Dynamique et complexité de la déformation plastique

Déformation plastique 

La connaissance et la maîtrise de la déformation plastique sont depuis longtemps reconnues comme des enjeux majeurs en science des matériaux et en mécanique. Cette connaissance et cette maîtrise sont notamment fondamentales afin de pouvoir décrire le comportement au cours des opérations de mise en forme par déformation plastique (laminage, emboutissage, forgeage, tréfilage…), ou pour comprendre comment des pièces sollicitées mécaniquement vont évoluer avec le temps, ou encore pour prévoir l’énergie absorbée au cours d’un choc (dans le cas d’une tôle de voiture par exemple). Comprendre les mécanismes associés à la déformation plastique est ainsi de la première importance pour les secteurs industriels concernés par la fabrication et l’utilisation de produits à résistance mécanique élevée : sidérurgie, industrie automobile, aérospatiale, navale, nucléaire… Les exigences en termes de performances des matériaux sont toujours plus élevées et nécessitent une maîtrise accrue des phénomènes régissant la plasticité. Aboutir à une meilleure compréhension des liens qui unissent les propriétés microscopiques d’un matériau à son comportement à l’échelle macroscopique est de ce point de vue fondamental. Par ailleurs, les avancées récentes dans le domaine de la miniaturisation et des nanotechnologies rendent eux directement compte du besoin d’une description plus approfondie des mécanismes microscopiques à l’origine de la déformation plastique.

Dislocations

Au début du siècle dernier, pour expliquer le comportement mécanique des matériaux en plasticité, et notamment le fait que la valeur de la limite élastique observée expérimentalement dans la plupart des matériaux était bien inférieure à la limite élastique calculée théoriquement, le concept de dislocations a été introduit. Les dislocations sont des défauts linéaires de la structure atomique des cristaux. Lorsqu’elles se déplacent, le cristal se déforme plastiquement. Quand les dislocations atteignent la surface, elles y laissent des marches, appelées lignes de glissement. Avant la guerre, la déformation plastique des cristaux a principalement été étudiée justement grâce à l’observation de ces lignes de glissement se développant en surface [Taylor, 1934]. Néanmoins, l’étude des dislocations s’est réellement développée sur le plan théorique et expérimental après la seconde guerre mondiale. Les premières observations directes de dislocations, par microscopie électronique en transmission, datent notamment de 1956 [Hirsch et al., 1956].

L’influence des dislocations sur les propriétés des cristaux est considérable. Leur rôle sur le comportement mécanique est bien entendu primordial mais leur influence s’étend également à d’autres propriétés comme la résistivité électrique des semi conducteurs. Depuis les années 60, le cadre théorique permettant de comprendre le comportement d’une dislocation individuelle est quasiment achevé [Friedel, 1964]. Les principales propriétés des dislocations sont connues, au moins de manière approximative. La plupart des configurations géométriques possibles ont été étudiées, et confirmées par les multiples observations expérimentales réalisées dans des matériaux de structures diverses. Cependant, la théorie s’est surtout attachée à décrire les propriétés d’une dislocation individuelle ou celles associées à différentes configurations de paires de dislocations. Expérimentalement, l’observation des dislocations s’effectue principalement post mortem, tandis que les observations in situ sont limitées au déplacement d’une ou de quelques dislocations. Ainsi, le comportement collectif et dynamique de plusieurs dislocations reste encore quelque chose de mal connu.

Approche micro-macro 

A l’échelle macroscopique, la déformation plastique s’apparente le plus souvent à un écoulement régulier et homogène, comme semble l’indiquer l’allure très lisse des courbes contrainte-déformation de la plupart des matériaux cristallins ou encore tel qu’on peut l’observer (comme par exemple dans le cas du pliage d’un trombone). Par conséquent, la vision traditionnelle de la plasticité fut longtemps proche de celle d’un fluide visqueux. Dès lors, l’écoulement des dislocations dans le cristal était supposé lui aussi se faire de manière homogène. L’équation d’Orowan est une illustration de ce principe [Orowan, 1940]. Elle relie directement la vitesse de déformation macroscopique du matériau à des quantités moyennes de la population des dislocations, densité et vitesse des dislocations mobiles. Dans le cadre d’une hypothèse d’un comportement homogène des dislocations, la connaissance des caractéristiques associées au comportement individuel d’une dislocation est donc suffisante. Le plus souvent, le comportement global d’un matériau était supposé pouvoir se retrouver à partir d’une opération de « moyennisation » sur les propriétés de ses dislocations. Or, comprendre comment l’échelle microscopique des défauts est reliée à l’échelle macroscopique du comportement du matériau (approche micro macro) est fondamental en plasticité. Lors de l’élaboration d’un nouveau matériau, cette compréhension est à la base de la modélisation de ses performances. Jusqu’à présent, en raison de la vision traditionnelle de la plasticité, le passage micro-macro a été avant tout abordé à partir de procédures d’homogénéisation.

Toutefois, cette vision classique de la plasticité des matériaux cristallins est remise en cause depuis quelques années, en particulier grâce à des travaux expérimentaux menés au sein du Laboratoire de Glaciologie et Géophysique de l’Environnement (LGGE) de Grenoble. Ces travaux participent à la construction d’un nouveau paradigme en plasticité. Ils s’appuient sur une analyse originale de la dynamique collective des dislocations au cours de la déformation plastique par mesures d’émission acoustique [Weiss et Grasso, 1997]. A l’image de la sismologie permettant l’étude de la déformation de la croûte terrestre, l’émission acoustique est en effet un moyen unique d’étude in situ des mouvements collectifs de dislocations, à la fois en termes de temps, d’espace et d’énergie. Ce type d’analyse permet d’avoir accès à des données statistiques sur la dynamique collective des dislocations, là où jusqu’à présent on se contentait soit d’observer le déplacement de dislocations individuelles soit de procéder à des analyses statiques. Les travaux menés au LGGE indiquent que la dynamique collective des dislocations peut présenter un caractère intermittent, non-linéaire et proche d’un état critique. Des statistiques en loi de puissance des amplitudes des microséismes générés par les mouvements collectifs de dislocations (avalanches, ou instabilités plastiques) sont notamment systématiquement observées. Un tel comportement sans échelle caractéristique révèle une très forte hétérogénéité de la déformation plastique, à l’opposé de l’écoulement régulier et homogène envisagé auparavant. Les résultats indiquent notamment que l’ensemble des dislocations d’un monocristal de glace constitue un système complexe : le comportement collectif qui émerge de la population de dislocations ne se retrouve pas au niveau d’une dislocation individuelle. L’invariance d’échelle observée soulève aussi d’importantes questions quant à la validité des procédures d’homogénéisation utilisées jusqu’alors. En effet, les observations réalisées indiquent que les fluctuations des propriétés microscopiques ne sont pas négligeables et qu’il n’y a donc pas de sens à définir une moyenne pour ces propriétés.

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Table des matières

Introduction
Chapitre I : Etude bibliographique
I.1. Déformation plastique des matériaux cristallins
I.1.1. Généralités
I.1.2. Dislocations et mécanismes associés
I.1.2.1. Définition
I.1.2.2. Création des dislocations
I.1.2.3. Interactions entre dislocations
I.1.2.4. Systèmes de glissement
I.1.2.5. Montée des dislocations
I.1.2.6. Barrières de Peierls
I.1.2.7. Mâclage
I.1.2.8. Hétérogénéités
I.2. Caractère hétérogène et intermittent de l’écoulement plastique
I.2.1. Problématique
I.2.2. Observations expérimentales
I.2.2.1. Analyse des surfaces
I.2.2.1.1. Lignes de glissement
I.2.2.1.2. Morphologies de surface
I.2.2.2. Structures de dislocations
I.2.2.3. Expériences d’émission acoustique
I.2.2.3.1. Principe
I.2.2.3.2. Analyse énergétique
I.2.2.3.3. Analyse temporelle
I.2.2.3.4. Analyse spatiale
I.2.2.4. Réponse électrique
I.2.2.5. Déformation d’échantillons de taille microscopique
I.2.2.6. Déformation plastique par nanoindentation
I.2.2.7. Mouvement de dislocations dans des cristaux colloïdaux
I.2.3. Modélisation
I.2.3.1. Dynamique des dislocations discrètes
I.2.3.1.1. Modèle de Miguel [2001a ; 2001b]
I.2.3.1.2. Modèle de Zaiser [2006]
I.2.3.2. Modèles phénoménologiques
I.2.3.3. Modèles de champ de phase
I.2.4. Conclusion
Chapitre II : Outils et méthodes
II.1. La glace comme matériau modèle
II.1.1. Caractéristiques générales
II.1.1.1. Structure cristallographique
II.1.1.2. Propriétés optiques
II.1.1.3. Désordre protonique
II.1.1.4. Anisotropie plastique
II.1.2. Intérêts spécifiques à l’étude de la déformation plastique par EA
II.2. Préparation des échantillons
II.2.1. Fabrication des monocristaux de glace
II.2.2. Fabrication des polycristaux de glace
II.2.3. Fabrication des monocristaux métalliques
II.3. Système d’émission acoustique
II.3.1. Chaîne d’acquisition
II.3.2. Individualisation des salves
II.3.3. Signification des durées acoustiques
II.3.4. Localisation
II.4. Essais mécaniques
II.5. Modèle de source d’émission acoustique
II.5.1. Origine de l’émission acoustique
II.5.2. Développement d’un modèle de source
II.5.2.1. Formalisme de Rouby
II.5.2.2. Hypothèse de décroissance exponentielle
II.5.2.3. Expression des paramètres acoustiques
II.5.2.3.1. Amplitude maximale
II.5.2.3.2. Durée
II.5.2.4. Arguments en faveur de l’hypothèse effectuée
Chapitre III : Influence de la température sur les avalanches de dislocations
III.1. Objectifs
III.2. Effet sur la dynamique collective
III.2.1. Distributions des tailles des avalanches
III.2.2. Influence de la friction de réseau
III.2.3. Corrélations temporelles
III.3. Résistance visqueuse due aux phonons
III.4. Conclusion
Chapitre IV : Dynamique collective des dislocations dans les polycristaux
IV.1. Introduction
IV.1.1. Motivation
IV.1.2. Interactions dislocations – joints de grain
IV.1.3. Problématique
IV.1.4. Procédure expérimentale
IV.2. Observations expérimentales
IV.2.1. Origine de l’émission acoustique
IV.2.2. Distribution des événements
IV.3. Effet de taille des avalanches dans les grains
IV.3.1. Amplitude de coupure
IV.3.2. Evolution des durées
IV.3.3. Bilan
IV.4. Caractère sur-critique de la plasticité polycristalline
IV.4.1. Signification d’un changement d’exposant
IV.4.2. Simulations de Monte Carlo
IV.4.2.1. Simulation A
IV.4.2.2. Simulation B
IV.4.2.3. Simulation C
IV.4.3. Arguments expérimentaux
IV.4.3.1. Cas d’une distribution bi-modale
IV.4.3.2 Analyse des répliques
IV.4.3.3. Localisation des avalanches
IV.5. Influence de l’écrouissage
IV.5.1. Au niveau macroscopique
IV.5.2. Au niveau microscopique
IV.5.3. A la décharge
IV.6. Conclusion
Conclusions

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