » 31, ne pouvait pas exercer cette souveraineté directement32. Pour contourner cette situation qui est « un des grands inconvénients de la démocratie » 33, Montesquieu a mis en place une séparation des pouvoirs dans laquelle le peuple aura la gestion du législatif (qu’il partage cependant avec la noblesse) et se fera assister, pour le reste, par ses représentants. A travers cet équilibre institutionnel qu’il prône et, selon lui, « seul garant véritable de la liberté politique » 34, nous apercevons toute la difficulté de mettre en œuvre la conception maximaliste de la démocratie ou plus précisément celle d’Abraham Lincoln qui fait du peuple l’élément central de la démocratie. Sémou Pathé Guèye constate d’ailleurs dans ce sens que « la souveraineté ainsi attribuée par Montesquieu au peuple ne pouvait être exercée par celui-ci ni de façon exclusive ni directement mais plutôt par l’intermédiaire de ses représentants, en partageant la fonction éminente de législation qui en est l’expression la plus effective avec la noblesse et, surtout, en acceptant la limitation de ses prérogatives dans le cadre d’un dispositif institutionnel fondé sur le principe « le pouvoir arrête le pouvoir″ . En d’autres termes, c’est comme si Montesquieu reprenait d’une main ce qu’il accordait au peuple de l’autre. C’est là précisément que Rousseau se démarque de lui ».

La démocratisation du continent noir : un processus aux multiples enjeux

      Entre 1960 et 1980, au moins soixante coups d’État et révolutions de toutes sortes ont été enregistrés en Afrique. Aussi, l’absence de pluralisme politique et la privation des libertés individuelles et collectives ont été notées dans la majorité des pays. Mais avec la fin de la guerre froide, la chute du mur de Berlin et l’effondrement des régimes communistes d’Europe de l’Est d’une part et d’autre part, la persistance d’une crise économique internationale qui a considérablement affaibli les régimes de parti unique, les peuples africains secoués par les « vents de l’Est » ont commencé à émettre de profondes aspirations à plus de liberté, à plus de démocratie et à un changement profond du mode de gestion des affaires publiques. En effet, les populations africaines, confrontées, pour la plupart, au chômage galopant, à l’accumulation des arriérés de salaire, à la faillite des sociétés et institutions financières nationales, ont émis de profondes exigences concernant le fonctionnement régulier et démocratique des institutions, leur participation à la gestion des affaires publiques, au respect et à la garantie des droits fondamentaux de la personne humaine et des libertés publiques, à une gestion économique et financière transparente, responsable et cohérente. De leur côté, les bailleurs de fonds occidentaux, libérés des calculs stratégiques et des soucis de rassemblement du plus grand nombre de protégés en Afrique suite à la fin de la guerre froide, se sont résolus à promouvoir la démocratie de manière plus claire et plus explicite en mettant en place un certain nombre de conditionnalités politiques et économiques. Désormais, pour pouvoir prétendre à une aide ou à un prêt quelconque, tout régime africain doit satisfaire aux exigences de la bonne gouvernance mais aussi et surtout à celles du pluralisme politique. Ainsi, aux exigences de bonne gouvernance viennent se confondre celles de la démocratisation des régimes africains. La dimension politique apparaît de ce fait dans le discours officiel des pays donateurs et des institutions financières internationales qui, jusque là, se sont contentés de réguler le marché. Tous ces éléments réunis ont donc été à l’origine des changements intervenus en Afrique à partir des années 1990. Dans cette section réservée au processus de transition démocratique de l’Afrique, nous étudierons dans un premier temps la nature et les typologies des conditionnalités politiques imposées aux Etats. Dans un second temps, nous montrerons par quelles modalités cette transition vers la démocratie et le multipartisme s’est faite avant de tirer un bilan qui sera également une sorte de tableau de la situation actuelle quinze ans après les premières conférences nationales.

De la « mauvaise » gouvernance aux programmes nationaux de « bonne » gouvernance en Afrique

      Plus d’une décennie après les conditionnalités démocratiques imposées en Afrique par les bailleurs de fonds, les exemples de « mauvaise » gouvernance dans le continent se multiplient. Certes beaucoup de pays ont adopté le multipartisme et organisent régulièrement des consultations électorales, mais c’est souvent une démocratie de façade. Les droits de l’homme sont bafoués et la corruption règne à tous les niveaux de l’État. Ainsi, tirant les leçons du passé et comme en témoignent ses travaux les plus récents, la Banque mondiale, de son côté, est en train d’opérer une prise de conscience sur les risques d’échec liés au fait d’imposer des réformes avec des systèmes juridiques et politiques propres au monde occidental. La nécessité de prendre en compte les règles et principes en vigueur dans les sociétés concernées y est fortement affirmée. Aussi, aujourd’hui, consciente du fait que la tenue d’élections libres et régulières n’est pas suffisante pour développer un pays, la Banque mondiale a progressivement remplacé les hasardeuses conditionnalités démocratiques par son précepte de « good governance » rendu en français par le concept de « bonne gouvernance ». Bien que son mandat lui interdit toute considération politique, la Banque mondiale définit quand même la bonne gouvernance par rapport à la nature des régimes politiques et à la qualité des méthodes de gouvernement. Pour les institutions financières internationales comme pour les autres bailleurs de fonds bilatéraux ou multilatéraux, les pratiques de bonne gouvernance visent à créer des Etats capables et efficaces mais aussi et surtout un environnement propice dans lequel les secteurs public et privé jouent leurs rôles respectifs d’une manière mutuellement bénéfique en vue de réduire la pauvreté et d’assurer une croissance et un développement durables. Dans cette partie de notre réflexion, nous nous proposons, dans un premier temps, de procéder à un diagnostic de la mauvaise gouvernance en Afrique à la suite du rapport de 1989 de la Banque mondiale afin de voir en quoi elle peut être un frein pour le développement. Dans un second temps, nous parlerons plus amplement de la bonne gouvernance, en essayant de dépasser le discours officiel afin de comprendre les objectifs que visent ses promoteurs et les non-dits.

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Table des matières

INTRODUCTION GÉNÉRALE
PREMIÈRE PARTIE : Des conditionnalités démocratiques à la bonne gouvernance : L’Afrique face au modèle occidental2
CHAPITRE 1 Démocratie et bonne gouvernance en Afrique : modalités, enjeux
1-1 Le processus de transition démocratique en Afrique
1-1-1 La démocratie en débat
1-1-2 La démocratisation du continent noir : un processus aux multiples enjeux
1-2 Des exigences d’une bonne gouvernance en Afrique
1-2-1 La gouvernance
1-2-2 De la mauvaise gouvernance aux PNBG en Afrique
CHAPITRE 2 Alternance démocratique et bonne gouvernance au Sénégal
2-1 La démocratie sénégalaise : une pratique historique
2-1-1 Du multipartisme limité au pluralisme médiatique
2-1-2 Les raisons d’une alternance annoncée
2-2 Alternance démocratique et bonne gouvernance
2-2-1 Le 19 mars 2000, une date historique
2-2-2 La bonne gouvernance au Sénégal
DEUXIEME PARTIE : Les TIC au secours de la démocratie et de la bonne gouvernance
CHAPITRE 3 L’e-gouvernance : entre démocratie, bonne gouvernance
3-1 L’e-gouvernance : plusieurs dénominations, une seule et même réalité
3-1-1 L’e-gouvernance : un concept dynamique
3-1-2 Applications, étapes et technologies de l’e-gouvernance
3-2 Du discours à la réalité ou quelques exemples d’applications du e-gouvernement
3-2-1 L’e-gouvernance dans les pays du Nord
3-2-2 L’e-gouvernance en Afrique : de timides expériences
CHAPITRE 4 L’e-Sénégal ou les tentatives d’appropriation des TIC
4-1 Le Sénégal dans la société de l’information
4-1-1 L’administration sénégalaise et les TIC
4-1-2 Les TIC dans la société sénégalaise : quels usages ?
4-2 Les stratégies de gouvernement électronique au Sénégal
4-2-1 Des projets ambitieux
4-2-2 Du discours officiel à la réalité du terrain
CONCLUSION GÉNÉRALE

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