Du chrome non magnétique au chrome antiferromagnétique

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LSDA versus GGA

En principe, on pourrait penser que la GGA est toujours meilleure que la LDA du fait de la prise en compte du gradient. En pratique, ce n’est pas toujours évident et il est indispensable de tester les fonctionnelles. De manière générale, la LDA a tendance à surestimer la force de la liaison et conduit à des paramètres de maille un peu trop faibles par rapport à l’expérience. Cette tendance de la LDA est particulièrement marquée pour les métaux 3d, en revanche pour les matériaux 5d elle est beaucoup moins nette. Pour les matériaux 3d magnétiques cet effet a des conséquences dramatiques sur le magnétisme : en effet, l’aimantation étant fortement dépendante des distances interatomiques (l’aimantation chute avec une contraction du para-mètre de maille), cela influe sur le diagramme de phase des matériaux. Il est bien connu que la phase la plus stable du fer traité en LDA est le cubique à faces centrées non magnétique, ce qui est en contradiction complète avec l’expérience. Une étude approfondie des différentes fonctionnelles pour le fer et le chrome a été effectuée par Romain Soulairol [9] au cours de sa thèse. Elle a permis de montrer que la fonctionnelle GGA-PBE est mieux adaptée que la LDA, et ce également pour le chrome. En effet, le chrome est trouvé non-magnétique en LDA [10] et son paramètre de maille est trop petit.
L’utilisation de fonctionnelles GGA n’est cependant pas optimale dans le cas du chrome car le moment magnétique par atome est trop fort (1, 2µB au lieu de 0, 6µB expérimentalement) [11]. Par ailleurs nous verrons dans le chapitre suivant que le véritable état fondamental du chrome qui est une onde de densité de spin n’est pas non plus reproduite correctement par la DFT, qui la trouve plus haute en énergie [9].

Modèle des liaisons fortes (TB)

Précédemment, nous avons présenté les principes de base de la théorie de la fonctionnelle de la densité et quelques aspects de son implémentation dans les codes ab initio. La méthode des liaisons fortes semi-empirique est basée sur une développement des fonctions d’ondes dans une base d’orbitales atomiques localisées mais ces fonctions d’onde ne sont pas définies explici-tement. En revanche les éléments de matrice du Hamiltonien (termes diagonaux et intégrales de saut) dans cette base sont écrits de manière explicite en fonction d’un certain nombre de paramètres qui sont déterminés par ajustement sur des résultats de calculs ab initio (structure de bandes et énergie totale).
Cette méthode est particulièrement adaptée à des systèmes dont les tailles atteignent quelques centaines/milliers d’atomes. En effet, de tels systèmes seraient beaucoup trop coûteux en temps de calcul par une méthode ab initio. Cela permet l’étude de systèmes plus réalistes.
Les détails techniques de l’outil liaisons fortes que nous avons utilisé sont regroupés dans les travaux de thèse de G. Autès [15].

La base d’orbitales atomiques

Pour décrire les fonctions d’onde électroniques, il nous faut choisir une base d’orbitales atomiques localisées sur les atomes du système. Par définition, les lettres latines correspondront aux sites atomiques, tandis que les lettres grecques concerneront les orbitales de la base de calcul.
Comme nous étudions en général les électrons de valence, et dans notre cas ceux des métaux de transition 3d, le nombre d’orbitales que nous allons choisir est de neuf : une orbitale 4s, trois orbitales de type 4p (4px,4py,4pz) et cinq orbitales 3d (3dxy,3dxz,3dyz,3dx2−y2 ,3dz2 ). Cette base est plus complète qu’une base minimale d [16] et permet un traitement plus fin de la structure électronique, et autorise les transferts de charge intra-atomiques.
Cette base est a priori non orthogonale. La matrice recouvrement des orbitales est repré-sentée par la matrice S d’éléments : Siλjµ = hiλ|jµi. (I.18).

Charge et neutralité locale

Il existe plusieurs façons de décrire la charge locale dans le formalisme liaisons fortes. L’ap-proche que nous avons choisie est celle de Mulliken (Niλ) : Niλ = 2 n jµ 2fn Ciλ ∗Cjµ Siλjµ + Cjµ ∗Ciλ Sjµiλ . (I.36).
Cette formulation revient à répartir équitablement sur les orbitales |iλ i et |jµi les termes de la forme Ciλ(n)∗Cjµ(n)Siλjµ et Cjµ(n)∗Ciλ(n)Siλjµ de la charge totale. La charge de Mulliken donne alors une représentation de la charge locale. Notons par ailleurs que dans le cas d’une base orthogonale, la charge de Mulliken est bien identique à la charge nette qiλnet = Pn fn|Ciλ|2. Remarquons enfin que sur le plan numérique il est pratique de définir les coefficients ˜(n) Ciλ obtenus par multiplication des coefficients Ciλ(n) par la matrice de recouvrement : C˜iλ(n) = X SiλjµCjµ(n) (I.37).
Ce qui permet d’écrire la charge de Mulliken sous une forme plus sympathique : Niλ = 2 X X fn Ciλ(n)∗C˜iλ(n) + C˜iλ(n)∗Ciλ(n) . (I.38).
Le traitement de la charge peut s’avérer problématique lors d’un calcul liaisons fortes. Ainsi, le potentiel effectif est fixé tout le long du calcul, alors qu’en DFT, il est traité de manière auto-cohérente. Cette approximation peut conduire à des transferts de charge importants, notamment lors de l’étude de systèmes non homogènes (chimiquement ou structurellement), ce qui est notre cas. Dans le cas des métaux l’écrantage fait que ce transfert doit être faible. C’est pourquoi nous introduisons dans le formalisme liaisons fortes un terme de neutralité locale, dont le rôle est de limiter le transfert de charge inter-atomique. La condition de neutralité locale peut-être vérifiée en introduisant une « renormalisation » du Hamiltonien initial par un terme du type : Hiλjµη = Hiλjµ + 1 (δVi + δVj)Siλjµ. (I.39).
avec.
δVi = 2η(Ni − N0) = UNL(Ni − N0). (I.40).
où UNL quantifie l’intensité de la contrainte locale imposée à l’atome i de charge Ni dans le système de charge initiale N0. δVi serait un simple décalage du terme intra-atomique si les recouvrements étaient nuls. Les recouvrements amènent à modifier également les termes non diagonaux de Hamiltonien. Plus UNL est grand plus la condition neutralité locale sera vérifiée avec précision. En pratique nous avons constaté que UNL = 20eV est une valeur bien adaptée. La charge est alors déterminée de manière auto-cohérente par des algorithmes itératifs classiques (de type Broyden) en-deçà d’un critère de convergence . Finalement, l’énergie totale du système est aussi pénalisée, et n’est plus égale à l’énergie de bandes du système : ETOT = Z ED(E)dE − 2 i (Ni − N0)2 (I.41).

Détermination des paramètres du modèle de liaisons fortes

La détermination des paramètres du modèle se fait en deux étapes. Dans un premier temps les intégrales de saut et les termes diagonaux du Hamiltonien liaisons fortes sont déterminés par une procédure d’ajustement non linéaire sur une base de données ab initio non magnétique formée de structures de bandes et courbes « énergie-volume ». Pour améliorer la transférabilité, l’ajustement est effectué sur plusieurs structures cristallographiques (typiquement cubique faces centrées, cubique centré et cubique simple) et sur une large gamme de distances interatomiques. Dans un deuxième temps il s’agit de déterminer le paramètre de Stoner Id qui gouverne les propriétés magnétiques du matériau. Une façon assez directe de le déterminer est d’étudier l’évolution du moment magnétique en fonction du paramètre de maille pour des structures simples. Le paramètre de Stoner retenu est celui qui conduit au meilleur accord avec les calculs ab initio. Sur la figure I.6 nous illustrons notre approche sur le cas du chrome cubique centré antiferromagnétique, il apparaît dans le cas présent qu’une valeur de 0.82eV est une bonne estimation du paramètre Id. Cette figure est aussi assez révélatrice de la complexité à décrire correctement le chrome. En effet le paramètre de maille d’équilibre (2.89Å) se situe dans une zone de forte variation du moment magnétique. Le magnétisme du chrome sera donc très sensible à de faibles variations du paramètre de maille. D’autre part, comme nous l’avons déjà mentionné, le moment magnétique du chrome est surestimé par rapport à l’expérience [11] [20]. Une manière de remédier à ce problème serait de diminuer légèrement le paramètre de Stoner. Une valeur de 0.78eV conduit à une valeur du moment en meilleur accord avec l’expérience.

Onde de densité de spin (SDW)

En réalité, le magnétisme du chrome est plus complexe et il est bien connu que la véritable structure magnétique du chrome peut être décrite par une onde de densité de spin (SDW : Spin Density Wave) se propageant le long des axes du cube [4]. Les spins restent colinéaires (longitudinalement ou transversalement au vecteur d’onde selon la température). Le vecteur d’onde q de cette SDW est proche de 2aπ (000.95) ce qui correspond à une période de 20a. [5] [6]. En « pratique », il faut utiliser de très grandes super-mailles pour décrire ce système.
Le moment magnétique initial est donc modulé spatialement et est pris sous la forme M(z) = M0 ×cos(qz). Après itération, le profil est modifié mais reste de période identique comme illustré sur la figure II.6.
Dans une onde de spin il existe des sites à fort moment magnétique et des sites à faible moment (voire strictement nul selon la période exacte de l’onde). Le moment total en revanche est toujours nul en volume. On verra que ce n’est plus le cas lorsqu’il y a une surface.

États électroniques de volume « adaptés à la surface »

Les états électroniques d’un solide cristallin tridimensionnel peuvent être décrits du fait du théorème de Bloch par une structure de bandes où les énergies propres sont représentées dans la première zone de Brillouin. Lorsqu’on s’intéresse à la structure électronique de surface il est alors pratique d’utiliser une représentation adaptée à la surface. On distingue ainsi les vecteurs d’ondes parallèles kk au plan de surface et ceux perpendiculaires k⊥. On représente alors la structure de bandes le long d’un chemin pour les kk dans une zone de Brillouin de surface : toutes les valeurs propres de même kk mais de k⊥ différent forment un continuum d’états électroniques pouvant éventuellement présenter des pseudo gaps. Cette structure de bandes adaptée à la surface s’appelle en général structure de bandes projetée. Dans le cas d’une surface
(1) d’un cristal cubique, la construction est immédiate. La zone de Brillouin de surface est carrée et il suffit pour un kx et ky fixés dans cette zone de Brillouin 2D de faire reporter toutes les énergies propres E(kx, ky, kz) pour kz variant de −π/a à +π/a.
Nous avons représenté sur la figure II.8 la structure de bande projetée du chrome AF obtenue en ab initio et par la méthode des liaisons fortes. Nous pouvons remarquer sur ces deux figures la présence de pseudo-gaps, en particulier autour du point M. Ce sont dans ces pseudo gaps que nous retrouverons essentiellement les états de surface. Remarquons qu’il y a quelques disparités entre les deux structures de bandes : le pseudo-gap aux alentours de 1 eV au point M est fermé en TB alors qu’il est ouvert en ab initio.

États de surface localisés

A la surface, le potentiel cristallin V (x, y, z) s’estompe et tend progressivement vers une constante (niveau du vide) lorsqu’on s’éloigne de la surface pour les z croissants (par convention z > 0 en dehors du cristal). La figure II.9 illustre le comportement du potentiel à la surface. Il est possible d’extraire de cette figure le travail de sortie qui est la différence d’énergie entre le niveau de Fermi et le niveau du vide. Nous en avons déduit le travail de sortie du chrome avec la méthode ab initio : il est de 3.18 eV. Cette valeur est inférieure à la valeur expérimentale de 4.46eV [7] [8], mais la tendance est générale (il en va de même pour la surface de Fe(001) dont le travail de sortie calculé est à 3.8 eV).
La présence d’une surface engendre en général l’apparition d’un nouveau type d’états élec-troniques dont les fonctions d’ondes sont localisées à la surface et décroissent exponentiellement dans le volume. Ce sont des états de surface. Lorsque ces états ont une composante non nulle en volume on les appelle états résonnants. Ces états peuvent être décrits comme des solutions électroniques avec un kz complexe telles que la fonction d’onde décroisse exponentiellement lorsqu’on pénètre dans le cristal.
En général les « vrais » états de surface apparaissent dans les pseudo-gaps du continuum des états de volume. Ils sont alors facilement détectables dans la structure de bandes de surface qui est obtenue par un calcul sur un slab d’épaisseur finie mais suffisamment grande pour reproduire le comportement volumique au milieu du slab (nous reviendrons sur la méthode du slab un peu plus loin). Sur la figure II.10 nous avons représenté sur un même graphique la structure de bandes volumique projetée et la structure de bandes d’un slab. On voit clairement apparaître les états de surface dans les pseudo-gaps.
En réalité, il peut également exister des états de surface en dehors des pseudo-gaps à l’in-térieur du continuum des états de volume. Ce cas de figure peut se présenter lorsque l’état de surface possède une symétrie différente des états de volume dans une gamme d’énergie donnée. On peut parler de pseudo-gaps de symétrie donnée. Nous verrons qu’il existe effectivement un état de ce type pour le chrome (001). Nous procéderons à une étude détaillée des états de surface ou résonnants de la surface Cr(001) ultérieurement.

Magnétisme par couche atomique

Du fait de sa structure antiferromagnétique le chrome a une aimantation nulle même si chaque atome possède un moment magnétique. Toutefois, la brisure de symétrie engendrée par la surface autorise l’apparition d’une aimantation non compensée. C’est le cas notamment de la surface (001) du chrome, qui présente une structure magnétique alternée d’une couche atomique à l’autre. La surface (110), quant à elle, est un tant soit peu différente, car une même couche atomique est composée de deux atomes de spins opposés, chaque couche reste donc globalement non magnétique.
En étudiant le moment magnétique par couche atomique pour la surface Cr(001) AF, nous avons pu constater, pour des slabs d’une taille de 19 couches atomiques en ab initio et 20 couches atomiques en liaisons fortes, que le moment magnétique de surface est exacerbé, avec une valeur d’environ |3.2|µB, qui décroît rapidement vers la valeur volumique de |1.1]µB [9]. Ce moment exacerbé est dû au fait que la surface Cr(001) est de faible coordination. L’augmenta-tion du magnétisme apporte une stabilisation de la surface. Le moment magnétique de surface n’étant pas compensé par la couche inférieure adjacente, la sous-couche de surface possède un moment magnétique opposé d’environ -1.72µB. La somme des moments magnétiques des quatre premières couches du slab donne un moment magnétique net de 1.35µB. Il en va de même avec les résultats en liaisons fortes, bien que les valeurs soient légèrement plus grandes en valeur absolue. Le moment net est toutefois comparable.

Antiferromagnétisme ou Onde de densité de spin ?

Toute notre étude présente le chrome antiferromagnétique plutôt que possédant une onde de densité de spin.
Nous avons effectué ce choix pour deux raisons essentielles : premièrement, alors qu’expéri-mentalement l’onde de densité de spin est l’état le plus stable, les calculs prédisent le minimum énergétique au cas AF [6].
Deuxièmement il a été montré par Romain Soulairol [10] que l’état le plus stable d’une onde de densité de spin en présence d’une surface (001) est assez naturellement obtenu pour une onde se propageant perpendiculairement à la surface et avec un maximum d’amplitude du moment à la surface (la solution avec un nœud à la surface n’est pas stable). Le moment magnétique obtenu est alors très proche de celui du cas antiferromagnétique.
C’est pourquoi, bien que le chrome antiferromagnétique ne soit pas représentatif de la réalité, nous l’utilisons tout de même, pour la simplicité de mise en œuvre numérique, sa stabilité énergétique en ab initio, et surtout par le fait que nous nous intéressons au transport à travers cette surface et que nous n’attendons pas d’effet importants sur les propriétés de transport induits par l’onde de densité de spin.
Par ailleurs, le moment de surface, ainsi que le états de surface issus des calculs sont les mêmes tant pour le cas antiferromagnétique et l’onde de densité de spin, ce qui nous conforte encore dans l’utilisation du chrome antiferromagnétique.

Structure de bande de la surface Cr(001) E(k)

La structure de bande d’un slab offre une description détaillée de l’état quantique du sys-tème : elle reflète la dispersion du volume à travers la structure de bande projetée des états de volume avec l’ouverture de pseudo gaps dans certaines régions ainsi que la présence d’états de surface.
Sur les figures II.12, nous présentons la structure de bandes d’un slab de respectivement 21 (41) atomes en ab initio (TB).
La première chose à remarquer est que les deux méthodes donnent des résultats très proches, ce qui valide le modèle de liaisons fortes pour décrire la structure électronique de surface. Il est notamment important de souligner que la position des états de surface étant très sensible à la variation du potentiel à la surface, elle est donc bien décrite par notre modèle. Cette variation est prise en compte d’une part par le terme de neutralité locale qui par un décalage des termes diagonaux du Hamiltonien évite les transferts de charge entre sites atomiques et d’autre part par le terme de Stoner qui gère le décalage d’échange entre les bandes up et down sur chaque site. La bonne description de la position et de la dispersion des états de surface atteste de la validité de notre approche.
Nous avons par ailleurs indiqué les états les plus évidents par une notation Sα. De prime abord, nous pouvons constater que les états de surface présents sur ces structures de bande sont essentiellement de spin majoritaire (↑) : ce sont les états signalés S1, · · · ,S4, S . Seuls les états , et 0 situés respectivement aux alentours des points ¯ et ¯ sont de caractère S5S6 S X minoritaire (↓). Les états qui contribuent majoritairement à la densité d’états de surface sont peu dispersés, et sont notés S1, S10, S20, et S0 .
La nature des orbitales participant aux états de surface a une influence sur leur comporte-ment physique : par exemple, un état de surface de symétrie d sera plus sensible au magnétisme de surface qu’un état de type s ou p. D’autre part la décroissance des fonctions d’onde dans le vide dépend aussi de la nature de l’orbitale considérée. Cela est très important, car de leur décroissance dépend la capacité d’un STM à les détecter. Par exemple, les orbitales de type d décroissent plus vite que des orbitales de type s ou p.

Différences notables entre les méthodes ab initio et TB

Bien que les deux méthodes conduisent à des résultats très proches, des différences sub-sistent. Prenons l’exemple de l’état S1, qui touche pratiquement l’énergie de Fermi avec la méthode des liaisons fortes, alors qu’il est situé à 0.3eV au dessus du niveau de Fermi en ab initio. Cette différence est principalement due à la valeur du moment magnétique de surface, qui est légèrement plus grande en TB qu’en ab initio (3.2µB contre 3µB). Comme cet état est essentiellement à caractère d2z, sa position est directement proportionnelle au moment magné-tique.
Par ailleurs, les états S0 et S3 sont plus haut d’à peu près 0.5eV dans le modèle liaisons fortes. Ces états dont le caractère p est important sont moins influencés par le magnétisme. On ne peut donc pas expliquer cette différence notable par un effet purement lié au magnétisme. Nous l’attribuons plutôt à une description incorrecte des orbitales de type p dans le modèle des liaisons fortes. En effet, comme nous obtenons les paramètres de calcul du chrome en ajustant la structure de bande non-magnétique du chrome volumique à celle obtenue en ab initio, méthode pour laquelle les états de type p sont hauts en énergie par rapport au niveau de Fermi du matériau, l’ajustement est difficile en s’imposant une base d’orbitales minimale.

Sensibilité vis-à-vis du moment magnétique de surface

Afin d’expliquer les disparités existantes entre la théorie et l’expérience, plus particulière-ment l’existence d’un pic très étroit au niveau de Fermi en STS [16] (Fig. II.22), et qu’on ne trouve pas dans les calculs, deux arguments ont été avancés :
– Des effets électroniques complexes tels que la résonance Kondo orbitalaire dont nous avons parlé précédemment.
– La surestimation du moment magnétique de surface.
Il y a désormais de fortes indications [17] pointant en faveur d’un état de surface standard de symétrie essentiellement dz2 . Nous avons donc procédé à une série de calculs DFT sur la surface Cr(001) en imposant le moment magnétique de surface. Après divers essais, nous avons arrêté nos calculs à un moment magnétique de surface de 1.75µB.
Sur la figure II.23, on peut voir que le pic de spin minoritaire aux distances 2.4Å et 5.1Å a été déplacé de 0.59eV à 0.14eV. De la LDOS à 2.4Å, on peut conclure que la bande de spin majoritaire (approximativement un caractère dz2 ) est décalée de la même énergie vers des énergies supérieures. On le voit moins sur la courbe à 5.1Å, du fait qu’à cette distance, la LDOS reflète essentiellement les orbitales de symétrie p, or celles-ci sont pour le canal majoritaire, peu couplées aux orbitales d.
Ces résultats sont en bon accord avec des expériences récentes de SP-STS [16] qui montrent que le contraste magnétique le plus large est obtenu à un voltage appliqué de 0.1eV, ce qui cor-respond à une position du pic dans le spectre dUdI sur une terrasse à couplage antiferromagnétiquetisme ; à droite : un magnétisme de surface pénalisé à 1.75µB. de la pointe et de la surface. Il a aussi été montré que le contraste magnétique dépend fortement du signe du voltage appliqué ; c’est aussi en accord avec nos calculs, car au-delà des pics étroits, la LDOS des spins minoritaires décroît rapidement pour devenir plus petite que celle des spins majoritaires.

Probabilité de transmission

On suppose l’ensemble des processus diffusifs comme élastiques dans le conducteur. Un électron d’énergie E dans l’électrode, sera alors diffusé par le conducteur à la même énergie. Soit pour une onde incidente notée p de vecteur d’onde kp > 0 et d’énergie E, l’onde réfléchie aura pour vecteur d’onde −kp et l’onde transmise le sera au conducteur dans les modes à la même énergie E avec un vecteur d’onde kq > 0 : Ψtot(E) = ΨL(p)(kp(E)) + rpi(E)ΨL(i)(−ki(E)) + tpq(E)ΨR(q)(kq(E)) (III.1). où rpq et tpq sont les amplitudes de probabilité de (respectivement) réflexion et transmission du mode p vers le mode q. Elles dépendent de la nature du conducteur, du couplage avec les électrodes et de la différence de potentiel V .
La probabilité de transmission du mode p vers le mode q est le carré de l’amplitude de probabilité de transmission : Tpq(E) = |tpq(E)|2 (III.2).
et la probabilité de transmission totale d’un électron de la gauche vers la droite est la somme de toutes les probabilités de transmission par canaux : p∈X∈ R L,q TL→R(E) = Tpq(E) (III.3).

Expression du courant après l’application d’une différence de potentiel

La simulation d’images STM implique une brisure de symétrie des deux électrodes par l’application d’une tension électrique V entre le matériau sondeur et le matériau sondé (µL − µR = eV ). Si nous considérons des différences de potentiel entre les deux électrodes faibles, nous pouvons approcher l’intégrale par : I = e2 T(EF )V (III.17).
où Ef est le niveau de Fermi du système à l’équilibre (soit V = 0+ ou µL = µR = Ef ).
En outre, nous étudierons des cas où la différence de potentiel appliquée n’est pas faible lors de la description du modèle de Tersoff et Hamann en liaisons fortes plus tard.

Calcul de la transmission T (E)

La transmission est la clef du formalisme de Landauer-Büttiker. Nous avons exprimé dans la description du formalisme de Landauer-Büttiker le courant en fonction de la transmission. Ainsi, toute le problème restant est de déterminer la transmission.
Nous expliciterons dans la partie qui suit les deux méthodes que nous avons utilisées afin de calculer la transmission.

Méthode des fonctions de Green

Le modèle de Landauer-Büttiker présenté précédemment nous permet d’obtenir la trans-mission T (E), qui ensuite nous sert à simuler des images de SP-STM. Dans cette partie, nous verrons comment la calculer en utilisant les fonctions de Green du système.
Les fonctions de Green forment la méthode permettant de résoudre un système d’équations inhomogènes en connaissant les conditions aux limites de départ : ( −ˆ)ˆ()=ˆ z H G z I ˆ ˆ où H est l’Hamiltonien du système, z un nombre complexe, et I l’opérateur identité. ˆ Lorsque z n’est pas valeur propre de H, la solution de cette équation est : ˆ ˆ −1 G(z) = (z − H).
Dans la base des états propres de H, G(z) est diagonale et s’écrit : Gˆ(z) = X |Ψ(n)ihΨ(n)| , z = E(n) z − E(n) 6 n.
Lorsque z est dans le spectre de H, c’est alors un pôle de l’opérateur G(z). On définit alors la fonction de Green retardée (ou avancée) du système : ˆr ˆ −1 G (z) = (E + iη − H) Gˆa z ) = lim (E − iη − Hˆ)−1 ( η→0+ (III.33) (III.34) (III.35) où E est un nombre réel, pouvant être une valeur propre de ˆ . H.
Dans la suite, nous n’utiliserons que la fonction de Green retardée du système ˆr( ). G z Le grand avantage de la fonction de Green est qu’il est possible de calculer toutes les propriétés d’un système sans avoir à calculer ses valeurs propres (puisque les valeurs propres sont les pôles de la fonction de Green). On l’obtient en inversant une matrice pour chaque valeur de z dans une base donnée. Elle est particulièrement adaptée au calcul des propriétés de transport électronique d’un système.

Méthode de Tersoff et Hamann

La méthode de Tersoff et Hamann est une des pionnières quant à la simulation d’images de STM [9]. Elle est simple et efficace. Développée peu après l’invention du STM, elle fournit des résultats assez proches de la réalité malgré une approche simpliste du système. C’est en fait une approximation supplémentaire de la méthode de Bardeen.
Dans ce qui suit, nous allons présenter cette méthode, ses avantages et ses inconvénients. La méthode Tersoff et Hamann traite, dans un système pointe-vide-surface, la surface de manière « exacte », alors que la pointe est modélisée par un puits de potentiel local et sphérique à l’approche de la surface.
Comme nous l’avons vu dans la partie précédente 3.1, on peut donner comme expression au premier ordre du courant tunnel : I = 2πe X (1 − f(Eµ − f(Eν + eV )|Mµν |2 δ(Eµ − Eν) (III.50) où f(E) est la fonction de Fermi, V est le potentiel appliqué, Mµν l’élément de matrice du canal tunnel entre l’état de la pointe d’état Ψµ et l’état de surface Ψν , et Eµ l’énergie de l’état Ψµ en l’absence de courant tunnel.
Dans la limite de faibles températures et d’une différence de potentiel faible, cette expression devient : I = 4πe |Mµν |2 δ(Eν − EF )δ(Eµ − EF ) (III.51).
Si l’on suppose que la pointe est ponctuelle, la mesure peut être considérée comme idéa-lement non-intrusive avec une résolution maximale. Ainsi, si les fonctions d’onde de la pointe sont considérées comme localisées, l’élément de matrice Mµν est alors simplement proportionnel à l’amplitude de la fonction d’onde Ψν de la surface à la position r0 de la pointe et devient : dI ∝ |Ψν (r0)|2 δ(Eν − EF ). (III.52).
Le terme de droite représente la LDOS de surface à l’énergie de Fermi, c.-à-d. la densité de charges à EF . Ainsi, le courant tunnel est proportionnel à la LDOS de surface à la position de la pointe, et l’image obtenue n’est autre qu’une représentation des iso-LDOS de surface.
Le plus gros problème, dans l’équation non simplifiée III.51 est la description de la pointe. Le fait qu’on essaie de s’affranchir de son influence est en partie dû au fait qu’on ne connaît pas la structure géométrique (et magnétique) de la pointe.

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Table des matières

I Méthodologies 
1 Théorie de la fonctionnelle de la densité (DFT)
1.1 Hamiltonien du système
1.2 Équation de Schrödinger stationnaire
1.3 Théorie de la fonctionnelle de la densité
1.4 Fonctionnelles d’échange et de corrélation
1.5 Pseudopotentiels
2 Modèle des liaisons fortes (TB)
2.1 La base d’orbitales atomiques
2.2 Potentiel effectif
2.3 Hamiltonien du système
2.4 Équation de Schrödinger
2.5 Charge et neutralité locale
2.6 Magnétisme : Le modèle de Stoner
2.7 Détermination des paramètres du modèle de liaisons fortes
3 Densité d’états
3.1 Densité d’états totale
3.2 Densité d’états projetée
3.3 Les bases non orthogonales
3.4 Densité d’états locale
II Surface de Chrome 35
1 Structure électronique et magnétique du chrome bcc
1.1 Du chrome non magnétique au chrome antiferromagnétique
1.2 Onde de densité de spin (SDW)
2 États électroniques d’un système semi-infini
2.1 États électroniques de volume « adaptés à la surface »
2.2 États de surface localisés
2.3 Surface (001 du Chrome)
2.3.1 Méthode du slab
2.3.2 Magnétisme par couche atomique
2.3.3 Antiferromagnétisme ou Onde de densité de spin ?
2.3.4 Structure de bande de la surface Cr(001)
2.3.5 Densité de population des états de surface
2.3.6 Densité d’états à la surface du chrome (001)
2.3.7 Sensibilité vis-à-vis du moment magnétique de surface
III Transport électronique : méthodes de calcul 
1 Formalisme de Landauer-Büttiker
1.1 Modélisation du système
1.2 Probabilité de transmission
1.3 Courant
1.4 Expression du courant après l’application d’une différence de potentiel
2 Calcul de la transmission T(E)
2.1 Un exemple simple : le fil infini
2.2 ab initio
2.2.1 Électrodes
2.2.2 Contact
2.2.3 Calcul de la conductance
2.3 Méthode des fonctions de Green
3 Transport tunnel : un pas vers le STM
3.1 Formalisme de Bardeen
3.2 Méthode de Tersoff et Hamann
3.2.1 Tersoff et Hamann en liaisons fortes
4 Développement analytique : de Landauer à Tersoff-Hamann
4.1 Développement au premier ordre
4.2 A partir de la formulation de Bardeen
4.3 Au-delà du premier ordre
IV Vers la simulation de véritables images STM 
1 Première utilisation du SP-STM
2 Présentation des systèmes étudiés et de leur géométrie en fonction de la méthode de calcul utilisée
2.1 Géométrie du système adaptée au transport électronique
2.1.1 Périodicité dans le plan (xy)
2.1.2 Traitement des électrodes et du contact
2.2 Convention pour les courants de spin
2.3 Systèmes traités
3 Introduction d’une différence de potentiel
4 Analyse des résultats
5 Étude du chrome et du fer en volume
5.1 Le chrome en volume
5.1.1 Résultats de l’approche ab initio
5.1.2 Résultats de l’approche liaisons fortes
5.2 Le fer en volume
5.2.1 Résultats de l’approche ab initio
5.2.2 Précision sur les résultats de l’approche TB
6 Étude de l’interface plate Fe(001)-Cr(001)
6.1 Interface continue Fe(001)-Cr(001)
6.2 Transmission en fonction de l’énergie et de la distance entre les interfaces
6.3 Étude de l’interface en fonction de la tension appliquée
6.4 Image STM
6.5 Étude spectroscopique de l’interface à d = 5.76Å
7 Système pointe de fer – surface Cr(001)
7.1 Résultats de l’approche ab initio
7.2 Résultats de l’approche TB
7.3 Étude en fonction de la tension appliquée
7.4 Image STM calculée
Conclusion générale et perspectives
Appendices
A Analyse des courbes de transmission de l’interface plate Fe(001)-Cr(001) 
1 Pour une distance d=4.32Å
1.1 Cas AF
1.2 Cas FM
2 Pour une distance d=5.76Å
2.1 Cas AF
2.2 Cas FM
B Analyse des courbes de transmission et de STS du système pointe-surface. 
1 Pour une distance d=4.32Å
1.1 Cas AF
1.2 Cas FM
2 Pour une distance d=5.76Å
2.1 Cas AF
2.2 Courbe STS à d=5.76Å

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