Durabilité environnementale de la pisciculture marine

DURABILITE ENVIRONNEMENTALE DE LA PISCICULTURE MARINE

L’aquaculture est le secteur alimentaire qui connaît la plus forte croissance et c’est aussi un des secteurs les plus diversifiés en termes d’espèces, de pratiques et d’environnements d’élevage (FAO, 2018; Harvey et al., 2017). En 2016, la production aquacole mondiale atteignait 110.2 millions de tonnes, dont plus de 70% de produits animaux destinés à l’alimentation humaine. Les poissons constituent la production aquacole majoritaire (Figure I.1) avec plus de 54 millions de tonnes produites la même année et 369 espèces différentes élevées (FAO, 2018). On distingue parmi les différents environnements d’élevage, l’aquaculture continentale pratiquée en rivières, en étangs ou dans des systèmes hors-sols à terre (ex. circuits recirculés) et l’aquaculture marine et côtière. Ce dernier type d’aquaculture a un fort potentiel de croissance, qui dépasse de loin la production nécessaire pour nourrir les populations humaines actuelles et futures (Gentry et al., 2017). Au-delà des enjeux de sécurité alimentaire, la croissance du secteur peut être pertinente vis-à-vis de la plupart des 17 objectifs de développement durable définis par l’Organisation des Nations unies (ONU) dans le cadre de l’agenda 2030 (Hambrey, 2017), par exemple en contribuant à la réduction de la pauvreté et à la génération de revenus, à condition qu’elle s’inscrive dans une démarche de développement durable. Ce travail se focalise sur le développement d’une pisciculture marine durable et principalement sur la dimension environnementale de cette durabilité.

En 1995, le code de conduite pour une pêche responsable définit la notion de développement durable du secteur aquacole sur la base de ses trois piliers, l’économie, la société et l’environnement, c’est-à-dire comme un secteur qui se doit d’être « respectueux de l’environnement, techniquement approprié, économiquement viable et socialement acceptable » (FAO, 1995). Ce code ne fournit qu’un cadre général bien que des directives pour aider à sa mise en œuvre aient été élaborées (FAO, 1997). En 2008, la FAO propose une approche stratégique pour le développement et la gestion du secteur visant à « intégrer l’activité dans l’écosystème élargi de telle sorte qu’elle favorise le développement durable, l’équité et la résilience de l’interconnexion des systèmes socio-écologiques », il s’agit de l’approche écosystémique de l’aquaculture (AEA) (Soto et al., 2008). L’AEA a depuis été très largement adoptée et relayée par la communauté scientifique pour guider le développement global du secteur et pour résoudre les problèmes pratiques liés à ce développement, par exemple en aidant à décider quels systèmes de production devraient être sélectionnés et où ils devraient être développés (Brugère et al., 2018) .

Dans cette approche, les dimensions sociales et biophysiques ou écologiques des écosystèmes sont étroitement liées, de sorte qu’une perturbation sur l’une de ces dimensions est susceptible de causer une rupture ou un changement sur l’une ou les deux autres (Soto et al., 2008). L’AEA et ses principes sont développés et utilisés ici comme cadre général pour la planification et la gestion de l’activité dans le but de minimiser ses impacts environnementaux, les aspects sociétaux, bien qu’essentiels, ne seront pas développés dans ce travail.

Limites des écosystèmes et échelles d’application 

Des prélèvements de ressources ainsi que des impacts ont lieu au cours de la phase d’élevage mais également en amont et en aval de cette phase sur des écosystèmes à proximité ou distants du système d’élevage (Figure I.2). Une conceptualisation intéressante des écosystèmes en lien avec l’activité aquacole repose sur la distinction d’écosystèmes ressources et d’écosystèmes récepteurs (Aubin et al., 2019). Les premiers sont les écosystèmes supports affectés ou impliqués dans l’approvisionnement d’intrants nécessaires au système d’élevage, par exemple les écosystèmes terrestres et marins qui produisent les ressources nécessaires à la fabrication d’aliments composés. Les seconds correspondent aux milieux impactés par les produits ou rejets générés directement par le fonctionnement de la ferme (ex. baie affectée par les rejets) ou plus généralement par le fonctionnement de la filière dans son ensemble (ex. atmosphère affectée par les émissions de gaz à effet de serre). La mise en œuvre de l’AEA suppose une perspective holistique de l’ensemble de ces écosystèmes (Soto et al., 2008), et suppose donc d’analyser les interactions entre l’aquaculture et l’environnement à différentes échelles spatiales et temporelles.

Trois principales échelles d’analyse spatiale sont généralement retenues. Dans le cadre de l’AEA il s’agit de 1) l’exploitation, 2) du bassin versant, de la zone aquacole ou de la région géographique 3) et de l’échelle mondiale (ou globale) (FAO, 2010). D’autres échelles spatiales pertinentes pour évaluer la durabilité environnementale de l’aquaculture ont également été proposées, basées par exemple sur des divisions administratives (ex. communes, provinces, régions, pays, communautés de pays, continent, etc.) (Kapetsky et al., 2010). Dans le cadre de ce travail, nous adopterons une classification en trois échelles spatiales, avec des termes plus génériques et flexibles : l’échelle locale, l’échelle régionale et l’échelle globale. Chacune de ces échelles géographiques répondant à des besoins de planification et d’évaluation environnementale spécifique (Costa-Pierce, 2013).
❖ Echelle locale : Elle peut désigner la ferme, mais aussi le site d’élevage et correspond donc à des surfaces couvrant quelques dizaines de m² à plusieurs km² en raison de la taille croissante des exploitations et des différences entre types d’aquacultures (ex. pisciculture vs conchyliculture). A cette échelle, la durabilité environnementale de l’aquaculture est conditionnée principalement par la gestion des pratiques d’élevage et l’impact du fonctionnement de la ferme sur la qualité des écosystèmes récepteurs accueillant ou à proximité des structures d’élevage.
❖ Echelle régionale : L’échelle régionale désigne une surface inférieure à celle d’une nation, dont les frontières sont déterminées naturellement ou arbitrairement et qui peut s’étendre d’une dizaine à des milliers de kilomètres (Campbell, 1998; Graymore et al., 2008). Cette échelle géographique peut donc désigner à la fois des systèmes aquatiques comme une baie, un bassin versant, une masse d’eau, un lagon ou des zones définies pour l’exploitation aquacole (ex. zone allouée à l’aquaculture ou AZA). Elle peut donc regrouper plusieurs exploitations aquacoles et potentiellement d’autres activités anthropiques et permet de considérer leurs potentiels impacts cumulatifs, ou interactions.
❖ Echelle globale : Elle désigne une étendue spatiale qui dépasse les frontières d’une nation ou d’un continent et qui peut au maximum s’apparenter à l’échelle mondiale. Cette échelle spatiale considère la durabilité environnementale au cours des différentes étapes de la chaine de valeur de la filière aquacole.

La compréhension des interactions physiques et biologiques entre le système d’élevage et les écosystèmes ressources et récepteurs à ces trois échelles spatiales, permet de comprendre les déterminants des impacts environnementaux ainsi que la définition de stratégie pour les minimiser.

Identification des problèmes environnementaux 

Un inventaire non exhaustif des impacts environnementaux de l’aquaculture est proposé pour chacune des trois échelles spatiales précédemment définies dans le Tableau I.2. A l’échelle locale, ces impacts concernent principalement les changements qui surviennent dans la colonne d’eau (ex. modification du pH, niveau d’O2) ou l’environnement benthique (ex. accumulation de matière organique, métaux lourds, effets sur la biodiversité) en lien avec le métabolisme des animaux et les effluents d’élevage (Hargrave, 2005). A l’échelle régionale, on identifie notamment les impacts associés aux interactions entre les espèces sauvages et les stocks d’élevage, comme les transmissions d’agents pathogènes (Jones et al., 2015) ou les problématiques liées aux échappées comme le transfert de ressources génétiques (Glover et al., 2017) et la compétition trophique (Naylor et al., 2005). L’échelle régionale est aussi appropriée pour évaluer les risques d’eutrophisation (Oh et al., 2015; Price et al., 2015) qui nécessitent à minima la compréhension du fonctionnement écologique de la masse d’eau, et plus généralement de l’hydrosystème. A l’échelle globale, les principaux impacts de l’aquaculture concernent l’exploitation de stocks de poissons sauvages pour la production de farine et d’huile de poisson, utilisées pour l’alimentation des animaux d’élevage (Naylor et al., 2000), mais aussi la production des autres intrants utilisés pour l’alimentation, les émissions de gaz à effet de serre (GES) et l’acidification des océans. Les impacts potentiels aux échelles locales et régionales sont donc plus directement liés au fonctionnement de la ferme et à ses effets sur les écosystèmes récepteurs, alors qu’à l’échelle globale, les impacts environnementaux sont en lien avec l’ensemble des activités en amont et en aval de la production sur la ferme, et concernent donc des écosystèmes ressources et récepteurs locaux et distants.

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Table des matières

CHAPITRE I : Introduction générale
1. Durabilité environnementale de la pisciculture marine
1.1.Limites des écosystèmes et échelles d’application
1.2.Identification des problèmes environnementaux
1.3.Hiérarchisation des impacts
2. Effets des rejets et impact benthique
2.1.Effluents d’élevages aquacoles nourris
2.2.Impacts des rejets particulaires organiques
2.3.Capacité de support, capacité d’assimilation et seuils écologiques
3. Mesures et solutions de réduction de l’impact benthique
3.1.Planification spatiale : cadrage, zonage et sélection de sites
3.2.Aquaculture intégrée multi-trophique et bioremédiation
4. Méthodes et outils d’évaluation environnementale
4.1.Modèles de capacité de support écologique : de l’espèce à l’impact
4.2.Approche cycle de vie
5. Objectifs de la thèse
6. Cas d’étude Mayotte
6.1.Contexte général
6.2.L’aquaculture d’ombrine à Mayotte
7. Structure de la thèse
Références
En guise d’inter-chapitre
CHAPITRE II : Modélisation de la production de cages marines pour des environnements ou les données sont limitées : application à l’aquaculture d’ombrine ocellée à Mayotte, océan indien
Résumé de la publication en français
Abstract
1. Introduction
2. Materials and methods
2.1. Description of FINS
2.2. Calibration of FINS
2.3. From field surveys to farming scenarios
2.4. General setup
2.5. Sensitivity analysis
3. Results
3.1. FINS inputs
3.2. Farming surveys and scenarios
3.3. Sensitivity analysis
3.4. Model use
4. Discussion
4.1. Modeling farm waste emissions in the context of data scarcity
4.2. Nutrient balances and farming performances
4.3. Importance of rearing practices
5. Conclusion
Appendix II.A: Description of the digestibility trial with red drum
Appendix II.B: Supplementary material
References
En guise d’inter-chapitre
CHAPITRE III : Scénarios de dépôts de rejets particulaire d’origine piscicole à l’échelle sub-lagonaire : une approche de modélisation pour le zonage et la sélection de sites
Résumé de la publication en français
Abstract
1. Introduction
2. Materials and methods
2.1. Analysis framework
2.2.Application to the Mayotte case study
2.3.Aquaculture scenarios
2.4.NewDEPOMOD dispersion model and key forcing variables
3. Results
3.1. Site hydrodynamics and aquaculture scenarios
3.2.Feed-and feces-settling results
3.3.Predicted waste deposition footprint
4. Discussion
4.1. Scenario analysis: Disadvantages and advantages
4.2.Interpreting the dispersion footprint
5. Perspectives
Appendix III.A: Description of the particle-settling experiment
Appendix III.B: Supplementary material
References
En guise d’inter-chapitre
CHAPITRE IV : Aquaculture multi-trophique intégrée d’ombrine ocellée (Sciaenops ocellatus) et de concombre de mer (Holothuria scabra) : évaluation de la bioremédiation et des impacts du cycle de vie
Résumé de la publication en français
Abstract
1. Introduction
2. Materials and methods
2.1. Goal and scope
2.2. Inventories
2.3. Environmental performance assessment
3. Results
3.1. Sea cucumber: model predictions at individual and system levels
3.2. LCA
4. Discussion
4.1. Sea cucumber bioremediation potential
4.2. LCIA: comparison of monoculture and IMTA
4.3. Other perspectives to improve environmental performances
5. Conclusion
Appendix IV.A: Life cycle inventories
Appendix IV.B: Equations, parameters and assumptions in the DEB model
References
CHAPITRE V : CONCLUSIONS
1. Bilan environnemental
1.1. Synthèse des facteurs influents
1.2. Comparaison des profils environnementaux des scénarios de fermes
1.3. Conclusion sur les leviers d’actions testés
2. Applications pour l’aide à la gestion
2.1. Aide à la conception de programme de développement et de réglementation
2.2. Zonage et sélection de site
2.3. Optimisation des pratiques
3. Perspectives scientifiques
3.1. Quels seuils écologiques à définir ?
3.2. Quels sont les autres interactions et impacts environnementaux à explorer ?
3.3. Comment intensifier l’holothuriculture en AMTI ?
3.4. Alimentation des élevages, quelles solutions pour réduire l’impact global ?
Références

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