Discussions à visée philosophique

Fondation de la philosophie pour enfants

L’approche de la philosophie pour les enfants a été pensée par Matthew Lipman et Ann Margaret Sharp, deux philosophes américains. Dans leurs travaux, ils ont redessiné l’enseignement de la philosophie afin qu’elle devienne accessible aux enfants. C’est à eux que l’on doit la création d’une sous-discipline en philosophie, que l’on appelle communément la philosophie pour enfants, et qui permet aux enfants et aux adolescents d’y trouver un intérêt.
Lipman propose dans les années 1970-1980 une approche pédagogique progressive de type constructiviste et inductif. En effet, il tient compte, dans son élaboration, des différents stades de développement de l’enfant définis par Piaget. La méthode de Lipman consiste en la lecture collective d’un ouvrage, puis laisse la place aux enfants pour rédiger, poser leurs questions. Vient ensuite le moment où l’on choisit une question parmi l’éventail soumis. Une discussion est alors entamée sur la base de cette question et l’enseignant prend le rôle d’animateur, il agit non pas sur le contenu du dialogue mais sur la structure en posant des questions. Lipman a donc élaboré un dispositif, selon lui indispensable pour permettre au groupe classe d’exister en tant que communauté de recherche. Cette communauté de recherche est source d’apprentissage et articule trois compétences : la communication, la coopération entre pairs et la pensée critique (Daniel, 2005).
Leleux déclare : Matthew Lipman et ses collaborateurs proposent des moyens pour réaliser dès le plus jeune âge l’apprentissage d’échanges discursifs porteurs de légitimité pour le groupe. Ils présentent ainsi une conception, éminemment responsabilisante pour l’enfant, du système d’éducation où il convient de l’inscrire, à travers le concept de communauté de recherche. (2008, p. 191).

Objectifs de la philosophie pour enfants

Le mot enfant provient du latin et signifie celui qui ne parle pas. On peut voir dans cette origine du mot que la conception de l’enfant est assez particulière ; il n’a pas son mot à dire. Il a fallu attendre le siècle des Lumières pour que l’on commence à reconnaître l’autonomie de l’enfant. C’est là que l’idée actuelle de l’épanouissement et de l’éducation de l’enfant a commencé à faire son apparition. La date clé de l’évolution des droits de l’enfant est celle du 20 novembre 1989, date à laquelle la Convention Internationale des Droits de l’Enfant voit le jour.
L’enfant est aujourd’hui considéré comme un être à part entière, un sujet pensant. Anne Margaret Sharp affirme que les enfants doivent être considérés comme des personnes rationnelles et autonomes si l’on veut qu’ils deviennent des citoyens autonomes et raisonnables. (2007, p. 40) Dans cette optique, le rôle de l’adulte n’est pas seulement celui de transmettre, mais aussi celui d’écouter et de prendre en compte la parole de l’enfant. La philosophie que l’on pratique avec les enfants n’est pas la même que celle pratiquée avec les adultes. Selon Tharrault : L’acte philosophique procède certes d’acquisitions spécifiques que l’on trouve dans les grands textes philosophiques (difficilement abordables avant la classe terminale, voire après), mais il procède aussi d’une imprégnation progressive à la réflexion sur la complexité de la réalité humaine. (2007, p. 31).
Philosopher avec les enfants ne consiste pas en la lecture de grands textes philosophiques, ni en la connaissance de grandes pensées. Le but est d’éveiller la réflexion philosophique, de mettre en route cet acte de philosopher en réfléchissant à des questions existentielles.
Certes, les enfants ne maîtrisent pas totalement la langue orale mais ils sont curieux et ont une foule de questions sur le monde qui les entoure, ils sont souvent avides d’y trouver les réponses. Atteindre un âge mûr n’est donc pas une condition pour pratiquer la philosophie puisqu’il n’est pas nécessaire d’avoir acquis antérieurement de grands savoirs. Apprendre aux élèves à s’interroger sur leur environnement et à ne pas le prendre comme tel, consiste à mener avec eux une réflexion sur les raisons qui font que les choses sont ainsi. Remettre en question leurs opinions les prépare à développer une pensée critique en vue d’être un futur citoyen pensant et réfléchi.

L’importance de l’oral

L’école apprend aux élèves trois choses fondamentales : lire, écrire, et compter. Mais est-ce qu’elle les entraîne suffisamment à parler, au-delà des compétences initiales acquises hors de l’école ? Or, la pratique de l’oral est essentielle. Leleux cite Vygotski qui nous rappelle l’importance de l’oral : La structure du langage n’est pas le simple reflet, comme dans un miroir, de celle de la pensée ne sert pas d’expression à une pensée tout prête. En se transformant en langage, la pensée se réorganise et se modifie. Elle ne s’exprime pas mais se réalise dans le mot. (2010, pp. 5-6)
La pratique de l’oral en classe est une nécessité. Personne ne doute de son importance. L’oral est en effet la première manifestation du langage. Il est vu comme une pratique langagière indispensable à la socialisation : c’est le principal outil dont nous disposons pour établir des rapports avec autrui. Il contribue également à la construction identitaire. Disposer d’habiletés dans la communication orale est un atout important dans toutes les occasions de la vie. (Simard, Dufays, Dolz & Garcia-Debanc, 2010, p. 287)
La pratique de l’oral apparaît dans tous les plans d’études et les revues pédagogiques. Pourtant, exercer l’oral n’est pas une mission facile. Une des raisons en est que l’oral n’est apparu que tardivement dans la culture scolaire, et peine encore un peu à s’imposer en tant que discipline du français. Jusque dans les années soixante, on ne trouvait guère le terme «oral» dans les plans d’études ou dans les manuels. Bien sûr, on évoquait le «parler» des élèves, mais les finalités n’étaient pas les mêmes qu’aujourd’hui. La première était d’apprendre aux élèves à parler le français correctement, en respectant les normes de la langue. La seconde consistait à amener les élèves à utiliser la langue afin d’apprendre leurs leçons et de bien les réciter, la récitation étant un des principaux outils d’évaluation.

La pratique de l’oral à l’école

En ce qui concerne la méthodologie de la pratique de l’oral, deux points sont considérés comme principaux. Premièrement, l’enseignant doit créer des «situations de libération ou d’expression» afin de permettre aux élèves de pratiquer librement la langue. Durant ces moments, l’enseignant doit éviter d’intervenir, car cela risquerait de bloquer les élèves. Deuxièmement, l’enseignant doit mettre en place des «situations de structuration ou d’apprentissage». La langue devient ici objet d’observation et d’analyse, ce qui permet de découvrir son fonctionnement et, ainsi, de mieux l’utiliser en fonction des exigences de communication.
Selon Dolz & Schneuwly (2009), pour la majorité des enseignants, soit plus de 90%, l’école a pour rôle d’enseigner l’oral afin de préparer les élèves à maitriser la communication orale.
Pourtant, l’enseignement de l’oral reste difficile à organiser sans que celui-ci reste dépendant des normes de l’écrit. Selon la plupart des enseignants, l’oral « véritable », totalement indépendant de l’écrit, est d’une part, celui où l’élève parle spontanément, celui où il exprime ses sentiments face au monde, et, d’autre part, celui de chaque jour, grâce auquel maîtres et élèves communiquent dans leur quotidien scolaire (Dolz & Schneuwly, 2009, p. 18). Cet oral-là n’apparaît donc pas comme étant susceptible de devenir objet d’enseignement, car il est considéré comme trop proche de l’intimité de l’élève et trop banal. Pour les élèves des premier et deuxième cycles, l’oral que l’on enseigne en classe reste donc fortement lié à l’écrit. L’activité d’enseignement la plus habituelle est la lecture à haute voix et elle représente 70% des activités orales. En raison des difficultés que génère la pratique de l’oral, l’enseignement de celui-ci est souvent relayé au second plan dans les classes. Dolz et Schneuwly tentent d’expliquer cela de la manière suivante : Contrairement à l’écrit qui se pratique en général seul, dans le silence et qui donc, sans créer de difficultés particulières de gestion, peut s’exercer collectivement, même dans de grands groupes, l’exercice de l’oral présuppose toujours un ou des auditeurs et aboutit à une production sonore. Cette réalité exclut une activité individuelle soutenue de chacun et empêche l’installation du travail sur l’oral comme activité centrale de l’enseignement. De plus, comme la parole ne laisse pas de traces durables, l’évaluation des compétences des élèves devient aléatoire, d’autant que des critères fiables n’existent guère, vu l’absence de tradition scolaire et de conceptualisation scientifique. (2009, p. 20)

L’utilisation de la littérature de jeunesse

La littérature de jeunesse est empreinte de valeurs culturelles qui ont cours dans la société. Elle articule à la fois valeurs et morale dans une visée éducative. C’est une des nombreuses raisons qui font qu’elle est fréquemment sollicitée dans les milieux scolaires.
Au travers de ce support attractif, les enfants repèrent certaines lignes de conduites qui sont acceptables au sein de notre société et d’autres qui sont, au contraire, inconvenables. Giasson (2005) relève plusieurs objectifs que tend à viser la littérature de jeunesse : développer l’imagination, la curiosité, la connaissance de soi et la compréhension face au monde, aborder et appréhender des thèmes et situations de la vie courante, développer le sens critique, amener les enfants à devenir des lecteurs autonomes, ouvrir l’esprit au multiculturel.
En Suisse romande, le statut de la littérature de jeunesse est devenu officiel avec l’entrée en vigueur du PER en 2010. L’objectif Conduire et apprécier la lecture d’ouvrages littéraires en témoigne. Les enseignants doivent créer une culture littéraire chez leurs élèves et les faire fréquenter des lieux riches en livres. De plus, des activités visant à favoriser la compréhension de ces ouvrages sont mises en place. On attend des élèves qu’ils soient capables de raconter succinctement le récit, de donner leur interprétation du texte en argumentant et en ouvrant la discussion avec leurs camarades. D’après nos observations, la littérature de jeunesse est essentiellement utilisée en classe pour l’apprentissage de la lecture ou pour l’entrainement à la compréhension dans le cadre du domaine disciplinaire du français.

Littérature de jeunesse et philosophie pour enfants

La littérature de jeunesse peut être également utilisée à d’autres fins que celles habituellement pratiquées en classe. Les études de Chirouter (2011) vantent les avantages à utiliser un tel support dans le cadre des discussions à visées philosophiques : la littérature de jeunesse permet d’avoir un support commun à tous les participants mais rend aussi possible une plus grande prise de recul du fait que l’histoire est extérieure au vécu des élèves. En effet, les textes littéraires mettent en scène des problématiques analogues à celles de la vie quotidienne. Les histoires présentent des personnages ou des animaux à caractère anthropomorphique auxquels les enfants peuvent s’identifier, et comme elles sont indépendantes du vécu personnel des élèves, elles n’entravent pas le recul et la réflexion. Chirouter affirme : Je peux vivre à travers un roman des expériences que je ne connaîtrai jamais dans la vie réelle. Elles m’ouvrent ainsi à tous les possibles (2011, p. 22). La littérature de jeunesse est donc un bon outil pour aborder des thématiques délicates, par exemple la mort ou le divorce, puisqu’elle s’inscrit dans un récit qui n’est ni trop éloigné, ni trop proche du vécu des élèves. On peut donc affirmer que la littérature de jeunesse met les élèves à bonne distance pour pouvoir mener une réflexion.
D’après Leleux (2008), les recherches de Lipman tendraient à montrer que les enfants apprendraient mieux avec des textes narratifs ou littéraires car ils pourraient mieux appréhender les significations contextuelles et les concevoir comme éléments d’un tout organisé. Cela peut s’expliquer du fait que la problématique présentée aux enfants est inscrite dans un récit. Ils ont, de ce fait, une vue d’ensemble de la situation que vivent les personnages et peuvent s’identifier à eux.

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela rapport-gratuit.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

1. Introduction
1.1. Philosopher
1.2. Choix du mémoire professionnel
1.2.1. Justifications personnelles
1.2.2. Justifications d’ordre professionnel
2. Cadre théorique
2.1. La philosophie pour enfants
2.1.1. Historique de la philosophie pour enfants
2.1.2. Fondation de la philosophie pour enfants
2.1.3. Objectifs de la philosophie pour enfants
2.2. La pratique de l’oral
2.2.1. L’importance de l’oral
2.2.1 La pratique de l’oral à l’école
2.3. La littérature de jeunesse
2.3.1. Qu’est-ce que la littérature de jeunesse ?
2.3.2. L’utilisation de la littérature de jeunesse
2.3.3. Littérature de jeunesse et philosophie pour enfants
3. Hypothèses et question de recherche
4. Méthodologie
4.1. Contexte
4.2. Population étudiée
4.3. Démarche
4.3.1. Pré-test
4.3.2. Discussions à visée philosophique (D.V.P.)
4.3.3. Post-test
5. Résultats et analyse 
5.1. Présentation des résultats
5.1.1. Classe 1
5.1.2. Classe 2
5.2. Synthèse des résultats au pré-test et au post-test
5.3. Regard sur d’autres séances marquantes
5.3.1. Dans l’échantillon
5.3.2. Hors échantillon
5.4. Retour des élèves à l’issue des séances de D.V.P
5.4.1. Les thématiques de nos supports
5.4.2. Progrès des élèves
5.5. Analyse des questions
6. Conclusion
6.1. Bilan de notre recherche
6.2. Forces et faiblesses
6.3. Perspectives
6.4. Nos compétences
7. Bibliographie
7.1. Ouvrages
7.2. Sites Internet
8. Remerciements
9. Annexes

Rapport PFE, mémoire et thèse PDFTélécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *