Du rapport Brundtland à l’Agenda 2030, le bilan mitigé du développement durable

Télécharger le fichier pdf d’un mémoire de fin d’études

Economie circulaire et recherche en management, approches présentes et axes à venir

L’économie circulaire représente un modèle en tension, ancré dans les grands enjeux contemporains. Elle présente par ces deux raisons un potentiel heuristique et opérationnel qui explique sans doute l’importance que lui accorde la recherche en management. Huit revues de littérature portant sur l’économie circulaire ont été publiées en 2016 et 2017 (Blomsma & Brennan, 2017; Geissdoerfer et al., 2017; Ghisellini et al., 2016; Kirchherr et al., 2017; Lewandowski, 2016; Lieder & Rashid, 2016; Murray et al., 2017; Sauvé, Bernard, & Sloan, 2016). Dans leur ensemble, ces revues de littérature offrent une vaste synthèse des travaux de la discipline. Elles révèlent notamment trois axes d’analyse par rapport auxquels se positionne la présente thèse.
Comme évoqué supra, un premier axe concerne la stabilité de la signification prêtée à l’économie circulaire. Il renvoie à sa définition et à sa portée conceptuelle. Blomsma et Brennan (2017) retracent les travaux ayant conduit à l’émergence de l’économie circulaire en tant que concept. Les deux auteures notent que les pratiques constitutives de l’économie circulaire ne sont pas nouvelles. Pourtant le fait de les regrouper sous un seul terme permet de repenser globalement la gestion des ressources et des déchets. Dès lors la construction d’une signification commune de l’économie circulaire s’inscrit comme un préalable à sa mise œuvre collective.
Pourtant, Kirchherr et ses collègues (2017) analysent 114 définitions de l’économie circulaire qui sont contenues dans les littératures grise et scientifique. Les auteurs concluent à l’éclatement des interprétations qui en sont faites. Dans cette même veine, Geissdoerfer et ses co-auteurs (2017) relèvent le flou qui entoure à la fois les concepts d’économie circulaire et de développement durable, ainsi que leur relations réciproques. Au travers de leur revue, l’équipe de chercheurs s’adonne à un travail de clarification qui se veut propice à la recherche et à la mise en pratique. Similairement, Sauvé et ses collègues (2016) s’efforcent de préciser le champ lexical associé à l’économie circulaire pour favoriser le dialogue entre communautés de recherche.
Un deuxième axe renvoie à la focale adoptée dans l’analyse de l’économie circulaire. La totalité des revues évoque, au moins en partie, la question des répercussions de l’économie circulaire sur les organisations. Les revues de Lewandowski (2016) et de Lieder et Rashid (2016) y sont intégralement dédiées. Celle-là traite des conséquences de l’économie circulaire sur les modèles d’affaires ; celle-ci traite des impacts sur l’organisation et la gestion des opérations des entreprises manufacturières.
Partant, un constat apparaît : la recherche en management est focalisée sur les activités intra-organisationnelles, avec pour corollaire l’occultation de toute question relative à un changement de nature systémique (Kirchherr et al., 2017). Abondant en ce sens, Murray et ses collègues (2017) observent que l’approche holistique appelée par le rapport Brundtland a été largement ignorée par la recherche en management. Critiques, les auteurs avancent que celle-ci s’oriente à outrance sur « des entreprises individuelles, et leurs parties prenantes immédiates, en prenant une focale ‘entité’ » (Ibid., 370). Elle se livre par-là à « un type de réductionnisme, étudiant les aspects esseulés d’un système en isolation » (Ibid., 370-371). Pourtant, les expériences de transition réussie vers l’économie circulaire tiennent d’abord à « l’implication de tous les acteurs de la société et de leur capacité à relier et à créer des schémas de collaboration et d’échange appropriés » (Ghisellini et al., 2016 : 11).
Un troisième axe ressortant de ces revues de littérature tient moins aux travaux de recherche qu’à ce qu’ils révèlent de la mise en pratique de l’économie circulaire. A travers le monde, celle-ci se trouve encore à un stade rudimentaire. Elle se limite généralement aux pratiques de recyclage (Ghisellini et al., 2016), voire de réutilisation (Ghisellini et al., 2016; Kirchherr et al., 2017).
Pourtant, concernant les pratiques plus en amont, la revue de littérature de Ghisellini et de ses co-auteurs (2016) montre qu’un pan de la littérature relative aux modèles d’affaires serviciels se rapproche de celle traitant de l’économie circulaire (Tukker, 2015). Ces modèles dénommés Product-Service Systems (PSS) (Mont, 2002) se caractérisent par le changement qu’ils entraînent dans les échanges de biens matériels : le transfert des droits de propriété est substitué par la vente d’un droit d’accès à la fonction d’usage. La propriété du produit reste au fournisseur tout au long du cycle de vie. Le client accède à la fonction d’usage du produit via des solutions de location (leasing), de partage (sharing) ou de mise en commun (pooling) (Tukker, 2004). De plus en plus, ces modèles sont perçus comme une voie menant à la prévention de déchets, en complément des activités plus en aval de réutilisation et de recyclage, et des pratiques plus en amont touchant à l’éco-conception (Bourg & Buclet, 2005; Gaglio, Lauriol, & du Tertre (dir.), 2011; Mont, 2002; Tukker, 2004, 2015).
La présente thèse se positionne par rapport à ces différents axes. Elle s’attache d’abord au travers de ses trois essais à traiter de pratiques situées à la fois en amont et en aval du modèle d’économie circulaire. Ensuite, elle vise à fournir un éclairage sur la dimension sociale de l’économie circulaire, qui bien que prévue par les textes réglementaires est largement laissée à la discrétion des acteurs de terrain. Enfin, et en accord avec les auteurs évoqués dans cette section, cette thèse soutient que la diffusion des pratiques d’économie circulaire est sous-tendue par la construction d’une signification socialement située permettant une mise en œuvre collective. La focale organisationnelle est échangée par une focale plus large, laquelle rend compte du changement systémique qu’elle induit. En d’autres termes, cette thèse propose une lecture institutionnelle de la diffusion des pratiques relevant de l’économie circulaire.

La sociologie institutionnelle, travaux princeps et construits clefs

Pourquoi les structures formelles ne sont-elles pas exclusivement conçues pour atteindre un optimum économique ? Pourquoi tant d’homogénéité dans le monde des organisations ? En s’interrogeant sur l’homogénéisation et non sur la différenciation des formes organisationnelles, DiMaggio et Powell (1983) prennent à revers les questions de leur époque posées par la théorie des organisations (Child & Kieser, 1981; Hannan & Freeman, 1977).
En référence à la cage d’acier de Weber, les deux sociologues observent que les formes et pratiques organisationnelles appartenant à un même espace institutionnel, ou champ, tendent inexorablement à devenir similaires, sans pour autant gagner en efficience. Leur article, The Iron Cage Revisited: Institutional Isomorphism and Collective Rationality in Organizational Fields devient un ouvrage princeps qui, conjugué aux travaux de Meyer & Rowan (1977) et de Zucker (1977), ouvrent une perspective sociologique dans l’étude des institutions.
La sociologie institutionnelle pose alors l’approbation sociale comme première condition de l’accès aux ressources pour une organisation. En corollaire, la poursuite de la légitimité altère la recherche de l’efficience comme déterminant des comportements. Les nécessités techniques appelées par le marché laissent place aux exigences de conformité aux normes sociales, formalisées et véhiculées par l’environnement institutionnel.
Aussi, cette nouvelle perspective conduit d’abord à interroger les modes d’établissement de ces normes sociales, puis comment celles-ci affectent le comportement des organisations. Enfin, la sociologie institutionnelle se focalise sur les stratégies déployées par les organisations pour faire face aux pressions de leur environnement institutionnel.

De l’économie à la sociologie – Une vision extensive des institutions

L’économie institutionnelle place les institutions dans un paradigme peuplé d’acteurs à la rationalité omnisciente, dont le comportement est régi par la maximisation du rendement (Coase, 1937). Les institutions y sont cantonnées à une fonction instrumentale, de contrôle. Elles visent, principalement au moyen d’arrangements contractuels, à empêcher les comportements opportunistes en les rendant trop coûteux (Williamson, 1975, 1985).
L’approche sociologique remet en cause cette vision utilitariste des institutions (DiMaggio & Powell, 1983; Meyer & Rowan, 1977; Zucker, 1977). Notamment, elle leur confère une dimension culturelle et cognitive génératrice de stabilité et de sens à la vie sociale (Scott, 1995, 2003).
Cette vision, extensive, des institutions suppose les acteurs encastrés (Granovetter, 2000; Polanyi, 1944) dans un environnement social à quatre composantes : politique, culturelle, cognitive, et structurelle (Zukin & DiMaggio, 1990). L’action s’étudie désormais au sein d’un cadre culturel et cognitif partagé, où les comportements sont réglés par des scripts approuvés socialement (Tolbert & Zucker, 1996). Cette vision, socialisée, des institutions rompt avec l’état d’apesanteur prêté par la pensée économique classique aux logiques d’actions (Allouche & Huault, 2006). Elle conduit à analyser le comportement organisationnel non plus selon un angle purement économique, mais également sous des aspects culturels, sociaux et cognitifs.

Du mythe à l’isomorphisme

L’encastrement des organisations dans leur environnement social est mis en lumière dans l’article princeps de Meyer et Rowan (1977). Les deux auteurs y avancent que les formes organisationnelles ne répondent pas à une recherche d’efficience optimale, mais se stabilisent par adhésion à des mythes : des histoires inspirées de faits réels, sans auteur identifié, et qui imprègnent la société d’un système de valeurs au travers de figures idéales.
Cette citation apporte quatre éclairages alors nouveaux sur le comportement organisationnel. Premièrement, une organisation ne répond pas seulement à des préoccupations techniques ou d’efficacité. Elle agit également en fonction de ce qu’elle perçoit des attentes de la société vis- à-vis de ses propres actions. Deuxièmement, la réponse à ces attentes permet d’acquérir une légitimité qui conditionne l’accès aux ressources. Cette légitimité recouvre des dimensions réglementaire – conformité à la réglementation –, pragmatique – atteinte d’un niveau de performance –, normative – adéquation avec un système de valeurs –, ou culturelle et cognitive – insertion dans les systèmes de signification en vigueur (Deephouse, Bundy, Tost, & Suchman, 2016 ; Suchman, 1995). Troisièmement, la légitimité d’une organisation est générée par intégration des mythes dans ses structures formelles. Quatrièmement, ces mythes sous-tendent l’environnement institutionnel dans lequel les organisations sont encastrées. (Figure 9).
Par l’incorporation de mythes rationalisés dans leurs discours, structures et pratiques, les organisations respectent ainsi les prescriptions formulées par leur environnement institutionnel.
Ce faisant, elles s’inscrivent dans un ordre social partagé et reproduit à travers les générations par des actes tenus-pour-acquis (taken-for-granted), car objectivés – dont la signification est indépendante de leur auteur –, et extériorisés – que la compréhension intersubjective rend extérieure à l’individu (Zucker, 1977). Elles se prémunissent ainsi durablement contre tout questionnement pouvant remettre en cause leur existence.

L’environnement institutionnel, effets et caractéristiques

Partant de ces travaux, DiMaggio & Powell (1983) observent que les organisations d’un même espace social délimité tendent à l’uniformisation, ou isomorphisme. Ils identifient alors trois types d’isomorphismes : l’isomorphisme coercitif renvoie à l’influence de la sphère politique, à travers l’arsenal législatif et réglementaire ; l’isomorphisme mimétique est le fruit des actions adoptées en réponse à l’incertitude, par imitation grégaire de la concurrence ; l’isomorphisme normatif répond aux attentes érigées par les réseaux professionnels et les connaissances diffusées par les cursus éducatifs.

Le champ organisationnel, construit central de l’approche sociologique

Le champ organisationnel représente le « construit central » de l’analyse institutionnelle (Wooten & Hoffman, 2016) (Tableau 3). Il délimite l’espace au sein duquel les normes agissent, et où les pratiques émergent, se diffusent, et s’institutionnalisent (Scott, 1995). Situé à un niveau intermédiaire entre organisation et société, le champ se compose de communautés d’organisations clairement identifiées et interagissant selon des schémas invariants et collectivement définis (W. Richard Scott, 2003). Il représente ainsi un « espace de la vie institutionnelle » (DiMaggio & Powell, 1983: 148) qui repose sur un système de significations commun et des modes de coordination établis (Scott, 1995).
La genèse du champ est provoquée par l’implication d’un groupe d’organisations d’horizons divers dans un « débat commun » (issue) (Hoffman, 1999). S’ensuit une augmentation des interactions et de la quantité d’informations partagées (DiMaggio & Powell, 1983). Les croyances collectives qui en découlent donnent lieu à une catégorisation des échanges orientée vers la coordination et la maîtrise de l’incertitude. Elles délimitent alors le cadre d’une réalité socialement construite (Greenwood et al., 2002).
Ainsi, au long de son processus de structuration, le champ devient le théâtre d’interactions routinières et régulées par des « macrostructures » institutionnelles (DiMaggio & Powell, 1983). Celles-ci prennent la forme d’associations professionnelles (Greenwood et al., 2002), d’agents de contrôle social (ex. gouvernements) (Greve, Palmer, & Pozner, 2010), de cabinets d’audit et de conseil (Greenwood & Suddaby, 2006), ou de médias (Cornelissen, Durand, Fiss, Lammers, & Vaara, 2015).
Une fois structuré, ou mature, le champ repose sur une hiérarchie arrêtée d’organisations. Les entreprises centrales s’y distinguent des organisations périphériques par la réputation, le statut et la taille (Greenwood & Suddaby, 2006). La proximité des organisations centrales avec les « nœuds d’autorité » (Hoffman, 1999) les rend relativement plus aptes à fixer des arrangements favorables à leurs intérêts. Réciproquement, tandis qu’ils se rapprochent du centre, les acteurs reçoivent les scripts sociaux comme tenus pour acquis et hégémoniques. A l’inverse, par leur position dans le champ, les organisations périphériques ont moins prise avec la fixation de normes qui leur seraient bénéfiques. Elles semblent en contrepartie y être relativement moins tenues (Greenwood & Suddaby, 2006).
Le champ organisationnel représente donc un concept pivot dans la bonne marche de l’analyse sociologique. C’est à son niveau qu’est délimitée la portée des débats internes et des normes subséquentes, sources d’isomorphisme. Il offre ainsi le niveau propice à l’analyse de la diffusion de pratiques innovantes, en remplacement de celles jusque-là prévalentes.

Le changement institutionnel

Dans ses formulations initiales, la sociologie institutionnelle pose les mécanismes institutionnels comme des facteurs de stabilité et d’inertie. Enfermées dans leur environnement institutionnel, les organisations obéissent aveuglement à des scripts qui leurs sont extérieurs. Elles seraient alors les simples rouages d’un système social, constitué de faits sociaux (social facts), et qui s’autoreproduit de génération en génération (Zucker, 1977). Dès lors, comment expliquer que des pratiques déviantes puissent apparaître et se diffuser à travers un champ donné ?
Cette question, qui apparaît à travers le paradoxe de l’embedded agency (Seo & Creed, 2002), oriente l’analyse institutionnelle vers une théorie de l’action. L’enjeu devient alors de mieux comprendre les conditions et les processus par lesquels certains acteurs arrivent à changer les normes qui sous-tendent leur environnement institutionnel. Ces efforts de théorisation du changement institutionnel se sont accompagnés de la définition de nouveaux concepts majeurs : les logiques institutionnelles et le travail institutionnel.

Une stabilité trompeuse

Les développements initiaux de l’analyse institutionnelle caractérisent l’environnement institutionnel par l’inertie (ex. Greenwood & Hinings, 1996). L’appareillage institutionnel réduit effectivement l’incertitude. Il atténue les déviances, rend les comportements prévisibles et assure une coordination pérenne de la vie sociale. Il n’empêche cependant pas définitivement l’irruption ou le repositionnement de populations remettant en cause l’ordre en place, et l’adoption de pratiques innovantes (ex. Greenwood & Suddaby, 2006).
La structure des champs organisationnels renvoie donc une apparence trompeuse. Elle dénote à première vue une stabilité figée, définitive. Or, les champs organisationnels sont statiques mais évolutifs (Hoffman, 1999). Ils peuvent même devenir de véritables « champs de guerre institutionnelle » animés par des communautés combattant pour disposer les sujets et les normes selon leurs intérêts (Brint & Karabel, 1991; White, 1992). Hors trêves temporaires, l’équilibre des rapports de forces est ainsi perpétuellement remis en cause par des populations d’organisations aux perspectives opposées (Hoffman, 1999), dont les frontières et les rôles sont eux-mêmes assaillis de tentatives de redéfinition constantes (Greenwood & Suddaby, 2006).
La structure du champ, sous-jacente aux normes et pratiques en vigueur, n’est donc pas immuable. En particulier, lorsque de nouveaux débats émergent à la faveur d’événements déclencheurs, ponctuels, ou de « secousses » (jolts) à durée plus prolongée (Meyer, 1982). Les arrangements sociaux qui prévalent sont alors susceptibles d’être dégradés.
La littérature s’est penchée sur les cas d’évolutions institutionnelles dans des contextes aussi variés que l’industrie chimique (Hoffman, 1999), la haute gastronomie (Rao, Monin, & Durand, 2003), l’édition (Thornton, 2004) ou les services aux entreprises (Greenwood et al., 2002). Partout, les recherches s’intéressent au locus du changement, ainsi qu’aux mécanismes qui immunisent les acteurs du changement contre les pressions institutionnelles, et aux actions qu’ils entreprennent. Autrement dit, ces travaux portent sur la question suivante : comment certains acteurs arrivent-ils à exercer un pouvoir d’agence (agency) alors qu’ils sont conditionnés par des structures destinées à guider leurs raisonnements, leurs jugements et leurs comportements ?

Entre structure et agence, quelles conditions au changement ?

L’étude du changement institutionnel invite d’abord à s’intéresser aux différentes positions occupées par les organisations dans la structure du champ.
Instinctivement, les organisations périphériques sont les plus susceptibles de vouloir remplacer des pratiques institutionnalisées par d’autres, déviantes. En effet, leur position structurelle affaiblit leur lien aux processus et aux autres communautés du champ. Elles sont donc moins exposées à des prescriptions institutionnelles qui leurs sont d’ailleurs moins bénéfiques (Kraatz, 1998). Cependant, leur pouvoir d’imposer un changement de normes est miné par leur faible insertion dans la structure du champ et leur image perçue comme peu légitime (e.x. Lounsbury, 2002). Si elles peuvent malgré cela connaitre le succès (ex. Maguire, Hardy, & Lawrence, 2004), ces tentatives de changement se heurtent à des « intentions organisationnelles contraires qui visent à maintenir le statu quo » pour préserver les intérêts menacés par l’abandon des pratiques existantes (Oliver, 1991, 1992).
A l’inverse, les acteurs centraux sont largement en interaction avec les processus institutionnels. Familiers des modèles mentaux qui prévalent (Porac & Thomas, 1990), et rompus à l’élaboration des processus normatifs (DiMaggio & Powell, 1983), ils ont le pouvoir de changer  des technologies et pratiques existantes, mais celles-ci servent déjà leurs intérêts. La volonté de changement de ces acteurs contredirait alors le sens même des institutions. Pourtant, les acteurs centraux peuvent envisager le changement pour servir leurs intérêts singuliers, paradoxalement non incorporés dans la structure du champ. En particulier, les organisations à la fois centrales et situées à l’intersection de plusieurs champs offrent un exemple éclairant des raisons qui poussent au changement. (Greenwood & Suddaby, 2006; Thornton et al., 2012).
Périphériques ou centraux, les acteurs les plus résolus au changement sont sans doute ceux dont la position permet d’entrevoir les contradictions traversant le champ organisationnel. S’appuyant sur une approche dialectique Seo et Creed (2002) dressent une typologie des contradictions qui extraient des acteurs de leur encastrement, les rendant ainsi aptes au passage à l’acte, ou praxis. La contradiction de l’efficience provient du décalage observé entre les performances des pratiques institutionnalisées et celles issues de pratiques alternatives, notamment adoptées dans d’autres champs. La contradiction de non-adaptabilité relève de l’incapacité des prescriptions socioculturelles à refléter une nouvelle réalité. La contradiction d’incompatibilité interinstitutionnelle se réfère à la coexistence de prescriptions institutionnelles dont la contradiction est insurmontable. Enfin, la contradiction de désalignement découle de la perte d’adhésion d’acteurs à des arrangement institutionnels qu’ils estiment léser leurs intérêts.
Dans le modèle proposé par Seo et Creed (2002), chacune de ces contradictions correspond un potentiel de changement. Le désalignement produit des agents de changement potentiel, l’incompatibilité crée un espace de réflexivité (reflexive shift) dans les consciences, la non-adaptabilité entraine une mobilisation des acteurs, et l’inefficience conduit à l’action collective. Prises dans leur ensemble, ces contradictions conduisent ainsi d’une situation de « participation irréfléchie à la reproduction institutionnelle vers une critique imaginative des arrangements existants et aux actions pratiques nécessaires au changement » (Seo et Creed 2002, p. 231). Elles forment alors les conditions de déclenchement d’un processus de changement institutionnel.

De la dés-institutionnalisation à la ré-institutionnalisation, le processus de changement institutionnel

Parmi les efforts de théorisation du changement institutionnel, le modèle offert par Greenwood, Suddaby et Hinings (2002) est sans doute le plus complet et le plus repris. Il est composé de six étapes parcourant le cycle de vie d’une pratique, depuis son apparition jusqu’à son abandon Figure 10.
Le processus de changement institutionnel s’enclenche à la faveur d’événements générateurs de secousses (jolts) (Meyer, 1982; Meyer, Brooks, & Goes, 1990) ou de ruptures (Lorange, Morton, & Ghoshal, 1986) de natures variées : sociale, technologique, concurrentielle, ou réglementaire. Les incertitudes qui en résultent déstabilisent le champ jusqu’à « claquer » (smack) les arrangements institutionnels sur lesquels repose sa structure (Clemens & Cook, 1999).
La survenance de ces événements provoque une désinstitutionalisation : l’abandon de pratiques dû à la perte de leur sens originel et au questionnement de leur légitimité (Oliver, 1992). Parallèlement, les événements perturbateurs précipitent l’irruption d’acteurs nouveaux (Thornton, 1995), ou une redistribution des rôles entre acteurs existants (Greenwood, et al. 2002). Cette perte de repères bouscule les consensus, sert l’émergence de nouveaux cadres de pensée, et entrouvre l’adoption de pratiques nouvelles.
La troisième étape est celle de la pré-institutionnalisation. Elle connait l’expérimentation d’innovations, éparses et non coordonnées, destinées à trouver des solutions répondant à des problèmes perçus localement (Tolbert & Zucker, 1983; Tolbert et al., 1996).
La théorisation consiste en la construction d’une représentation collective sur la base de pratiques localisées. Elle permet de diffuser des innovations locales à une échelle plus large.
Elle repose sur un travail d’abstraction et de catégorisation qui permet l’élaboration de chaînes de cause à effet (Strang & Meyer, 1993).
La diffusion est l’étape où une pratique théorisée est, soit admise à l’institutionnalisation, soit reléguée au statut de mode et abandonnée. Elle aboutit si les pratiques nouvellement théorisées parviennent à être perçues comme plus appropriées que les existantes. Dans cette optique, les pratiques théorisées sont objectivées, soit par leur alignement sur des normes en vigueur pour acquérir une légitimité morale ; soit par la démonstration de leur supériorité fonctionnelle auprès d’une communauté pour obtenir une légitimité pragmatique (Abbott, 1988; Suchman, 1995; Tolbert & Zucker, 1996). Une pratique trouvant levier sur une légitimité morale et/ou pragmatique parachève ainsi son parcours vers l’institutionnalisation.
Paraphrasant Bourdieu, la ré-institutionnalisation serait l’étape de sacralisation des pratiques hérétiques. Elle advient lorsqu’une pratique est adoptée massivement, non plus pour des raisons techniques, mais parce qu’elle est perçue comme la façon la plus naturelle d’agir (Oliver, 1992). La légitimité cognitive est acquise (Suchman, 1995), emmenant une pratique à travers les générations sans que leur existence soit questionnée. Elles sont alors admises « sans réserve ni critiques comme la façon ultime de se comporter » (Tolbert & Zucker, 1996).

Logiques institutionnelles et travail institutionnel, deux points de vue opposés sur les  dynamiques institutionnelles ?

Deux concepts apportent des éclairages complémentaires sur l’émergence de pratiques institutionnalisées : les logiques institutionnelles (Friedland & Alford, 1991; Thornton & Ocasio, 1999) et le travail institutionnel (Lawrence & Suddaby, 2006).
Les logiques tiennent l’apparition durable de nouvelles pratiques comme le reflet de nouveaux systèmes culturels, structurés et au rayon d’action délimité (Thornton et al., 2012; Weber, Patel, & Heinze, 2013). Le travail institutionnel explique cette apparition par l’œuvre d’acteurs visant à modifier leur environnement institutionnel pour favoriser leurs intérêts propres. Dans ces deux perspectives, la définition des pratiques apportée par Smets, Morris, & Greenwood (2012) prenant appui sur les travaux Jarzabkowski (2005) peut être retenue :

Les logiques institutionnelles, une approche culturelle des pratiques institutionnelles

Les logiques institutionnelles représentent des cadres de pensée collective, dérivés de la culture, et conditionnant le rapport des organisations à la réalité sociale. Plus précisément, elles se définissent comme :
“the socially constructed, historical patterns of cultural symbols and material practices, assumptions, values and beliefs by which individuals produce and reproduce their material subsistence, organize time and space, and provide meaning to their daily activities.”
Thornton, Ocasio et Lounsbury, 2012 : 51
Autrement dit, les logiques institutionnelles sont faites d’« hypothèses, valeurs, croyances et règles » (Thornton & Ocasio, 1999: 804) constituées en grilles d’analyse et en ensembles structurés de critères de légitimité. Elles conditionnent donc éminemment le rapport des acteurs à une réalité sociale située (Loewenstein et al., 2012: 72). Plus précisément, elles s’imposent aux acteurs du champ en tant que « principes d’organisation » (Thornton & Ocasio, 1999: 804) qui prescrivent quels « couplets moyens-objectifs » (Friedland, 2002: 83) adopter pour se légitimer, ainsi susciter l’approbation sociale, et enfin accéder aux ressources (Thornton & Ocasio, 1999, 2008).
Parce qu’elles sont symboliques et matérielles, les logiques institutionnelles opèrent autant sur les systèmes symboliques que sur les pratiques (Friedland & Alford, 1991). Symboliquement, les logiques façonnent les intérêts et objectifs, de même que l’attention et la rationalité des acteurs. Matériellement, elles édictent quels archétypes organisationnels – structures et pratiques – sont appropriés. La nature duale des logiques institutionnelles les rend donc manifestes selon ces deux dimensions : symbolique et matérielle. Thornton (2004) a par exemple montré comment un basculement vers une logique éditoriale nouvellement dominante dans un champ conduit à renforcer le prestige d’une maison d’édition – symbolique – aligné sur des moyens, matériels, connexes – la mise en place d’une structure d’autorité guidée par un fondateur-éditeur.

Le travail institutionnel, des pratiques qui résultent d’intérêts individuels

Le travail institutionnel explore comment, à la faveur des circonstances évoquées supra, certains acteurs s’émancipent des pressions institutionnelles pour changer leur environnement. A la différence des logiques, ce concept repose sur une approche dialectique, au sens de force de conviction, marchandages, rapports de force et jeux de pouvoirs. Le travail institutionnel désigne ainsi :
Au travers du concept de travail institutionnel, l’analyse institutionnelle questionne les effets du pouvoir d’agence (agency) : comment des acteurs, devenus agents, arrivent-ils à modifier les arrangements institutionnels en vigueur pour favoriser leurs intérêts ? Le travail institutionnel entretient par-là une proximité forte avec le concept d’« entrepreneur institutionnel », dont les travaux afférents avancent que des « nouvelles institutions émergent lorsque des acteurs organisés disposant de suffisamment de ressources (entrepreneurs institutionnels) voient en elles une opportunité de réaliser des intérêts auxquels ils attachent beaucoup de valeur » (DiMaggio, 1988: 14).
Du point de vue des différences, le travail institutionnel inclut les actions défensives – maintien –, tandis que l’entrepreneuriat se concentre sur le changement. Celui-ci se concentre peut-être plus sur les propriétés d’acteurs « héroïques », celui-là sur les actions sociales situées. Malgré ces nuances, les questions qui conduisent à mobiliser ces deux concepts restent dans la même veine : quelles circonstances pour quels acteurs ? Quelles ressources sont mobilisées ? Sur quoi portent et en quoi consistent les actions ?
La littérature situe surtout par rapport au champ organisationnel les acteurs impliqués dans un travail institutionnel (Hampel, Lawrence, & Tracey, 2017). Les acteurs centraux naviguant dans plusieurs champs accèdent à des pratiques alternatives susceptibles de leur être avantageuses dans leur champ d’origine. Cette situation est à l’origine des pratiques de la nouvelle cuisine française qui ont soutenues par des chefs reconnus en France, mais familiers des pratiques culinaires en usage au Japon (Rao et al., 2003). Autre exemple, la forme multi-divisionnelle introduite au Canada par les grands cabinets d’audit, coutumiers des pratiques en vigueur dans différents champs du fait du suivi de leurs clients internationalisés, et désireux par cette forme multi-divisionnelle d’atteindre une taille immunisant contre les pressions réglementaires et normatives (Greenwood & Suddaby, 2006).
Le travail institutionnel s’enclenche également à la périphérie ou depuis l’extérieur du champ. Dans ce cas, la recherche met notamment en lumière le rôle prépondérant des mouvements sociaux, des ONG et des associations dans l’institutionnalisation de nouvelles pratiques, comme celles du recyclage aux Etats-Unis (Lounsbury, Ventresca, & Hirsch, 2003) ; ou inversement l’action décisive de ces acteurs dans des dynamiques de désinstitutionalisation, comme celle menant à l’abandon de l’épandage du DDT après la parution pourtant extérieure au champ du livre Silent Spring de Rachel Carson (cf. supra; Maguire & Hardy, 2009). Dans ce dernier exemple la dynamique naît à l’extérieur du champ. En France, la désinstitutionalisation de l’amiante répond également à ce cas de figure (Peton, 2012).
La littérature fait état d’un large éventail de ressources permettant d’engager différentes formes de travail institutionnel. Elles sont politiques, financières ou organisationnelles (Greenwood & Suddaby, 2006), mais aussi matérielles (Greenwood & Suddaby, 2006; Monteiro & Nicolini, 2015), relationnelles (Raffaelli & Glynn, 2014), ou encore discursives (Maguire & Hardy, 2006; Tracey, Phillips, & Jarvis, 2011), culturelles et symboliques (Creed, Scully, & Austin, 2002).
En miroir, les actions visant le changement sont situées sur des plans symboliques, matériels et relationnels. Le travail impliquant les identités, les récits (narratives), la rhétorique et les discours permettent de manipuler les symboles et faire adhérer les composantes du champ à de nouvelles justifications de pratiques (ex. Suddaby & Greenwood, 2005; Zilber, 2009). Tracey et ses co-auteurs (2011) montrent le rôle des macro-discours pour légitimer forme hybride, œuvrant à la réinsertion par le développement d’un réseau de franchises.
Les actions portant sur les aspects matériels et relationnels des institutions sont moins étudiées (Hampel et al., 2017). Au plan matériel, par exemple, Monteiro & Nicolini, (2015) montrent comment l’introduction de prix dans le secteur public italien conduit à mobiliser des objets et des espaces favorisant l’éducation les acteurs du champ, la théorisation de nouvelles pratiques, et la reconfiguration de réseaux existant. Au plan relationnel, Dorado (2013) montre comment l’essor de la microfinance en Bolivie repose sur une dynamique groupale permettant le tissage d’un nouveau réseau de relations acquérant des acteurs à une cause.
Enfin, plus largement, le travail relationnel considère les facteurs tels que le statut, le degré de convergence des objectifs, la coordination et la clarté des rôles dans l’action conjointe (Hampel et al., 2017). En somme, ce concept offre une alternative aux logiques institutionnelles, et tient l’évolution de pratiques comme la cristallisation d’intérêts particuliers.

Vue d’ensemble des articles constitutifs de la thèse

Cette thèse de doctorat prend pour cadre la théorie néo-institutionnelle. Elle s’attache d’abord à montrer que les discours disposent de propriétés qui favorisent l’hybridation de pratiques (Chapitre 4). Elle livre ensuite une analyse de l’évolution d’un champ organisationnel induite par l’avènement de l’économie circulaire (Chapitre 5). Enfin, elle étudie le rôle joué par des individus dans l’institutionnalisation de pratiques innovantes (Chapitre 6).
Les articles constitutifs de cette thèse se situent empiriquement dans le domaine des pratiques émergentes liées à l’économie circulaire. L’économie circulaire poursuit l’objectif de réduction de l’impact environnemental des activités humaines. Sa mise en œuvre implique de boucler les flux d’énergie et de matières, de manière à limiter la consommation de ressources naturelles, la production de déchets et l’émission de pollutions. L’économie circulaire regroupe ainsi des pratiques qu’il est coutume de catégoriser en pratiques amont, avant la production du déchet, et aval, après que le déchet a été produit. Cette thèse étudie des pratiques à la fois amont et aval (Figure 11).
Les questions de départ qui sous-tendent cette recherche sont donc (i) comment la théorie institutionnelle éclaire-t-elle la diffusion des pratiques d’économie circulaire ? Et inversement (ii) comment l’étude de ces pratiques aide-t-elle à faire progresser les connaissances dans ce courant théorique ? A partir de ces questions de départ, ce travail comprend trois articles visant à répondre à une question de recherche spécifique. Ainsi, chacun des chapitres suivants applique une perspective conceptuelle particulière issue de la théorie institutionnelle à une pratique ou à un ensemble de pratiques issues de l’économie circulaire (Figure 11 et Tableau 4).

Design de recherche de l’article 1

Article en cours de soumission à la revue M@n@gement (Revise and Re-submit – 2ème tour) Article accepté et présenté à la 79ème Conférence annuelle de l’Academy of Management (AOM), Section OMT, Boston, 2019
Article accepté à la 19ème Conférence annuelle de l’European Academy of Management (EURAM), Lisbonne, 2019
Ce premier article s’empare du discours entourant la diffusion des pratiques d’économie de fonctionnalité. Il vise en cela à mieux appréhender les mécanismes d’hybridation de pratiques. La littérature s’est déjà penchée sur la façon dont certaines organisations répondaient à la complexité institutionnelle par la mise en place de pratiques régies par plusieurs logiques institutionnelles, ou pratiques hybrides (Battilana & Dorado, 2010; Battilana & Lee, 2014; Pache & Santos, 2010, 2013).
Cependant, ces travaux ont jusqu’à présent adopté une focale intra-organisationnelle. Ils sont restés largement silencieux sur les mécanismes d’hybridation intervenant au niveau du champ. Comprendre les mécanismes d’hybridation intervenant au-delà de l’organisation contribuerait cependant à répondre aux grands défis sociétaux (Battilana, Lee, Walker, & Dorsey, 2012). Les discours offrent un point d’entrée à de tels mécanismes.
Cet article explore ainsi les mécanismes d’hybridation prenant place dans le champ discursif de l’économie de fonctionnalité. Les résultats montrent que l’introduction d’un nouveau vocable désignant une pratique existante, mène à sa reconceptualisation (reframing). Lors de cette reconceptualisation, la mobilisation de la logique environnementale permet de réconcilier logiques d’Etat et de marché, stabilisant ainsi la théorisation d’une pratique hybride.

Description du cas : le discours sur l’économie de fonctionnalité en France

L’économie de fonctionnalité consiste à vendre l’usage d’un bien plutôt que le bien lui-même (Bourg & Buclet, 2005). Elle compte parmi ses exemples les plus fameux Michelin, qui facture des tonnes/km transportées plutôt que des pneus ; ou encore Rank Xerox, qui ne vend plus mais place ses photocopieurs chez ses clients, et se rétribue au nombre de copies produites. L’économie de fonctionnalité renvoie à un phénomène décrit dès 1988 par Vandermerwe & Rada dans la littérature en management sous le terme de servitization. Economie de fonctionnalité et servitization désignent ainsi toutes deux le phénomène de migration des entreprises industrielles vers le service. Elles sont d’ailleurs toutes deux utilisées à cet effet dans le discours public en France. En revanche, si la servitization y est justifiée de façon strictement économique, l’économie de fonctionnalité y est légitimée par un registre relevant à la fois de l’économie, de l’environnement et du social. Elle a d’ailleurs été intégrée au modèle d’économie circulaire défini par les pouvoirs publics en France en 2012.
Collecte de données
Les articles de presse sont un vecteur d’institutionnalisation fréquemment étudié par la sociologie institutionnelle (ex. Fiss & Hirsch, 2005; Lok, 2010). Ainsi, les données collectées consistent d’abord en l’extraction de l’ensemble des articles de presse parus en France, et contenant les vocables économie de fonctionnalité ou servitization. La période de collecte s’étend de 2002 à 2018. Un corpus de 610 articles a ainsi été constitué après retraitement (ex. retraits des doublons, articles non pertinents). Ce corpus est codé selon trois variables : l’année de publication, le type de presse, et le mot-clef contenu un article donné. Sur cette base et à des fins de triangulation, une documentation institutionnelle appropriée a également été collectée. Il s’agit essentiellement de rapports d’acteurs publics (ex. rapport du rapport du Grenelle de l’environnement), ou de documents de référence et rapports annuels d’entreprises impliquées dans le discours sur l’économie de fonctionnalité (ex. Michelin).
Analyse de données
Le processus d’analyse s’appuie sur une méthode de statistiques textuelles, dérivée des propositions mathématiques de Reinert (1983), et introduite dans la littérature institutionnelle par Daudigeos et ses co-auteurs en 2013. Partant de cette méthode, l’identification des changements diachroniques permet de constituer trois périodes d’étude (Langley, 1999). Au sein de chaque période, les schémas de mots (words patterns) (Krippendorff, 2004), révélés par la classification hiérarchique descendante, conduisent à identifier les logiques institutionnelles à l’œuvre dans la justification de l’économie de fonctionnalité et de la servitization. Les variations au sein de chaque audience sont également investiguées.

Design de recherche de l’article 2

Article soumis à la revue Business Strategy and the Environment
Cet article prend pour terrain empirique le domaine des déchets ménagers en France. Il vise en cela à mieux appréhender la dimension institutionnelle de l’économie circulaire. La littérature fait largement cas des impacts engendrés par l’économie circulaire sur les organisations et les modèles d’affaires (ex. Lewandowski, 2016; Lieder & Rashid, 2016). En revanche, peu d’études accordent une attention aux évolutions de nature systémique, ou institutionnelles, qu’elle engendre (Murray et al., 2017).
Pourtant, mieux comprendre la signification socialement située que comporte l’économie circulaire favoriserait la mise en œuvre collective (Blomsma & Brennan, 2017). D’ailleurs, les expériences réussies de transition vers une économie circulaire sont celles ayant impliqué tout type d’acteurs, issus d’organisations diverses (Ghisellini et al., 2016). Les pratiques de gestion des déchets ménagers offrent un terrain propice à l’observation de telles expériences.
Cet article explore ainsi l’évolution des rôles et des identités des acteurs impliqués dans les pratiques de minimisation des déchets en France. Les résultats montrent que ces pratiques répondent d’abord à une logique économique. Pour s’incarner, cette logique économique est promue par les acteurs historiques du champ. Ceux-ci se livrent à un travail institutionnel visant à développer la légitimité pragmatique des pratiques. De nouvelles ressources sont mobilisées pour créer un nouveau système d’acteurs capable d’assurer des pratiques de réemploi, de réutilisation et de recyclage à l’échelle du territoire. La mobilisation de ces ressources, matérielles, symboliques et relationnelles change l’identité et les rôles des acteurs historiques du champ. De plus, elle a pour effet de conférer un rôle aux associations, dont les ressources relationnelles permettent d’engager le citoyen dans le geste de tri.
Description du cas : l’impact de l’économie circulaire sur le champ des déchets ménagers L’avènement de l’économie circulaire dans les réglementations communautaire et française remet en cause les pratiques prévalentes dans les déchets ménagers. Plus précisément, à horizon 2035, 65% en tonnes des déchets municipaux devront être recyclés, alors que 10% maximum pourront être mis en décharge. Ces nouvelles contraintes réglementaires appellent les acteurs publics locaux – municipalités, syndicats – à abandonner les pratiques de collecte indifférenciées, de mise en décharge, voire d’incinération. Au-delà des objectifs chiffrés, les textes réglementaires insistent sur la dimension systémique que doit entraîner la mise en place de ces nouvelles pratiques. Collecte de données
La collecte de données part de l’opportunité d’une participation à trois ateliers de trois heures traitant de l’économie circulaire dans le domaine des déchets ménagers organisés par l’ADEME. Des données d’observation participante ont ainsi pu être collectées. Par ailleurs, les contacts noués à l’occasion de ces ateliers ont permis de réaliser une première série d’entretiens semi-structurés avec des participants aux ateliers. Puis, par effet boule de neige, d’organiser une seconde série aboutissant à un nombre de 32 entretiens au total. Par la suite, les propos collectés en ateliers et entretiens ont donné lieu à une collecte de documentation réglementaire et institutionnelle, de niveau local, national et communautaire pour recoupement et approfondissement.
Analyse de données
Tous les entretiens sauf un ont été intégralement enregistrés, transcrits et codés. L’entretien non enregistré a donné lieu à une prise de note avec l’accord du répondant. L’analyse suit une approche strictement inductive à partir de données qualitatives. L’analyse débute par l’identification des points critiques contenus dans chaque entretien. Les données ont ensuite été systématiquement codées et regroupées autour de ces points critiques pour découvrir les principaux thèmes relatifs à l’évolution des rôles, attendue et effective, des différents acteurs du champ, ainsi qu’aux déterminants de leurs comportements et aux actions qu’ils engagent en lien avec le sujet étudié (Coffey & Atkinson, 1996). Ces thèmes ainsi identifiés ont été rapprochés des résultats de chaque entretien, lesquels ont également été comparés entre eux. Les récurrences ainsi que les données apparaissant ponctuellement ont ainsi été regroupées par catégories et sous-catégories. Des vérifications constantes ont été effectuées par aller-retour avec les transcriptions au moyen du logiciel NVivo 12.

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela rapport-gratuit.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

1. Chapitre 1 – L’économie circulaire comme objet de recherche
1.1 L’écologie comme courant de pensée
1.1.1 D’une nature sacrée à une nature instrumentalisée
1.1.2 Prise de conscience, appareillage conceptuel et premières actions
1.1.3 Montée en puissance et entrée dans les institutions internationales
1.1.4 L’avènement d’une pensée écologique
1.2 Du rapport Brundtland à l’Agenda 2030, le bilan mitigé du développement durable
1.3 L’économie circulaire, entre conceptualisations et mises en pratique
1.3.1 Contenu conceptuel et mises en pratique
1.3.2 Une diffusion amplifiée par les actions législatives à travers le monde
1.4 Economie circulaire et recherche en management, approches présentes et axes à venir
2. Chapitre 2 – La sociologie néo-institutionnelle, de la théorie de l’isomorphisme à la diffusion de pratiques innovantes
2.1 La sociologie institutionnelle, travaux princeps et construits clefs
2.1.1 De l’économie à la sociologie – Une vision extensive des institutions
2.1.2 Du mythe à l’isomorphisme
2.1.3 L’environnement institutionnel, effets et caractéristiques
2.1.4 Le champ organisationnel, construit central de l’approche sociologique
2.2 Le changement institutionnel
2.2.1 Une stabilité trompeuse
2.2.2 Entre structure et agence, quelles conditions au changement ?
2.2.3 De la dés-institutionnalisation à la ré-institutionnalisation, le processus de changement institutionnel
2.3 Logiques institutionnelles et travail institutionnel, deux points de vue opposés sur les dynamiques institutionnelles ?
2.3.1 Les logiques institutionnelles, une approche culturelle des pratiques institutionnelles
2.3.2 Le travail institutionnel, des pratiques qui résultent d’intérêts individuels
3. Chapitre 3 – Vue d’ensemble des articles constitutifs de la thèse
3.1 Design de recherche de l’article 1
3.2 Design de recherche de l’article 2
3.3 Design de recherche de l’article 3
4. Chapitre 4 – Practice Hybridization in Discourse: The Case of Servitization in France 
4.1 Abstract
4.2 Introduction
4.3 Theoretical background
4.3.1 Institutional logics and the emergence of new practices
4.3.2 From institutional logics’ incompatibility to hybrid organizing
4.3.3 The role of discourses and language in institutional dynamics
4.4 Methods
4.4.1 From servitization to functional economy, just a matter of semantic?
4.4.2 Data collection and set-up
4.4.3 Descendent Hierarchical Classification
4.4.4 Analytical process
4.5 Results
4.5.1 The competing logics in play in the discourse on Servitization
4.5.2 The theorization of servitization as a hybrid practice.
4.5.3 The discursive dynamics throughout audiences and time
4.6 Discussion
4.6.1 A discursive model of practice hybridization
4.6.2 Limitations and future works
5. Chapitre 5 – Economie Circulaire et Déchets ménagers, Quelle Dynamique Institutionnelle ?
5.1 Résumé
5.2 Introduction
5.3 Cadre théorique
5.4 Contexte et méthodologie de recherche
5.4.1 Economie circulaire et gestion des déchets ménagers et assimilés : des pratiques d’élimination aux pratiques de minimisation
5.4.2 Données et méthode d’analyse
5.5 Résultats
5.5.1 Une logique d’abord économique
5.5.2 Le geste de tri et la collecte, entre viabilité économique et conscience environnementale
5.5.3 Sous l’effet de la minimisation, une recomposition du champ
5.5.4 Synthèse
5.6 Discussion et conclusion
5.6.1 De la relation dyadique au système d’acteurs, quels modes de coordination ?
5.6.2 L’identification des déterminants de la performance des pratiques de minimisation
5.6.3 L’usager clef de voûte du système, quels mécanismes d’enrôlement par le jeu ?
6. Chapitre 6 – Let’s Play with Trash: The Role of Gamification in the Institutionalization of Socially Innovative Practice
6.1 Abstract
6.2 Introduction
6.3 A Multi-Level Approach to the Institutionalization of Socially Innovative Practices
6.3.1 Institutionalization of social innovation
6.3.2 How micro-institutionalization processes trickle up
6.3.3 Gamification and motivations to adopt socially innovative practices
6.4 Methods
6.4.1 Research setting
6.4.2 Data collection
6.4.3 Data analysis
6.5 Gamification and the institutionalization of new waste management practices
6.5.1 Pre-gamification phase: Challenges for circumventing an unfavourable milieu
6.5.2 Gamification phase: from positive to non-purposive socialization
6.5.3 Post-gamification phase: Multi-level advocacy leading to institutionalization
6.6 A multilevel model of institutionalization through gamification
6.7 Discussion
6.7.1 Gamification as a trigger of institutionalization
6.7.2 The bottom-up institutionalization of socially innovative practices
Conclusion
Les discours vecteurs d’hybridation de pratique
Une altération de l’ordre social en place ?
Les actions individuelles comme catalyseur de l’institutionnalisation de la prévention.
7. Références

Télécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *