D’un média d’information diasporique à un média proximité

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L’expansion vers un média international et de proximité

À son installation en Afrique, RFI se voulait être le principal moyen de communication pour des groupes sociaux spécifiques, les intellectuels autochtones, les expatriés européens, en l’occurrence français. Mais les précédentes données sur le taux d’audience, sur l’image et la notoriété de la radio démontrent l’intérêt et l’importance qu’elle requiert dans le monde de l’information et de la communication à l’échelle planétaire. Elle s’est révélée un outil d’information dont la diversité aussi bien des contenus que des auditeurs est loin de le limiter uniquement aux européens vivant à l’étranger. Si l’on se réfère aux premiers objectifs de création de la radio « Poste Colonial », l’ancêtre de RFI, on peut se permettre de déduire que ses auditeurs vont bien au-delà des expatriés et des étrangers de « La Grande France » vivant à l’étranger. L’ouverture de la radio à d’autres groupes sociaux de récepteurs est évidemment soutenue par des décisions institutionnelles.
Ainsi, des réformes majeures ont été mises en place sur le plan linguistique africain que complètent certains travaux organisationnels. Cet intérêt porté aux langues africaines par la radio française émettant dans plusieurs pays africains s’est construit aussi bien dans le temps que dans l’espace, avec un objectif central qui est celui de créer un moyen de communication de proximité stratégique avec les auditeurs. En cela, l’idée visant à faire de RFI un média régional, de proximité et familier permettant le développement de certaines langues spécifiques a muri au sein de l’institution. Pour ses animateurs « la radio deviendrait un média ouvert à tout public, et dans une diversité de langue africaine développerait des offres en langues africaines aussi bien en termes de radios classiques qu’en termes numériques » (42).
Ces initiatives vont rendre effective l’usage de deux premières langues africaines sur la radio française : le swahili en 2007 et le Haussa en juillet 2010. Ces deux langues (43) sont véhiculées par RFI dans plus de dix (10) pays du continent africain.
Les audiences de RFI en Afrique sont estimées à sept millions d’auditeurs et elles progressent à travers les différentes régions d’émission. Se prêtant à une stratégie de proximité pour les divers auditeurs à son écoute, RFI s’intéresse dès lors aux développements spécifiques de certaines langues et au lancement de nouvelles. Fréderic Garat est le coordinateur de la rédaction « mandenkan et fulfulde », deux anciennes langues africaines nouvellement introduites dans l’information sur RFI depuis décembre 2020. Basée à Dakar, cette nouvelle rédaction en langues africaines propose des offres éditoriales aux auditeurs. Frédéric Garat lève le voile sur cette expansion linguistique de la radio :
« Fort de mon expérience depuis vingt-ans, je sais qu’il y a pour nous à RFI un grand intérêt à parler ces langues, à faire cette démarche d’information en langues peulh ou en langue mandingue parce qu’il y a toute une frange de la population qui n’est pas francophone et toute une frange de la population qui n’est pas alphabétisée. Elle parle la langue nationale ou maternelle mais ne sait pas la lire par exemple. Donc, la radio est un média le plus facile à mon avis d’accès. Il suffit d’écouter. Donc, personnellement, ce projet était très intéressant parce qu’il permet de toucher les populations qui malheureusement pour elles, n’ont pas accès à une information de qualité, de manière objective.
Une information qui n’est pas non plus réduite à la simple actualité du pays ; une information vraiment internationale comme le fait RFI en français. C’est-à-dire qu’on leur parle évidemment de ce qui se passe au Mali, au Niger, dans un village burkinabè ou dans une commune ivoirienne. Mais on leur parle aussi des tensions politiques entre la Chine et les États-Unis, des problèmes économiques qui se posent dans d’autres zones qu’en Afrique. On essaie de les ouvrir au monde. Donc, c’est par ce biais de la langue qui, pour nous, est très important, qu’on a l’orgueil de croire que c’est très enrichissant pour nos auditeurs. » (44)

Dans les coulisses d’un « média informatisé » : la naissance de Idémi-Africa.com

Contrairement à Radio France Internationale qui dès 2007 a progressivement inclus dans ses grilles de programmation certaines langues africaines comme outils d’information et de communication, Idémi-Africa est un « média informatisé » ; Elle est née d’une volonté personnelle, devenue par la suite collective, qui ambitionne la visibilité et la promotion de toutes les langues du continent africain. Cette volonté s’exprimait à travers un appel à contribution que lançait l’une de ses collaboratrices, Sinatou Saka, sur le fait « qu’internet est un espace à tous et que ce n’est pas possible qu’il soit aussi uniformisé, aussi peu diversifié linguistiquement. L’Afrique qui compose avec au moins deux mille langues n’existe pas. Ce qui est grave est qu’il y a des langues qui sont très bien parlées dans la vraie vie et qui sont digitalement mortes. » (51).
En effet, le même manque de diversité linguistique auquel RFI a fait face de façon graduelle sur le continent, en insérant à ce jour, quatre langues africaines dans ses grilles de programmation radiophoniques n’est pas si différent de ce que dénoncent les membres de Idémi-Africa.com à travers les « médias informatisés ». Dans ce cas précis, il s’agit spécifiquement de leur presque totale inexistence sur internet et sur les réseaux informatisés, de même que pour tout ce qu’elle représente comme culture et savoir.
Ces constats viennent rappeler certaines décisions institutionnelles sur la même thématique. Par exemple, pour promouvoir le multilinguisme et la diversité linguistique, l’UNESCO faisait de 2019 l’année internationale de revitalisation et de préservation des langues autochtones aussi bien au niveau national, régional qu’international. En dehors de l’unification linguistique et de l’anglicisation qui sont des effets tangibles de la mondialisation, l’Unesco ajoute les enjeux informationnels liés aux nouvelles technologies de l’information et de la communication. L’Institution internationale remarque qu’avec le numérique, les barrières linguistiques se démarquent et portent ainsi atteinte au droit à l’information des peuples autochtones et des locuteurs des langues minoritaires.
Dans le contexte africain, les milliers de langues africaines (52) ne peuvent trouver place sur les sites internet, le manque de caractères normalisés limite, selon EL Zaïm, leur introduction sur le numérique. Cette situation, par ailleurs, réduit les possibilités de produire et de diffuser sur internet des contenus locaux. Dans une perspective plus large, elle diminue des chances de partage de la culture de cette langue.
La création d’un dispositif comme Idémi-Africa en 2018 à Paris serait donc le moyen de pouvoir répondre de manière pratique aux besoins relatifs à l’absence des langues africaines dans le numérique. Dans cette intention, Idémi.Africa.com est avant tout un « collectif.
Ce n’est pas une plate-forme car on se définit comme un collectif, un groupe de personnes ayant pour vocation de rendre les langues africaines plus visibles sur internet. Puisqu’on a remarqué que 80% des contenus qui existent sur internet sont diffusés et publiés dans dix langues occidentales. Et nous, notre rôle est de visibiliser des contenus qui existent dans ces langues-là, de vraiment les mettre en avant, d’alerter l’opinion publique et politique sur ce fait-là, sur le manque de diversité linguistique sur internet et aussi d’essayer en tout cas, à notre petite échelle d’une part de fédérer les différentes initiatives autour des langues africaines et du numérique. On a remarqué que c’était un vrai besoin et en même temps d’encourager la production de gros volume de données dans les langues africaines. »(53).
Face au nombre important de langues existantes sur le continent, au moins 2000 selon les dernières estimations de l’ethnologue Gordon, cette initiative collective se veut indépendante et ouverte à toute personne qui aspire, de diverses manières à produire du savoir autour les langues africaines sur internet.
En dehors du site internet sur lequel on peut identifier, des « écritures et d’autres formes d’expression d’écran » relatives aux langues africaines, le collectif Idemi-Africa.com a à son actif également des pages sur les réseaux sociaux tels que Facebook, Twitter, et You Tube. Sur ces pages, diverses écritures (images, des graphiques, publications d’information, etc.) permettent de voir, de lire et d’identifier les travaux qui s’effectuent autour de la thématique linguistique. Ces écritures sont entendues comme des « objets complexes et socialisés qui se définissent dans leurs matérialités, leurs organisations signifiantes et dans leurs usages sociaux et ceci, d’une façon qui les distingue d’une simple transcription des modes de communication » (54).
Dans une certaine mesure, les écritures ont, selon DAVALLON (et al), un statut particulier au sein des « médias informatisés » encore appelé par Schaeffer « machines à communiquer », puisqu’elles en sont à la fois l’objet et l’outil. D’abord, objet car ce sont des médias avant tout dédiés aux pratiques d’écritures. Aussi, elles sont outils car les logiciels réalisés et utilisés pour faire fonctionner la machine sont écrits comme des textes. C’est par le biais des écritures, et des textes qu’Idémi-Africa existe en tant que dispositif d’information et de préservation des langues africaines. Pour DAVALLON (et al), les textes sont des outils qui rendent possible le fonctionnement de la machine ou lui donnent accès. En effet, c’est par « ce texte-outil et à travers lui que s’élaborent pratiques et usages d’écritures. » (55) sur la visibilité des langues africaines dans le paysage numérique.

Modes techniques du « média informatisé » Idémi-Africa

De la nomination, à l’organisation et à la publication sur le dispositif, des travaux sont effectués par les membres du collectif, composé de trois personnes : deux hommes et une femme, l’initiatrice du projet. Au départ, explique Raoul H. « C’est Édèmi qui veut dire Ma langue en Yoruba. Et pour pouvoir le coller à internet, le E est devenu I comme Idémi aujourd’hui, au lieu de Édèmi. Et moi en tant que consultant en hébergement de site, j’avais suggéré que l’extension soit Africa. C’est ainsi que le nom Idémi.Africa est retenu. ». (56)
Définie par le Conseil National du Numérique français comme un service occupant une fonction d’intermédiaire dans l’accès aux informations, aux contenus, aux services ou aux biens, le plus souvent édités ou fournis par des tiers, la plateforme que les initiateurs de Idémi-Africa préfèrent désigner par le terme Collectif, est donc un dispositif numérique. Son rôle « s’attache à l’intermédiation proposée entre deux groupes d’utilisateurs et s’appuie sur un réseau croisé qui se traduit par un marché biface ou multiface. Ce dispositif numérique permet, de ce fait, la mise en relation de plusieurs types d’agents au sein d’un même espace. » (57). Dans ce sens, il sert aux membres du collectif Idémi-Africa non seulement de réseau qui favorise la production sous divers aspects de données numérisées autour des langues africaines, mais surtout, d’outil de communication, de promotion et de valorisation en matière de culture linguistique dans le numérique.

Médiations discursives dans la promotion des langues africaines

Construite autour d’un point de fuite (appelé extériorité) qui intervient dans le processus de communication sans que ceux qui y participent puissent avoir prise sur lui, la médiation apparaît quand il y a besoin de décrire une action impliquant une transformation de la situation ou du dispositif communicationnel (65). Elle est loin d’être une simple interaction entre les éléments déjà constitués ou, comme le dit J. DAVALLON une circulation d’un élément d’un pôle à un autre. À partir de cette définition, la suite de ce travail consiste à identifier et circonscrire, dans un premier temps, les différentes formes pratiques et usuelles des langues africaines dans les médias. Dès lors, il convient d’analyser à travers les diverses transformations leur visibilité et leur promotion dans les médias.

Vers la « réappropriation » ou la « décolonisation » des espaces médiatiques

« Réapproprier ou décoloniser » sont les deux concepts convoqués durant ce travail pour penser les contenus produits en langues africaines qui sont diffusés sur RFI d’une part, et publiés sur le dispositif Idémi-Africa.com d’autre part. Les propos recueillis lors des entretiens avec les acteurs et les divers ouvrages lus montrent dans quelle mesure ces contenus, transformés en outils de réappropriation ou de décolonisation des médias, promeuvent la diversité et la visibilité des langues africaines.

« Le mandenkan et le fulfulde » sur RFI

Les formes pratiques et usuelles des langues africaines dans les médias internationaux progressent et ceci, de façon graduelle. La variété des grilles de programmations, l’organisation des productions et la diffusion des contenus sont des éléments de base qui contribuent à faire ressortir les différents choix linguistiques effectués par les acteurs et les professionnels des médias. Au cours de cette recherche, l’intérêt est porté spécifiquement sur l’usage que font les journalistes du mandenkan et du fulfulde, deux langues africaines présentes sur RFI, dans la mesure où ce sont deux langues véhiculaires majoritaires en Afrique subsaharienne.
Tandis que le mandenkan est une langue parlée par les peuples mandingue dans toute sa globalité, le fulfulde est un incontournable outil de communication des diverses communautés fulbe. Ces deux peuples se situent sur le continent africain et constituent un bassin important de locuteurs de ces deux langues africaines.
En effet, le mandenkan, encore appelé dans certains travaux académique le mandingue (76) est le terme employé pour désigner toutes les langues de la grande famille Mandé (77). C’est donc une langue qui a connu ses années de gloire pendant la création de l’empire du Mali durant le XIII siècle et s’est ensuite développée comme l’une des principales langues de l’Afrique occidentale. Les locuteurs du mandenkan sont estimés à environ 40 millions (78) de personnes, natifs ou non-natifs. Ce continuum de parlers africains que constitue le mandenkan s’étend depuis les territoires de l’actuel Mali, de la Guinée-Conakry, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Sénégal, de la Gambie, de la Guinée-Bissau, du Libéria jusqu’à la Sierra-Leone.
Préconisé par l’UNESCO pour désigner toutes les « variantes dialectales » (79), le fulfulde est une langue parlée par les peuples « Peuls » selon la terminologie française, « fulani » par les anglais, et les locuteurs eux-mêmes utilisent le terme fulbe. C’est donc la langue maternelle des ethnies peuls (80) et, par ailleurs, la seconde langue véhiculaire en Afrique de l’Ouest. Selon les zones, en Afrique centrale, au Sahel, qu’en Afrique de l’ouest, la présence des locuteurs du fulfulde est certaine bien que disparate. Bien que les « variantes dialectales » soient diversifiées, c’est la première langue africaine qui couvre un aussi vaste territoire sur toute l’étendue du continent africain et, elle est parlée dans « plus de vingt pays » (81). Tout ceci complexifie la détermination précise du nombre de locuteurs du fulfulde que Timbi BA, journaliste à RFI, estime « autour de 60 millions » (82).
La présence de ces deux langues sur une radio internationale comme RFI révèle plus son importance du point de vue des auditeurs, des locuteurs de celles-ci, que de la radio elle-même. Selon Luna Safi, rédactrice en chef de la rédaction RFI mandenkan, le mandenkan et le fulfulde sont quotidiennement parlés dans les médias locaux, tels que les radios communautaires et les radios de proximité de ces pays cités plus haut. Devenu une habitude, cela semble une évidence dans la réalité sociale des auditeurs d’entendre leur propre langue à la radio et de s’informer à travers elle.
De par sa volonté affirmée de développement de stratégies de proximité avec les auditeurs et dans une vision d’offrir des programmes dans des langues les plus adaptées en termes de radios classiques et numériques, la présence des différentes langues africaines sur RFI est un instrument important pour la réalisation de ces objectifs. En dehors du haussa et du swahili qui sont la concrétisation de ces objectifs, l’usage du mandenkan et du fulfulde sur RFI illustrent l’intérêt qu’à la radio internationale française de communiquer à un nombre considérable d’auditeurs en vue de l’expansion de ses frontières de diffusion.
Dans un autre sens, si l’on considère les conditions de création et les objectifs de « Poste Colonial », l’ancêtre de RFI, qui au départ, est une radio destinée aux seuls expatriés de la « Grande France » d’une part et, les relations socio-politiques qui ont existé et semblent exister encore entre la France, depuis l’époque coloniale et la majorité de ces pays, où spécifiquement le mandenkan et le fulfulde sont parlées d’autre part, on a tendance à construire des réflexions autour de cette expansion et de cette proximité linguistique qu’établit la radio internationale, entre ses auditeurs et elle-même.
Dans une certaine mesure, on se demande si l’usage de ces langues africaines sur RFI, un média français d’origine et disposant d’une basse d’audience considérable, serait-il une nouvelle forme de « domination moderne » ou de « reconquête par le bas » (83) de territoires jadis colonisés par la France. Ou, dans une autre perspective, serait-ce une tentative de « réappropriation de la culture linguistique africaine » compte tenu du manque d’une telle initiative venant des propres locuteurs des langues africaines et surtout face à l’absence d’une antenne de forte diffusion comme RFI émettant depuis le continent africain lui-même.
D’une réflexion à l’autre, il est important de noter, au prime abord que l’usage de ces langues à l’antenne de RFI se fait par des africains, natifs ou non, bien que le projet soit une décision institutionnelle de la radio internationale française. A cet effet, pour ces professionnels des médias, utiliser une langue africaine à l’antenne de RFI est avant tout une nécessité, une doléance de la population. Ibrahim Timbi BA explique : « Sur RFI mandenkan ou fulfulde, ce sont les propres africains qui travaillent et apportent de l’information à la population africaine. Donc ce projet bénéficie d’une certaine manière à ceux qui travaillent-là, et il se fait qu’une bonne partie de l’équipe est africaine. Et comme j’aime le dire souvent, c’est vrai que la colonisation est passée par là, et on ne peut pas nier sa présence, bien qu’elle soit assez lointaine. Aujourd’hui, malheureusement c’est la réalité et c’est vraiment regrettable pour l’Afrique que depuis la colonisation, nous n’avons aucune radio internationale en Afrique.
Il y avait Africa N°1 quand moi j’étais enfant et je l’écoutais avec plaisir. Mais aujourd’hui, Africa N°1 n’existe plus. Que ce soit RFI, la BBC, la voix de l’Amérique, et bien d’autres médias, se sont installés. Pourquoi sont-ils là ? C’est simplement parce que nos médias n’y sont pas. C’est la réalité. Mais sur RFI, si vous écoutez une seule émission de Claudy Siar, c’est une réponse à votre question. S’il y a une telle émission de Claudy Siar avec sa position radicale vis-à-vis de la colonisation et de toutes les relations de subordination entre l’Afrique et la France sur RFI, je pense que cette radio est loin d’être un outil du néo-colonialisme. » (84).

Les variétés linguistiques sur Idémi-Africa : (Ré)-appropriation du paysage numérique

Face aux manques de visibilité des langues africaines que dénoncent non seulement les membres du collectif Idémi-Africa.com mais surtout les institutions internationales, les travaux ont été entrepris en ce sens. Sur le dispositif numérique Idémi-Africa.com, la présence de ces langues s’inscrit dans une dimension d’existence et de production de contenus en vue de leur visibilité. Ayant comme objectif de faire connaitre près de deux mille langues africaines au monde numérique, les membres du collectif Idémi-Africa.com se sont livrés à de premiers travaux fondamentaux, à commencer par l’identification les langues africaines les plus parlées. Le plan de travail s’est basé sur « une short liste d’une trentaine de langues, celles les plus parlées en Afrique.
Mais l’objectif plus tard, c’est d’avoir au moins les cinquante langues les plus parlées en Afrique. Face à cela, on essaie de voir au niveau de chaque langue, au moins un praticien qui s’y connaît, et qui puisse gérer une communauté autour de cette langue en vue de faciliter les textes de traduction.
Quand le site sera finalement prêt, on a prévu une liste de sept langues qui concerne le swahili, le linguala, le fongbè, le yoruba, le mina ou éwé, le pulha, le baoulé. Cette liste est faite en fonction des origines des membres du collectif. S’il existe dans notre répertoire un locuteur de l’une de ces langues, on se dit qu’on a des chances d’avoir des ressources dans cette langue. Donc, autant de locuteurs, autant de langues que nous aurons. Nous n’avons pas de préférence, c’est plutôt en termes de ressources linguistiques que nous avons dans telle langue qui détermine notre action par rapport à elle. Actuellement, les ateliers se font en fongbè (87) parce que nous sommes au Bénin et c’est plus facile pour moi de vite trouver des gens, les réunir au Bénin pour faire des ateliers. Mais dès la semaine prochaine, nous ferons des publications pour voir si des gens dans différents pays peuvent héberger de telles activités aussi. » (88)
Ces propos confirment la non hiérarchisation linguistique revendiquée par les membres du collectif, et renforce l’idée selon laquelle la production des données numériques est avant tout, la structure fondamentale qui permettrait l’existence des langues africaines sur internet. Ce faisant, la présence de ces langues dans le numérique se matérialise par des textes au sens de DAVALLON (et al), entendues comme des notions sémiotiques, des outils qui contribuent au processus de communication.
Dès lors, ces outils de communication favorisent la circulation symbolique du savoir autour des langues africaines, et participent par ailleurs, aux échanges sociaux qui font exister les diverses variétés linguistiques à travers les dispositifs numériques. Cette circulation du savoir autour des langues africaines dans le paysage numérique qui se réalise aussi à travers les différentes activités organisées, est perçue par les membres du collectif comme un moyen de rapprochement avec les cultures locales, voire de réappropriation d’un espace longtemps légitimé par le monolinguisme ou les langues officielles :
« Oui, je pense que clairement il y a un désir dans ce sens. Moi ce que je remarque quand nous faisons nos différentes activités, c’est que les gens se sentent effectivement beaucoup plus près de leur culture. Il y a beaucoup de gens qui se sont impliqués avec nous parce qu’ils voulaient se réapproprier leur langue, leur culture et faire quelque chose pour la préservation de ces langues. Il y a beaucoup de personnes qui en tout cas se sont rapprocher de nous, d’une manière ou d’une autre, soit juste pour avoir un contact, pour apprendre leur langue. Soit, pour se réapproprier leur langue, leur origine, leur culture.

Acteurs de la médiation entre langues africaines et dispositifs techniques

Dans l’acception ordinaire, le rôle d’intermédiaire est considéré comme l’action de servir de, ou de favoriser le passage à un état meilleur (90) entre deux objets ou deux personnes. Dans ce sens, le journaliste ou tout acteur des médias et du numérique sera « perçu dans son rôle de présentation et de retrait du discours d’autrui comme un médiateur » (91). Cette partie de la recherche consiste à faire ressortir les différents outils socio-professionnels des acteurs qui contribuent à articuler l’usage des langues africaines et les dispositifs techniques en vue de leur promotion et de leur visibilité.

Enjeux socio-professionnels à RFI

Les dispositifs et médiations techniques, de même que les contenus radiophoniques sont des éléments qui jusqu’ici ont conduit cette recherche. Ils ont permis d’identifier sous quelles formes les langues africaines peuvent être rendues visibles et être promues, à travers leur usage par des acteurs médiatiques. Un travail de description a consisté à présenter le dispositif médiatique et technique qu’est RFI, à élaborer l’état des lieux sur les critères de choix des langues africaines et les formes pratiques et usuelles de celles-ci sur RFI.
Dans la continuité de cette étude, il s’agit de tracer à partir du profil des acteurs et des professionnels des médias en langues africaines de RFI, les enjeux socio-professionnels qui contribuent à faire exister, le mandenkan et le fulfulde dans la diffusion et la transmission des contenus radiophoniques sur la radio internationale française d’information.
Les journalistes en langues africaines, comme tout professionnel des médias, sont des personnes qui reçoivent des formations professionnelles et académiques en vue d’informer la population. Ce sont des individus qui vivent et dépendent aussi financièrement que socialement de cette profession. Leur principale activité dans ce domaine professionnel est basée sur la recherche de l’information, le traitement, la vérification pour sa mise à la disposition de la population. Ce sont des personnes « crédibles » à qui les auditeurs, les téléspectateurs et lecteurs peuvent se fier.

Diversité des acteurs d’Idémi-Africa.com au service d’une vision collective

Constitués pour la majorité d’individus de profils professionnels différents, les collaborateurs du collectif Idémi-Africa.com sont, avant tout, loin d’être des linguistes ou des spécialistes en études africaines. Originaire de divers pays du monde, ce sont des personnes éprises des problématiques linguistiques, principalement en contexte africain. De base, ces acteurs ont des formations professionnelles : « En coopération internationale et travaille un moment à l’UNESCO et aussi en tant que chef projet Afrique pour une entreprise de transformation numérique. Je suis dans la recherche, la communication et la gestion de projet. Ce sont trois casquettes, totalement différentes, qui sont très utiles lorsqu’on est au Canada. Je travaille sur les projets qui touchent à l’éducation, au management et à la gestion. A côté, j’accompagne des entreprises en tant que consultant en communication. C’est assez passionnant, assez intéressant et ça marche plutôt bien. » ( 100) « En technologie de l’informatique et essaie de faire de l’intégration, de l’instruction et de la formation par moment. Ma passion pour les langues africaines m’a amené Idemi-Africa un collectif qui milite pour la valorisation des langues africaines et met en valeur les initiatives en ce sens. Je m’y occupe des infrastructures numériques en général : les sites web, les réseaux sociaux, de la visibilité et de tout ce qui a rapport avec le site en ligne. » « Je voudrais déjà préciser qu’il y a mon travail de journaliste qui est mon travail professionnel à temps plein, mon travail de salarié qui a très peu de lien avec la langue même si j’essaye effectivement ou bien je suis très intéressée par ce sujet et donc, j’ai une mission un peu de conseil au sein de RFI pour le développement des langues africaines mais ce n’est pas mon travail au quotidien. Mon travail au quotidien est d’être en charge du développement des podcasts. Mais RFI ayant une démarche d’expansion dans les langues africaines et sachant que j’ai un intérêt tout particulier pour ces sujets-là, me sollicite régulièrement de façon informelle ou formelle pour apporter mon avis sur les aspects numériques liés aux langues dont il dispose, c’est-à-dire le swahili, le bambara, le haussa et le pulha. C’est juste une activité de conseil, ce n’est pas le cœur de mes missions à RFI.
Après, de façon bénévole, à côté, comme je disais, il y a ce travail qui est lié à Idémi-Africa qui prend plus ou moins du temps dans la mesure où je serais incapable de dire que j’y consacre du temps tous les jours. Ce n’est pas possible. On est un collectif et chacun a son rôle, c’est-à-dire qu’on a défini un certain nombre d’activités au début de l’année et qu’on déroule de façon assez simple tout au long de l’année. Cette année-ci est un peu particulière, c’est un peu plus difficile. On teste beaucoup de choses. Outre les activités de fond, on est en train de refondre tout notre site Idemi.africa qui constitue aussi une base de données d’initiatives. Parce qu’on aimerait vraiment essayer de consolider une base de données, où on peut retrouver de façon simple et accessible tous les contenus existants sur internet dans les langues africaines. C’est notre grand rêve, on verra si on y arrive un jour. » (102)
Face à la diversité des profils de chacun des membres, la question des langues africaines est l’élément principal qui réunit ces jeunes acteurs habitant différents pays. Ces derniers ne sont qu’une partie infime de ce collectif constitué de personnes d’origine variée ayant une même vision : rendre plus visible les langues africaines dans le paysage numérique homogène actuel, où dominent les langues occidentales comme le français, l’anglais, le chinois. Contrairement aux journalistes de RFI langues africaines qui se servent de ces langues comme outils de communication dans l’exercice de leur profession, les acteurs de Idémi-Africa.com, venus du Congo, du Togo, du Bénin, du Sénégal, du Nigéria pour ne citer que ceux-ci, sont poussés par des envies collectives, des constats faits en communs, des revendications jugées légitimes, tous liés à la non présence des langues africaines dans le paysage numérique. Leur désir et leur volonté de changer représentent, pour ainsi dire, le vrai moteur de l’investissement humain et intellectuel qui a présidé à la création et le maintien en activité de ce dispositif.

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Table des matières

Tableau récapitulatif des entretiens réalisés avec les acteurs et professionnels des médias des langues africaines.
Introduction
Présentation générale
Les bases théoriques de la recherche
Problématique et hypothèses
Méthodologie : Faire de la recherche en période de la Covid-19 à Paris
Présentation du développement
I- Les dispositifs pour une diversité linguistique en milieu médiatique
A- D’un média d’information diasporique à un média proximité
1- RFI : La naissance d’une radio internationale diasporique européenne
2- L’expansion vers un média international et de proximité
B- Idémi-Africa.com, une plate-forme des « langues invisibles »
1- Dans les coulisses d’un « média informatisé » : la naissance de Idémi-Africa.com
2- Modes techniques du « média informatisé » Idémi-Africa
II- Médiations discursives dans la promotion des langues africaines
A- Formes pratiques d’usage des langues africaines dans les médias
1- Quels contenus pour le 3ème groupe d’auditeurs de RFI ?
2- Qu’est-ce qu’Idémi-Africa.com rend visible par ses roductions numériques ?.
B- Vers la :« réappropriation » ou la « décolonisation » des espaces médiatiques
1- « Le mandenkan et le fulfulde » sur RFI
2- Les variétés linguistiques sur Idémi-Africa : (Ré)-appropriation du paysage numérique
III- Médiations socio-culturelles et professionnelles dans les médias
A- Acteurs de la médiation entre les langues africaines et les dispositifs techniques
1- Enjeux socio-professionnels à RFI
2- Diversité des acteurs d’Idémi-Africa.com au service d’une vision collective
B- La diversité linguistique et la visibilité des langues africaines
1- Professionnalisme des journalistes et diversité des langues africaines sur RFI
2- Engagement des acteurs sur Idémi-Africa.com
Conclusion
Références Bibliographiques

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