Determinite naturelle de l’histoire

La philosophie hégélienne de l’histoire n’est pas simplement un exposé de l’humanité même si un tel exposé est essentiel en tant qu’élément d’une histoire. Cette histoire n’est non plus un exposé des événements contingents qui ont ponctué notre passé. Il s’agit plutôt de l’histoire de l’Esprit et de la conscience qui lui est relative. C’est dans ce sens que Hegel définit l’objet de l’histoire en ces termes : « Nous devons retenir d’abord que notre objet — l’histoire universelle — se déploie dans le domaine de l’Esprit. L’univers comprend la nature physique et la nature psychique».

Il y a donc chez l’homme une double réalité qui fait qu’il n’est pas que matière mais aussi Esprit. Ce que nous appelons matière ou nature, c’est ce qu’on appréhende chez l’homme, c’est ce qui se manifeste à l’extérieur de manière structurée et cohérente, c’est ce qui peut faire objet de science. Mais l’homme en tant que tel, est essentiellement Esprit. Il consiste à se poser comme sujet, comme être de réflexion. C’est en cela qu’il se différencie de la nature et de la matière inerte. L’homme vit dans un univers écartelé entre deux mondes qui s’opposent de manière évidente et radicale. D’une part nous avons un monde de la nature qui dans sa spontanéité apparaît indépendamment de l’action et de la volonté de l’homme. De ce point de vue le naturel apparaît d’abord comme cette totalité qui nous entoure et dont nous ne sommes qu’une partie : c’est l’ensemble constitué du règne animal, végétal et minéral. Dans un second aspect, le naturel apparaît comme ce qui appartient à la nature d’un être, ce avec quoi l’homme arrive au monde bref ce qui est inné. Mais le mot nature apparaît parfois pour désigner ce qui est constitutif à un être, ce sans quoi l’être n’est pas. Il est ici synonyme d’essence. L’univers reste d’autre part constitué de réalités dont l’existence provient du génie créateur ou transformateur de l’homme. C’est le monde artificiel de la culture, de la civilisation, de l’acquis bref de l’histoire. L’homme reste dans son corps un être biologique et naturel qui, par la formation et la culture bref par l’histoire, arrive à dépasser le naturel et l’immédiat. Seule l’histoire permet de dé gager les véritables caractéristiques de l’homme. Etant entièrement produite par les hommes, l’histoire est avant tout un processus de la réalisation de l’Esprit et partant de la liberté.

L’évolution de l’histoire ne saurait se séparer du chemin de la dialectique dans la mesure où l’histoire est un devenir. Le devenir parce qu’il est dialectique ne progresse pas de manière continue mais reste constitué de moments de crises dont la résolution constitue un pas vers la réalisation de l’idéal. L’idéal que poursuit ici la conscience est celui de la réalisation de la liberté et de la connaissance de soi. Mais ce que l’Esprit ne sait pas au départ, c’est que la liberté est constitutive de son être. Celle-ci est présente dès qu’il y a de l’Esprit donc en tout homme. Cette présence de la liberté en tout homme n’est qu’en terme de potentialité ; du moins tout au début. L’Esprit se révèle historiquement en se faisant conditionner par des facteurs géographiques.

C’est ainsi que l’Esprit apparaît d’abord en Orient où il représente le début de l’histoire, ensuite dans le monde gréco-romain avant de trouver sa réalisation complète dans le monde germanique. Ainsi, l’élévation de la conscience historique à l’Esprit universel et libre, obéit à ce triptyque qui part du monde oriental au monde germanique en passant par le monde gréco-romain. Cette histoire est celle de l’Esprit dans sa prise de conscience progressive de l’intérêt élevé de la liberté. Au début, lorsque l’histoire apparaît dans sa quête de soi en Orient, la liberté était posée comme le propre d’un seul homme. Le monde gréco-romain affirme que quelques uns sont libres tandis que le monde germanique, dépositaire de l’Esprit universel a su « que tous les hommes sont libres, que l’homme en tant qu’homme est libre » .

DETERMINITE NATURELLE DE L’HISTOIRE 

NATURE ET HISTOIRE

Déjà dans l’introduction aux leçons sur la philosophie de l’histoire, Hegel consacre de longs écrits au fondement géographique de l’histoire universelle. Mais il précise sur ce qui peut porter équivoque en montrant que l’influence de la nature n’est pas aussi déterminante : « En fait, il ne faut pas considérer cette connexion comme un rapport de dépendance signifiant que le caractère des peuples serait formé par la seule détermination naturelle du sol. L’Esprit ne doit pas être pensé comme quelque chose d’abstrait qui recevrait après coup son contenu de la nature ». L’homme vit dans une sorte de participation avec la nature. En effet, il y a chez l’homme une réalité ambivalente qui fait qu’il n’est pas que esprit mais aussi matière : « L’univers comprend la nature physique et la nature psychique» disait Hegel. Toute considération exclusive de l’homme comme simple réalité spirituelle ne saurait prendre en charge cette dimension ambivalente de l’homme. L’homme est un être naturel, il vit en harmonie avec la nature. Aussi, lui arrive t-il de subir l’influence des conditions naturelles telles que le froid, la chaleur, les plaines, les milieux marins…Il est à remarquer qu’on a pu not er une incidence des données purement naturelles sur les dispositions individuelles et collectives. La morphologie des habitants de la zone équatoriale peut s’expliquer par la densification de la forêt peu pénétrable aux géants. Dans le même ordre, les africains ont pu résister à la chaleur grâce à une protection de la mélanine sécrétée par leur peau et qui les protège du soleil. On peut de même dire qu’à chaque climat correspond un type d’individu capable de résister aux  conditions naturelles. La nature est de l’ordre de ce qui se manifeste de manière structurée et cohérente. Elle peut donc faire l’objet de connaissance et d’investigation. Mais l’homme, nous l’avons vu depuis Descartes consiste à se poser comme « sujet » et à se détacher de la matière qu’il considère désormais comme étrangère à lui. Seul l’homme parle, éprouve des sentiments et des passions, qui entrent dans une lutte dialectique avec la raison elle-même propre à l’homme. Lui seul a cette nature sociale régie par des règles, seul il est capable de faire des projections dans le temps, seul il a cette capacité de maîtriser la nature, de la transformer. Ces notions mettent en évidence deux mondes qui s’opposent de manière radicale avec d’une part un monde immergé dans la nature, le primitif, l’authentique et d’autre part avec un monde qui fait disparaître progressivement la nature sans cesse transformée par la modernité, la civilisation et la culture. L’appartenance moderne de l’homme au règne de la culture, où l’authentique fait place à l’artificiel pourrait conduire à penser qu’il n’a plus rien à voir avec le monde animal et avec la nature. Pourtant, l’homme reste incontestablement un être naturel, et il reste dans son corps un être biologique qui subit l’influence des conditions naturelles. Hormis le fait qu’il soit un être doté de raison, toutes les habitudes humaines de la procréation à la nourriture en passant par les moyens médicaux attestent notre appartenance au monde animal. Le corps de la femme par exemple avec son cycle naturel rappelle peut être le plus notre lien au rythme de la nature. Les règles menstruelles, le fait de porter durant neuf mois un autre que lui, l’accouchement…, renvoient à cette nature biologique. Mais il est vrai que l’homme ne peut parvenir à s’accomplir en tant qu’homme qu’en entreprenant par l’action du travail la négation de la nature extérieure et de sa propre nature à travers la culture. Les caractéristiques de notre espèce telles que l’aptitude au langage et au raisonnement, les sentiments, la faculté de créer, n’apparaissent en nous qu’au terme d’un processus de formation, de refus du naturel et de dépassement constant de l’immédiat. Il y a ici une idée de travail sur la nature en vue de produire et de re produire la vie avec cohérence et organisation parce que l’homme est le seul être obligé de se faire en faisant. Le travail est cet acte qui permet à l’homme d’une part de maîtriser la nature, de l’humaniser et d’y trouver sa subsistance. Mais ce n’est là que l’aspect primaire  du travail qui ne résout que les besoins du corps. D’autre part, le travail est plus profondément l’acte qui fait l’homme en tant qu’individu. Il est donc l’acte qui permet à l’homme d’entrer dans l’histoire mais aussi de se réaliser en tant que être libre. C’est donc dire que seul l’histoire permet de dégager les véritables caractéristiques de l’homme. L’histoire étant entièrement produite par l’homme, son contenu devient la seule réalité capable de nous conduire à la connaissance de l’homme. Œuvre de l’homme, l’histoire est avant tout processus de la réalisation de l’Esprit. En tant que processus donc, l’histoire est un devenir ; devenir de la conscience qui se déploie dans le temps pour la réalisation de sa propre liberté et pour la connaissance de soi. De là, nous pouvons déduire que seul l’homme a une histoire, car seul l’homme est un devenir conscient de lui même. La nature reste inanimée donc sans Esprit et sans histoire. Elle est de ce point de vue inférieure à l’homme qui seul manifeste la vie divine. Même ses actions les plus barbares sont plus élevées que la régularité mécanique de l’univers. Car l’action de l’homme est nous di t Hegel : « quelque chose d’infiniment plus haut que le cours régulier des astres, car ce qui erre ainsi est toujours l’esprit.» .

Mais nous l’avons dit plus haut, l’homme reste écartelé entre la nature et l’esprit. Cet écartèlement entre la toute puissante liberté de l’esprit et l’influence des conditions naturelles laisse apparaître une opposition entre nature et esprit. La matière est l’autre de l’esprit, sa négation : «De même que la substance de la matière est la pesanteur, de même la liberté est la substance de l’Esprit ». L’essence de la matière est de ce fait le déterminisme, c’est-à-dire l’autre de la liberté. La liberté en tant que mouvement qui vient de soi, est autonomie. Le déterminisme est un mouvement subi, venu de l’extérieur. C’est une doctrine selon laquelle tout dans la nature y compris les actions humaines est régi par des lois nécessaires. L’Esprit en s’incarnant dans la matière devient son autre que lui, sa propre négation. Il se trouve ainsi aliéné et éloigné de la liberté. Il s’aliène et se perd dans la matière qui est : « l’existence inconsciente de l’Idée divine ». Une telle existence est inconsciente de ses propres actes. Comme l’animal, un homme dans cet état réagit grâce à son instinct de survie ; on ne peut voir dans son œuvre le résultat d’un acte produit par la raison. Mais l’Esprit ne peut demeurer aussi longtemps dans cet état primitif puisque sa substance nous montre Hegel est la liberté, son but la connaissance de soi, sa réalisation ne peut passer que par l’activité et le travail contre la nature. Ce travail de l’Esprit consiste à se saisir progressivement, à transformer la nature pour la conduire à s’autodéterminer. La nature est ainsi travaillée à se nier elle-même, à se spiritualiser. La spiritualisation de la nature est le moment correspondant à la fin de l’histoire, moment que nous développerons dans la deuxième partie de notre travail. L’être vivant est le premier pas vers la nature spiritualisée. En tant que tel, il ne peut être réduit à l a nature inerte car l’être vivant est déjà un être spirituel. C’est avec l’homme que la nature se nie elle-même et dans cette négation, l’homme apparaît au dessus du monde naturel : « Après la création de la nature l’homme apparaît et s’oppose au monde naturel ; il est l’être qui s’élève dans un univers second. […] il est l’être en qui l’Esprit agit »  .

L’homme est l’être en qui l’Esprit se découvre lui-même et à travers l’éducation et la culture. Nous voyons par là, l’importance de l’éducation. L’observation empirique des processus d’humanisation a fini de montrer que l’homme est un produit de la culture donc de l’histoire. En effet, les hommes ont fini par observer de manière quasiment empirique que l’enfant qui à sa naissance serait retiré de la société, si par hasard il parvenait à survivre et qu’il soit adopté par des animaux ne redevenait plus jamais un homme normal. C’est un fait compris par les berceuses qui passent leur temps à chanter et à parloter avec les enfants. Tout semble indiquer que l’influence de la société relève de l’ordre de la nécessité pour toute condition d’humanisation. L’absence de stimulation des facultés humaines par un ba in culturel entraîne nécessairement une « inhumanité » caractéristique des enfants sauvages. Chercher à éduquer un enfant sauvage et à éveiller ses facultés restées à l’état de potentiel se révèle être une tâche difficile pour ne pas dire impossible car les stades du développement humain correspondent à des âges et l’absence de stimulation au moment adéquat produit un retard souvent irréversible. C’est le cas de Victor, un enfant sauvage dont la découverte est ainsi décrite par Lucien Malson : « En 1797, dans le Tarn, très exactement dans les bois de Lacaune, on voit jouissant d’une liberté insolite, un enfant nu, qui fuit tout témoin» . Au-delà donc de toute influence géographique comme le prétend Hegel, c’est essentiellement l’éducation qui permet à l’homme de s’adapter à la vie sociale. Il est d’ailleurs montré par la psychologie que le comportement d’un homme peut s’expliquer par les conditions dans lesquelles il a grandi. Immédiatement, l’homme n’est que potentialité, puissance pour emprunter un vocabulaire aristotélicien ; de devenir ce qu’il doit être «c’est-à-dire rationnel, libre ». L’animal termine aussitôt sa formation, mais sa croissance n’est que physique. La conscience humaine doit sortir de soi, affronter la réalité pour se saisir elle-même parce qu’elle est Esprit et sa substance est la liberté qui ne peut être conquise que par le travail . La négation de la nature par travail constitue le premier moment par lequel l’homme commence à entrer dans le monde de la culture et de l’histoire. C’est pourquoi Hegel précise : « L’homme est nécessairement en rapport avec la nature : toute évolution implique que l’esprit se dresse contre la nature et se réfléchisse en lui-même […] » .

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Table des matières

INTRODUCTION
I PREMIERE PARTIE: DETERMINITE NATURELLE DE L’HISTOIRE
I.1/ NATURE ET HISTOIRE
I.2/ LA CONSCIENCE ANHISTORIQUE : LE CAS DE L’AFRIQUE
I.3/ LA CONSCIENCE HISTORIQUE : DU MONDE ORIENTAL AU MONDE GERMANIQUE
II/ DEUXIEME PARTIE : LE PRINCIPE EVOLUTIF DE L’HISTOIRE
II.1/ LA PUISSANCE DU NEGATIF
II.2/ LA CONTRADICTION DIALECTIQUE ET LE PRINCIPE KANTIEN DE L’INSOCIABLE SOCIABILITE
II.3/ « LA RUSE DE RAISON »
III/ TROISIEME PARTIE : LE SENS DE LA REALISATION DE L’HISTOIRE
III.1 L’INCARNATION DE L’ESPRIT UNIVERSEL A TRAVERS LES PEUPLES ET PAR LES GRANDS HOMMES
III.2/ LA REALISATION DE LA LIBERTE DANS LES INSTITUTIONS POLITIQUES ET SOCIALES
III.3/ PEUT-ON PARLER DE LA FIN DE L’HISTOIRE
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

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