Drame intime d’un Je anonyme

Drame intime d’un Je anonyme

De la petite tragédie

L’histoire, dit Petit Robert (2007), est « connaissance et récit des événements du passé, des faits relatifs à l’évolution de l’humanité (d’un groupe social, d’une activité humaine), qui sont dignes ou jugés dignes de mémoire ; les événements, les faits ainsi relatés ». Cette définition concerne bien évidemment l’histoire que l’on raconte dans les textes officiels. Mais l’histoire que nous livrent les récits romanesque est «le fruit d’un travail de reconstruction, pétrie à la fois» de faits factuels et de fiction. Il y a donc lieu de distinguer ce que l’on appelle la « petite » histoire (celle de la fiction) de la « grande » histoire (celle de la réalité).
Pour Michelle Perrot, la «petite» histoire, c’est aussi celle « du privé, tournée vers la famille et l’intime auxquels elles ont été en quelque sorte déléguées par conventions et positions.

Drame intime d’un Je anonyme :

Que nous dit Beaux rivages du drame personnel de sa narratrice ? Pourquoi (l’œuvre) ne nous dit-elle pas son nom ? Il est vrai que le texte ne nous livre aucune information identitaire sur la narratrice, mais nous pouvons, à partir des émotions qu’elle partage avec nous, dégager le profil qui nous est donné à voir d’elle. Comme nous allons le voir, dans tous les énoncés proférés par la narratrice-personnage, une seule image revient : celle d’un être solitaire. Voici un premier exemple qui dit clairement l’amertume d’une femme qui ne peut compter sur le secours de personne : « Je me sentais seule, je l’étais.» , car, dit-elle : « Je n’attendais pas qu’Adrien me sauve. » Et lorsqu’elle dit : « Je n’ai jamais pensé qu’il puisse être à l’ origine de ma noyade » , on ne peut que compatir. Le discours qu’elle tient est si terrible qu’on l’imagine au fond d’un gouffre :
La solitude pouvant devenir une maladie. Je me sentais désaxée, de l’espace qui m’entourait, de mon propre corps qui semblait ne plus vouloir suivre, plombé par une tristesse inexplicable, comme un mauvais pressentiment ou la certitude que l’on va mourir dans les jours qui viennent.
La description qu’elle fait de son état d’âme rend compte de sa profonde détresse. La détresse, dirions-nous, de quelqu’un qui ne s’attendait pas à ce qu’il soit poignardé par l’être qu’il aime le plus au monde.

L’image d’un corps morcelé :

Le titre, que nous avons choisi pour le second point mentionné ici, fait référence à l’image du corps mis en parallèle avec le sentiment de dévastation éprouvé par la narratrice. Pour nous donner une idée précise de ce qu’elle ressent intérieurement, celle-ci se saisit d’un vocabulaire tiré du registre de la destruction. Voici un exemple très parlant qui se passe de tout commentaire :
Je ne sentais plus mon corps, comme s’il avait été traversé de creux ; on avait abîmé, pétri ma chair. Je tremblais, sans appui ni paroi derrière lesquels me tenir, me cacher. Je n’étais pas seulement nue, mais mise à nue, mon cœur me gouvernait et seule l’idée d’Adrian avec une autre me hantait.
C’est dans ces termes lourds de sensqu’elle se décrit en effet:« Je recevais un coup de poing en pleine poitrine, c’était un choc dont je ressentais physiquement la violence. J’étais victime d’une injustice. »
Le lien établi entre la souffrance mentale et corporelle est une image assez puissante puisqu’elle parvient à donner au lecteur une idée précise sur la question de la souffrance. Il suffit de lire ce passage, pris entre mille, pour comprendre que le sentiment s’est mué en mal physique : « L’eau de mon bain me faisait mal comme si elle avait été mélangée à un acide. L’air semblait chargé de ciment. »
Quand l’âme prend un coup, le corps en pâtit, semble dire la narratrice. L’auteur qui exprime par l’intermédiaire de son personnage ses propres convictions veut par là nous faire comprendre que lorsqu’on atteint le moral d’un individu, celui-ci devient une proie facile : « […]le statut de proie égalant celui de faible.»
Bien sûr, ce que nous essayons d’expliquer ici ne peut être saisi qu’en rapport avec la grande Histoire que nous aborderons dans le chapitre prochain. Pour donner une idée préalable de ce dont il s’agit, voici une citation tirée de la quatrième de couverture de Qu’est-ce qu’un corps ?, l’ouvrage consacré à la première grande exposition du Musée du Quai Branly (2006):
J’ai un corps bien à moi, semble-t-il, et c’est ce qui fait que je suis moi-même. Je le compte parmi mes propriétés et prétends exercer sur lui ma pleine souveraineté. Je me crois donc unique

et indépendant. Mais c’est une illusion, car il n’est pas de société humaine où l’on ne pense que le corps vaille par lui-même. Tout est engendré, et pas seulement par ses père et mère. Il n’est pas fabriqué par celui qui l’habite mais par d’autres (…)il n’est pensé comme une chose. Il est au contraire la forme particulière de la relation avec cette altérité qui constitue la personne. (…) Mon corps bien à moi ? C’est lui qui fait que je ne m’appartiens pas, que je n’existe pas seul et que mon destin est de vivre en société . Ainsi filant sa métaphore de la noyade, la narratrice poursuit :« Je n’arrivais plus à respirer, prenant de longues bouffées que je gardais en contractant mon ventre, y réservant l’oxygène qui me manquait. Je pleurais, mes larmes étaient prêtes. »  Ce langage symbolique qui n’énonce rien à la légère, la narratrice le doit à sa douloureuse expérience d’avec Adrian. L’image de ce corps éclaté qu’elle représente par petits bouts dans les exemples ci-après traduit parfaitement bien le choc subi. Ce premier passage qui met en scène un cops décomposé est assez probant :« Mon corps s’était téléporté d’un lieu à un autre. Je souffrais à l’endroit où Adrian l’avait touchée, caressée, léchée – les jambes, les cuisses, le ventre et le cœur enfin, centre nerveux de tout désir et de toute douleur. » ; Cette description détaillée qui se donne à lire comme un blasonsert à mettre en valeur l’image du morcellement qui se produit sous l’effet insupportable de la douleur.

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Table des matières

Introduction
1] Définitions des concepts clés 
a)Le tragique
b) Le pathos
c) L’intime
d) Le lyrisme
2] De la petite tragédie 
a) Drame intime d’un Je anonyme
b) L’image d’un corps morcelé
3] A la grande Histoire 
a) Je comme témoin de son temps
b) Le vécu collectif
Conclusion
Bibliographie

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