Dialoguer pour décider

Décider, c’est choisir, sélectionner une alternative parmi un ensemble de possibilités. La décision la plus élémentaire consiste à choisir entre deux alternatives : « fromage ou dessert ? ». Dans le cas général, la décision peut s’opérer dans un ensemble d’alternatives plus vaste comme la carte d’un restaurant ou les plages horaires d’un agenda. Si la prise de décision peut être purement individuelle, ce processus peut aussi revêtir des aspects sociaux qui le rendent plus complexe. Ainsi, dans cette thèse, nous considérons des décisions impliquant au moins deux acteurs. Plus précisément, on s’intéresse à deux objets d’études : la prise de décision assistée et la prise de décision collective.

Par prise de décision assistée, on désigne le champ des décisions prises avec l’assistance d’un interlocuteur. Les acteurs ont alors des rôles distincts : décideur et assistant. Selon les applications, on cherche à satisfaire différents critères, que ce soit au niveau de la décision ou du processus décisionnel en lui-même. Avec l’essor du Web et en particulier du commerce en ligne, l’assistance à l’internaute devient un enjeu important et prend par exemple la forme d’agents conversationnels animés. Cependant, si l’apparence de ces assistants a considérablement été améliorée, leurs capacités dialogiques restent souvent limitées et décevantes.

La prise de décision collective considère une société d’acteurs qui prennent ensemble une décision. Il s’agit d’établir un processus permettant d’aboutir à un accord qui engage l’ensemble des acteurs participants. Ce champ traite notamment de deux grandes problématiques :
• la coopération où l’ensemble des acteurs poursuit un objectif commun et s’organise pour l’atteindre ;
• la compétition où chaque acteur a ses propres préférences individuelles et où il s’agit d’aboutir à un accord en dépit des divergences.

Le processus décisionnel peut alors prendre une forme plus ou moins interactive et relever soit de la négociation, soit du système de vote. Une problématique majeure de ce domaine est associée à la notion de justice et vise à élaborer des processus de délibération collective aussi équitables que possible.

Choix

Prendre une décision, c’est faire un choix, opérer une sélection parmi les alternatives. La littérature propose une définition formelle de la notion de choix sous la forme d’une fonction [Hansson & Grüne-Yanoff 2012].

Fonction de choix

On appelle fonction de choix toute fonction permettant de sélectionner un sous ensemble nonvide d’alternatives au sein d’un ensemble donné.

Définition 1.1 (Fonction de choix).
Soit X un ensemble fini et non vide d’éléments. On appelle fonction de choix toute fonction c : 2X → 2
X définie pour tout sous-ensemble Y ⊆ X avec Y ≠ ∅ telle que :
1. c(Y) ⊆ Y ;
2. c(Y) ≠ ∅.

La première condition signifie que la ou les alternatives choisies doivent appartenir à l’ensemble auquel s’applique la fonction. La seconde condition indique la nécessité que le résultat de la fonction comporte au moins un élément pour qu’il y ait à proprement parler choix.

Remarque 1. De prime abord, on peut penser que la seconde condition ôte la possibilité de modéliser le refus. Imaginons par exemple que l’on vous propose un thé ou un café mais que vous ne souhaitez ni l’un ni l’autre. Dans ce cas de figure, il y a en fait une troisième alternative implicite dans la description du problème et on peut modéliser l’ensemble d’alternatives de ce problème de décision comme suit : X = {the, cafe, refus}. Ainsi, le refus comme l’abstention peuvent constituer des alternatives à part entière.

Dans cette définition classique de la fonction de choix, on considère que le résultat de la fonction peut contenir plusieurs alternatives. Autrement dit, cela signifie que l’ensemble des alternatives choisies conviennent  . La question du choix va généralement de pair avec celle de la rationalité, on trouve d’ailleurs les deux termes associés dans la Théorie du choix rationnel. La question qui nous intéresse dans la section qui suit est « Comment définir, au regard de ses choix, si un agent est rationnel ou non ? » .

Rationalité

Dans cette section, nous étudions la notion de rationalité d’un agent et ses différentes interprétations dans le cadre décisionnel. La rationalité est abordée à la fois dans les sciences humaines – notamment en Économie, Psychologie et Sociologie – ainsi que dans l’Intelligence Artificielle (IA), la Théorie des Jeux et les Statistiques. Dans le champ de l’IA, [Russell 1997] énonce qu’un agent est rationnel si « ses actions sont sensées étant données l’information dont dispose l’agent et ses buts ». Autrement dit, dans notre contexte, un agent est rationnel si ses actions sont issues d’un raisonnement en adéquation avec ses préférences. Ici, la rationalité consiste à choisir une alternative perçue comme étant la plus satisfaisante possible. Ainsi, on peut caractériser les fonctions de choix par des propriétés de cohérence (cf. [Hansson & Grüne-Yanoff 2012,Sen 1977]). Dans la littérature, ces propriétés sont généralement appelées α, β, etc. La propriété α établit que si un élément est choisi dans un ensemble d’alternatives, il l’est aussi dans tout sous-ensemble auquel il appartient.

Propriété 1.1 (Propriété α (ou de Chernoff)). Soit c une fonction de choix définie sur un ensemble d’alternatives X . On dit que c respecte la propriété α si et seulement si, pour tout sous-ensemble Y ⊆ X , on a [Y ∩ c(X )] ⊆ c(Y).

Cette propriété traduit l’indépendance vis-à-vis des alternatives non-pertinentes (souvent exprimée en anglais, independence of irrelevant alternatives). Elle est communément admise comme nécessaire à la rationalité d’un agent.

Exemple 1.1 (Fonction de choix ne respectant pas la propriété α). Considérons un décideur qui choisit l’alternative refus parmi l’ensemble X = {the, cafe, refus} et l’alternative cafe parmi l’ensemble X’ = {cafe, refus} (c(X’ ) = {cafe}). Une telle fonction de choix ne respecte pas la propriété α. On remarque en effet que ces deux choix ne semblent pas cohérents, la seule absence de the des options disponibles ne permettant pas de justifier le choix de refus plutôt que cafe.

La propriété β établit que si deux éléments sont choisis parmi un ensemble d’alternatives, la présence de l’un dans un sur-ensemble implique celle de l’autre.

Propriété 1.2 (Propriété β). Soit c une fonction de choix définie sur un ensemble d’alternatives X . On dit que c respecte la propriété β si et seulement si, pour tout sous-ensemble Y ⊆ X , pour toute paire d’alternatives {x, y} ⊆ c(Y), si x ∈ c(X ) alors y ∈ c(X ).

Exemple 1.2 (Fonction de choix ne respectant pas la propriété β). Considérons un décideur qui choisit les alternatives the et cafe parmi Y = {the, cafe, refus} et les alternatives cafe et chocolat parmi X = {chocolat, the, cafe, refus}. La fonction de choix employée ne respecte pas la propriété β. Au sens de cette propriété, ces deux choix sont incohérents, la seule présence d’une alternative supplémentaire (ici chocolat) dans les options disponibles ne constituant pas un critère rationnel pour disqualifier the tout en conservant cafe.

D’autres propriétés ont été envisagées pour modéliser la cohérence d’une fonction de choix, toutefois celles-ci ne font pas l’objet d’un consensus et nous choisissons de ne pas les présenter en détails ici.

Un agent rationnel vise à tirer la plus grande satisfaction des décisions qu’il prend. Pour ce faire, il s’agit pour lui de choisir les alternatives qu’il préfère. Ainsi, après avoir défini ce qu’était une fonction de choix, nous consacrons les sections suivantes aux préférences sur lesquelles vont se baser de telles fonctions.

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Table des matières

Introduction
Notations
1 Décision et modélisation des préférences
1.1 Introduction
1.2 Choix
1.2.1 Fonction de choix
1.2.2 Rationalité
1.3 Modèle de préférence ordinal
1.4 Modèle de préférence cardinal
1.5 Modèles de préférence multi-critères
1.5.1 Décision multi-critères
1.5.2 Préférences ordinales
1.5.3 Préférences cardinales
1.6 Synthèse
2 Communication entre les agents
2.1 Introduction
2.2 Langage
2.2.1 Théorie des actes de langage
2.2.2 Langage de communication d’agents
2.3 Dialogue
2.3.1 Typologie du dialogue
2.3.2 Protocoles d’interaction
2.3.3 Jeu de dialogue
2.4 Synthèse
3 Prise de décision assistée
3.1 Introduction
3.2 Méthodes et outils d’aide à la décision
3.3 Systèmes experts
3.4 Agents conversationnels
3.4.1 Perception et analyse des entrées de l’utilisateur
3.4.2 Expression de l’agent
3.4.3 Gestion du dialogue et raisonnement
3.5 Systèmes de recommandation
3.6 Synthèse
4 Agrégation des préférences
4.1 Introduction
4.2 Agrégation de préférences ordinales
4.2.1 Consensus
4.2.2 Préférences de Pareto
4.3 Agrégation de préférences cardinales
4.3.1 Bien-être utilitaire
4.3.2 Bien-être égalitaire
4.3.3 Bien-être de Nash
4.4 Synthèse
5 Processus de prise de décision collective
5.1 Introduction
5.2 Systèmes de vote
5.2.1 Critère de la majorité
5.2.2 Méthode Condorcet
5.2.3 Méthode Borda
5.2.4 Caractérisation des systèmes de vote
5.3 Négociation
5.3.1 Objet de négociation
5.3.2 Protocoles
5.3.3 Modèles décisionnels d’agents
5.3.4 Propriétés des protocoles de négociation
5.4 Synthèse
6 Conclusions de l’état de l’art
6.1 Vers un agent dialogique proactif
6.1.1 Modèle de préférence du décideur
6.1.2 Mode de dialogue homme-agent
6.1.3 Processus d’assistance à la décision
6.2 Vers un processus de décision collective équitable
6.2.1 Modèle de préférences des participants
6.2.2 Agrégation des préférences et évaluation sociale
6.2.3 Processus de décision collective
Conclusion

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