Du développement d’un mouvement associatif à la structuration du « corps familial » 

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L’UNAF ou les vicissitudes du corporatisme ?

En décembre 2007, Dominique Marcilhacy publie dans la revue Droit social, un article intitulé l’UNAF ou les vicissitudes du corporatisme »187. Pour développer sa thèse, Elle s’appuie sur les travaux de Mihail Manoilesco188, auteur fasciste roumain qui fut ministre des affaires étrangères en 1940. Pour celui-ci « La corporation est une organisation publique composée de la totalité des personnes remplissant la même fonction nationale et ayant pour but d’assurer l’exercice de cette fonction ». Elle note la volonté des associations familiales d’avant-guerre de gagner un « droit à la représentation » des chefs de famille « dans les organismes où se discutent des intérêts qui, de près ou de loin touchent à la famille ». Elle fait de la loi Gounot l’application directe de ces aspirations par l’instauration d’une « corporation familiale », laquelle « préfigure l’UNAF telle qu’elle a été bâtie par l’ordonnance de 1945 et n’en différait que sur des points mineurs ». Dominique Marcilhacy note que l’État s’adressant désormais à un interlocuteur unique, « l’ensemble des membres du corps familial est (…) prié de se mettre d’accord sur une expression unique ».
Mais à trop vouloir prouver, Dominique Marcilhacy commet parfois des raccourcis et procède par analogie plus que par démonstration. En premier lieu, le terme de corporatisme est polysémique189. Il peut désigner le comportement d’un groupe de personne ayant à défendre leurs intérêts et avantages communs, souvent liés au statut professionnel, généralement qualifiés de corporatistes. On peut ainsi parler du corporatisme des professions libérales, de celui des enseignants voire de celui du personnel politique. Il s’agit là d’un débordement de l’esprit de corps. Dans ce sens, il s’agit d’attitudes corporatistes, jadis fustigées par le très libéral journaliste François De Closets dans un célèbre pamphlet190. Mais il s’agit de toute autre chose quand on parle du corporatisme comme conception du monde et mode d’organisation sociale.
Même s’il n’est pas résumable au fascisme, le corporatisme n’en est pas moins une doctrine dont le fond est la réorganisation de l’économie sur la base de structures basées sur le métier, dans une volonté explicite de renouer avec les principes de l’Ancien régime. Certains de ses premiers apologistes sont des catholiques et monarchistes convaincus comme La Tour du Pin mais « ce n’est pas dans un élargissement de ce qui se passe dans la famille qu’il cherche la solution »191 : c’est dans un système de corporations, volontaires, démocratiques et d’ampleur nationale. La finalité explicite est d’en finir avec la lutte de classes opposant un patronat marqué par l’égoïsme individualiste et des ouvriers présentés comme victimes d’idées égalitaristes. Certes Mihail Manoilesco, dans la conception « intégrale » et « pure » qui était la sienne considérait comme corporations « non seulement les corporations économiques mais aussi les corporations sociales et culturelles de la nation telles que : l’église, l’armée, la magistrature, la corporation de l’éducation nationale, de la santé publique, des sciences et des arts » 192 . Mais de famille, nenni car les corporations esquissées par Manoilesco ont toutes à voir avec une forme de métier. Et les tentatives d’appliquer ses théories193 , par exemple sous la dictature de Getulio Vargas au Brésil, furent classiques : suppression du droit de grève, unification des fédérations patronales, rassemblement des syndicats en organisation unique de branche sous contrôle de l’État.
Ainsi, les militants familiaux des années 1920-1930 n’étaient pas corporatistes stricto-sensu, même s’ils avaient pour beaucoup de fortes sympathies pour l’Italie fasciste ou l’Allemagne nazie. Leur revendication fondamentale était depuis toujours le vote familial. Dans leur conception, la famille n’était pas un corps spécifique, mais la base même de toute la société. Dès lors, une représentation des intérêts familiaux auprès des pouvoirs publics n’était qu’un pis-aller. Leur demande était, si ce n’est une restauration monarchique (bien que certains y pensent à haute voix dans les premiers temps) tout au moins une refonte totale du système parlementaire sur de nouvelles bases. Le suffrage universel, qui met sur un pied d’égalité le célibataire et le chef de famille doit être remplacé par le suffrage familial, qui pondère le suffrage en fonction du nombre d’enfants et de personnes à charge. Aussi, quand le régime de Vichy s’impose, avec le soutien unanime des associations familiales et natalistes, les attentes sont grandes. Mais avec le choix fait de mettre en place la corporation paysanne (décembre 1940) puis la corporation ouvrière (octobre 1941) la déception est grande chez les familialistes. Pour eux il est clair qu’il y a « primauté de la famille sur le travail ». Ils s’opposent donc au corporatisme puisque celui-ci fait passer la profession au premier plan. Les réactions sont vives quand Vichy met en place la corporation du travail et fait adopter la charte du même nom. Le familialisme s’oppose au corporatisme car il a la prétention de mettre la famille au centre de toute l’organisation politique. Pour lui, si la famille doit retrouver sa place comme socle de la société, le seul moyen de l’exprimer est le suffrage familial. Le gouvernement de Vichy était soumis à des influences multiples : monarchistes, catholiques sociaux, fascistes. Autant de visions du monde sensiblement différentes, au-delà d’un commun rejet de la République, de la démocratie et du socialisme. C’est Pétain, chef de l’État français, qui arbitre. Et les familiaux devront se contenter de la loi Gounot qui fusionne et organise hiérarchiquement les associations familiales. Plusieurs projets de constitution d’inspiration corporatiste seront rédigés, puis abandonnés. Le dernier en date, finalement adopté par Pétain en 1944, délaisse le corporatisme au profit du suffrage familial… Il n’aura pas le temps d’être mis en place.

Appareil idéologique d’État

Pour tenter de caractériser ce qu’est l’UNAF, le mieux est sans doute de partir des intentions mêmes de ceux qui ont souhaité l’instituer. Pour s’en faire une idée précise, un document existe : l’exposé des motifs de l’ordonnance du 3 mars 1945 relative aux associations familiales et créant l’UNAF207. Voici la manière dont il fixe les objectifs poursuivis : Pour rebâtir et rénover la France dans son corps et dans son âme, ainsi que l’y invitait naguère le président du Gouvernement provisoire, les hautes autorités qui assument la redoutable charge de l’œuvre de redressement doivent se sentir appuyées par l’ensemble des familles françaises. Pour réaliser la politique audacieuse, qui sera seule capable d’enrayer le fléau de la dénatalité, elles devront jouir du soutien sans réserve de l’opinion familiale, depuis longtemps alertée sur l’étendue du mal, et permettre à cette opinion de s’exprimer avec vigueur. C’est à̀grouper ces familles et à rassembler leurs voix éparses en un faisceau, d’autant plus riche qu’il sera, à sa source, plus diversifié et plus spontané́, que tend la présente ordonnance.
La première fonction dévolue à la nouvelle institution est clairement exprimée : obtenir le soutien, sans réserve (souligné par nous) de l’opinion familiale. Ce dernier est attendu sans trop de difficultés semble-t-il, ladite opinion ayant été « depuis longtemps alertée » et alors même qu’on attend qu’elle s’exprime « avec vigueur » dans le sens attendu, c’est à dire contre « le fléau de la dénatalité ». L’opération initiée vise donc à mettre en place un processus d’assujettissement idéologique permettant de cristalliser dans le soutien à l’État ce que pensent les membres des familles de France.
Pour réaliser cette unification idéologique, il est nécessaire de constituer un appareil208 . Nous mobilisons ce concept car il « met à la fois en évidence les idées de contrôle fonctionnel et de reproduction d’une part, d’organisme administratif (avec corps d’agents, base matérielle, etc.) de l’autre »209.
Cet appareil à fonction idéologique a pour objectif assigné de réunir les familles soucieuses de natalité par un biais, celui du rassemblement des organismes qui les structurent. Il y a là l’idée d’une médiation, du fait que « l’opinion publique familiale » n’existe pas en soi (nous n’étions pas encore à l’époque des sondages et encore moins des « like » sur les réseaux sociaux informatiques) mais ne s’exprime que par les forces organisées qui la structurent, par les corps intermédiaires ayant s’occuper de la famille. Et comme le rassemblement souhaité est le plus large possible, un riche « faisceau », on insiste sur la diversité et même la spontanéité.
On serait tenté de dire que la particularité de cet appareil à fonction idéologique institué par l’État par rapport aux vastes Appareils idéologiques d’État évoqués la première fois par le philosophe Louis Althusser210 est qu’il se reconnait lui-même implicitement comme tel. De plus, contrairement aux A.I.E. althussériens (appareil scolaire, appareil d’information et même appareil familial211) sa fonction idéologique n’est pas seconde, en appui à une autre, plus évidente, qui organise des pratiques matérielles (former la jeunesse, donner des nouvelles sur l’état du monde, représenter les parents d’élèves). Ici, la fonction idéologique – défense et promotion du natalisme – est première et les services proposés ne viennent qu’en second lieu, à une bien moindre échelle, mêmes s’ils justifient l’action de certaines associations212. Ceci apparait très nettement dans l’exposé des motifs de l’ordonnance de 1945 qui à aucun moment ne fait allusion aux actions pratiques de terrain que pourraient mener les associations. C’est également très clair dans sa transcription dans le code de l’action sociale et des familles qui grave dans le marbre les missions assignées à l’UNAF. C’est la notion de « donner avis » aux pouvoirs publics qui est énoncée en premier, suivie de la représentation des familles au sein de divers organismes, la gestion de « services d’intérêt familial » – à la demande des pouvoirs publics – ne venant qu’en troisième point.
Si l’on considère l’appareil idéologique d’État (A.I.E.) tel qu’esquissé par Althusser, l’articulation des différentes instances concernant la famille n’est pas clairement proposée et le thème n’intervient que de manière fortuite, pour illustrer tel aspect de la démonstration proposée. Il y aurait sans doute là un travail (de philosophe) à mener. La famille en tant que tel est considérée comme un appareil, dont les fonctions principales sont d’être le « lieu de la reproduction de l’espèce », le lieu de l’élevage des enfants 213 , rarement une unité de production et le plus souvent une unité de consommation. Mais existe aussi un A.I.E. familial qui réunit « toutes les institutions qui concernent la Famille », « y compris les fameuses Associations de parents d’élèves » ajoute Althusser avec une pointe d’ironie214. Dans cette logique, c’est au sein des dites institutions que devraient apparaître l’appareil nataliste institué en 1945 (l’UNAF et les UDAF) ainsi que l’ensemble du mouvement familial.

Les unions départementales

Les Unions départementales regroupent les associations familiales sur une base départementale. Elles sont juridiquement indépendantes de l’UNAF et ont, comme elle, le statut d’association (loi de 1901), sont reconnues d’utilité publique et regroupent exclusivement des personnes morales. Chaque UDAF est dirigée par un conseil d’administration composé pour moitié d’administrateurs désignés par les mouvements familiaux et pour moitié d’administrateurs élus tous les deux ans lors d’une assemblée générale. Ces derniers sont renouvelés par tiers lors des assemblées générales. Pour qu’un des sept mouvements à caractère général puisse être représenté au conseil d’administration d’une UDAF, il faut qu’elle dispose d’une représentation départementale et d’aux moins deux associations locales217 . Outre les associations à caractère général, sont également représentées dans les conseils d’administrations les sections départementales de fédérations de mouvements à recrutement spécifique, qui disposent de moins de sièges. Sont également représentés dans les UDAF des mouvements dits « associés », c’est-à-dire n’étant pas des associations familiales au sens juridique du terme mais exerçant dans le département une activité de services aux familles. Le conseil d’administration d’une UDAF a pour fonction d’appliquer les décisions prises par l’assemblée générale départementale. Il élit en son sein un bureau chargé de la gestion des affaires courantes de l’UDAF.
Concernant leur fonctionnement (statuts, règlement intérieur) les UDAF sont placées sous le contrôle de l’UNAF et celle-ci sous celui du ministre de la Famille. Une réforme des statuts de l’UNAF est intervenue en 2019. Celle-ci ne les modifie qu’à la marge, apportant principalement des précisions sur les conditions d’agrément des UDAF, des mouvements familiaux nationaux, des mouvements associés et le contrôle des éventuelles dispositions prises pour se mettre en conformité218.
Historiquement, les UDAF sont un des premiers opérateurs dans le domaine de la protection juridique des majeurs et de l’aide à la gestion budgétaire des familles. Ces activités représentent l’essentiel de leur activité de gestion de services d’intérêt familial. On trouve aussi, de manière plus marginale et inégale selon les départements, des actions de médiation familiale, de soutien à la parentalité, de gestion de crèches ou haltes-garderies, etc. Au total, les UDAF employaient 7 524 salariés en 2018. La prise en charge des tutelles aux allocations familiales est une action menée depuis les années 1950, avec quelques réticences au départ. En effet, le vaste réseau des UDAF les positionne particulièrement bien pour être au contact des familles en difficultés. Par contre il y a dans la tutelle une dimension coercitive dont les militants familiaux considèrent qu’il ne leur revient pas de l’exercer. Mais l’insistance des pouvoirs publics a fini par l’emporter. En 1966 une première extension a lieu aux adultes, puis en 1968 sont créées les tutelles aux majeurs protégés, une activité très largement confiée aux UDAF est très éloignée de leur objet social initial. Elle a littéralement explosé dans les années 1990 et aujourd’hui plus de 100 000 personnes sont placées sous sa protection juridique. La protection des majeurs (tutelles et curatelles) est ordonnée par le juge des tutelles. Depuis la réforme de 2007, les mesures d’aide budgétaire sont soit administratives219 soit ordonnées par le juge des enfants dans le cadre de la protection de l’enfance220.

UNAF et UDAF

Historiquement, les personnels des UDAF étaient régis par une convention collective commune sous les auspices de l’UNAF. Mais en 2004, l’UNAF a abandonné son rôle de syndicat employeur. Ce changement de positionnement a donné lieu à des tensions. Le rattachement à une convention collective plus large et souvent jugée avantageuse pour les salariés, la CCN 66, n’a pas été sans conséquences. L’abandon de son rôle d’employeur a en effet distendu les liens entre l’UNAF et les UDAF.
L’UNAF intervient sur le plan financier, à travers la redistribution d’une partie du fonds spécial aux UDAF (et aux mouvements), selon des règles strictes. Par ailleurs, elle gère avec l’État la convention d’objectifs qui porte sur l’action de terrain des UDAF. La dernière convention d’objectifs signée entre l’UNAF et l’État (via la DGCS221), 2016-2020, concerne entre autres les actions d’accompagnement des parents et de soutien à la parentalité, la contribution à la lutte contre l’illettrisme, le parrainage de proximité, l’innovation et l’ingénierie sociale territoriale. Les axes définis par la convention sont déclinés dans chaque département par les UDAF. Ici l’UNAF a un rôle de pilote mais aussi d’évaluateur des instances départementales, puisqu’il s’agit de vérifier dans un second temps la mise en place des actions définies au regard des montants alloués. Mais les sommes allouées pour la réalisation d’actions définies par convention ne représentent que 20 % du financement de l’UNAF, soit 6,23 millions d’euros en 2015. Pour les UDAF, compte-tenu de l’ampleur de leurs activités et du nombre de personnels concernés (on pense en particulier aux services tutélaires) ces actions ne sont généralement pas dominantes. Pour les activités ordinaires des UDAF, l’UNAF n’a qu’un rôle d’animation.
Pourtant, l’UNAF intervient souvent, au-delà de ses responsabilités officielles, dans les situations de crise. C’est souvent le cas quand des UDAF sont en faillite ou menacées de l’être. Elle a par exemple tout fait, sans succès, pour venir en aide à l’UDAF du Vaucluse, placée en redressement judiciaire puis en liquidation en 2016, le service tutélaire étant délocalisé dans un département voisin, le Gard. Mais dans bien d’autres cas, l’UNAF a pu sauver des UDAF en prêtant de l’argent, en envoyant des auditeurs, etc. Dans ces situations, l’État se tourne vers l’UNAF en quête de solutions, cette attitude étant souvent source de tensions dans la mesure où rien de formel n’oblige à de telles interventions, si ce n’est la responsabilité que l’UNAF s’attribue en tant que tête de réseau.

Le légitimisme de l’UNAF

Organisme dont la fonction est d’obtenir un consensus entre ses membres, l’UNAF n’est certainement pas portée par nature à la contestation des orientations décidées par les pouvoirs publics. On ajoutera à ceci que pendant ses vingt-cinq premières années d’existence, la sensibilité majoritaire au sein de l’UNAF se reconnaissait parfaitement dans les options des différents gouvernements, même si elle aurait bien entendu souhaité que des moyens supplémentaires soient accordés à la politique familiale. Mais comment un organisme aux fondements aussi familialistes, conservateurs diraient ses critiques, allait-il réagir face aux évolutions de la société, en particulier quant à la place des femmes ?

1965 : travail des femmes et réforme des régimes matrimoniaux

Au milieu des années 1960, la problématique des « nouvelles familles » n’est pas encore apparue. Par contre, la grande question est celle du travail salarié des femmes, en pleine expansion et de ses conséquences : durée, incidence dans les rapports hommes-femmes et, in fine dans la place du père comme chef de famille. L’heure est à la prospective, si ce n’est à l’anticipation et la société Shell finance une étude visant à déterminer les tendances à l’œuvre : simplification des tâches ménagères, disparition du personnel domestique, standardisation des modes de vie (alimentation, vêtements, ameublement). En découlent des propositions qui, déjà, mettent en avant l’harmonisation des tâches familiales et professionnelles236 . L’UNAF va aborder ces évolutions avec prudence et dans la volonté de ne rien faire qui puisse dissuader la natalité. Pas question donc de sembler opposer foyer et élevage des enfants à l’insertion des femmes sur le marché du travail, ce qui pourrait faire courir le risque qu’elles choisissent la seconde option.
L’année 1965 est particulièrement intéressante à évoquer, car elle est doublement placée sous le signe du travail des femmes : avec une campagne pour diminuer sa durée et avec la loi ayant permis aux femmes de se passer de l’autorisation de leur mari pour exercer une profession.

L’UNAF face à la loi de réforme des régimes matrimoniaux

Toujours en 1965, le gouvernement promeut une importante réforme des régimes matrimoniaux. La loi du 13 juillet 1965245 se situe dans la continuité d’une série de ruptures antérieures avec la logique exprimée dans le code civil napoléonien et selon laquelle « le mari doit protection à sa femme, la femme obéissance à son mari »246. Mais le mari demeurant chef de famille avait conservé jusqu’alors pouvoir sur les biens et la profession de son épouse.
L’UNAF se prononce dans un avis adressé au Garde des sceaux en date du 15 avril 1965. En préambule elle rappelle ce qu’elle considère comme fondamental, à savoir sa propre légitimité et les valeurs fondamentales qui sont les siennes. Dès la première phrase, l’UNAF dit qu’elle représente, aux termes de l’ordonnance du 3 mars 1945, la totalité des familles [souligné par nous] auprès des pouvoirs publics ». Et de poursuivre en disant que c’est « au nom de ces dernières » qu’elle exprime l’avis qui suit, en commençant par rappeler deux principes : A savoir que le mariage est le fondement de la famille et que la mère qui reste à son foyer pour se consacrer à ses tâches domestiques d’épouse et de mère, et à l’éducation des enfants, diminue les dépenses du foyer et effectue un travail dont on doit tenir compte pour fixer la contribution qui lui incombe ».
C’est avec comme prisme le second principe que l’UNAF entreprend l’examen du projet de loi. Elle souhaite que le mot « famille » apparaisse clairement dans les articles 213 et 214 du code civil remanié et qu’on parle d’une contribution des époux aux charges de la famille et non du seul mariage. En effet, pour l’UNAF les femmes au foyer, en s’occupant de la maison et en éduquant les enfants contribuent ainsi aux charges familiales, en allégeant les dépenses. Ne pas le reconnaître explicitement serait en quelques sortes commettre une injustice envers elles. L’UNAF propose donc d’ajouter un alinéa dans ce sens à l’article 214.
L’UNAF propose également d’ajouter à l’article 224 que chacun des époux peut disposer librement de ses gains et salaires « après s’être acquitté des charges de famille ».
Concernant l’article 220-1 sur les devoirs des époux permettant au président du Tribunal de grande instance de prendre des mesures d’urgence en cas manquement, l’UNAF demande des précisions sur les manquements en question et en particulier si la fidélité et l’assistance sont concernées. Dans un tel cas, une séparation pourrait être organisée par le président du Tribunal de manière unilatérale. Si l’UNAF comprend bien qu’implicitement c’est la gestion et l’administration du patrimoine qui sont en dangers, elle pointe un risque et demande que précision soit apportée. Par ailleurs, l’UNAF considère confuse la séparation des prérogatives entre le Tribunal de grande instance, le tribunal d’instance (compétent pour fixer la contribution aux charges familiales) et le Juge des enfants, rappelant sa proposition d’une chambre spécialisée.
Enfin, l’UNAF émet des réserves concernant la clarté des articles 1401 et 1403 sur la communauté des biens.

UNAF et gouvernements : l’écart se creuse

L’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981 ne change pas fondamentalement la donne. Au contraire pourrait-on dire. Après son élection, François Mitterrand a très rapidement reçu les représentants de l’UNAF. Le 21 novembre, il s’est adressé aux militants familiaux réunis par l’UNAF pour une rencontre nationale des familles à l’aube du troisième millénaire »268 . La mise en scène est particulièrement lourde en symboles, avec les Petits Chanteurs à la Croix de Bois269 interprétant… le Temps des Cerises270. François Mitterrand fait des annonces choc, dont la principale est une augmentation de 50 % des prestations familiales, « l’effort financier le plus important qui ait jamais été consenti par quelque gouvernement que ce soit depuis trente – cinq ans ». Mais on note l’insistance mise sur le « libre choix » et le refus de mesures « grossièrement incitatives » à la natalité, comme la prime au troisième enfant, instaurée par son prédécesseur en 1980 et supprimée. Est également annoncée la tenue de Conférences annuelles de la famille, véritable moment de mise en scène de la relation privilégiée de l’UNAF aux pouvoirs publics. Elles se tiendront jusqu’en 2007271.
Mais au fil du temps l’écart se creuse imperceptiblement. Jérôme Minonzio et Jean-Philippe Vallat exposent les ambiguïtés de mesures comme l’Allocation parentale d’éducation 272 qui ne sont réellement attractives que pour les bas revenus. Derrière une mesure familiale généraliste se cache en fait une action de ciblage en direction des foyers modestes. Quant à la position classique de défense de « libre choix » des parents quant au mode de garde, elle est battue en brèche par la réalité du terrain, entre manque de places en crèche, voire d’assistantes maternelles et disparités territoriales. Minonzio et Vallat formulent l’hypothèse, séduisante, que la nature même du personnel de la haute fonction publique a changé. Elle est désormais acquise aux approches visant à l’individualisation accrue des droits sociaux et de plus en plus hermétique à l’universalisme des familiaux.
L’UNAF semble instrumentalisée de manière croissante et paralysée. Les alternances politiques s’accélèrent avec une présidence socialiste entre 1981 et 1995 sous François Mitterrand, puis un retour de la droite entre 1995 et 2012 avec Jacques Chirac puis Nicolas Sarkozy, ponctuées par des cohabitations » gauche/droite (1986-88, 1993-95) puis droite/gauche (1997-2002). Les présidences de l’UNAF s’enchaînent, à contretemps quant à la couleur politique des majorités gouvernementales. Roger Burnel de Familles de France dirige l’UNAF de 1976 à 1996. Ses deux successeurs, Hubert Brin et François Fondard, tous deux membres de la Confédération syndicale des familles, étant réputés proches de la gauche.

L’UNAF FACE AUX BOULEVERSEMENTS DE LA FAMILLE

Soixante ans de mutations familiales

Dans un célèbre livre consacré à la crise de la famille279, Evelyne Sullerot découpe son histoire récente en deux parties : les « vingt glorieuses de la famille » qui correspondraient à la période 1945-1965, suivies des « trente piteuses » allant de 1965 à la période de rédaction de l’ouvrage, soit 1995. Si l’on suit sa logique, faisant alterner une période de forte institution de la famille et une période d’affaiblissement, on devrait incontestablement se trouver encore dans la seconde. Ainsi on pourrait presque parler de « 55 piteuses »… qui risquent d’être suivies de beaucoup d’autres.
Il est vrai que la fin des années 1960 a inauguré une période de remise en cause de ce qui était perçu comme une forme de stabilité de l’institution du mariage : diminution des unions, cohabitations précoces, hausse du nombre de divorces… Les mariages eux-mêmes se sont fait plus tardifs, de même que l’âge à la conception des enfants. Un nombre croissant d’enfants naissent hors mariage. Un nombre croissant d’enfants sont élevés par un seul parent, le plus souvent la mère. Une problématique qui inquiète, car elle est liée à la précarité. On voit apparaître des « familles recomposées », avec des enfants issus du couple et d’autres d’unions antérieures. Le centre de gravité de la famille tend à se déplacer, passant du couple parental aux enfants, ce qui aura des incidences notoires dans les politiques publiques.
Last but not least, alors que la « crise de la famille » a déjà fait couler beaucoup d’encre, une forme nouvelle d’union légale est inventée : le Pacte civil de solidarité qui va rapidement prendre une forme inattendue : conçu pour répondre aux attentes des couples homosexuels, il va séduire massivement les hétérosexuels. Enfin, le mariage est ouvert aux couples de même sexe, ce qui représente probablement la rupture la plus significative dans la symbolique du mariage dans sa forme contemporaine280.
Autant de défis qui ont percuté l’UNAF non seulement dans les représentations qu’elle avait de la normalité familiale, mais aussi bien souvent dans les valeurs morales qui avaient forgé la représentation du monde de la majorité de ses membres. Quelles sont les incidences des évolutions, du point de vue même du bien-être de l’enfant, désormais au centre des préoccupations ? Et au-delà des capacités d’adaptation aux évolutions, vont se poser pour les familiaux comme au reste de la société des interrogations quant au sens à donner à des bouleversements qui, au-delà de la forme d’une vie en couple finalement assez stable, amènent à se questionner sur l’organisation de la filiation.

L’UNAF face aux « nouvelles familles »

Les familles monoparentales

Le premier grand défi auquel l’UNAF a été confrontée concernant les nouvelles formes familiales hétérodoxes a été le statut des familles monoparentales. Quand la question émerge, au début des années 1960, le terme n’existe pas encore. On parle couramment des « filles mères » pour désigner les mères célibataires, portant en quelque sorte le fruit du pêché et victimes de réprobation sociale. Et sinon, il y a les veuves, qui elles bénéficient du respect public. Mais il est des militants pour lesquels ces catégories méritent d’être prises en compte : les chrétiens de gauche de la CSF (Confédération syndicale des familles) qui succède en 1959 aux Associations familiales ouvrières, actives pendant la guerre et après auprès des veuves de guerre, femmes de prisonniers et plus généralement femmes de la classe ouvrière. Signe d’une évolution des mentalités ? En 1960 le ministère de la famille autorise les mères célibataires à disposer d’un livret de famille. Dès 1963 sont créées par la CSF des « commissions des femmes chefs de familles » qui rassemblent des veuves mais aussi des mères divorcées ou célibataires. Le terme est choisi pour englober de manière non stigmatisante toutes les femmes dans cette situation, sans exclure aucune catégorie. En 1967 elles créent une association autonome, bien que toujours dans l’orbite de la CSF : la Fédération Syndicale des Femmes Chefs de Famille (FSFCF). Idéologiquement plus proche du familialisme (et d’une forme de « maternalisme ») que du féminisme, la FSFCF avance comme revendication centrale le salaire social à la mère. Comme le pointe Fiona Fredli dans un article consacré à l’histoire de la fédération, il y a sans doute une sérieuse différence de vécu entre les féministes qui peuvent vivre le statut de mère célibataire comme une expérience émancipatrice de la tutelle masculine et celui des veuves et femmes divorcées (de milieux plus populaires ?) qui vivent leur situation comme fondamentalement subie320. Se définissant avant tout comme mouvement familial, la FSFCF revendique par conséquent d’entrer à l’UNAF, avec le soutien de la CSF mais aussi de la CNAPF321. Cette démarche se fait sur fond de tensions extrêmes avec l’UNAF, puisque l’époque suivant mai 68 est celle du rapprochement de la CSF et du CNAPF avec le CNAFAL et la menace de constitution d’un organisme alternatif à l’UNAF dont l’orientation est jugée trop conservatrice, si ce n’est bourgeoise.
A cette époque encore, le code de la famille expose qu’ « ont le caractère d’associations familiales toute association (…) regroupant à cet effet les familles constituées par le mariage et la filiation légitime ou adoptive ». Pour entrer à l’UNAF, il faut donc imposer une redéfinition de la famille ou tout au moins son élargissement. Dans leur démarche, les Femmes Chefs de Famille s’appuient sur la loi de 1970 qui met fin à la « puissance paternelle » et instaure l’autorité parentale conjointe. Si les termes du code de l’action sociale et des familles empêchent toujours l’adhésion formelle de la FSFCF à l’UNAF, des portes commencent à s’ouvrir. L’UNAF ouvre un chantier sur la redéfinition de la famille. Mais des résistances s’expriment. Malgré de nombreuses précautions oratoires et une démarcation nette du féminisme (refus d’un modèle alternatif de famille et présentation du FRIEDLI Fiona. « Redéfinir la famille pour en faire partie. Les mobilisations des concubinage comme un « repoussoir ») l’opposition est totale de la part des Associations familiales catholiques.
Mais les temps changent et ces dernières sont mises en minorité sur la réécriture des statuts à l’assemblée générale de l’UNAF de 1972. Le vote donne une majorité de plus des deux tiers à une nouvelle définition de la famille : « Constituent une famille toutes personnes ayant charge légale d’enfants »322. Il y a là une divergence majeure avec les catholiques qui va au-delà de leur défense de la famille fondée sur le mariage contre une entrée des « filles mères » dans le mouvement familial. Car pour les catholiques c’est le couple marié qui fonde la famille, pas la présence des enfants. Un premier coin est enfoncé dans le bloc familialiste dirigeant l’UNAF. Cette nouvelle définition de la famille proposée par l’UNAF est également beaucoup plus souple dans le sens où elle ne ferme plus la porte à l’adhésion de parents d’enfants non-mariés, pour peu que leur union soit légale. La voie est donc libre pour l’opération d’un changement majeur. Celui-ci interviendra avec la loi du 11 juillet 1975 réformant les statuts de l’UNAF. Désormais sont considérées comme associations familiales » les groupements de défense des couples mariés, avec ou sans enfants, mais aussi toutes personnes ayant charge d’enfants. La voie est libre pour l’intégration des mères célibataires, des veuves mais aussi des parents vivant en concubinage. Selon certains observateurs, Paul Noddings, responsable de Familles de France et président de l’UNAF aurait organisé un accord global avec Simone Veil, liant cette question à l’attitude envers la dépénalisation de l’IVG, en débat au parlement en 1974323. Il est vrai qu’au-delà de la prise en compte de la diversité des formes familiales, la réforme de 1975 a contribué à un renforcement considérable de l’UNAF : L’UNAF s’est opposée de manière générale [à la loi Veil] mais sans l’exprimer trop fortement. Et une fois que la loi est passée l’UNAF n’a jamais remis en cause l’IVG. Il n’y a jamais eu un texte, une ligne en disant : « non il faut revenir sur l’IVG » etc.324.
Dans la même période des mesures améliorent considérablement la situation des veuves. En 1971 la pension de réversion n’est plus attribuée au « conjoint à charge » (autrement dit la femme au foyer) mais sous condition de ressources. En 1972 la liquidation devient possible à 55 ans au lieu de 65. Enfin, en 1975 elle devient cumulable, sous certaines limites, avec une pension personnelle. Les femmes veuves et divorcées sans emploi peuvent bénéficier de la sécurité sociale un an après le décès de leur époux ou le divorce. Enfin, Simone Veil a su engager des réformes audacieuses concernant les mères célibataires (veuves ou non) avec dès 1976 la création de l’allocation au parent isolé. Il s’agit là d’une évolution majeure puisqu’elle acte la création d’une catégorie nouvelle de destinataires de l’action publique et en l’occurrence de parents devant élever seuls leurs enfants. Cette même année 1976, année de mise en œuvre de la réforme de l’UNAF, la Fédération Syndicale des Femmes Chefs de Famille est agréée comme « mouvement à recrutement spécifique ». Mais elle n’est pas le seul représentant des « mères seules » à en bénéficier et d’autres structures intègrent l’UNAF comme la Fédération des associations de conjoints survivants (FAVEC) et l’Association d’entraide des veuves et orphelins de guerre (AEVOG).

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Table des matières

INTRODUCTION
De l’émergence d’une idéologie à la structuration d’un mouvement…
… à l’émergence d’un appareil étatique
Mutations de la famille
Quelles sont les conséquences de la « désinstitutionalisation familiale » pour l’UNAF ?
Hypothèses
Perspective théorique et méthodologie
I / L’UNAF, UNE EXCEPTION FRANCAISE
1. Du développement d’un mouvement associatif à la structuration du « corps familial » 
Émergence du « familialisme » et naissance du mouvement familial
Vichy et la famille
A la libération : naissance et premiers pas de l’UNAF
2. Une institution sui generis
Corporatisme ?
Rupture et continuité
Appareil idéologique d’État
3. Fonctionnement de l’UNAF et des UDAF
Fonctionnement
Les unions départementales
Représentations : la lutte des places
La revue Recherches familiales
4. Le légitimisme de l’UNAF
1965 : travail des femmes et réforme des régimes matrimoniaux
La régulation des naissances
La loi Veil
UNAF et gouvernements : l’écart se creuse
II/ L’UNAF FACE AUX BOULEVERSEMENTS DE LA FAMILLE
1. Soixante ans de mutations familiales
Le lent déclin du mariage
La hausse considérable des divorces
Les unions libres
Mariages et pactes civils de solidarité (Pacs)
Les naissances hors mariage
Le recul de l’âge au premier enfant
Les « familles monoparentales »
Les familles recomposées
Les familles homoparentales
Trente piteuses ?
2. L’UNAF face aux « nouvelles familles »
Les familles monoparentales
Le Pacs
Élargissement du cadre de réflexion
Le choc Bertinotti
Le Mariage pour tous
Une opposition hors du mouvement familial
L’UNAF face au « mariage pour tous »
Échec de la « loi familles » et apaisement
Le difficile agrément des associations homoparentales
III/ LES COURANTS IDEOLOGIQUES AU SEIN DU MOUVEMENT FAMILIAL 
1. Les héritiers du familialisme conservateur
Familles de France
Les Associations familiales catholiques
Familles rurales
Les Associations familiales protestantes
Population et Avenir (ex-Alliance nationale)
2. Les « cathos de gauche »
Les héritiers de la Ligue ouvrière chrétienne
Associations familiales ouvrières et Associations populaires familiales
1968 et après : l’UNOF comme tentative d’alternative à l’UNAF
Recentrage de la « deuxième gauche »
3. Les Associations familiales laïques
L’occasion manquée de l’après-guerre
Le CNAFAL
L’UFAL
Convergences et divergences
4. Les débats sur la famille : une opposition droite-gauche ?
Conservateurs et libéraux
Libéraux et socialistes
« Familialisme » de gauche
Luttes d’influence et chassés-croisés idéologiques
Un cas d’école : la réception de Paul Yonnet
Salaire des mères, une idée de droite ?
IV. RESILIENCE DU FAMILIALISME, JUSQU’A QUAND ?
1. La crise des politiques familiales
Universalité des allocations familiales
Le coût de l’enfant
Où en est-on ?
L’individualisation des droits
Du familialisme au parentalisme ?
Vers la privatisation des rapports familiaux ?
2. 2013-2017 : le retour avorté de la droite conservatrice
Un suicide français ?
Sens commun
Frictions avec les laïques dans l’UNAF
François Fillon candidat
L’échec de la droite et le(s) familialisme(s)
3. Débats à venir
Féminisme et égalité
Définir la place des pères
« Théorie du genre »
La filiation, un enjeu toujours brûlant
Adoption et filiation
Bioéthique – la PMA
Vers la GPA ?
4. Menaces sur l’UNAF
Charge(s) de la Cour des comptes
La représentativité en question
La question du financement
Le suffrage familial, dernier vestige du passé de l’UNAF ?
La « technicisation » de l’UNAF
L’Islam, espoir de renouvellement ou menace ?
Le « big bang » de Macron
Un avenir pour l’UNAF ?
Capacités d’expertise
CONCLUSION
Les français et la famille : le grand amour
Vers la fin d’un appareil idéologique d’État ?
Idéologie dominante : changement de paradigme ?
Face à la crise du Covid
Une surprise : la nomination d’Adrien Taquet
Bibliographie

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