Division du travail et valeur-travail

Division du travail et valeur-travail

CADRE THEORIQUE ET CONCEPTS

J’ai fait le choix d’orienter mes investigations vers trois concepts principaux, ceci dans un ordre préalablement défini par ma logique de recherche. Le premier concept concerne la notion de travail. Compte tenu du fait que mes questionnements se rapportent à une pratique professionnelle, il est nécessaire de définir le travail dans son sens large avant d’appréhender une profession en particulier. Cette thématique est légitime car j’utiliserai l’analyse du travail comme outil de recueil de l’information. La confrontation du travail prescrit et du travail réel m’apportera très probablement des réponses. Le deuxième concept renvoie à la profession d’animateur socioculturel. Il est essentiel de connaître son fondement, puis son évolution, pour comprendre la place qu’elle occupe aujourd’hui dans le champ de la culture. Je décrirai les fonctions de cette profession de manière théorique, ceci dans le but de les confronter avec la réalité de terrain.

Cela déterminera si l’ASC exerce ou non son emploi en adéquation d’une part, avec les valeurs de l’institution pour laquelle il officie et, d’autre part, avec les valeurs véhiculées par la profession. Le troisième et dernier concept correspond à la culture. J’aborderai en premier lieu la culture dans le sens large puis dans le sens strict, ceci pour comprendre la notion dans son ensemble. Il apparaît de plus opportun de s’intéresser à la politique culturelle. En effet, certaines politiques tendent à professionnaliser les formations liées à la culture. Il semble donc judicieux d’identifier si l’ASC figure parmi ces politiques ainsi que d’en saisir l’impact. Finalement, je m’attacherai à définir les musiques actuelles et la profession de chargé de production afin d’analyser les divergences et les similitudes avec l’activité d’ASC.

Prémices et définition

Le terme « travail » est une notion aujourd’hui banalisée. Il provient du latin tripalium désignant, au Ve siècle (début du Moyen-Âge), un instrument de torture à trois pieux utilisé pour contenir les animaux devant être ferrés. Son étymologie est donc connotée de façon négative. Le verbe tripaliãre (faire souffrir) a été apparié à l’esclavagisme, qui, par définition, est également mal perçu. Pour catégoriser les différentes pratiques des hommes, deux types d’occupation sont alors distingués (Vatin, 2008, p.18-19) :

• Les arts mécaniques, associés aux travaux serviles

• Les arts libéraux, seuls ouvrages dignes des hommes libres

À cette époque, les Pères de l’Église avaient mis en place un processus idéologique afin d’établir une nouvelle vision du travail. Les Chrétiens étaient encouragés à participer au travail manuel pour assurer eux-mêmes leur production de vivres. Cette démarche avait pour but de prouver que les hommes n’étaient pas dépendants de tiers, qu’ils étaient libres. De plus, l’Eglise définissait le travail comme une activité morale permettant de manifester au quotidien son amour pour Dieu. Les travailleurs devaient ainsi accomplir leur devoir de vocation. Ce terme religieux a généré le principe de la profession (Vatin, 2008, p.23). La répression de l’esclavagisme allait une nouvelle fois modifier l’image du travail. Il devint synonyme d’aboutissement, de réussite et de possession de biens. Ce phénomène indiquait déjà la structure des classes sociales. Elles étaient constituées, d’une part, des aristocrates et des marchands vivant majoritairement dans les villes et, d’autre part, des seigneurs et des paysans de campagne.

À la fin du Moyen-Âge (XVIe siècle), la classe des marchands est devenue dominante et s’est imposée grâce à l’évolution et à l’accroissement de la production. L’essor économique et l’évolution du capitalisme ont alors poussé les paysans à se retrancher dans les villes (Tremblay & Alberio, 2014, p.75). Le travail est ainsi devenu une condition moderne, brisant l’ancienne frontière entre les arts libéraux et les arts mécaniques. Puis, la Révolution française a instauré un nouvel idéal en suggérant une politique égalitariste par le biais d’une redevance, envers soi et envers les autres. Cette vocation, voire religion du travail, se retrouve dans des textes, notamment issus du catéchisme laïque. En 1791 on pouvait ainsi lire : « Tout homme est-il obligé de travailler ? – oui, puisque tout homme jouit des avantages de la société, il est obligé d’y courir en travaillant selon son état et ses forces ; sans cela il fait un vol manifeste à la société en jouissant de tous ses avantages sans remettre du sien. Le devoir du travail est donc prescrit par la justice. » (Harmand, 1971, p.98)

Lors de la révolution industrielle (XIXe siècle), les méthodes de production en usine ont envahi une partie des sociétés capitalistes industrielles. Les paysans ont pris le chemin des usines sans en avoir véritablement le choix. Certains se sont adaptés et soumis aux nouvelles conditions. Cela leur a permis d’intégrer la classe capitaliste et jouir d’un niveau de vie plus élevé. Quant aux paysans ayant refusé d’adhérer, ils se sont régulièrement rebellés contre ce nouveau modèle les empêchant de travailler à leur convenance. L’arrivée du capitalisme et de l’industrialisation a soulevé de nouvelles problématiques relatives au travail, à savoir les récents systèmes de direction, de coordination et de gestion du travail (Tremblay & Alberio, 2014, p.81). La transformation idéologique et fondamentale du travail à travers les âges a complètement bouleversé la vie sociale des individus et la bouleverse encore aujourd’hui. Ces multiples modifications de l’organisation du travail le placent, dans notre société occidentale, au centre de l’existence humaine.

Division du travail et valeur-travail Adam Smith, philosophe et économiste écossais, déclare en 1776 que le travail constitue l’origine de toute richesse, plus précisément selon le principe de la division du travail (chacun peut, sur le marché, acheter le travail de l’autre ou lui vendre le sien) (Vatin, 2008, p.26). « Le travail annuel d’une nation est le fonds primitif qui fournit à sa consommation annuelle toutes les choses nécessaires et commodes à la vie. » (Smith, 1776, p.65) L’auteur véhicule l’idée que les individus peuvent se spécialiser dans leur milieu professionnel, selon leurs compétences, pour devenir encore plus productifs. En améliorant sa propre position sur le marché actuel, on contribue à l’essor collectif. Le travail est ainsi devenu le prix de toute chose. « Ce qu’on achète avec l’argent ou des marchandises est acheté par du travail, aussi bien que ce que nous acquérons à la sueur de notre front. Cet argent et ces marchandises nous épargnent, dans le fait, cette fatigue. Elles contiennent la valeur d’une certaine quantité de travail, que nous échangeons pour ce qui est alors supposé contenir la valeur d’une quantité égale de travail. Le travail a été le premier prix, la monnaie payée pour l’achat primitif de toute chose. » (Smith, 1776, p.99-100).

La grande morale pour Adam Smith est la valeur du travail. Considérée comme le fondement de la cohésion sociale, elle s’écarte de la direction principale de la division du travail. Elle est, dans la société, supposée nous rendre égaux. Cette théorie se rapproche de celle qu’Émile Durkheim, illustre sociologue français, formule un siècle plus tard, en 1893, dans son essai De la division du travail social. Il y décrit la valeur morale de la division du travail. A cette époque déjà, on constate une individualisation et une diversification accrues des individus. Par leurs spécificités propres et marquées, ils en deviennent uniques et en cela utiles les uns aux autres, par complémentarité. La division du travail, dans le même temps qu’elle différencie les individus, les rend interdépendants. Ainsi, elle les contraint à vivre ensemble, raison pour laquelle Durkheim la qualifie de morale. Au début du XIXe siècle, l’économiste politique britannique David Ricardo développe la dimension morale à laquelle Smith fait référence dans son discours. Selon Ricardo, la valeur des biens rend compte du travail effectué dans la mesure où ce dernier exprime le coût ou la difficulté de production. Smith raisonne sur l’échange global du travail entre les individus. La valeur du travail correspond à la quantité de travail que ce bien permet d’acheter. On parle d’une équivalence par rapport au salaire. Ricardo construit son idée de l’économie politique à partir de la figure d’un entrepreneur. Selon lui, la production d’un bien demande une certaine quantité de travail.

Ce volume de travail, sa difficulté de production et sa rareté par rapport aux autres marchés déterminent son prix. En réfléchissant dans ce sens, cette théorie fait perdre la notion morale. Elle devient principalement un instrument d’évaluation pour l’entrepreneur (Vatin, 2008, p.30-32). Au milieu du XIXe siècle, Karl Marx, penseur du mouvement communiste, s’appuie sur le modèle de Ricardo pour dénoncer la société salariale. La valeur de la capacité de travail correspond alors à la quantité de travail nécessaire à la production d’un bien. En faisant du travail un aboutissement et non une modalité de production, on en a changé le sens (Vatin, 2008, p.193). Le travail n’est qu’une valeur parmi d’autres qui servent à entretenir et maintenir l’ordre social. Cette valeur n’a pas toujours été placée au centre du système culturel, comme le mentionne, entre autres, Karl Marx dans ses écrits. Les spécialistes sont tous porteurs d’un échantillon de savoir pertinent quant à leurs spécificités. Néanmoins, aucun ne semble en mesure d’élaborer un discours capable de connecter les différentes perspectives. Cette conception n’est en effet pas une communion de leurs connaissances mais l’assemblage de différentes théories aux principes bien distincts (Cru, 1987, p.35). Les spécialistes sont eux-mêmes conscients du problème que représente l’articulation de leurs recherches et de leurs points de vue. Les difficultés sont telles que chaque spécialiste se retranche derrière les certitudes de sa discipline (Cru, 1987, p.35).

Qualification ou déqualification du travail

Aux XVIII et XIXe siècles, les sociologues considèrent que le nouveau système de mécanisation du travail tend à appauvrir les qualifications des travailleurs. Ils affirment toutefois que ces qualifications révèlent la complexité d’un emploi par l’ensemble des aptitudes intellectuelles, personnelles et manuelles qu’il requiert. En effet, l’épanouissement individuel au travail nécessite un équilibre entre ces aptitudes. Les travailleurs doivent occuper des fonctions suffisamment qualifiées pour lesquelles, d’une part, ils mettent leur intelligence à profit, ceci afin de concevoir le travail en amont et, d’autre part, utilisent leurs facultés manuelles et leurs outils pour la réalisation (Tremblay & Alberio, 2014, p.220). La qualification du travail est influencée par la théorie du capitalisme humain. Les sociologues estiment certaines fonctions comme non qualifiées car n’importe quel travailleur est capable de réaliser les tâches qui s’y rattachent.

Une autre conception des qualifications repose sur des facteurs tels que l’autonomie, la liberté dans le choix des tâches, la responsabilité, la direction du personnel, etc. Pourtant, il existe des exceptions, la profession de concierge par exemple, qui dispose d’une grande autonomie et d’une importante diversité dans les tâches à réaliser. Mais ces dernières peuvent être jugées comme simples à effectuer et donc moins reconnues (Tremblay & Alberio, 2014, p.221). De plus, les emplois possèdent des degrés différents de complexité et d’autonomie. La meilleure mesure des qualifications est la durée nécessaire que requiert un emploi pour qu’un travailleur moyen puisse atteindre un rendement moyen (Tremblay & Alberio, 2014, p.222).

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Table des matières

Remerciements
Avertissement
Résumé
Mots-Clefs
Index des abrévations et acronymes
1. Introduction
1.1 Mes motivations
1.2 Lien avec le travail social
1.3 Le thème
2. Objectifs
2.1 Objectifs personnels
2.2 Objectifs professionnels
2.3 Objectifs de recherche
2.4 Question de départ
3. Problématique
3.1 Question de recherche
4. Cadre théorique et concepts
4.1 Introduction
4.2 Le travail
4.2.1 Introduction
4.2.2 Prémices et définition
4.2.3 Division du travail et valeur-travail
4.2.4 Qualification ou déqualification du travail
4.2.5 Identité et reconnaissance professionnelle
4.2.6 La professionnalisation, définition et processus
4.2.7 Travail prescrit – travail réel
4.2.8 Notion de dilemme
4.3 L’animation socioculturelle
4.3.1 Introduction
4.3.2 Historique de la profession et son évolution en Suisse romande
4.3.3 Les fonctions de l’animateur socioculturel
4.3.4 L’animation socioculturelle et la culture
4.3.5 La pratique des animateurs socioculturels en lien avec la culture
4.4 La culture
4.4.1 Introduction
4.4.2 La culture au sens large
4.4.3 La culture au sens strict
4.4.4 La politique culturelle
4.4.5 Les musiques actuelles
4.4.6 La professionnalisation des activités liées à la culture
4.4.7 L’activité de chargé de production
4.4.8 La culture et le social
4.5 Les hypothèses de recherche
5. Méthodologie
5.1 Terrain de recherche
5.2 Echantillon de recherche
5.3 Méthode de récolte des données
5.3.1 Tableau de recensement des structures d’animation socioculturelle de Suisse romande
5.3.2 Analyse de l’activité
5.4 Ethique
5.4.1 Exercice en amont
5.5 Choix du terrain de recherche
5.5.1 Centre de Loisirs et Culture de Martigny
5.5.2 Secteur jeunesse
5.5.3 Projet Espace Tribus
5.5.4 Service jeunesse de la ville de Vevey
5.5.5 Festival Animai
6. Présentation des résultats et analyse des données
6.1 Les autoconfrontations, simple et croisée, avec Julie
6.2 Synthèse des autoconfrontations, simple et croisée, avec Julie
6.3 Les autoconfrontations, simple et croisée, avec Christelle
6.4 Synthèse des autoconfrontations, simple et croisée, avec Christelle
7. Bilan de recherche
7.1 Réponse à la question de recherche
7.1.1 La subjectivité de l’activité
7.1.2 Les prescriptions
7.1.3 Une pratique inscrite dans un ensemble
8. Partie conclusive
8.1 Perspectives et pistes d’action
8.2 Limites de la recherche
8.3 Bilan professionnel
8.4 Bilan personnel
8.5 Bilan méthodologique
8.6 Conclusion du travail de Bachelor
9. Réfèrencement alphabetique
10. Annexes
10.1 Annexe A – Etapes de l’élaboration de la programmation du Fully Bouge festival
10.2 Annexe B – tableau représentatif de l’analyse d’activité
10.3 Annexe C – Recensement des lieux socioculturels réalisant de la programmation musicale
10.4 Annexe D – Fiche projet Espace Tribus
10.5 Annexe E – Cahier des charges de l’Espace Tribus
10.6 Annexe F – Fiche projet Animai
10.7 Annexe G – Investissement des professionnelles
10.8 Annexe H – Ebauche d’une piste d’action
10.9 Annexe I – Bilan des professionnelles et du chercheur
10.10 Annexe J – Lettre de consentement pour le recueil des données audio
10.11 Annexe K – Formulaire de consentement

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