Déterminants sociaux de la mise en discours de l’image de soi

Déterminants sociaux de la construction de l’éthos 

La situation de communication désigne l’ensemble des paramètres fondateurs de l’échange communicatif. Elle suppose que toutes les productions langagières résultent d’un certain nombre de détermination. Ainsi, « toute dissociation de l’interaction en cadre, participants, finalités, actes, tonalité, instruments, etc., relève de cette préoccupation de retrouver les paramètres fondateurs » (Vion 2000 : 102). La notion de ‘’situation’’ est parfois confondue à celle de ‘’contexte’’ que la plupart des auteurs distinguent en contexte situationnel et contexte linguistique, ce qui suppose la désignation de deux réalités distinctes. La conception déterministe de la situation de communication fait l’objet d’un débat. Vion réfute l’intérêt d’une description du cadre et du lieu de l’interaction pour deux raisons. Premièrement il soutient le postulat selon lequel « l’individu ne réagit […] pas en fonction de la situation objective à laquelle il est confronté mais à partir de la représentation qu’il se fait de cette situation » (Abric 1987 : 56 cité par Vion 2000 : 102). La deuxième raison de son refus de la description des facteurs de la communication, réside selon ses propres termes, dans sa manière de rendre compte des catégories du sujet et du social. Il s’inscrit dans une autre perspective de la situation soutenue par Goffman : « sa conception dramaturgique de la communication fait obligation aux sujets d’effectuer leur mise en scène. […] Chacun des membres d’une interaction doit, dès le premier instant de la rencontre, se catégoriser socialement, en tant que soi, et contribuer par là-même à définir conjointement leur type de relation et la situation dans laquelle ils se trouvent engagés. […] Cette définition de la situation par les acteurs de la communication provient du fait que l’interaction est le lieu de positionnement réciproque et de la construction des relations sociales » (Ibid. : 103 104). Vion fait ressortir ici une tout autre conception de la situation de communication, qui est une construction des acteurs de la communication pendant le déroulement de leur échange, alors que la perspective déterministe met en avant le caractère prédéterminé des facteurs constitutifs de la communication. Mais il ajoute que « le premier échange n’est pas initié à partir d’un vide social, ou de la volonté de l’un et/ou l’autre des participants de présenter une définition de la situation. Dans bien des cas, la définition se trouve en quelque sorte effectuée à priori. […] Il existe donc une catégorie d’interactions pour lesquelles les sujets pourraient simplement se confirmer constamment qu’ils fonctionnent bien selon le cadre interactif prévu » (Ibid.). Nous en déduisons qu’une situation de communication se constitue à la fois de données extérieures à l’interaction à partir desquelles un échange s’amorce, et de données internes qui participent à sa construction et à sa redéfinition continuelle. La situation de communication est conçue comme donnée et construite à la fois. Nous estimons que l’interaction que nous étudions s’inscrit dans ces catégories d’interactions pour lesquelles les sujets se confirment qu’ils fonctionnent bien selon le cadre interactif prévu. En effet, les parlementaires béninois disposent du même statut social, les conditions d’exercice de leur fonction sont prédéfinies et déterminent leurs interventions lors de chaque débat, dont la thématique est connue à l’avance. Notre analyse de la situation de communication se réfère à ces éléments constitutifs du statut parlementaire : des participants saisis à travers un certain rôle, un cadre institutionnel, des buts, ainsi qu’un support et un mode de diffusion. Il existe de nombreux modèles permettant de décrire la situation de communication. La plupart mentionne le cadre participatif, le cadre spatiotemporel et la finalité de l’échange : « Pour définir la situation de façon externe, on fera référence à ses participants, à son cadre spatio-temporel et à son objectif » (Traverso 1999/2005 : 17). Ces critères situationnels rendent possibles l’interaction au sens de Catherine Kerbrat-Orecchioni : « L’existence d’une interaction présuppose d’abord que l’on ait co-présence en un même lieu d’un certain nombre de personnes entre lesquelles peut s’établir un contact au moins visuel. L’interaction véritable commence avec la « rencontre », où le groupe se structure autour d’un « foyer » commun, et où il y a concentration unique de l’attention intellectuelle et visuelle officiellement admise, concentration que tous les participants à part entière contribuent à maintenir. » (Kerbrat-Orecchioni 1990 : 112/113).

Le cadre participatif 

Le débat parlementaire, une interaction spécifique 

L’analyse du cadre participatif nécessite la caractérisation du type d’interaction duquel il procède. En tant que genre discursif, le débat parlementaire constitue un type particulier d’interaction dont la caractérisation permettra de mieux appréhender le cadre participatif. Que faut-il entendre donc par débat parlementaire ? Le terme ‘’débat’’ s’entend ici dans l’acception spécifique de « discussion organisée et dirigée». Le débat est considéré comme le pendant institutionnel de la discussion, genre informel et variante argumentative de la conversation. Le débat est donc un genre oral, mettant en jeu plusieurs débattants : « Le débat est un type d’interaction qui peut soutenir la comparaison avec la compétition sportive mettant en présence deux sujets » (Vion 2000 : 139).

Le débat parlementaire tout en remplissant les caractéristiques précitées, présentent quelques particularités relatives aux spécificités du parlement en tant qu’institution régie par des règles et des normes. Il met aux prises un nombre déterminé d’acteurs incarnant un rôle institutionnel (représentants élus du peuple), autour d’une thématique (ordre du jour), sous la direction d’un président de séance (on retrouve la figure de l’arbitre ou de l’animateur). Le cadre participatif d’une interaction est constitué par les participants à cette interaction, qu’il faut appréhender à partir de leur nombre, leur qualité ou rôle et les relations qui les lient.

Des acteurs institutionnels au cœur de l’interaction 

Les extraits constituant notre corpus résultent d’une interaction mettant en jeu des sujets béninois, hommes et femmes, acteurs sociaux ayant un statut institutionnel : représentants élus du peuple, dépositaire d’une souveraineté partielle qui leur confère une légitimité d’action, celle de légiférer et de contrôler l’action gouvernementale. L’action parlementaire est soumise à l’épreuve de la discussion, qui oblige chaque parlementaire à produire un discours toutes les fois qu’il se trouve en situation d’agir ou de décider. Au nombre de 83, les interactants sont réunis autour d’une thématique, le code électoral, objet de tous les discours produits pour la circonstance. Ils se reconnaissent tacitement comme partenaires, selon le principe d’une interaction. A ce titre et en tant que partenaires d’un échange verbal, ils sont émetteurs (locuteurs) ou destinataires (Allocutaires), à la fois, conformément aux exigences du genre (débat parlementaire) et du contrat de communication qui détermine l’institution à laquelle ils appartiennent. Comme locuteurs, les parlementaires béninois sont des producteurs de messages en lien avec la thématique du code électoral. Ils partagent un code linguistique commun (la langue française), revendiquent des convictions morales (compétences idéologiques), un savoir-faire (Savoirs théoriques, pratiques, connaissances techniques), et un savoir être. En tant que destinataires, ils sont des sujets qui assument une activité de réception. Erving Goffman (1973) distingue deux catégories d’allocutaires : les « ratified participants » ou allocutaires directs, et les « bystanders », ou allocutaires indirects :

– Les premiers sont ceux qui sont physiquement présents à l’intérieur de l’hémicycle lors du débat : tous les députés présents, le public admis en séances (les fonctionnaires parlementaires, les médias, les membres du gouvernement). A l’intérieur de cette catégorie, certains ont droit à la parole et d’autres pas ;
– Les seconds sont ceux qui ne sont pas physiquement présents au sein de l’hémicycle mais à qui le message peut être adressé, à commencer par le public, que Robert Vion voie comme la pièce maîtresse dans le jeu de séduction d’un débat : «L’une des caractéristiques du débat concerne l’existence d’un public. C’est ce dernier qui constitue l’enjeu, c’est lui qu’il faut convaincre car il est peu probable de pouvoir convaincre son adversaire » (Vion 2000 : 138-139). Toutefois, le public n’est pas voué uniquement à la séduction en politique, en raison du principe de publicité. Le public est garant de la publicité des débats, arguments et savoirs. Les destinataires indirects dans ce cas de figure sont les électeurs, les acteurs de la société civile, les militants des partis politiques représentés à l’Assemblée nationale, tout  citoyen béninois est visé par les discours produits, en raison du caractère publique de la séance, des modes de diffusion : retransmission en direct sur la radio du parlement, transcription du débat et publication d’un compte-rendu dans la revue du parlement, publication sur le site internet du parlement, couverture médiatique.

Une autre perspective de caractérisation des types de destinataire dans une interaction nous vient de Catherine Kerbrat-Orecchioni. Elle établit une distinction en trois figures du destinataire : le destinataire proprement dit ou allocutaire se définit par son explicitation comme partenaire de la relation d’allocution par l’émetteur, les destinataires indirects qui, sans être intégrés à la relation d’allocution proprement dite, fonctionnent comme les témoins de l’échange verbal et l’influencent de façon décisive, et enfin des récepteurs additionnels et aléatoires, dont l’émetteur ne saurait prévoir la nature (Kerbrat-Orecchioni 2012 :27). Chacune de ces trois catégories de récepteurs serait sujette à un nombre extrêmement varié d’éléments constitutifs, qu’elle fonde sur quatre axes. Trois de ces catégories se retrouvent dans le cadre participatif que nous analysons :

– présent + loquent : il s’agit des parlementaires présent à la séance et qui sont intervenus lors de l’échange.
– présent + non-loquent, les députés n’ayant pas pris la parole lors du débat, les fonctionnaires parlementaires assurant le secrétariat de séance et la transcription du débat, les journalistes couvrant la session ;
– absent + « non-loquent », le public constitué de citoyens béninois qui suivent le débat grâce à sa retransmission par la station de radio du parlement, les autres médias présents, la publication par voie de presse, le journal des débats, etc.

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Table des matières

Introduction
Chapitre I Déterminants sociaux de la mise en discours de l’image de soi
I.1. Le cadre participatif
I.2. Le cadre spatio-temporel
I.3. Des finalités aux enjeux divers
Chapitre II Modalités verbales de la construction de l’ethos
II.1. Caractéristiques formelles et relationnelles des énoncés
II.2. Les instances de la situation d’énonciation
Chapitre III. Ethos anticode et ethos procode
III.1. Considérations théoriques
III.2. L’ethos anticode : perpétuer le combat des pionniers du renouveau démocratique
III.3. Le progrès dans l’authenticité : marque de l’ethos procode
Chapitre IV : Les arguments de communauté : les valeurs et les lieux du préférable
IV.1. Caractérisation de l’auditoire visé
IV.2. Des valeurs communes ou source de dissension
IV.3. Les lieux du préférable
Conclusion
Bibliographie

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