Développements et nouveaux concepts pour les lasers solides ultraviolets

Découverte et principe physique

   Les lasers à excimère sont une catégorie particulière des lasers à gaz, dont le principe général est de changer l’état électronique d’une molécule de gaz par une décharge électrique : en revenant à son état initial, la molécule émet un photon de longueur d’onde dépendante de l’énergie de la transition concernée. Dans un laser à excimère, un gaz noble (argon, krypton…) est mélangé à un halogène (fluore, chlorure). Les deux gaz sont inertes à l’état fondamental, mais peuvent se lier lorsqu’ils sont dans leur état excité à la suite d’une décharge électrique : ils forment alors une molécule appelée excimère, le nom d’ « excimère » étant la contraction de « excited dimer » 9. Après une dizaine de nanosecondes environ, l’excimère se dissocie pour retourner à son état stable en émettant une radiation ultraviolette de quelques eV. Le très faible temps de vie du niveau émetteur nécessite des densités de pompage extrêmement importantes pour atteindre une forte inversion de population c’est pourquoi on ne trouve que des lasers à excimère impulsionnel en régime nanoseconde, l’émission en régime continu étant technologiquement très difficile à réaliser10. La figure I-8, (Basting et al. 2002), présente les différentes longueurs d’onde UV émises par les principaux lasers à excimère ainsi que le diagramme énergétique de l’excimère KrF*.

Sources laser industrielles

   Comme on l’a vu dans le chapitre « application », les sources ultraviolettes sont majoritairement utilisées pour le micro-usinage, ainsi que pour la spectroscopie. Leur montée en puissance va donc être conditionnée par les paramètres à augmenter. Pour la spectroscopie, le besoin en cadence des sources laser est généralement limité, tandis que le besoin en énergie est fort afin d’augmenter l’intensité des signaux reçus en réponse à l’impulsion. Pour répondre à ces besoins, il existe sur le marché des sources basses cadences (de 10 à 100 Hz) atteignant la centaine de millijoules sans problème. Le cas du micro-usinage est différent : une fois le seuil d’intensité crête d’usinage du matériau atteint, il est moins intéressant d’augmenter l’énergie de la source. Par contre, la cadence est extrêmement importante car elle définit la vitesse à laquelle on va pouvoir effectuer plusieurs opérations de micro-usinage successives : comme on le sait, le temps c’est de l’argent… La plupart des industriels des lasers proposent des systèmes de conversion de fréquence vers l’ultraviolet, souvent selon le modèle « laser+ module de conversion » : cette approche permet de garder une certaine modularité dans les produits proposés. Seuls des lasers dont le marché principal est dans l’ultraviolet disposent de produits spécifiques : Spectra Physics par exemple, possède une gamme de lasers UV nanoseconde spécifique, comme le QUASAR (355nm) ou le HIPPO (266nm), qui font partie des lasers UV les plus puissants du marché18, illustré ci-dessous en Figure I-11. En régime nanoseconde, on trouve également des sources à très basses cadences (quelques dizaines de Hz) qui permettent d’atteindre des énergies dans l’UV de plusieurs centaines de mJ (Modèle YG980 de Quantel par exemple : 850 mJ à 10 Hz à 355nm).

Calcul de l’efficacité de conversion d’un processus de SHG

 L’efficacité de conversion d’un processus non-linéaire de génération de second harmonique (SHG) est définie comme le rapport entre l’intensité I2ω du signal généré à 2ω et l’intensité Iω de l’onde fondamentale avant la conversion. Elle peut se calculer de différentes manières selon la précision nécessaire des résultats. En effet, si l’on veut rendre compte de tous les effets physiques, il n’existe pas de solution analytique au calcul de l’efficacité de conversion. Cependant, on peut faire plusieurs approximations permettant d’obtenir des résultats relativement précis. Plutôt que de détailler précisément le traitement théorique complet de la SHG, nous allons plutôt détailler les différents « niveaux de calculs » pouvant être utilisés et les conditions nécessaires à leur utilisation. Le but est au terme de ce chapitre d’avoir une visionprécise des paramètres pouvant augmenter l’efficacité de conversion, ainsi que ceux pouvant la réduire. Pour simplifier les notations, on n’étudiera que le cas de la SHG.

La vie réelle : faisceaux gaussiens et logiciels de simulation

  Toutes les équations évoquées précédemment ne suffisent malheureusement pas à modéliser correctement la majorité des expériences de conversion de fréquence. En effet, elles ne tiennent pas compte du profil gaussien de l’impulsion laser dans le domaine spatial et dans le domaine temporel. Ce problème peut être résolu en utilisant un code de simulation pas à pas (tel que MATLAB), dans lequel on séparera notre impulsion laser en différents pas dans l’espace et dans le temps. Dans le domaine spatial, il faut séparer notre faisceau gaussien en pas selon la largeur du cristal, chaque pas voyant une divergence différente liée à la courbure du front d’onde de l’impulsion. Dans le domaine temporel, il convient de séparer dans le temps le profil gaussien de l’impulsion en pas d’amplitude constante, auxquels on pourra appliquer les équations analytiques vues précédemment. Il existe plusieurs logiciels de simulation pouvant modéliser ces phénomènes. Le plus connu est développé par Arles Smith des Laboratoires Sandia (USA) et est appelé SNLO (Smith 1997) ; il a le grand avantage d’être complètement gratuit, ainsi que d’être extrêmement complet. Il prend en compte le profil spatial et temporel d’une impulsion fondamentale et donne des résultats très comparables aux expériences pratiques. Il a cependant un défaut : il ne permet pas de modéliser des effets de gradient thermique, effets qui apparaissent régulièrement dans le cadre de la conversion de fréquence vers l’ultraviolet. Malgré cela, et sauf indication contraire, toutes les simulations de conversion de fréquence réalisées dans ce manuscrit ont été réalisées avec ce logiciel.

Effets photochromiques (gray-tracking)

   Un matériau sujet aux effets photochromiques va, sous certaines conditions, voir sa structure chimique changer sous irradiation lumineuse. Ce processus est appelé différemment selon le matériau considéré. Il est connu sous le nom de photo-noircissement (photodarkening) dans certaines fibres optiques ; dans les cristaux non-linéaires, il est plus connu sous le nom de gray-tracking. Il s’identifie par l’augmentation de l’absorption du matériau au cours du temps. Cet effet est lié à l’apparition de centres colorés ayant des bandes d’absorption étendues dans l’infrarouge et le visible. Dans les cristaux de KTP, on parle par exemple de Green Induced InfraRed Absorption (GIIRA). La création de ces centres colorés est le plus souvent induite par un phénomène d’absorption à deux photons, qui va venir peupler des niveaux d’impuretés présents dans le matériau. Ce phénomène est fortement dépendant des intensités laser en jeu ; son seuil d’apparition dépend du matériau, de la longueur d’onde, du taux de répétition de la qualité cristalline etc… Pour le KTP utilisé en génération de second harmonique, on peut considérer que le seuil de gray-tracking se situe autour de 80 MW/cm² à 532 nm36(Boulanger & Fejer 1994). De manière pratique, on constate l’apparition de ce phénomène par une diminution graduelle de la transmission de l’échantillon. Ce phénomène est en général réversible, la vitesse de récupération de l’échantillon dépendant de la température du cristal. On peut également « nettoyer » les cristaux avec un laser ultraviolet. En ce qui concerne le choix d’un cristal, il faut éviter les cristaux présentant des effets de dommages photochromiques quand c’est possible. On parle souvent de gray-tracking lorsque ce phénomène apparait sous irradiation visible. Dans l’ultraviolet, la plupart des cristaux souffrent aussi d’absorption à deux photons dont la valeur dépend de plusieurs paramètres tels que la température du cristal, le taux de répétition du laser, la qualité cristalline etc.

Synthèse sur la dégradation des cristaux UV

   La dégradation des cristaux non-linéaires dans l’ultraviolet est probablement le point le plus critique des lasers ultraviolets. Elle limite fortement la puissance et la durée de vie des systèmes disponibles. Bien que ce point soit plus une problématique industrielle que scientifique, nous tacherons ici de décrire brièvement les phénomènes majeurs, ainsi que les solutions développées pour y répondre. On peut partir de la constatation du phénomène : lors de la conversion de fréquence vers l’ultraviolet, on observe de manière systématique que la puissance UV générée dans le cristal diminue au cours du temps. On constate en général que l’on peut retrouver partiellement la puissance maximale en se déplaçant dans le cristal non-linéaire. Il est extrêmement difficile de donner une explication simple à la dégradation UV des cristaux nonlinéaires, car elle résulte de multiples phénomènes que l’on peut classer en deux grandes catégories : les phénomènes de dégradation « intrinsèques » des cristaux, et les phénomènes de pollution par l’environnement. La dégradation intrinsèque des cristaux non-linéaires peut être reliée aux effets « parasites » des matériaux présentés dans la partie précédente, tel que les effets photoréfractifs ou photochromiques. Takachicho et al. ont notamment montré que la dégradation dans le CLBO était associée à des dommages de type photoréfractifs, tandis que la dégradation du BBO pouvait être reliée à des mécanismes d’absorption à deux photons (Takachiho & Yoshimura 2014). Il a été également montré que la qualité de polissage des surfaces des cristaux influait fortement sur la dégradation de cristaux LBO utilisés en conversion de fréquence vers l’UV (Hong et al. 2013)38. D’autres auteurs ont montré que les impuretés de silice utilisées lors du polissage jouaient un rôle dans la formation de dépôts sur les surfaces optiques (Möller et al. 2007).   Les effets de pollution par l’environnement sont prépondérants dans la dégradation des cristaux ultraviolets. De manière générale, la lumière ultraviolette va induire des dépôts de composés chimiques sur la surface des optiques qui peut entrainer une diminution de leur transparence. Parmi les contaminants, on peut citer en premier lieu l’eau contenue dans l’air, qui par effet hygroscopique dégrade les surfaces (Kawamura et al. 2009). De plus, de nombreux matériaux utilisés dans les boitiers lasers relâchent des gaz au cours du temps, qui vont former des dépôts sur les surfaces optiques. On trouve parmi ces matériaux les graisses, les plastiques, certains métaux, etc. Un exemple de matériau non adapté à l’ultraviolet est l’aluminium anodisé (présent sur la totalité des montures mécaniques bon marché) : les couches d’oxydes formant ce revêtement ont en effet tendance à piéger et à dégazer de nombreux composés chimiques. Ces phénomènes sont particulièrement étudiés lors de missions spatiales : en effet, les contaminations chimiques sont bien plus faciles sous vide, et la NASA met par exemple à disposition du grand public une liste de matériaux spécifiés pour dégazer peu de composés chimiques.

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Table des matières

Remerciements
Introduction
I. État de l’art des lasers ultraviolets
I.1 Applications des lasers ultraviolets impulsionnels
I.2 Systèmes lasers ultraviolets existants
I.2.1 Les lasers à excimère
I.2.1.a Découverte et principe physique
I.2.1.b État de l’art des performances des lasers à excimère
I.2.2 Les lasers solides pompés par diode
I.2.2.a Découverte et principe physique
I.2.2.b Sources laser industrielles
II. Théorie de la conversion de fréquence
II.1 Effets non-linéaires d’ordre 2
II.1.1 Principe général
II.1.2 Coefficient non-linéaire deff
II.2 Calcul de l’efficacité de conversion d’un processus de SHG
II.2.1 Expression sans déplétion du signal fondamental
II.2.2 Expression avec déplétion du signal fondamental
II.2.3 La vie réelle : faisceaux gaussiens et logiciels de simulation
II.3 L’accord de phase
II.3.1 Le quasi-accord de phase
II.3.2 L’accord de phase par biréfringence
II.3.3 Paramètres affectant l’accord de phase Δk
II.3.3.a L’acceptance angulaire et la double réfraction
II.3.3.b L’acceptance spectrale et le walk-off temporel
II.3.3.c L’acceptance en température
II.4 Limitations des matériaux non-linéaires
II.4.1 Propriétés liées à la croissance cristalline
II.4.1.a Taille des cristaux disponibles
II.4.1.b Seuil de dommage
II.4.1.c Seuil de transparence et absorption
II.4.2 Effets de dégradation des cristaux non-linéaires
II.4.2.a Effets photoréfractifs
II.4.2.b Effets photochromiques (gray-tracking)
II.4.2.c Hygroscopie
II.4.2.d Synthèse sur la dégradation des cristaux UV
II.4.3 Bilan des propriétés des cristaux non-linéaires
III. Développement d’une source laser a 237 nm
III.1 Dimensionnement de la source laser ultraviolette
III.1.1 Besoins en sources lasers UV de longueur d’onde non-standard
III.1.2 Choix de l’architecture
III.1.3 Choix des technologies
III.1.3.a Oscillateur pur ou MOPA ?
III.1.3.b Q-switch ou verrouillage de mode ?
III.1.3.c Choix de la fibre cristalline
III.1.3.d Système de conversion de fréquence
III.1.3.e Bilan de l’architecture
III.2 Développement de la source laser déclenchée à 946 nm
III.2.1 Rappel des propriétés spectroscopiques du Nd :YAG
III.2.2 Architecture finale du laser
III.2.3 Design de la cavité laser
III.2.3.a Mesures de lentille thermique
III.2.3.b Design cavité
III.2.3.c Mesures des profils de faisceau
III.2.4 Dépolarisation dans le Nd:YAG
III.2.4.a Rappels théoriques sur la dépolarisation
III.2.4.b Méthodes de compensation de la dépolarisation
III.2.4.c Mesures de dépolarisation
III.2.5 Régime déclenché
III.2.5.a Rappels théoriques sur le régime déclenché
III.2.5.b Choix du déclencheur
III.2.5.c Gestion du seuil de dommage par le coupleur variable
III.2.5.d Caractérisation des impulsions
III.3 Conversion de fréquence vers l’ultraviolet
III.3.1 Génération de second harmonique vers 473 nm
III.3.1.a Cristaux non-linéaires disponibles
III.3.1.b Choix des paramètres de conversion
III.3.1.c Expériences de doublement de fréquence vers 473 nm
III.3.2 Génération de quatrième harmonique vers 236,5 nm
III.3.2.a Choix des cristaux
III.3.2.b Choix des paramètres
III.3.2.c Mesures expérimentales de conversion vers 236,5 nm
III.4 Bilan et perspectives
IV. Nouveaux cristaux non-linéaires pour l’UV
IV.1 Propriétés du CBF pour la THG à 343nm
IV.1.1 Contexte
IV.1.2 Croissance de cristaux de CBF
IV.1.2.a Structure chimique
IV.1.2.b Méthode de croissance cristalline
IV.1.2.c Cristaux de CBF réalisés
IV.1.3 Génération de 3ème harmonique à 343 nm
IV.1.3.a Propriétés non-linéaires
IV.1.3.b Expériences de génération de 3ème harmonique à 343 nm
IV.1.4 Conclusion et perspectives
IV.2 Propriétés du BBO en croissance Czochralski pour la FHG à 257 nm
IV.2.1 Contexte
IV.2.1.a Croissance du BBO
IV.2.1.b Propriétés du BBO CZ pour la conversion de fréquence vers l’UV
IV.2.1.c Plan d’expérience
IV.2.2 Résultats expérimentaux
IV.2.2.a Caractérisation optique des cristaux
IV.2.2.b Génération de quatrième harmonique à basse puissance moyenne
IV.2.2.c Génération de 4ème harmonique à forte puissance moyenne
IV.2.3 Conclusion et perspectives
V. Accord de phase par contrainte mécanique
V.1 Etude théorique de l’accord de phase mécanique
V.1.1 Etude de la biréfringence de différents accords de phases
V.1.1.a Principe général
V.1.1.b Calcul des biréfringences correspondantes
V.1.1.c Choix du cristal à contraindre
V.1.2 Notions théoriques
V.1.2.a Contrainte mécanique et déformation
V.1.2.b Déformation et biréfringence induite
V.1.2.c Calcul global et simulation par éléments finis
V.2 Mise en contrainte de cristaux non-linéaires
V.2.1 Théorie du seuil de dommage d’un cristal
V.2.2 Design de la monture de compression
V.2.2.a Choix de la technologie
V.2.2.b Compression appliquée par vis
V.2.2.c Design de la monture mécanique
V.2.2.d Etalonnage de la monture
V.2.3 Mesures de photo-élasticimétrie
V.2.3.a Principe général
V.2.3.b Mise en place du banc de mesure
V.2.3.c Caractérisation de la mise en contrainte
V.2.4 Estimation de la biréfringence et accord avec la théorie
V.3 Accord de phase mécanique
V.3.1.a Schéma expérimental
V.3.1.b Résultats expérimentaux
V.3.1.c Conclusion sur les mesures
V.4 Perspectives et conclusion
Conclusion générale
Annexe 1 – lasers ultraviolets industriels
Annexe 2 – Longueurs d’onde accessibles par conversion de fréquence
Annexe 3 – SHG à haute puissance dans du PPRKTP
Annexe 4 – Conversions de fréquence vers l’ultraviolet
Liste des publications et conférences de l’auteur
Bibliographie
Développements et nouveaux concepts pour les lasers solides ultraviolets

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