Diversité linguistique et dialectale en Colombie

Diversité linguistique et dialectale en Colombie 

Diversité des langues

L’espagnol est la langue officielle dans tout le territoire colombien. Soixante-cinq langues amérindiennes sont recensées par Landaburu (1999) – soixante-six selon Aguirre Licht (2004, 29; 2005, 229) – et actuellement parlées par environ quatre cent mille personnes dans différentes parties du pays (Landaburu 1999) . Deux langues créoles sont parlées par des populations d’origine afrocolombienne : le palenquero de San Basilio de Palenque et le créole de San Andrés y Providencia. Selon les classifications récentes la plupart des langues amérindiennes de Colombie sont regroupées dans douze familles linguistiques : d’une part, les familles Chibcha, Arhuaca, Caribe, Quechua et Tupí, qui font partie des grandes familles d’Amérique du Sud ; et d’autre part, les familles Chocó, Guahibo, Sáliba, Macú, Huitoto, Bora, et Tucano, uniquement présentes en Colombie. La classification de dix langues fait encore l’objet des discussions chez les spécialistes, ces dernières considérées comme isolées ne rentrent pas dans les classifications proposées jusque-là (Landaburu 1999). Il s’agit de l’andoque, l’awá-cuaiquer, le cofán, le guambiano, le kamentsá, le páez, le ticuna, le tinigua, le yagua, et le yaruro. Cette diversité linguistique, représentée par la carte 1, est probablement due au positionnement stratégique de la Colombie dans le cône sud de l’Amérique. Landaburu signale par exemple que cette zone géographique devait être, depuis des époques lointaines, un passage obligatoire et un lieu d’établissement de différents groupes amérindiens ce qui a conduit à une situation de diversité remarquable du point de vue typologique et génétique. De nos jours, cette diversité est toujours visible. Et ce, malgré le fait que la Colombie, avec le Venezuela et le Brésil, a vécu des processus de métissage intenses entre populations (espagnols, populations indigènes et africaines). En effet, ces trois pays ont connu une démographie indigène importante avant l’arrivée des Espagnols et ces populations ont été décimées après leur arrivée. Ainsi, les groupes indigènes, qui restent nombreux, sont paradoxalement pauvres en individus et continuent de se mélanger.

Diversité dialectale de l’espagnol 

La Colombie regroupe la deuxième plus large concentration de locuteurs hispanophones du monde et la première de l’Amérique du Sud (File-Muriel et Orozco 2012, 11). La variété d’espagnol parlée dans le pays, largement traitée dans la littérature, est décrite comme de l’espagnol colombien (Montes 1992; 1997; 1982; Flórez 1961; Patiño 2000) ou de l’espagnol d’Amérique (Lipski 1996; Bravo-García 2005; Aleza Izquierdo 2010).

En général, les variétés d’espagnol colombien reflètent des influences indigènes et africaines comme la plupart des variétés d’espagnol d’Amérique (Zamora et Guitart 1982) . Ces influences dépendent des zones géographiques où ces variétés d’espagnol sont parlées. Ainsi par exemple, sur la côte Pacifique à l’ouest de la Colombie ou sur la côte Atlantique au nord les variétés d’espagnol colombien semblent être influencées par un substrat de langues africaines aujourd’hui disparues. En revanche, les variétés andines ou centrales recouvrant les zones montagneuses des Andes seraient influencées par un substrat de langues indigènes. Les variétés dialectales d’espagnol colombien ont fait l’objet d’études proposant des classifications suivant les critères de l’Atlas Linguistique Ethnographique de Colombie qui se basent notamment sur des questionnaires. L’espagnol colombien est ainsi divisé en deux macro zones géographiques selon la proposition de Montes (1982, 30) : la macro zone côtière et la macro zone centrale ou andine. Cette bipartition a été réalisée sur la base de critères linguistiques comme la prononciation de certains phonèmes , l’emploi de certaines constructions morphosyntaxiques et de certains mots. Elle est basée également sur des critères historiques. A leur tour, ces deux macro-zones peuvent être divisées en d’autres zones correspondant à d’autres sous-variétés. Ainsi, dans la macro zone côtière on trouve des variétés entre l’espagnol de la côte Caraïbe et celui de la côte Pacifique, et ces variétés comportent, à leur tour, des sous-variétés (c.f. tableau 1), et dans la macro zone andine ou centrale, on trouve les variétés andine-orientale et andine-occidentale qui se subdivisent également en sous-variétés.

Mora (1996), pour sa part, en se fondant sur des critères lexicaux, propose de diviser la sousvariété « nariñense-caucano » de Montes (1982, 49) en deux sous-variétés : andino-sureño et caucano-valluno. Par ailleurs, Rincón (2007, 178) propose une carte (ci-dessous) des variétés dialectales de l’espagnol colombien adaptée de la bipartition et subdivision des variétés de Montes (1982) et de la classification dialectale proposée par Flórez (1961), mais elle ne tient pas compte de la sous-division proposée par Mora (1996).

Bien qu’imprécises, ces distinctions permettent de situer deux variétés d’espagnol qui sont d’intérêt pour ce travail de thèse : la variété d’espagnol de Cali qui ferait partie du caucanovalluno et la variété d’espagnol andin du sud ou andino sureño selon la proposition de Mora (1996).

Cette division pourrait encore faire l’objet d’autres sous-divisions plus particulières mais pour des questions de clarté de mon exposé je ne tiens compte ici que de la classification de Mora (1996). Je propose donc, dans les deux prochaines sous-parties, une description sommaire de deux variétés d’espagnol colombien : la variété de Cali (EC) et la variété d’espagnol andin (EA) parlée dans la zone andine du sud de la Colombie, mais aussi en Equateur. Nous verrons que pour cette dernière, il faut tenir compte du fait qu’elle appartient à un ensemble de variétés qui s’étend du sud de la Colombie jusqu’au nord de l’Argentine. Pour en discuter, il convient de considérer l’importante littérature consacrée à la description des multiples variétés d’espagnol andin.

La variété d’espagnol de Cali

L’espagnol de Cali (EC) a des particularités phonétiques, morphosyntaxiques et lexicales intéressantes du point de vue sociolinguistique. Contrairement aux variétés d’espagnol de Bogotá, Medellín, et Barranquilla où des projets de descriptions sociolinguistiques – de type variationniste – de l’espagnol parlé sont en cours, jusqu’à présent, peu de travaux sociolinguistiques concernent la description de la variété locale à Cali. On peut trouver certains travaux sociophonétiques comme celui sur la réalisation du /s/ en fin de mot et en début de mot dans des conversations spontanées des locuteurs de Cali (Brown et Brown 2012; File-Muriel et Brown 2010), ou dans l’espagnol soutenu de Cali (Ramírez Espinoza et Almira Vazquez 2011). Ces travaux variationnistes mettent particulièrement en avant une caractéristique qui semble être l’une des plus distinctives de l’espagnol de Cali et de l’espagnol colombien en général : l’aspiration du phonème /s/ (Brown et Brown 2012). On pourrait également citer le travail de Burgos (2007) sur la co-construction du discours, mais cette étude ne concerne pas directement une description de la variété de Cali. En revanche, elle décrit les mécanismes de « réalisation d’une unité syntaxique à partir de la contribution de deux locuteurs dans une conversation » (2007, 14) à partir de l’observation d’un corpus de conversations spontanées de locuteurs de Cali. Même si son orientation méthodologique et son objectif sont différents, elle pourrait contribuer à la caractérisation de la variété en question. Enfin, il y a quelques travaux de mémoire de licence et de master à l’université de Valle de Cali sur la caractérisation lexicale de la variété locale. Ces travaux décrivent des jargons de métier spécifiques comme celui des produits commerciaux (Barney, Ospina, et Vallés Calaña 2007) ou encore celui de la médecine (Tascón Quintero, Ramírez López, et Vallés Calaña 2010).

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Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE 1: LA COLOMBIE : DIVERSITE LINGUISTIQUE ET DIALECTALE, MOBILITES DES POPULATIONS, HETEROGENEITE DU TERRAIN
1.1 Diversité linguistique et dialectale en Colombie
1.1.1 Diversité des langues
1.1.2 Diversité dialectale de l’espagnol
1.1.3 La variété d’espagnol de Cali
1.1.4 Les variétés d’espagnol andin
1.2 Mobilités des populations en Colombie
1.2.1Situation socio-politique des populations indigènes en Colombie
1.2.2 Mobilités de populations indigènes vers les centres urbains
1.2.3 Approches sociolinguistiques des mobilités et migrations en Colombie
1.2.4 Mobilités de population dans la ville de Cali
1.3 Un terrain hétérogène, des pratiques langagières hétérogènes
1.4 Conclusion
CHAPITRE 2: PREMIERE APPROCHE DU TERRAIN
2.1 Remarques méthodologiques
2.1.1 Le caractère théorique du « terrain »
2.1.2 Préparation de mon premier terrain
2.1.3 Difficultés d’accès au terrain via les responsables politiques
2.1.4 Vers une démarche de type ethnographique
2.2 Les Quichuas de Cali
2.2.1 Une communauté « connue » des chercheurs
2.2.1.1 Origines et migrations
2.2.1.2 Religion, langue et travail, entre mécanismes d’Intégration et affirmation de soi
2.2.2 Premières observations et premiers échanges issus de mon séjour sur le terrain
2.2.2.1 Deux origines différentes
2.2.2.2 Distribution au centre-ville
2.2.2.3 Pratiques langagières déclarées
2.2.2.3.1 « Maîtrise » du quichua et de l’espagnol
2.2.2.3.2 L’âge d’apprentissage des langues
2.2.2.3.3 Contextes d’utilisation des langues
2.2.2.3.4 Emploi des langues selon le type d’interlocuteur
2.3 La non transmission intergénérationnelle de la langue quichua
2.3.1 Quelques concepts
2.3.2 Un constat de la rupture intergénérationnelle du quichua chez les Quichuas
2.3.3 Le rôle des facteurs sociaux dans la non-transmission
2.3.4 Les attitudes linguistiques et la non-transmission
2.3.5 Incidences sur les pratiques langagières
2.4 Conclusions
CHAPITRE 3: CONSTITUTION ET ANNOTATION D’UN CORPUS DE PRATIQUES LANGAGIERES EN EA
3.1 De l’enregistrement à l’annotation d’un corpus de pratiques langagières en EA
3.1.1 Enregistrement de pratiques langagières
3.1.2 Transcription des enregistrements
3.1.3 Annotation du corpus sous xml
3.2 Types de phénomènes remarquables
3.2.1 Phénomènes remarquables dans mon corpus
3.2.2 Au niveau morphosyntaxique (PREMS)
3.2.3 Au niveau interactionnel (PRINT)
3.2.4 Au niveau discursif (PREDISC)
3.3 Enoncés préverbaux en EA des Quichuas : PREMS, PRINT et/ou PREDISC
3.4 Enoncés de type doubling
3.5 La question de la fréquence intuitive
3.6 Conclusions
CHAPITRE 4 : ANALYSE PLURIFACTORIELLE DES ENONCES AVEC DES OBJETS PREVERBAUX
4.1 Qu’est-ce qu’une analyse plurifactorielle ?
4.2 L’étude de l’ordre des constituants dans la littérature
4.2.1 Perspective typologique
4.2.2 Perspective fonctionnaliste
4.2.2.1 La Structure de l’Information (SI)
4.2.2.2 Les notions de Topique et de Focus
4.2.3 Conclusion
4.3 Ordre des constituants en espagnol standard (ES)
4.3.1 Constructions transitives, ditransitives et intransitives
4.3.2 Constructions copulatives avec ser et estar
4.3.3 L’ordre de certains adverbes et compléments circonstanciels
4.3.4 Conclusion
4.4 Les variations de l’ordre des constituants en EA des Quichuas
4.4.1 Les constructions avec un OD et un OI en position préverbale
4.4.2 Les constructions copulatives
4.4.3 Conclusion
4.5 Explications traditionnelles
4.5.1 Ordre des constituants en quichua (famille des langues quechua)
4.5.2 Interférence du quichua
4.5.3 Convergence linguistique
4.5.4 Le rôle de la structure informationnelle
4.5.5 Les facteurs sociolinguistiques
4.5.6 Autres situations de contact
4.5.7 Conclusion
4.6 Interaction des différents facteurs dans mon corpus
4.6.1 La multicausalité
4.6.2 Facteurs grammaticaux et informationnels dans les constructions de type OV
4.6.3 Des constructions similaires à celles du quichua
4.6.4 L’effet boule de neige et une haute productivité des énoncés de type OV
4.6.5 Haute productivité des énoncés de type OV et caractéristiques sociales des locuteurs
4.7 Conclusions
CONCLUSION

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