D’une absence d’individuation: prédisposition à l’abandon

D’une absence d’individuation: prédisposition à l’abandon

Histoire des troubles

A cette même période, Hubert est placé à l’âge de huit ans en famille d’accueil avec sa soeur, mais suite à des épisodes de violence, il est placé en foyer. Le parcours scolaire de Hubert est alors très chaotique. En effet, Après son CE1, il intègre une CLIS (pendant deux ans) puis il est orienté en IME. En 2008, Hubert retourne vivre au domicile de ses parents et une AEMO est mise en place. Celle-ci prend fin au pro fit d’une AED. Les dif ficultés de comportement de Hubert persistent. Il est admis dans trois IME successivement mais les prises en charge s’arrêtent, toujours pour des dif ficultés de comportement. Hubert est alors orienté en ITEP. N’ayant pu intégrer l’ITEP, il est admis en SEGPA et intègre ensuite l’IME en 2013 à temps partiel (temps partagé avec la SEGPA) puis à temps complet à la rentrée de septembre 2013. En 2014, son temps est partagé entre l’ITEP et l’IME. La présence de Hubert sur ces deux établissements a été discontinue. En effet, il questionne beaucoup les limites et est en forte recherche de l’autre. L’adolescent présente d’importantes dif ficultés comportementales. En effet, il se montre particulièrement agressif envers ses camarades, ne supportant pas les règles et le cadre qui lui sont imposés. Seules les activités informatique et jeux de société semblent l’intéresser. Sa situation inquiète l’ensemble de l’équipe, puisqu’à ce jour, il se démobilise totalement de l’institution, allant jusqu’à un absentéisme quasi permanent. Ces absences se sont vues renforcées depuis le décès de sa mère.

Aujourd’hui, son absentéisme est de plus en plus marqué autant sur l’IME que sur l’ITEP. A ce propos, l’ITEP envisagerait une fin de prise en charge (prévue en mai 2016). Aujourd’hui, son père est toujours peu présent au domicile malgré les préconisations des travailleurs sociaux qui lui font part de l’absence de Hubert et du caractère préoccupant de la situation. En février 2016, il est décidé de mettre en place une nouvelle AEMO qui ne sera plus exercée par l’ASE mais par le SEMO. Plusieurs prises en charge ont été mises en place en raison des dif ficultés que rencontrait Hubert. Il a pu bénéficier de suivis psychologique et orthophonique antérieurs. Hubert était suivi par un psychologue sur l’ITEP et a également pu rencontrer un psychiatre au CMP a fin de mettre en place un traitement, car l’adolescent se plaignait de troubles du sommeil depuis le décès de sa mère. Par la suite, tous ces suivis se sont trouvés interrompus suite à une démobilisation de Hubert et de son entourage. La demande d’aide psychologique sur l’IME a été initiée par l’adolescent lui-même, consécutivement au décès de sa mère. La psychologue était alors amenée à le rencontrer de façon régulière (tous les lundis). Par la suite, Hubert a progressivement désinvesti le lieu de leurs rencontres avant de revenir en ce début d’année où j’ai pu le suivre. Il est d’ailleurs indiqué dans son dossier que l’adolescent semble à la recherche «d’un cadre contenant et sécurisant».

A l’inhibition intellectuelle

Le discours éducatif montre à plusieurs reprises une forte dévalorisation chez ce jeune, «croyant peu en ce qu’il sait faire», et «baissant les bras rapidement». J’apprends également qu’à son arrivée sur l’IME, Hubert était en échec scolaire. La psychologue m’a expliqué qu’il n’était pas prêt à être évalué, rapportant que «c’était trop violent pour lui». La neuropsychologue ayant contesté la préconisation, Hubert s’est trouvé en totale opposition lors de l’évaluation. Ses comportements d’abandon immédiat et de blocage n’ont d’ailleurs pas permis de mener à bien 6 l’évaluation et d’interpréter les résultats. A l’issue des trois rencontres avec le jeune, la neuropsychologue a constaté qu’il n’était pas prêt à se confronter à ses dif ficultés, et «à la question sous-jacente du handicap». J’ai remarqué qu’aucun document n’atteste d’un éclairage sur le fonctionnement cognitif actuel du jeune homme. A cela s’ajoute un arrêt de prise en charge orthophonique depuis plusieurs années déjà. Le dossier me permet d’en apprendre davantage sur sa scolarité, et sur «ses dif ficultés dans la posture d’élève». Enfant, il a tout d’abord fréquenté une CLIS puis un premier IME durant une année. Il sera orienté l’année suivante dans un nouvel IME.

Par la suite, Hubert est alors dirigé vers un ITEP où il y est scolarisé, toujours pour une année. Il est d’ailleurs précisé que l’internat s’est mal déroulé car «il avait peur d’être à nouveau abandonné en foyer». Selon les dires de la mère en présence de Hubert, les établissements leur ont expliqué qu’il ne pouvait pas rester suite à ses problèmes de discipline, prétextant qu’ils «n’étaient pas adaptés pour lui». L’adolescent et sa mère sont d’ailleurs partis valise en main faire une rentrée à l’ITEP; à leur arrivée, ils ont été informés qu’il ne pouvait plus être accueilli. Enfin, après quelques jours de stage dans un autre IME où son admission n’a pu se faire faute de place, il a été scolarisé en SEPGA pendant trois semaines. Il est y est ainsi révélé qu’Hubert est dans «l’incapacité de vivre une scolarisation en milieu ordinaire». Au vu de son parcours scolaire chaotique et du manque évident d’accompagnement orthophonique, cela me pose la question de la prégnance du sentiment d’échec chez Hubert, empêchant toute tentative de projection dans l’avenir.

L’ambivalence: questionnement du bon et du mauvais objet Au fur et à mesure de nos rencontres, Hubert est venu plusieurs fois questionner la relation ambivalente avec l’autre. Lors d’une séance, il m’a demandé de faire un dessin. Je lui ai alors tendu le matériel nécessaire quant à sa réalisation. Il m’a dit vouloir me dessiner et m’a demandé de me lever pour l’aider dans les proportions, ce que je fis. Son personnage est présenté nu avec des seins et un nombril, une jambe plus courte que l’autre. La tête est dessinée avec des yeux vides (sans couleur ni expression). La bouche sourit car je suis selon lui, «toujours souriante». Il m’a regardé attentivement avant de dessiner les détails tels que les bijoux et l’écharpe que je porte autour du cou. Les cheveux sont longs et noirs, et je porte des chaussures. Les mains paraissaient disproportionnées par rapport au reste du corps. En cela, Hubert m’a dit que j’ai «des griffes à la place des mains» car je suis «méchante», avant de se reprendre et de m’expliquer que ce sont en réalité des mains. Quand je lui ai demandé pourquoi j’avais un crayon et du papier dans une main, il m’a répondu: «t’écris tout le temps (…) t’as tout le temps un stylo dans la main».

Par la suite, il m’a donné le dessin mais l’a reprit aussitôt, m’expliquant qu’il a «oublié quelque chose». Tout en dessinant, il m’a précisé qu’il y avait de l’herbe autour de moi, puis s’est mis à rigoler quand il a fait la clôture de l’enclos où je me trouvais d’après lui, «enfermée avec les cochons». Ainsi, j’ai découvert que Hubert questionnait le bon et le mauvais objet. Cela s’est manifesté tout d’abord dans son inscription à l’IME. Quand je lui ai demandé de me raconter ce qu’il faisait durant ses journées à l’IME, il me répondait sèchement: «le matin, y’a sport j’aime bien» et «l’après-midi, y’a classe j’aime pas». C’est aussi dans sa relation aux autres que cela transparaît, clivant ses relations en terme de dualisme et de conflictualité. Il a ainsi pu questionner le bon objet dans son acceptation de l’adulte, et le mauvais dans son rejet des plus jeunes. En recherche de relations duelles, Hubert peut avoir des «accès d’affection» auprès de l’adulte, le faisant devenir envahissant. L’adolescent les investit de manière excessive, puisqu’ils « deviennent son objet». Quand cela n’est pas possible, il peut devenir très agressif voire violent, ne comprenant pas toujours que cela ne puisse pas se passer de la sorte. A l’inverse, Hubert «n’a que très peu d’amis de son âge». Quant aux relations qu’il entretient avec les autres jeunes de la structure, il est relaté qu’elles sont très compliquées pour lui, «faites souvent d’insultes et d’agressivité importantes».

Les passages à l’acte hétéro-agressifs

A son arrivée sur l’IME, Hubert a présenté de nombreux passages à l’acte envers ses camarades. Ses attitudes de violence aussi bien verbales que physiques ont d’ailleurs pu mettre en danger les autres adolescents accueillis. Du fait de ces comportements, plusieurs plaintes de parents ont été déposées à son encontre, précisant que l’adolescent «déclenchait de la peur» auprès des autres. En effet, plusieurs incidents indésirables ont été relevés quant à ses comportements. Selon les noti fications des éducateurs, il a «tenté d’étrangler un jeune à la piscine». Hubert est aussi 8 provocateur puisqu’il a pu insulter et poursuivre des filles jusque dans les toilettes en faisant mine de vouloir les taper. S’ensuivent également des violences régulières sur un camarade faisant de lui son «bouc-émissaire où Hubert le provoquait beaucoup par des insultes et menaces. Un des éducateurs a notamment pu remarquer une agressivité quotidienne envers son camarade, d’autant plus que Hubert lui avait fait «signe de lui trancher la gorge». Il semble que sa violence ait pu exploser lors de moments informels qui lui sont particulièrement dif ficiles. Il est à noter qu’à plusieurs reprises, Hubert a aussi pu montrer «une certaine violence et de l’irrespect à l’égard de professionnels» comme lorsqu’il a jeté des cailloux sur la vitre de l’atelier d’un professionnel. La multiplicité de ses conduites l’ont d’ailleurs amené à une exclusion de trois jours de l’institution.

D’une revendication de la toute puissance

Au delà de son agressivité, j’ai découvert que Hubert était «peu contraint aux limites». N’étant pas assidu à son emploi du temps de l’IME, il a beaucoup de mal à le respecter quand des «exigences lui sont posées». Le jeune a souvent pu errer dans les couloirs de l’institution. Cependant, lorsqu’il a décide lui-même d’un travail qu’il souhaite conduire, il est alors capable de mener les tâches à leur terme. Cette revendication de la toute puissance s’exprime notamment dans sa relation aux autres. En effet, «ne se mêlant pas au reste du groupe», Hubert ne s’inscrit pas dans le collectif. Il semble d’ailleurs qu’il fasse régulièrement exploser le cadre dans le but de questionner sa place au sein même du groupe. Cette phase de test, j’ai pu la ressentir lors de nos séances. En effet, Hubert arrivait aux rendez-vous fixés avec de l’avance. Je lui faisais alors remarquer l’heure en lui indiquant de revenir plus tard, car je n’avais pas terminé mon travail. Non content de ma remarque lors d’une séance et comme pour «me punir» de l’avoir fait attendre, il me signale que j’ai du maquillage noir au dessus des yeux, ce qui n’est à son sens «pas beau».

La séance suivante, Hubert a frappé très fort la porte du bureau. Il était énervé que je ne sois pas disponible pour lui, et a alors manifesté sa colère en criant: «on a rendez-vous (…) je m’en fous, j’attends pas moi». Par la suite, j’ai aussi remarqué que Hubert me poussait la chaise du pied afin que je puisse m’installer devant lui. Ce besoin de mettre à l’épreuve le cadre s’est également exprimé par la maltraitance de l’objet. En effet, il n’a pu s’empêcher de toucher à tout ce qu’il voyait sur le bureau (passant la souris et tapant la règle sur la table, jouant avec le réveil). Il a aussi eu du mal à se contenir assis posément, manifestant une impatience de tous les instants. Par ses gestes impulsifs, il semble encore une fois venir questionner les limites du cadre, comme lorsqu’il triture le réveil qui se trouve à côté de lui. Celui-ci se mettant à sonner fort, il l’a placé devant moi, avant de se mettre en position d’attente d’une réaction de ma part. Par ses nombreuses attaques du cadre, il semble que Hubert soit venu s’assurer d’une fonction contenante et sécurisante de l’autre

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Table des matières

SOMMAIRE
INTRODUCTION
PARTIE I- LA RENCONTRE CLINIQUE
I) Le lieu de stage: prédisposition à la rencontre clinique
II) Une rencontre édi fiante
Le choix de Hubert
Eléments de vie
Histoire des troubles
III) Cadre de la rencontre
Méthode
Critique du dispositif
Synthèse
PARTIE II- APPROCHE CLINIQUE DE LA RENCONTRE AVEC L’ADOLESCENT
I) D’un climat inquiétant à une angoisse d’abandon
Contexte d’insécurité et de violence intra-familiale
La question de la mère, ou de la dif ficulté du deuil
La question du père, ou de son absence
II) De la quête identitaire à la mise en danger
La projection de l’angoisse
De la dévalorisation de soi
A l’inhibition intellectuelle
La démission: entre errance et marginalisation
III) L’agressivité et la capacité relationnelle
L’ambivalence: questionnement du bon et du mauvais objet
Les passages à l’acte hétéro-agressifs
D’une revendication de la toute puissance
A la possibilité relationnelle
IV) Relation transféro-contre-transférentielle
V) Problématique et hypothèses cliniques
Synthèse
PARTIE III- ELABORATION CLINICO-THEORIQUE
I) Un environnement insécurisant par les défaillances parentales
La relation à la mère, ou la perturbation du lien mère-enfant
1) La mère «trop bonne»: l’ambivalence au coeur de la relation
2) D’une absence d’individuation: prédisposition à l’abandon
La relation au père, ou l’impossibilité de se référer à la figure paternelle
Hubert, cet enfant abandonnique
II) La dif ficile rupture du lien maternel
L’école, oedipienne et castratrice: une réponse à l’inhibition intellectuelle
La mère décédée: une perte de l’objet pour Hubert
1) De l’impensable séparation, l’atavisme du traumatisme
2) Hubert, un adolescent endeuillé
Du sentiment de perte de l’objet: une répétition du traumatisme
III) Hubert: un adolescent ambivalent à la recherche d’une place de sujet
L’adolescence, ou la recherche d’une identité
L’agressivité, une expression de l’ambivalence: entre crainte de l’effondrement et tentative de symbolisation
Hubert sans re-père: à la recherche des limites
Synthèse
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

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