Discours sur la moralité dans l’espace public

Discours sur la moralité dans l’espace public

Les activités sexuelles illicites

Pour s’immiscer dans l’univers particulier de la prostitution, les archives judiciaires nous donnent un aperçu des pratiques qui structurent ce type de déviance. La plupart des dossiers judiciaires ne contiennent pas d’informations exhaustives et détaillées du milieu de la prostitution comme tel, mais certains dossiers sortent de l’ordinaire et comprennent des détails assez intéressants nous permettant d’émettre des hypothèses sur le commerce charnel de 1850 à 1916 dans le district judiciaire de Trois Rivières. Le recours aux archives municipales peut aussi s’avérer pertinent dans certains  cas. En effet, lorsque des enquêtes sont effectuées par des comités, certains témoignages  de l’époque sont pris en notes par le greffier. Ces témoignages, certes peu nombreux, sont néanmoins précieux puisqu’ils permettent de mettre en lumière certaines subtilités
concernant le fonctionnement du commerce du sexe à cette époque.

 Les prix et les pratiques

Andrée Lévesque, dans son article « Le bordel: milieu de travail contrôlé », montre qu’il y avait une certaine hiérarchie des maisons de désordre à Montréal durant l’entre-deux-guerres. Les prix approximatifs déterminaient le niveau de luxe de la maison. Selon elle, cela pouvait varier entre 1 $ et 5 $ la « passe »44. Qu’en est-il pour Trois-Rivières? Un dossier judiciaire de 1881 nous éclaircit à ce sujet. Deux individus arrêtés dans un bordel sont aussi impliqués dans un vo1 Une partie de la preuve pour le procès concernant la maison de débauche se trouve dans le dossier judiciaire traitant du vol d’argent.Dans ce dossier, contrairement aux affaires habituelles de prostitution, il y a des témoignages pour déterminer les circonstances entourant le larcin. Un voyageur de 22 ans, Joseph Lambert, affirme s’être fait dérober la somme de 49 $ alors qu’il « commettait le mal » avec une jeune femme dans la maison de Joseph Lafond. Le jeune homme a constaté la disparition de son argent alors qu’il voulait payer la prostituée et le couple tenancier de la maison. Il affirme dans son témoignage qu’il devait à Annie Germain la somme de 7 chelins et demi pour avoir « couché avec elle ».
Approximativement, cette somme équivaudrait à environ 1 ,50 $ au milieu du X1Xe siècle. Le jeune homme en question a quitté la maIson de débauche pour aller emprunter de l’argent et est tombé sur un policier en service auquel il a pu faire sa plainte. Les occupants de la maison se sont donc fait arrêter pour larcin et pour tenir une maison de débauche, à l’exception de la prostituée qui est accusée de fréquenter habituellement ce lieu. Finalement, le juge de paix stipule que la preuve est insuffisante dans le cas du vol d’argent, mais le couple tenancier et la prostituée sont incarcérés pour avoir respectivement tenu et fréquenté la « maison publique de désordre ».
En décembre 1897, le greffier de la paIx Laurent U. A. Genest s’adresse au conseil municipal pour l’informer d’un procès impliquant un charretier trifluvien48. Il joint à sa lettre une partie du procès, la déposition d’un client ayant fréquenté des prostituées sur le coteau de la ville. Lorsque Genest lui demande « combien d’argent avez-vous donné à ces femmes-là pour coucher avec elles? » le client répond: « J’ai donné deux piastres; rien qu’une seule fois, une piastre. » Les prix semblent donc tourner toujours autour de 1 $ à 2 $ pour ces années, mais les données de ce type sont peu nombreuses.Un autre document des archives municipales nous fait part du tarif d’une prostituée au début du XXe siècle. Dans une lettre du chef du « département Feu et Police », adressée au maire et aux échevins de la cité de Trois-Rivières, le chef fait part aux élus municipaux de certains témoignages concernant la réputation du corps policier trifluvien. Dans ces courts témoignages, on apprend que le prix de la « passe» est de 2,00 $ en 1915. Antoinette Paquette, une prostituée, avoue être entrée dans sa chambre avec un client, « qu’ils se sont couchés» et « qu’il lui a remis la somme de $2.00 [sic] en argent pour ses services49 ». Ce sont les trois seuls cas où il est question de prix, mais il Y a tout de même une certaine constance en la matière puisqu’en 1881 , 1897 et 1915,la somme déboursée par le client pour une prostituée n’a pas augmenté beaucoup et reste
sensiblement la même (autour de l,50 $).La raison pour laquelle il y a peu de témoignages dans les dossiers dépouillés est qu’à partir de 1853, sur le formulaire judiciaire standard imprimé pour ce type de délit, il est inscrit que le juge de paix procède à « l’examen des témoins de la poursuite ci -après nommés, en présence de la dite accusée, sans toutefois prendre les témoignages des dits témoins par écrit, les parties ayant volontairement donné leur consentement à l’effet que les dits témoignages ne fussent pas pris ni rédigés par écrits. » Les témoins sont donc entendus en cour par les officiers de justice, mais il n’y a pas de traces écrites de leur déposition dans le cas des délits relatifs aux maisons de débauche et à la prostitution traités par la Cour des sessions sommaires de la paix du district de Trois-Rivières.Quant aux pratiques de prostitution, les seules précisions dans les quelques témoignages disponibles, soit ceux des trois premières années dépouillées ainsi que ceux des archives municipales, font part de « se coucher», « coucher », « s’amuser», ou « commettre le mal » avec des femmes. Une autre expression est utilisée dans un dossier, lorsqu’un client de bordels affirme au constable: « Sacré torieu, tu es venu trop vite;j’ai payé pour tirer une botte et je n’ai pas eu le temps de la prendre. » Le constable précise plus loin dans sa déposition que « l’expression tirer une botte est familière, chez certain [sic] jeune [sic] gens, pour signifier l’action du commerce charnel avec une femme ou fille de mauvaise vie50 ».

Prostitution en milieu urbain et en milieu rural

Le district judiciaire de Trois-Rivières est créé en 1790 et couvre un vaste territoire s’étendant jusqu’à la frontière américaine. Après la création du district de Saint-François en 1831 et celui d’Arthabaska en 1857, le district trifluvien est réduit au comté de Nicolet sur la rive sud et à trois comtés de la rive nord : Saint-Maurice, Champlain et Maskinongé. Le district judiciaire comprend la ville en tant que telle, mais aussi les paroisses et les villages environnants. Il est ainsi possible de voir si la sexualité vénale était présente et sanctionnée à la campagne en plus de l’être en ville.
La plupart des dossiers dépouillés, que ce soit dans les fonds de la Cour des sessions de la paix ou de la Cour du Recorder, font mention de maisons de débauche situées sur le territoire de la ville de Trois-Rivières. Les quelques dossiers dépouillés de la Cour du Recorder, concernant la prostitution de rue et les maisons de débauche, renvoient tous à des cas urbains, sans précision sur le lieu exact de l’arrestation. Parmi les dossiers de la Cour des sessions de la paix, il y a plus de précision concernant le lieu de l’arrestation. Le nom de la rue est indiqué dans 51 dossiers sur les 165 de ce fonds d’archives. Parfois, l’adresse exacte est spécifiée, mais cela concerne uniquement une infime partie des dossiers. En outre, il est parfois difficile de juger s’il s’agit de la même
maison déréglée dans plusieurs dossiers judiciaires ou de maisons voisines dans lesquelles les policiers procédaient à une vague d’arrestation à la même date.La ville de Trois-Rivières est le théâtre de 90 % des arrestations parmi tous les dossiers dépouillés à la Cour du banc du Roi pour lesquels le lieu est indiqué. Certains quartiers de la ville semblent plus agités que d’autres, par exemple aux environs « du coteau », c’est-à-dire la côte (parfois appelée coteau St-Louis) située à la limite extérieure de la cité, où plusieurs arrestations ont lieu. Les prostituées et leurs clients semblent privilégier des endroits plus discrets et éloignés du regard des policiers. En mars 1880, un propriétaire se plaint qu’il ne peut plus louer ses maisons sur la rue Marguerite, au pied du coteau, « par suite du voisinage d’une classe de personne [sic] turbulentes et adonnés [sic] à l’ivrognerie et à d’autres vices59 ». Ce citoyen demande au conseil de ville une surveillance policière accrue de cette partie de la ville. Sur les 51 dossiers où le lieu de l’arrestation est spécifié, sept cas sont situés « au pied du coteau » ou sur le chemin Ste-Marguerite. À proximité de cette zone mouvementée de la ville se trouve la rue St-Roch, qui joint le chemin Ste-Marguerite « au pied du coteau ». Cette rue est aussi le théâtre d’une bonne partie des arrestations liées au commerce charnel, soit dix dossiers sur les 51 où le lieu est indiqué.Le tableau 1 à la page suivante montre les noms des rues mentionnées dans les dossiers judiciaires. En nous référant à une carte de la ville (figure 1), nous pouvons constater que des cas de prostitution sont répertoriés sur l’ensemble du territoire de la ville à cette époque. Le commerce du sexe n’est donc pas restreint à un seul quartier, comme c’est le cas de Montréal avec son Red Light60

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Table des matières

RÉSUMÉ ii
REMERCIEMENTS iv
TABLE DES MATIÈRES VI
LISTE DES TABLEAUX viii
LISTE DES FIGURES ix
INTRODUCTION 1
CHAPITRE 1-Portrait d’un type de déviance
1.1 Les activités sexuelles illicites
1.1 .1 Les prix et les pratiques
1.1.2 Prostitution en milieu urbain et en milieu rural
1.2 Lieux, les structures et organisation de la sexualité vénale
1.2. 1 Lieux de désordres
1.2.2 Rôle des charretiers
1.2.3 La dynamique unissant prostitution et alcool
CHAPITRE 2 – Portrait des acteurs impliqués
2.1 Rôle et portrait des acteurs impliqués
2. 1.1 Tenanciers, tenancières, prostituées, clients et témoins
2.1 .2 Des récidivistes
2. 1.3 Des accusés moins formellement impliqués
2.2 Le scandale de 1885 : des constables proxénètes
CHAPITRE 3 – Répression judiciaire
3.1 Discours sur la moralité dans l’espace public
3. 1.1 Les articles de journaux
Les procédures : la plainte
Les procédures: le procès
Les procédures: le jugement et la sentence
3.4.1 Verdict
3.4.2 Sentences
3.4.3 Récidive
3.4.4 Rôle de l’âge sur le verdict et la sentence
3.5 L’application de la peine
3.5.1 Durée des séjours en prison
3.5.2 Punir le vice: la prison et les conditions de vie
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

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