Du patrimoine fluvial au patrimoine institutionnel du canal du Nivernais 

Du patrimoine fluvial au patrimoine institutionnel du canal du Nivernais

Jusqu’à présent, l’expression « patrimoine des canaux » avait été employée sans être plus définie que nécessaire. Le lieu commun veut que les canaux soient du patrimoine sans qu’on s’interroge sur cette qualité : le canal du Midi, des ouvrages d’art ne sont-ils pas classés ? Sauf que ces voies ou monuments sont des exceptions. Lorsqu’on se penche sur une voie d’eau en particulier, on a du mal à comprendre en quoi elle est un patrimoine en même temps que l’on en convient sans bien savoir pourquoi. Pour expliquer cela il faut déjà passer par une série de définitions : qu’est-ce que le patrimoine fluvial et le patrimoine des canaux en France ? Il s’agira ensuite de voir si le patrimoine du canal du Nivernais correspond aux définitions de ces patrimoines ou s’il entretient des différences avec lui.

Le patrimoine fluvial et le patrimoine des canaux en France

Dans la littérature scientifique se rapportant aux canaux et aux fleuves, plusieurs expressions sont employées pour désigner le patrimoine des voies d’eau intérieures, toutes synonymes en apparence mais aux sens différents dès que l’on prend bien en compte tous leurs termes. Du patrimoine des ouvrages d’art au patrimoine culturel immatériel que représentent les chants et chansons des mariniers, un large champ de recherche a déjà bien été parcouru par des personnes comme Bernard LE SUEUR, François BEAUDOUIN ou Pierre PINON. Ce mémoire traitant de géographie, le point de départ le plus évident était celui du patrimoine spatialisé c’est-à-dire bâti (quoique l’immatériel peut l’être par des infrastructures de mise en valeur du patrimoine). D’abord, il faudra démêler les différentes acceptions du patrimoine fluvial acception par acception. Ensuite, la genèse du patrimoine des canaux sera tracée : quand, comment, qui l’a créé comme tel ? Une fois ces éléments fondamentaux expliqués, une partie stipulera la conception du patrimoine utilisée pour la réflexion présente.

Quelles conceptions du patrimoine des voies d’eau intérieures ?

Les expressions pour désigner le patrimoine des voies d’eau intérieures sont légion mais ne désignent pas toutes les mêmes objets.

Une question de vocabulaire pour un désigner des patrimoines différents

On parle d’abord de manière très large de patrimoine fluvial. D’après le Trésor de la langue française informatisé, « fluvial » désigne ce « qui appartient au fleuve, à un cours d’eau qui le caractérise ; qui est de la nature du fleuve, d’un cours d’eau. » La langue française fait un moment hésiter : le patrimoine fluvial n’est pas celui qui se rapporte uniquement au fleuve. Le terme est utilisé pour tous les cours d’eau, de la petite rivière au fleuve côtier. Le patrimoine fluvial traiterait alors de tout cours d’eau, la condition étant le rapport quel qu’il soit (physique, symbolique) entre l’élément patrimonial et la voie d’eau.
Une autre expression est celle de « patrimoine des voies navigables intérieures ». À la manière d’un entonnoir, les expressions, par le rajout de termes précisent le patrimoine auquel elles se réfèrent. Ici est introduite une qualité, la navigabilité, et une spatialisation « voies intérieures ». On comprend que l’on a à faire à des axes de communication (voies) situées dans les terres c’est-à-dire non maritimes. Cette définition par opposition au patrimoine maritime est fondatrice du patrimoine fluvial.
Le cours d’eau ou fleuve peut donc être une voie navigable mais pas nécessairement. Dès lors, les deux expressions ne connotent pas le même type de patrimoine. Ainsi, la vallée de la Loire pourrait appartenir au patrimoine fluvial de sa source à son estuaire parce qu’elle est une voie d’eau. Ses caractéristiques géomorphologiques, sa faune, sa flore, son utilisation peuvent en faire un patrimoine fluvial. Mais elle peut appartenir au patrimoine des voies navigables intérieures puisqu’elle a été naviguée : dès lors, le patrimoine de la Loire en tant que voie navigable intérieure se focalisera sur la marine de Loire, c’est-à-dire l’histoire de la navigation sur la Loire, ses fonctions, ses formes. La navigabilité engendre aussi d’autres activités ou installations selon sa nature (ports, industries…) : le patrimoine pourra les prendre en compte. On a donc deux patrimoines différents dans le fond mais pouvant se rejoindre : un cours d’eau peut être navigable, sollicitant ces deux types de patrimoines.
Si l’on intègre les canaux dans l’équation, on précise juste un type de voie d’eau appartenant aux deux types de patrimoine encore une fois. Car un canal est bien un cours d’eau. Et c’est définitivement une voie navigable.
La double appartenance d’une voie d’eau à plusieurs types de patrimoine peut l’être en théorie mais pas nécessairement en pratique : tel cours d’eau pourra être intéressant dans son patrimoine proprement fluvial mais sa navigabilité ne le sera pas forcément. Ou inversement. Les deux dénominations bien qu’a priori synonymes ne sont donc pas équivalentes : chacune garde sa légitimité. Leurs contenus sont suffisamment larges pour correspondre à chacune des voies d’eau du territoire français. À retenir donc, le terme de fluvial et la notion de navigabilité qui établissent les fondements du patrimoine des voies d’eau intérieures.

La navigabilité et la domanialité comme constituantes du patrimoine des voies d’eau intérieures

Les canaux appartiennent pour des auteurs au patrimoine navigable des voies d’eau intérieures (BEAUDOUIN, 1993). Il faut s’intéresser de plus près à cette notion de navigabilité et à ce qu’elle engendre pour la prise en compte du patrimoine. D’après le TILF, la navigabilité est l’ « état d’un cours d’eau d’une surface d’eau où la navigation est possible ».
La navigabilité a longtemps été définie par l’État. Au XIXème siècle, toute voie navigable ou flottable de son point de navigation ou de flottaison basculait dans la propriété de l’État. Cette conception où la domanialité, la navigabilité et la flottabilité allaient de pair a été abandonnée en 1910 suite au délaissement de certaines voies d’eau commerciales concurrencées par le chemin de fer. Cela permettait à l’État de se défaire de voies d’eau qui ne permettaient plus de rentrées d’argent mais en coûtaient. À partir de ce moment, la domanialité a été le résultat d’une opération administrative à savoir l’inscription sur la nomenclature des voies navigables de l’État (LE SUEUR, 2012). Une voie d’eau pouvait ainsi être navigable mais plus propriété de ce dernier ou non navigable mais lui appartenir (parce qu’elle alimentait une autre voie navigable par exemple).
Dès lors, lorsqu’on utilise le terme « navigable » de quelle navigabilité parle t- on ? De la navigabilité physique ou de sa précédente conception? La première ne fait aucun doute. Mais l’expression est imprécise puisque la domanialité a eu deux sens. Dès lors, le « patrimoine des voies navigables intérieures » est-il constitué du Domaine public fluvial naturel et artificiel contemporain et passé ? Ou seulement de l’un des deux ? BEAUDOUIN semble bien considérer le considérer dans son aspect de domaine public (BEAUDOUIN, 1993). Il est intéressant de noter ici que l’on trouve les deux sens du terme « patrimoine », à la fois comme héritage commun et comme bien ayant une valeur foncière (domanialité) : les voies navigables intérieures seraient du patrimoine en partie par essence. Une telle conception est nécessairement restrictive quoiqu’elle n’en demeure pas moins intéressante car elle traite finalement de l’État propriétaire et aménageur de la navigation intérieure : c’est cette conception du patrimoine qui a été mise à l’oeuvre dans la patrimonialisation du canal du Midi par VNF21. Le Nivernais appartenant au DPF, il faudra voir si cette conception s’y impose.

Le contenu du patrimoine des voies d’eau intérieures

Jusqu’ici dans cette explication du patrimoine des voies d’eau intérieures, tout en nous référant au « patrimoine » nous n’avons pas ou peu utilisé la typologie paradigmatique habituelle du type « patrimoine bâti », « patrimoine culturel » , « patrimoine naturel », « patrimoine naturel et culturel » car la voie d’eau, dans sa nature d’axe se moque bien de ces catégories construites à une époque où elle suscitait l’indifférence et les transcendaient déjà. Ces deux conceptions des contenus patrimoniaux des voies d’eau intérieures l’illustrent bien. Pour BEAUDOUIN, le patrimoine des voies d’eau intérieures consiste en des activités industrielles et commerciales :
«[la] péniche ne peut être isolée de son canal, de ses écluses « Freycinet », ces chevalements des mines de charbon […]. L’en isoler la prive de son sens et par conséquent de tout intérêt. […] Le patrimoine nautique fluvial est composé de bateaux et des voies et des espaces qu’ils parcourent, auxquels ils sont adaptés et dont ils sont indissociables » (BEAUDOUIN, 1993, p.43).
Ici l’auteur est en cohérence avec ce que suppose la notion de navigabilité : certes des bateaux mais surtout les ouvrages pour rendre la voie d’eau navigable donc des écluses, des barrages…c’est-à-dire des ouvrages d’art qui sont loin d’être considérés comme du patrimoine en partie par leur caractère diffus sur le territoire mais aussi, et surtout parce qu’ils sont vus comme utilitaires ainsi que le rappelle KRIEGEL (KRIEGEL, 1986, p. 84). Dans les années quatre-vingt, au début des années quatre- vingt- dix, les ouvrages d’art les plus monumentaux étaient reconnu comme du patrimoine mais la plupart étaient et restent trop peu spectaculaires et trop utiles encore pour l’être22. Une telle intégration était donc plutôt en avance sur l’époque.
L’autre apport du patrimoine des voies d’eau intérieures a été le lien qui s’est immédiatement fait avec le patrimoine industriel en France dans la période au celui-ci commençait à difficilement s’ériger comme tel. Ainsi BEAUDOUIN conçoit le patrimoine fluvial comme le « lieu obligé d’une foule de fonctions vitales des sociétés humaines » qui produisent des aménagements (BEAUDOUIN, 1993, p. 43). S’ensuit l’énumération des différents types de patrimoine fluvial ainsi que le reproduit le tableau ci-dessous.
Là surgissent les dimensions culturelle et immatérielle du patrimoine sur lesquelles ce chercheur a beaucoup travaillé. Surtout, le rapport des hommes à ces traces du passé est à comprendre : il ne s’agit pas seulement de s’intéresser aux mariniers mais aux communautés de la voie d’eau quel que soit le rapport de la première à la seconde. Ces communautés, autre élément de différence, sont inscrites dans un temps à la fois linéaire et cyclique (la transmission). Enfin, le patrimoine des voies d’eau intérieures dont les canaux font partie a un aspect géomorphologique, biogéographique et paysager qu’il faut étudier si l’on veut justement comprendre le rapport des différentes communautés à la voie d’eau. Le patrimoine de la voie d’eau ne s’arrête pas à ses activités industrielles et artisanales pour beaucoup révolue. La navigation n’est pas la seule activité nautique sur la voie d’eau : d’autres comme la pêche et la baignade peuvent ainsi être prises en compte d’autant plus qu’elles sont populaires et participent à la dynamique de « flurbanisation » qu’a conceptualisée LE SUEUR soit un renouveau de l’intérêt pour les voies d’eau qui « touche aussi bien l’urbanisme que le culturel » (LE SUEUR, 2012, p.16). Cette conception du patrimoine des voies d’eau intérieures répond finalement à la « flurbanisation » : l’intérêt des voies d’eau est multiple, leur patrimoine l’est également.
Ces deux conceptions divergent sur le contenu qu’elles attribuent au patrimoine des voies intérieures navigables et non navigables, contenu focalisé autour des activités à caractère économique pour la première, l’autre se voulant plus absolue et en lien avec les usages présents des voies d’eau.

Deux conceptions du patrimoine qui jouent avec les échelles géographiques

Là où ces deux conceptions du patrimoine des voies d’eau intérieures prennent une densité de sens importante et se rejoignent est dans leur utilisation des échelles. Dès le début de la réflexion sur le patrimoine des voies d’eau intérieures, elles ont constitué un paramètre de définition. L’échelle de base, fondamentale du patrimoine des voies d’eau intérieures est d’abord celle de la voie d’eau. La voie d’eau dans son fonctionnement naturel et artificiel ignore les échelles de l’organisation politique du territoire français. Pour le Nivernais, on parlera donc d’une échelle qui prend en compte sa longueur (174km) ainsi que son système alimentaire. Ainsi, à l’échelle de la voie d’eau, les ouvrages d’art les plus importants (écluse triple, voûtes, échelle d’écluses) sont en grande partie situés dans la section concédée au Conseil général de la Nièvre [CORNETTE, 2014].
L’échelle de la voie d’eau s’inscrit dans un territoire plus vaste : celui du bassin versant. En France, les bassins hydrographiques ont longtemps été au coeur de la géographie humaine d’après BEAUDOUIN (BEAUDOUIN, 1993). De par ce lien, le patrimoine des voies navigables intérieures a donc un « intérêt régional ». Le réseau que constituent les voies navigables intérieures par les enjeux commerciaux (canaux du Centre, de Bourgogne) et politiques (Canal du Midi et canal latéral à la Garonne) qu’il suscitait et dont le maintien témoigne d’un patrimoine d’envergure nationale. Et cette dimension nationale n’est comprise que si certaines voies ou ouvrages d’art sont conservés. Ici on a un système qui repose sur une imbrication d‘échelles afin de dévoiler les enjeux économiques, politiques de la fluvialité française de l’époque moderne.
Les échelles adoptées par LE SUEUR sont sensiblement les mêmes : on remarquera toutefois la très grande échelle (les berges) qu’il utilise (LE SUEUR, 2012). Les berges ont laissé place à d’autres activités que les industries (elles n’ont pas forcément disparues mais leur emprise spatiale a diminué). Cyclistes, pêcheurs, piétons, plaisanciers peuvent s’opposer pour quelques mètres carrés. L’anecdote racontée par M. PICHELIN, à propos la canne à pêche installée par un pêcheur en travers du halage dont la circulation est ouverte aux cyclistes et véhicules de service, peut prêter à sourire comme exemple de conflit d’usage mais c’est le quotidien des voies intérieures à fonction touristique comme le Nivernais. L’imbrication d’échelles de nature physique et politique est la particularité du patrimoine des voies d’eau intérieures.
Le patrimoine des voies d’eau intérieures est donc constitué, de plusieurs patrimoines tous ne recouvrant pas tout à fait les mêmes éléments : patrimoine fluvial, patrimoine des voies navigables intérieures, patrimoine des canaux, leur plus petit dénominateur commun étant la voie d’eau. Son contenu selon, selon la voie d’eau considérée et le concept patrimonial choisi, peut aller uniquement des activités économiques liées au transport fluvial à une voie d’eau ayant une forte épaisseur patrimoniale par l’intermédiaire des communautés qu’elle accueille, du patrimoine naturel et culturel dont elle peut être le fondement. Enfin, ce patrimoine s’inscrit toujours dans un jeu d’échelles à la fois de géographie physique et aussi politiques et administratives.

Le canal en tant que patrimoine

Avant de voir précisément quel peut être le contenu du patrimoine des canaux, et en particulier du Nivernais, il faut comprendre comment s’est constituée l’idée d’un patrimoine des canaux. L’apparition du canal comme patrimoine est loin d’être un hasard : le contexte patrimonial, politique et administratif des voies d’eau en France des années 1970 et 1980 joue un rôle de premier plan. Le Nivernais n’échappe pas aux étapes de cette constitution. Nous verrons enfin en détail, les conceptions en vigueur concernant le patrimoine des canaux.

Un objet patrimonial dans l’air du temps

L’intérêt pour le patrimoine des canaux apparaît progressivement durant la seconde moitié des années soixante avec l’arrivée des plaisanciers britanniques. Ce n’est qu’à partir du milieu des années quatre-vingts que les scientifiques s’en emparent.
Que ce soit sur le Nivernais ou le canal du Midi, les premiers plaisanciers viennent rechercher le calme, les paysages champêtres et les ouvrages d’art de la voie d’eau. L’état d’abandon des canaux qu’ils fréquentent suscite en général leur mobilisation (LE CORRE, MARCONIS, 2006). Leur vision du canal est patrimoniale : l’infrastructure est à entretenir pour permettre le passage des plaisanciers mais aussi pour sauvegarder ces centaines d’années d’histoire. C’est le regard différent de ces plaisanciers, venus comme touristes qui ont révélé le patrimoine des canaux. En effet, le regard touristique est « investi d’un véritable pouvoir : mettre en lumière ce qui est vu, le dégager de l’invisible et de l’oubli» ainsi que l’explique Lazzarotti (LAZZAROTTI, 2011, p. 46). Les touristes britanniques ne voyaient pas les canaux français comme des voies commerciales en déclin ayant besoin d’être modernisées ni comme des voies navigables devenues naturelles dans l’esprit des locaux, mais comme des axes chargés d’une histoire pluriséculaire oubliée, et abandonnés par leurs acteurs. Le regard proprement autre a ainsi créé en France le patrimoine des canaux, l’a révélé à la puissance publique qui a alors eu la possibilité de s’en emparer.
Une quinzaine d’année plus tard, au milieu des années quatre-vingts, dans le contexte de décentralisation qui touche également les voies d’eau et d’intérêt pour tous les patrimoines, les scientifiques commencent à se pencher sur l’objet canal et à faire connaître les voies d’eau intérieures au grand public. Ainsi, l’exposition Un canal… des canaux qui a eu lieu en 1986 à la Conciergerie, à Paris avec le riche catalogue éponyme peut être considéré comme le point de départ du « patrimoine des canaux » [LE SUEUR, 2012].
Plusieurs tendances à l’époque focalisent l’attention sur les canaux. D’abord l’augmentation de la navigation de plaisance avec la location de coches de plaisance sans permis à des tarifs compétitifs comme les Pénichettes qui cassent l’image élitiste du tourisme fluvial qui se pratiquait jusqu’alors. À cette période, le bateau devient un objet patrimonial et l’on trouve encore sur les canaux français des bateaux qui suscitent l’intérêt des passionnés aux simples amateurs. Le patrimoine maritime se forme autour de la reconstitution de bâtiments à la même époque (PÉRON, 2001). On s’attache à les traiter ensemble pour montrer les points communs mais aussi pour les différencier : le colloque de Nantes en 1992 sur le patrimoine maritime et fluvial en est un parfait exemple (BEAUDOUIN, 1993).
Concrètement, la patrimonialisation prend la forme d’intégration des sites d’écluses dans les Inventaires topographiques de l’Inventaire général du patrimoine culturel (Ile de France, Aquitaine) (KRIEGEL, 1986).Enfin, la bataille pour le canal du Midi bat son plein grâce aux médias locaux et nationaux (LE CORRE, MARCONIS, 2006). L’apogée du patrimoine des canaux a lieu lors de l’inscription du Canal du Midi sur la Liste du Patrimoine Mondiale de l’UNESCO en 1996 (GENIEYS, NÉGRIER, 2002 ; MARCONIS, 2006)
Le milieu des années 2000 relance l’intérêt pour le patrimoine des canaux après ce premier mouvement grâce à la loi de décentralisation des voies navigables intérieures. La perspective de devenir gestionnaire pendant un temps et propriétaire si la décentralisation est actée pousse les collectivités à faire un recensement de leurs voies d’eau. Ainsi l’Inventaire général de la Région Centre a réalisé une colossale étude sur les canaux du Centre de la France ou la Bourgogne dans une moindre mesure sur les voies soumises à l’expérimentation. Les publications se font par voie d’eau, les sites sont animés lors des Journées européennes du Patrimoine et on utilise les nouvelles technologies pour présenter ce patrimoine. On retrouve ici l’échelle régionale de bassin chère à BEAUDOUIN concernant l’intérêt du patrimoine des canaux.

Le cas du canal du Nivernais

Globalement, le canal du Nivernais dans sa trajectoire de voie d’eau commerciale à objet patrimonial a suivi le modèle établi plus haut. En 1986 et comme on peut le voir dans les nombreux articles qui le traitent ou le prennent en exemple dans Un canal…des canaux, il était la figure patrimoniale par excellence des canaux français, ce qui est dû à son « sauvetage » et à la prise de concession par le Conseil général de la Nièvre. Les publications sur le patrimoine du Nivernais sont faites d’études scientifiques ayant le plus souvent un but d’aménagement (URCAUE DE BOURGOGNE, 1993) mais aussi d’anciens travailleurs du canal, qu’ils soient mariniers, agents (GUILIEN, 1999) ou de locaux passionnés (De HAUT, 2010). Le patrimoine est souvent situé comme le moment final du canal, à la fin d’un ouvrage retraçant son histoire, comme si finalement, l’histoire fonctionnait dans un bon sens.
La vision patrimoniale du canal a connu un regain ses dernières années par l’intermédiaire de deux études et surtout dans le contexte de l’expérimentation de décentralisation. D’abord l’ouvrage de Philippe MÉNAGER, (MÉNAGER, 2009) qui, à l’échelle régionale, dresse un portrait de ce patrimoine des canaux bourguignons. C’est l’étude du Service Patrimoine et Inventaire du CRB entre 2010 et 2012 selon les méthodes de l’Inventaire général qui établit par son exhaustivité, sa systématisation et son ampleur géographique une base de données très importante sur les voies d’eau bourguignonnes : tous les sites d’écluses ont ainsi été recensés et documentés [MALHERBE, 2014]. Le canal, dans son aspect littéraire a surtout été traité pour son histoire et le patrimoine qu’il représente.

Les conceptions du patrimoine des canaux en vigueur et la complexité de l’objet patrimonial

Nous avons vu précisément ce qui constituait le patrimoine fluvial et le patrimoine des voies navigables intérieures. Nous avons adopté pour la réflexion une définition très basique du « patrimoine du canal » toujours utilisée au singulier. Mais maintenant, il faut se montrer plus précis et voir quelles sont les différentes conceptions qui existent.
Ces conceptions du patrimoine- canal vont de pair avec les deux conceptions du patrimoine des voies d’eau intérieures telles que nous les avons détaillées plus haut. À cela doit s’ajouter la conscience de la posture de l’auteur en question. Un exemple est beaucoup plus parlant. Les études réalisées selon la méthode de l’Inventaire sur les voies navigables, par la nature même de cette méthode se concentrent sur une vision du patrimoine du canal comme infrastructure de transport industriel et l’étudient par le prisme de l’histoire de l’art (HEINICH, 2009) [MALHERBE, 2014]. Cela est très visible dans l’ouvrage publié en 2008 par Valérie MAURET-CRIBELLIER, Entre fleuves et rivières, les canaux du Centre de la France. Ce sont les ouvrages d’art comme les écluses (écluse ronde des Lorrains sur le canal latéral à la Loire), le bâti (les maisons éclusières) et les bateaux qui sont considérés comme patrimoine.
La composante « naturelle » c’est-à-dire géomorphologique, biogéographique et paysagère du patrimoine des canaux, commence à trouver une place dans le patrimoine des canaux, suivant en cela plus ou moins consciemment la conception de LE SUEUR. À ce titre, l’étude menée par la DREAL de Bourgogne entre 2012 et 2014 sur le canal du Nivernais l’illustre. Le site de Dirol est ainsi mis en valeur par les auteurs surtout pour sa composante paysagère (MINISTÈRE DE L’ÉCOLOGIE, DU DÉVELOPPEMENT ET DE L’AMÉNAGEMENT DURABLE, DREAL BOURGOGNE, à paraître). Un bouleversement récent dans l’histoire des canaux français participe grandement à ce retournement. Il s’agit de l’abattage nécessaire des célèbres platanes du canal du Midi, attaqué par le chancre coloré contre lequel il n’existe aucune autre solution que la destruction préventive pour couper court à l’attaque du nuisible (idem, à paraître). Ce début de prise en considération tient aussi du fait que le besoin de paysage et d’éléments « naturels » participent en grande partie à la flurbanisation actuelle (LE SUEUR, 2012).
À cette dualité du patrimoine des canaux français, il faut ajouter une difficulté commune, celle d’une dichotomie entre le site et l’élément ponctuel. De fait, il n’existe pas d’outil patrimonial spécifique pour protéger un linéaire fluvial (MAURET- CRIBELLIER, 2008) dans son intégralité ou en partie. La suite de notre réflexion sur le patrimoine du Nivernais l’illustrera.

 

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Table des matières

INTRODUCTION
PARTIE I : Le contexte géographique, historique et politique du canal du Nivernais
I.1.Le Nivernais : aperçu géographique et historique
I.2.La gouvernance complexe de la voie d’eau
PARTIE II : Du patrimoine fluvial au patrimoine institutionnel du canal du Nivernais 
II.1 : Le patrimoine fluvial et le patrimoine des canaux en France
II.2 : Le patrimoine institutionnel du canal du Nivernais
II.3 : Les autres patrimonialisations du Nivernais : une contradiction inédite
II.4 : L’originalité du patrimoine du canal du Nivernais
PARTIE III : Les pratiques récréatives et touristiques, l’interprétation et les fêtes : approprier et créer le patrimoine du Nivernais
III.1 : Définitions des pratiques récréatives et touristiques : leur lien avec le patrimoine
III.2 : Des pratiques récréatives et touristiques à la pratique du patrimoine
III.3 : L’interprétation et la découverte des patrimoines du Nivernais
III.4 : Les grandes fêtes du canal du Nivernais : faire rayonner le canal et son patrimoine
PARTIE IV : Les autres modalités de la mise en valeur du patrimoine du Nivernais et le bilan des patrimonialisations : quel patrimoine donne t-on à voir ?
IV.1 : Principes formels de mise en valeur et limites à la patrimonialisation du canal du
Nivernais
IV. 2 : Quel bilan effectuer des patrimonialisations du Nivernais ?
CONCLUSION 
ANNEXES 
LISTE DES ANNEXES
BIBLIOGRAPHIE THÉMATIQUE 
SITOGRAPHIE 
TABLE DES ILLUSTRATIONS 
TABLE DES MATIÈRES

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