Dialogue, métacognition, autocorrection et identité épistémologique

Le processus de pensée

Lorsque nous pensons à un processus, nous imaginons généralement une «suite continue de faits, de phénomènes présentant une certaine unité ou une certaine régularité dans leur déroulement» ou encore un «ensemble d’opérations successives, organisées en vue d’un résultat déterminé» (Centre National de recherche textuelle et linguistique- CNRTL, consulté le 10 mars 2017).

Par exemple, dans le processus pour réaliser un gâteau, nous pouvons voir le pâtissier qui pèse ou mesure les différents ingrédients afin de les mélanger d’une façon et dans un ordre précis, pour produire telle ou telle réaction, qui fait ensuite cuire son mélange pendant un temps précis et enfin, qui termine par le glaçage et la finition. Le pâtissier a réalisé un ensemble d’actions et d’opérations organisées et ordonnées dans le but de produire un gâteau.

Le processus se conçoit assez aisément pour la pâtisserie. Toutefois, nous ne pouvons pas voir aussi facilement le processus de pensée de la personne qui pense. Nous ne voyons pas l’organisation et la coordination de l’ensemble des phénomènes et des opérations puisqu’il s’agit d’un processus abstrait qui se déroule généralement assez rapidement et souvent inconsciemment. Malgré cette difficulté à le percevoir, nous pouvons tout de même tenter de se le représenter par analogie.

Tout comme pour la pâtisserie, le processus de pensée est un ensemble de phénomènes actifs et organisés en opérations ordonnées aboutissant généralement à un résultat: un jugement. Lipman abonde dans ce sens en affirmant que «penser, c’est orchestrer de manière plus ou moins habile tous [les] actes et [les] états [mentaux]» qui «sont des composantes du processus de pensée» (Lipman 2011, p. 149). Cette définition qu’offre Lipman du processus de pensée rejoint celle préalablement établie.

Toutefois, elle caractérise, spécifie, le processus de composition et d’agencement de l’ensemble des actes et des états mentaux (phénomènes et opérations) de la pensée. Il ne s’agit plus d’une organisation et d’une coordination quelconque, il s’agit d’orchestrer.

Les habiletés de pensée et les attitudes

Nous avons vu que pour Lipman, le processus de pensée est composé d’actes et d’états mentaux. Bien qu’inséparable des autres actes mentaux, chaque «acte mental est fait de plusieurs opérations» (Lipman 2011, p. 141) comme nous l’avons expliqué pour l’acte de choisir. Il en résulte que le processus de pensée «consiste à transformer des actes et des états mentaux en habiletés de pensée» (Lipman 2011, p. 149). Or, cette transformation n’agit pas sur la nature du processus, mais elle simplifie davantage la compréhension des démarches et opérations qui le composent pour en faire de plus petites particules.

En ce sens, les habiletés de pensée sont les décompositions des actes mentaux, des démarches et des opérations en éléments plus simples. Bien entendu, cette simplicité reste relative puisqu’elles restent toujours en lien, en interrelation les unes avec les autres. La présentation du processus de pensée qui orchestre des actes mentaux qui se subdivisent en démarches et opérations et en habiletés de pensée peut comporter certains dangers.

Entre autres, Johnson et Seigel (2010) redoutent la technicisation de la pensée, c’est-à-dire de la réduire à la réalisation de certaines techniques ou procédures qui ne représentent pas l’ensemble du champ de la pensée. De plus, ils considèrent qu’une conception de la pensée passant par des habiletés entraîne un enseignement isolé de ces habiletés alors que penser est plus que la somme des habiletés. Par le fait même, ils craignent que l’aspect affectif ne soit ignoré dans la composition de la pensée. Les critiques faites par Johnson et Seigel sont d’un double intérêt. Elles mettent en lumière les dangers guettant une conception de la pensée passant par les habiletés de pensée et elles montrent la pertinence et l’originalité du modèle de Lipman qui, contrairement à d’autres modèles, passe le test de ces critiques.

La dimension vigilante

La dimension vigilante de la pensée, selon Lipman (2011), mobilise et orchestre les habiletés selon son mode particulier. La particularité majeure de cette dimension est qu’elle place les émotions au centre de cette mobilisation et de cette orchestration. «Les émotions forment et dirigent les pensées, les charpentent, leur confèrent un équilibre, un point de vue ou, mieux, plusieurs» (Lipman 2011, p. 250).

Les émotions ne sont plus en opposition à la pensée comme elles furent longtemps conçues: «il faudrait donc rejeter vigoureusement l’approche dualiste qui considère qu’il faut séparer le cognitif et l’affectif pour en faire deux fonctions distinctes et autonomes qui ne joueraient qu’en contrepoint» (Lipman 2011, p. 133). Au contraire, les émotions sont plutôt porteuses de croyances, offrant un cadre référentiel, focalisant sur quelque chose, éclairant ce qui a de l’intérêt, ce qui est saillant, sans nécessairement le déformer. (Lipman 2011) En ce sens, «les émotions concentrent l’attention» et «le champ émotionnel d’un individu contrôle ses jugements et leur justification» (Lipman 2011, p. 132).

En plaçant les émotions au centre de la pensée vigilante, Lipman veut rétablir la juste place qui leur revient dans la pensée. Par le fait même, il est en mesure de caractériser le processus de pensée dans sa dimension vigilante: «la pensée vigilante est donc celle qui procède de démarches cognitives: elle envisage d’autres solutions, trouve ou invente des relations, effectue des connexions parmi d’autres connexions, jauge des différences» (Lipman 2011, p. 250-252). Elle focalise sur ce qui est respectable, elle perçoit ce qui a de l’intérêt et elle l’apprécie à sa juste valeur.  En ce sens, elle est une pensée attentive et appréciative. Attentive puisqu’elle oriente le regard, la pensée sur ce qui a de l’intérêt, ce qui n’en a pas. Appréciative puisqu’elle évalue et attribue la valeur à ce qui en mérite ou pas.

La dimension critique

Si la pensée comportait seulement les dimensions créative et vigilante, elle manquerait probablement de structure. Bien que les habiletés de recherche et d’organisation de l’information impliquées dans un processus créatif et vigilant permettent d’aboutir à des connaissances qui ont du sens ou qui l’assurent, elles ne permettent cependant pas d’assurer une valeur de vérité au jugement. Par exemple, un juge pourrait imposer une sentence fort originale ou très attentive sans pour autant être crédible.

Pour une accusation de voie de fait avec blessures légères, il pourrait, par exemple, condamner l’agresseur à l’exil dans l’espace. Cette sanction serait originale, puisque personne ne l’aurait jamais appliquée, et attentive, puisqu’elle éviterait les récidives. Toutefois, ce jugement manquerait de crédibilité ou de validité. Ce qui assure la crédibilité et la validité d’un jugement, est la dimension critique qui mobilise et qui orchestre les habiletés de pensée et les attitudes pour donner de la force aux jugements. La dimension critique de la pensée oriente le processus de pensée afin de produire des jugements raisonnables et justifiés.

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Table des matières

Introduction
Chapitre 1 : Bien penser
1.1 Penser
1.1.1 Le processus de pensée
1.1.2 Composantes de la pensée
1.1.2.1 Les habiletés de pensée et les attitudes
1.1.3 Le produit de la pensée : les jugements
1.1.4 Les dimensions critique, créative et vigilante de la pensée
1.1.4.1 La dimension créative
1.1.4.2 La dimension vigilante
1.1.4.3 La dimension critique
1.2 Bien penser
1.2.1 La pensée compétente
1.2.2 Pensée réflexive
1.2.2.1 La pensée métacognitive
1.2.2.2 L’autorégulation de la pensée
1.2.2.3 L’épistémologie personnelle et la pensée réflexive
1.2.3 La pensée pluridimensionnelle
1.2.4 Le penseur compétent
Conclusion premier chapitre
Chapitre 2 : Bien penser en communauté de recherche philosophique
2.1 Le dialogue en CRP
2.1.1 Le dialogue pour bien penser
2.1.1.1 Dialogue, processus de pensée et habiletés de pensée
2.1.1.2 Dialogue, métacognition, autocorrection et identité épistémologique
2.1.1.3 Dialogue, pensée pluridimensionnelle, libre et responsable
2.2 La recherche en CRP
2.2.1 La recherche en CRP comprise par ses causes
2.2.1.1 La cause finale de la recherche en CRP : rétablir le sens et la vérité
2.2.1.2 La cause formelle : le processus de recherche
2.2.1.3 La cause efficiente : le questionnement
2.2.1.4 La cause matérielle : énoncés et les habiletés de pensée
2.2.2 La recherche pour bien penser
2.2.2.1 Recherche, processus de pensée et habiletés de pensée
2.2.2.2 Recherche, métacognition, autocorrection, identité épistémologique
2.2.2.3 Recherche, pensée pluridimensionnelle, libre et responsable
2.3 La philosophie en CRP
2.3.1 La philosophie en CRP pour bien penser
2.3.1.1 Philosophie, processus de pensée, habiletés et attitudes
2.3.1.2 Philosophie, métacognition, autorégulation, identité épistémologique
2.3.1.3 Philosophie, pensée pluridimensionnelle, libre et responsable
Conclusion deuxième chapitre
Conclusion générale
Bibliographie

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