Détection de microfissures par technique de corrélation d’images numériques

Analyse bibliographique

La CIN est une technique de mesure de champs de déplacement dont l’utilisation en mécanique des solides est assez récente [Burt et al., 1982; Sutton et al., 1983]. L’application principale de cette technique est l’estimation de champs de déformation. La mesure de champ sur une zone donnée permet de détecter et mesurer des phénomènes locaux en plus des moyennes également accessibles par des méthodes plus classiques (jauges de déformation, extensomètre, . . .). Elle est donc particulièrement bien adaptée à l’étude des matériaux hétérogènes [Bergonnier et al., 2005] ou de la localisation de la déformation [Desrues et al., 1985; Besnard et al., 2006]. Ces méthodes permettent également de s’intéresser aux phénomènes d’endommagement et de fissuration. Dans la plupart des cas [McNeill et al., 1987; Sutton et al., 1999, 2001; Abanto-Bueno et Lambros, 2002; Hamam et al., 2007; Decreuse, 2010], une seule grande fissure dont l’ouverture peut être plus ou moins importante est suivie. L’objectif est alors de mesurer avec précision sa propagation ou encore de quantifier les champs de déplacements en pointe de fissure. En fatigue, la première phase de l’endommagement consiste en un amorçage multiple de fissures courtes en surface (appelées microfissures) avant la propagation finale d’une fissure principale (ou macrofissure). Cette phase de multifissuration a déjà été mise en évidence par plusieurs études expérimentales [Ochi et al., 1985; Weiss, 1992; Malésys, 2007; El Bartali et al., 2008]. Ces fissures sont généralement courtes (≈ 150 µm) et ont une ouverture très faible (< 1 µm). Ainsi leur détection et quantification (nombre, positions, longueurs et ouvertures) restent expérimentalement difficiles. Cette difficulté conduit le plus souvent à ne s’intéresser qu’à la rupture ou à l’amorçage macroscopique (correspondant à une échelle bien supérieure) lors des essais de fatigue. La majorité des études ne permet donc pas d’obtenir des informations statistiques sur la phase de multiamorçage. Or l’étude expérimentale de cette phase initiale de l’endommagement est aujourd’hui essentielle pour quantifier l’évolution de la densité de microfissures amorcées, mais également pour obtenir des données sur les vitesses de propagation des fissures courtes ou encore sur les interactions que ces microfissures peuvent avoir les unes avec les autres.

Les travaux précédents qui se sont intéressés à la fissuration multiple utilisaient dans la majorité des cas la méthode de répliques de surface [Magnin et al., 1985; Hoshide et Socie, 1988; Chauvot et Sester, 2000]. Cette technique, qui consiste à réaliser des empreintes en utilisant un matériau polymère, permet d’avoir des résolutions spatiales très fines. Elle permet ainsi de s’intéresser aux tous premiers stades de l’amorçage. Ces répliques sont actuellement utilisées pour des études à la fois à très faible échelle comme pour de l’observation par microscopie à force atomique (AFM) des phénomènes précurseurs à l’amorçage de la fissure dans un grain et à plus grande échelle pour évaluer la densité de fissures qui s’amorcent en surface d’échantillon (nombre de fissures par unité de surface). Cette technique possède plusieurs inconvénients liés à la difficulté technique pour la mettre en œuvre (contact obligatoire avec l’éprouvette, risque de déchirement, . . .) ou encore au temps de prise de l’empreinte pendant un essai, ce qui peut conduire au fluage de certains matériaux lorsque l’empreinte est prise sous charge pour favoriser l’ouverture des fissures. Cette méthode nécessite également une phase de post-traitement très importante. Il faut généralement préparer la réplique (découpe, collage, métallisation), l’observer par microscopie (optique ou électronique), puis enfin compter et mesurer les différentes fissures détectées. Si cette méthode permet d’obtenir une résolution parfois exceptionnelle (≈ 10 nm), son utilisation reste délicate et longue.

Voilà pourquoi certains auteurs ont plutôt recours à une observation des phénomènes de surface [Man et al., 2002] directement sur les éprouvettes quitte à les sacrifier pour pouvoir les installer dans des appareils de mesure fine (AFM). Pour détecter des singularités à une échelle plus importante comme des amorces de fissures par exemple, il est également possible de s’affranchir des répliques en plaçant un microscope optique en face de l’éprouvette montée sur la machine d’essai [Polak et Zezulka, 2005]. La fissuration est également détectable par CIN du fait de l’impact de la présence des fissures sur les champs mesurés (déplacement, déformation ou résidu). Comme nous l’avons déjà évoqué, la CIN permet en effet de détecter des phénomènes de localisation de la déformation [Wattrisse et al., 2001; Besnard et al., 2006] y compris à l’échelle d’une microstructure [Héripré et al., 2007; El Bartali et al., 2008; Lebon et al., 2010] et la présence d’une fissure peut ainsi être perçue comme une localisation extrême de cette déformation. Dans le cas de l’observation directe d’images prises successivement lors d’un essai, les fissures ne peuvent être détectées que lorsque leur ouverture est supérieure à la taille du pixel de l’image. Or dans le cas de la CIN, les méthodes de calcul utilisent des algorithmes sub-pixels ce qui permet de détecter des fissures même lorsque leur  ouverture est inférieure à la taille du pixel.

Stratégies de détection utilisées

La donnée de départ de tout calcul de CIN est une paire d’images. La première correspond à une image prise dans la configuration de référence, on l’appelle image de référence. La seconde est appelée image déformée, elle est prise pendant la sollicitation de l’éprouvette, elle présente généralement une déformation non nulle. Dans notre cas, en plus de présenter une déformation non nulle, elle peut contenir plusieurs microfissures qui se sont amorcées au cours de l’essai. Ainsi, la deuxième image est une image déformée et “endommagée”. L’objectif est ici de quantifier au cours de l’essai cet état de multifissuration du matériau. Pour cela les deux méthodes de CIN utilisées sont basées sur une approche globale [Roux et al., 2002; Wagne et al., 2002; Besnard et al., 2006; Roux et Hild, 2006] ; le code de détection automatique (CIN-DDM) comportant pour sa part une étape de calcul local supplémentaire. La première étape du code de détection automatique, bien que basée sur une approche globale, est rapide car on ne cherche à déterminer que peu de degrés de liberté (ddl). Elle permet de déterminer les champs de déplacement dus aux mouvements de corps rigide ou aux déformations homogènes de l’éprouvette sans se soucier de son état d’endommagement. L’approche locale qui suit cette première étape teste à chaque pixel le gain sur le résidu de corrélation lié à la présence du champ de déplacement caractéristique d’une microfissure. Ainsi, cette deuxième étape permet de mesurer l’état d’endommagement par multifissuration que l’on peut détecter entre l’image de référence et l’image déformée une fois cette dernière corrigée par la mesure de déformation moyenne réalisée lors de la première étape de la méthode. Cette méthode originale de détection automatique de microfissures a fait l’objet d’un article [Rupil et al., 2011a]. Le code de corrélation d’images CIN-Q4 est également basé sur une approche globale mais pour laquelle le nombre de ddl est bien plus important. Ce code n’est en effet pas dédié à la détection de fissures et doit au contraire permettre de mesurer n’importe quelle forme de champ de déformation a priori. Dans le cas de l’application de ce code à la recherche du champ de déplacement particulier entourant une fissure de petite dimension, il est nécessaire d’utiliser une discrétisation spatiale très fine, d’où des coûts de calcul importants lorsque l’on traite de grandes tailles d’images. L’approche globale utilisée dans la CIN-Q4 et la première étape de la CIN-DDM est décrite dans la deuxième partie de ce chapitre. L’approche locale de la détection automatique de fissures particulière à la CIN-DDM est décrite dans la troisième partie. La quatrième partie présente des exemples d’applications pratiques des deux méthodes et compare les résultats obtenus. Enfin la dernière partie permet de conclure sur l’apport de la CIN pour la détection de la multifissuration en fatigue.

Détection automatique de microfissures par CIN

La seconde étape de la procédure CIN-DDM est une “analyse de sensibilité”, c’est àdire qu’un ddl supplémentaire est ajouté. Ce ddl correspond à la présence d’une microfissure. L’influence de la fonction supplémentaire sur le champ de déplacement est évaluée à chaque pixel. Comparé à un calcul de CIN global, il s’agit d’un problème plus simple puisqu’un seul degré de liberté est pris en compte. De plus, une seule itération est calculée de manière que la détection de fissure soit rapide. Néanmoins, un très grand nombre de valeurs de ce ddl sera considéré. Comme la position et la taille de la microfissure ne sont pas connues, toutes les positions possibles (correspondant à chaque pixel de la ROI) ainsi que plusieurs longueurs seront testées. Cela explique pourquoi il n’est pas envisageable de résoudre le problème de manière précise en itérant. Il s’agit ici de chercher le gain initial sur le résidu (une seule itération) lié à la prise en compte d’un champ de déplacement de référence additionnel. Une deuxième itération permettrait d’affiner la qualité de la quantification des fissures détectées mais devrait avoir peu d’impact sur la détection binaire de type présence ou non présence de fissure. La partie qui suit présente le cadre général de l’analyse de sensibilité. Puis une simplification est proposée et enfin une procédure de scan par Transformée de Fourrier Rapide est présentée afin de détecter la présence de fissures de manière extrêmement rapide.

Implémentation et application pratique

La partie précédente a présenté le cadre général de la méthode de détection. Celle-ci peut être utilisée quel que soit le champ test Ψ choisi. Il serait donc envisageable d’utiliser cette méthode pour détecter d’autres objets que des microfissures dont la présence a un impact local sur le champ de déplacement et dont la forme générale de ce champ est connue. Cette partie présente l’implémentation pratique de la méthode en décrivant notamment le choix du champ test de référence Ψ utilisé ainsi que l’algorithme itératif permettant de détecter et quantifier une ou plusieurs microfissures.

Description du champ test utilisé

Il est rappelé que Ψ est le champ de déplacement de référence pour une microfissure centrée à l’origine, de longueur et d’amplitude unitaires. Le choix d’utiliser un champ de déplacement test unique pour détecter les microfissures est une hypothèse simplificatrice étant donné que la forme, l’orientation et la profondeur des microfissures peuvent être très différentes. Néanmoins, cette hypothèse ne semble pas poser de problème pour la bonne détection des fissures. En effet toutes les fissures ont un impact quasi similaire sur le champ de déplacement (la forme globale du champ de déplacement entourant une fissure ne changeant que peu). Néanmoins, cela a plus d’impact sur la quantification des grandeurs caractéristiques des fissures (longueurs et ouvertures). Cet aspect est abordé dans la partie 4.2.2. Si le champ test ne correspond pas parfaitement au champ réel alors l’évaluation de ces quantités sera forcément erronée. Une autre hypothèse importante est l’orientation des fissures. Dans le cas des fissures très courtes, elles s’orientent dans la direction de la contrainte de cisaillement maximum (ce qui correspond au stade I de la propagation [Forsyth, 1961]). Dans le cas présent, seules les fissures orientées en mode I (stade II de la propagation) sont détectées. Un unique champ test Ψ est utilisé et de plus seule sa composante suivant la direction de chargement est considérée. En effet, la fissure étant orientée perpendiculairement à la direction de chargement, le champ de déplacement n’est affecté principalement que dans la direction de chargement. L’amplitude de ce champ de déplacement dans la direction perpendiculaire aux lèvres de la fissure correspond en fait à un champ d’ouverture de fissure. L’ouverture de la fissure (dont le champ correspond au champ de référence) vaut alors le double de l’amplitude χ. On peut donc constater que le calcul de l’amplitude revient à calculer la demi-ouverture de fissure théorique.

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Table des matières

Introduction
1 Détection de microfissures par technique de corrélation d’images numériques
1 Introduction
1.1 Analyse bibliographique
1.2 Stratégies de détection utilisées
2 Principe de l’approche globale de CIN
3 Détection automatique de microfissures par CIN
3.1 Analyse de sensibilité
3.2 Simplification du calcul
3.3 Optimisation de la vitesse d’analyse par transformée de Fourrier rapide
3.4 Implémentation et application pratique
4 Exemple d’application des deux méthodes
4.1 Détection de fissures à partir de deux images
4.2 Applications pratiques dans le cas d’un essai de fatigue
5 Conclusion sur la détection des fissures par CIN
2 Caractérisation expérimentale de la multifissuration en fatigue
1 Introduction
1.1 Le matériau étudié
1.2 Aspect bibliographique
2 Essais de multifissuration en fatigue mécanique uniaxiale
2.1 Protocole expérimental
2.2 Résultats
2.3 Bilan des essais uniaxiaux
3 Essais de multifissuration en fatigue mécanique biaxiale
3.1 Géométrie d’éprouvette et protocole expérimental
3.2 Résultats
3.3 Comparaison des résultats uniaxiaux et biaxiaux
3.4 Bilan des essais équibiaxiaux
4 Loi de multiamorçage de mésofissures en fatigue
4.1 Introduction
4.2 Principe général et hypothèses
4.3 Détermination de la probabilité d’amorcer une fissure dans un grain de surface
4.4 Application au cas des essais uniaxiaux
4.5 Conclusion sur la loi d’amorçage analytique proposée
5 Conclusion
3 Simulation numérique de l’endommagement par multifissuration en fatigue
1 Introduction
1.1 Code de dimensionnement RCC-M
1.2 Exemples de modélisations existantes
2 Détails du fonctionnement des modèles utilisés
2.1 Modèle stochastique de type Monte-Carlo
2.2 Simulation par calcul avec éléments finis cohésifs [Bares, 2010]
2.3 Modèle probabiliste continu [Malésys, 2007]
3 Modélisation des essais uniaxiaux
3.1 Modélisation stochastique
3.2 Modélisation probabiliste
3.3 Modélisation éléments finis cohésifs
3.4 Bilan des comparaisons entre simulations
4 Modélisation des essais biaxiaux
4.1 Modélisation probabiliste
4.2 Modélisation par éléments finis cohésifs
4.3 Bilan des comparaisons entre simulations pour le cas biaxial
5 Conclusion
Conclusion

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